Mars 1955, 10e année
« Ce n’est pas l’été; parce qu’en été la chaleur est torride et il y a souvent des orages. Ce n’est pas l’hiver parce qu’en hiver il y a des tempêtes et il fait froid; quand on pense que tant de malheureux en souffrent! Ce n’est pas non plus l’automne parce qu’en automne le soleil est absent et le temps est pluvieux. Voilà! Ma saison préférée, c’est le printemps, au réveil de la nature, quand les oiseaux reviennent de leur long voyage dans le sud, pour nous égayer de leurs chants, quand les feuilles commencent à pointer leurs petits bourgeons verts aux branches. Car voyez-vous, quand on est au printemps de la vie, comment ne pas aimer le printemps de l’année!
Maintenant j’en viens à ma fleur préférée : ce n’est pas la rose malgré sa beauté; parce que pour la cueillir on s’écorche les mains sur ses épines. Ce n’est pas la violette non plus parce que je n’aime pas le violet qui est une couleur de deuil. Ce n’est pas le muguet parce qu’il se fane trop vite. Voilà! Ma fleur préférée est le lilas, avec son parfum doux et léger, il embaume l’atmosphère; et j’aime le lilas parce que c’est une des premières fleurs du printemps et que le printemps est ma saison préférée! »
Avril 2015
Le très vieux cahier d’écolière dans lequel j’ai retrouvé des rédactions faites en dixième année, révèle une écriture inégale et peu soignée, mais au moins, je n’y trouve pas de fautes de grammaire, ni d’orthographe. Je me souviens très bien de ce texte, car j’en aimais le sujet. Cette rédaction étant datée de mars, bien évidemment, ma saison préférée était le printemps. Si le même devoir avait été donné en novembre, je me demande ce que j’aurais écrit…
Ma saison préférée est toujours le printemps, bien que je ne sois plus au printemps de la vie. L’espérance qui m’habite, même dans les heures les plus sombres, est fille du printemps. Pour ce qui est des autres saisons, disons qu’en novembre, j’ai hâte à l’hiver, parce que les jours gris de ce mois de mon anniversaire me font l’humeur chagrine et que j’ai hâte à Noël, comme les enfants et toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, croient encore au Père Noël! Après le temps des Fêtes, je trouve l’hiver très beau pendant un mois ou deux. Par la fenêtre, je me plais à regarder tempêter la neige, rugir le vent et tourbillonner la poudrerie. Sans doute est-ce un effet de l’âge, mais de plus en plus tôt en mars et souvent même en février, j’ai hâte au printemps. Cette saison est celle des nuances. On passe du blanc sale, au gris, puis au noir et timidement le vert fait son apparition, sur le sol et dans les arbres, du vert tendre jusqu’au vert le plus éclatant. Toute cette verdure semble avoir été mise en place pour préparer la venue du roi Été qui s’amène chargé de fleurs, dans toute sa gloire! Comment de pas l’aimer! C’est le temps des vacances, des promenades sur la terre et sur l’eau; cette saison a des splendeurs de carte postale. On est bien dehors à l’ombre, on ne s’en lasse pas et on voudrait que le temps s’arrête. Par contre j’avoue que je n’aime pas les chaleurs lourdes où on n’a plus envie de bouger. Heureusement, dans notre coin de pays au bord du fleuve, si la température est plus humide, elle est tempérée par le vent toujours plus ou moins présent. Puis les jours raccourcissent, les oiseaux font déjà leurs bagages, et voici l’automne, le magnifique, incontestablement le plus beau, avec ses couleurs qu’aucun peintre ne peut rendre avec justesse. Ses journées sont d’une douceur qu’on ne retrouve pas en été. Magnanime, il nous offre un assortiment de fruits et de légumes, pour se faire pardonner de devoir partir si vite. Mais voilà! L’automne, c’est la fin d’une histoire et je n’aime pas les choses qui finissent. C’est pourquoi je préfère le printemps et sa beauté qu’on devine à peine au début et qui se révèle petit à petit. Chaque jour fait éclore une nouvelle feuille, une fleur, tandis que dans un arbre, chante un oiseau qui n’était pas là hier. Printemps, saison de renaissance… ma saison préférée!
Ma fleur préférée n’est toujours pas la rose, trop parfaite, sans doute. Les pissenlits, même s’ils ne sont pas jolis, méritent notre admiration. Ce sont des fleurs courageuses, on ne les aime pas; mais les tondeuses ont beau les écraser de tout leur poids, les pissenlits se relèvent chaque fois et suivent le cours de leur existence jusqu’à devenir ces petites boules duveteuses dont les enfants – et les grands-mères un peu folles, s’amusent à souffler les graines au vent. Les marguerites se laissent effeuiller sans protester, comme si leur beauté ne devait servir qu’à ça. Évidemment, j’aime toutes les fleurs du printemps, dont les premières, les braves crocus, jacinthes et tulipes. Mais ce ne sont pas là mes préférées. Vraiment, il m’est impossible de choisir entre les muguets odorants, qui me rappellent de si jolies chansons, et les lilas, ces délicates grappes mauves dont le parfum est celui de mes jeunes années. Car voyez-vous, quand on n’est plus au printemps de la vie, on ne cesse jamais d’aimer le printemps de l’année ainsi que les fleurs qu’il nous offre si généreusement!
© Madeleine Genest Bouillé
Comme tu es belle Madeleine!
C’est toujours un plaisir de te lire, Colette Johansen.
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