Notre premier chez-nous

Comme je l’ai déjà mentionné, nous nous sommes mariés le 24 juin 1964… il y a déjà cinquante-cinq ans! C’est pas croyable comme ça passe vite. Après la lune de miel en Gaspésie, nous entrions dans notre premier « Chez-nous ». Sauf que ce chez-nous, nous le partagions avec la Caisse Populaire jusqu’à la construction du nouvel édifice, à l’automne 1969. Nous avons donc vécu dans cette maison jusqu’en 1971, alors que nous  déménagions dans notre demeure actuelle avec nos trois garçons.

Si vous avez notre âge ou à peu près, vous vous rappelez que dans les années 60, la mode était au style scandinave. Avant notre mariage, nous avions été magasiner notre mobilier chez Meubles Gaston Perron. On avait acheté l’ensemble trois pièces, salon, cuisine et chambre à coucher. Le réfrigérateur, la laveuse (à tordeur), de même que le téléviseur provenaient de chez Naud Électrique à Deschambault. Nous n’avions pas acheté de poêle, puisque nous reprenions celui qui était dans la maison. Nous étions fiers de nos achats. C’était tout nouveau, tout beau! Je ne me souviens plus où j’avais acheté les tentures du salon, je me rappelle cependant que pour la cuisine et la chambre à coucher, j’avais acheté du tissu et ma mère avait cousu les rideaux.

La maison était grande, et cela même si le salon double était dévolu aux locaux de la Caisse Populaire. Habituée que j’étais à la vieille maison de mes parents, surchargée de meubles hétéroclites, ce premier nid me semblait vide… Au début nous n’habitions que le rez-de-chaussée. Le premier automne, j’ai eu mon piano qu’on avait placé dans le salon double; je ne pouvais en jouer que lorsque la Caisse était fermée, mais qu’importe, je m’en contentais! La pièce à l’arrière – deuxième rallonge, a été utilisée comme chambre à coucher jusqu’à l’automne 1966, alors que nous y avons aménagé notre salon. Le mobilier et les tentures étaient de couleur « orange »… on n’y échappait pas! C’était LA couleur à la mode. On avait peint deux des murs en brun « chocolat au lait » et les deux autres en blanc. Nous avions aussi fait l’acquisition d’un meuble stéréo – radio et tourne-disque. C’était le bonheur!

Dans le temps, il y avait souvent des soirées de cartes qu’on appelait « Euchre »; chacune des associations paroissiales avait le sien, qui était alors la levée de fonds annuelle. L’année avant notre mariage, lors d’une de ces soirées, j’avais justement gagné une table à téléphone, munie d’un siège et d’une lampe. J’étais tellement contente d’avoir gagné ce prix! Je ne savais pas alors où nous irions demeurer; la date du mariage n’était même pas fixée, mais pour moi, où que ce soit, il y aurait une place pour mon petit meuble, que j’imaginais tellement pratique!  Finalement, dans notre chez-nous, nous avions un téléphone mural, alors le petit meuble a quand même servi, mais pour autre chose… jusqu’à ce que mes gamins l’utilisent comme char d’assaut ou autre instrument. C’était joli, mais pas très résistant!

En avril 1965 naissait notre premier enfant. Il fallut acheter un lit, une petite commode, que j’avais décorée avec des autocollants, ainsi qu’une chaise haute, un parc et un petit siège d’auto; on était loin alors des sièges que les enfants utilisent aujourd’hui. Surtout que dans l’auto, la plupart du temps, je tenais le bébé sur mes genoux! Et personne n’était attaché… autre temps, autres mœurs! C’est à l’occasion de l’arrivée de notre premier fils que nous avons reçu notre première chaise berçante, cadeau de mon petit frère Georges! À l’automne 1966, après l’annonce du deuxième bébé, nous avons alors aménagé la grande chambre à l’étage pour nous et une plus petite pour les enfants. Maman a encore cousu des rideaux…

Quand nous avons emménagé dans la maison ou nous demeurons toujours, nos fils avaient six, quatre et deux ans. La petite sœur est arrivée en 1975. Même si ce nouveau chez-nous était moins spacieux, avec des plafonds plus bas, nous le trouvions plus clair et plus chaleureux. Dehors, il y avait plus d’espace; il y avait aussi le fleuve juste en face, avec la grève où l’on pouvait aller jouer. Nos oisillons ont grandi, tous sont sortis du nid; ils y reviennent heureusement assez souvent avec les conjointes et conjoint ainsi que les petits-enfants qui sont au nombre de neuf!

© Madeleine Genest Bouillé, 20 juin 2019

Un voyage dans le temps

Je me lève toujours avec une chanson dans l’oreille. Évidemment, je ne choisis pas et ça peut être n’importe quoi; parfois même un air que je n’aime pas du tout. Ce matin, c’était une vieille chanson qu’on entendait à la radio chaque midi; la chanson-thème de l’émission « Le Réveil Rural ». Cette émission débutait à midi et demie, du lundi au vendredi, et je connaissais par cœur la chanson : « C’est le réveil de la nature, tout va revivre au grand soleil ». C’était presque l’heure de  retourner au couvent pour l’après-midi, les cours recommençant à « une heure moins dix »  comme on disait dans le temps. Alors m’est venu le goût de faire encore une fois un petit voyage à l’époque de mes études au couvent de Deschambault…

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

Jusque dans mes dernières années, chaque matin, sauf le jeudi, nous commencions notre journée de classe au son de la cloche, à 8 heures 20. Mon voyage aura lieu disons, en 1954,  je suis en 8e année. C’est une belle journée de février, comme celle qu’on a connue le lundi 5, pas trop froide et ensoleillée. Je ne marche pas très vite, avec mon gros sac d’école rempli de cahiers et de livres pêle-mêle. Nous portons encore l’ancien uniforme de notre institution; la robe noire, un peu trop grande, car il faut qu’elle puisse faire au moins deux années. Hier on a changé les dentelles qui ornent les poignets et le col de cette tenue austère, car ces modestes ornements doivent être impeccables… surtout qu’on attend la visite de la Mère supérieure provinciale dans le courant de la semaine. Notre professeur tient à être fière de ses filles. On est dans l’Académie quand même!

Comme tous les autres jours, celui-ci débute par la prière qui est suivie d’un cantique. Lundi, on implore le Saint-Esprit; on aura bien besoin de ses lumières! Mardi, c’est le tour de notre ange gardien et le mercredi est consacré à Saint Joseph. Jeudi étant jour de congé, nous nous retrouvons le vendredi matin, à prier le Sacré-Cœur de Jésus, tandis que le samedi est comme de juste, dédié à la Sainte Vierge Marie. Et les cours se succèdent, en commençant par le catéchisme. Ensuite, vient l’arithmétique ou le français, avec entre les deux, la récréation qui est très bienvenue. Ça passe vite quand même, la cloche sonne : il est 11 heures moins dix! On descend à l’externat (aujourd’hui le vestiaire) où on s’habille et on babille, et c’est le retour à la maison. Le temps d’enlever manteau, chapeau, foulard, mitaines et bottes, de rendre compte de mon avant-midi et il est déjà presque 11heures et demie. À la radio j’entends frapper : « Qui est là? »… « Les Joyeux Troubadours! »… « Mais entrez voyons! » La chanson-thème, interprétée par Estelle Caron et Gérard Paradis, commence ainsi : « Durant toute la semaine, les Joyeux Troubadours, ont confiance en leur veine, et rigolent toujours… » L’animateur était Jean-Maurice Bailly, qui était aussi commentateur à la Soirée du Hockey. On dinait à midi, en écoutant « Jeunesse dorée » jusqu’à midi et quart et ensuite « Rue Principale », les radioromans que nos mères, pour la plupart, écoutaient religieusement, tout en s’occupant du dîner.  Elles faisaient régulièrement deux choses à la fois!

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Comme je l’ai mentionné au début de ce texte, « Le Réveil Rural » nous retournait dehors, alors qu’on serait bien demeurés à la maison une autre petite demi-heure, surtout quand il faisait tempête. Les cours de l’après-midi étaient plus variés étant donné que selon le jour de la semaine, on alternait entre les matières moins importantes, tels l’histoire, la géographie, l’anglais, le dessin et l’enseignement ménager, cours qui était parfois donné à la cuisine de Mère Saint-Fortunat. On allait volontiers à ce cours qui se terminait souvent par une dégustation. J’aimais beaucoup moins quand l’enseignement ménager consistait en un cours de tricot ou de broderie, ouvrages dans lesquels je n’ai jamais excellé. L’après-midi était aussi entrecoupé par une récréation. Quand il neigeait, nous passions ce moment dans la « salle des filles » (maintenant le théâtre Élise-Paré). On chantait, on faisait des rondes comme « Trois fois passera la dernière, la dernière y restera »; on riait et on criait beaucoup! Ça faisait du bien de se défouler, car le silence était de rigueur durant les cours. Pendant l’hiver le mercredi, les cours se terminaient plus tôt, car nous allions à l’église pour la prière du Carême. Je n’ai pas de très bons souvenirs de cette sortie; sans doute parce que je n’ai jamais passé un hiver sans tousser quelques semaines, quand ce n’était pas un bon mois! Un rien pouvait déclencher la quinte de toux : la descente du deuxième étage jusqu’à l’externat où l’on s’habillait à la hâte, et ensuite il fallait se dépêcher pour ne pas être en retard à l’église. Était-ce le contraste entre chaud et froid? Bien que petite pour mon âge, j’étais facilement essoufflée, alors, après dix ou quinze minutes de récitation du chapelet à voix haute, je commençais à tousser! Quelqu’un me passait une pastille; la bonne mère qui nous accompagnait se  dérhumait, sans doute pour que j’en fasse autant… Rien n’y faisait! C’était vraiment mon calvaire!

Septembre 1949, les élèves du couvent.

Les autres jours de la semaine, les cours se terminaient à 4 heures moins dix. Pour les élèves qui restaient à l’heure de l’étude, de 4 heures 20 à 5 heures 20, il y avait une période de récréation. Les pensionnaires prenaient leur collation dans le « réfectoire des filles » (la salle du rez-de-chaussée), tandis que les externes avaient le choix, soit de demeurer à l’externat pour prendre leur goûter ou de sortir et aller s’acheter une friandise au magasin de mademoiselle Corinne Paris (où se trouve de nos jours la boulangerie). C’est justement lors d’une de ces sorties à l’heure de la collation que j’avais un jour commis une faute impardonnable! Eh oui! Succombant à la tentation que représentait pour moi une tablette de chocolat Caramilk à 5 sous, j’avais utilisé les quelques sous destinés à la Sainte-Enfance, pour m’acheter cette friandise tant convoitée! Durant le Carême, en plus!

Mais heureusement dans ma vie d’écolière, il n’y avait pas que mes gros rhumes, le Carême et la Sainte-Enfance! Il n’y avait pas non plus que des cours de mathématiques… Et l’hiver passait, pas moins ni plus vite que maintenant. Chaque jour, à midi et demie, j’entendais « Le Réveil Rural » qui me disait : « Ô la minute libre et pure de la campagne à son réveil… autour de toi, l’instant proclame l’amour, la paix, la liberté! » Sur ces   belles paroles, je partais pour une autre demi-journée d’école, avec la belle insouciance de mes 13 ans!

© Madeleine Genest Bouillé, 7 février 2018

Je croyais au Père Noël

Eh bien oui, jusqu’à un certain âge, je croyais au Père Noël. Contrairement aux enfants des temps modernes qui le voient « en chair et en os » un peu partout dans les endroits publics et les parades, dans mon jeune temps, surtout à la campagne, nous n’avions que peu de chance de rencontrer ce sympathique bonhomme à barbe blanche, sauf si nos parents nous emmenaient aux grands magasins comme chez Paquet ou au Syndicat de Québec. Je précise que nous n’avions pas encore la télévision; nos images du Père Noël étaient celles qu’on voyait parfois sur la page couverture des magazines auxquels nos mères étaient abonnées, ou sur les journaux; et plus souvent qu’autrement, ces photos étaient en noir et blanc. Ce cher Père Noël n’avait donc pas plus de consistance pour nous que les anges ou les saints imprimés sur les images pieuses que nous recevions à l’école, en récompense de nos bonnes notes.

Parlons-en des bonnes notes! Après la classe des « petits » aux couvent, c’est-à-dire les 1ère, 2e et 3e années, on arrivait dans celle des 4e et 5e années. Nous n’étions plus des bébés. Et c’est là que j’ai vécu mes premiers vrais problèmes. J’avais appris à additionner et soustraire, c’était compréhensible, mais là, il fallait résoudre toutes sortes d’énigmes, avec des paniers de pommes et de pêches qu’il fallait distribuer et ça n’arrivait jamais égal pour tout le monde, ou encore des tartes divisées en  tellement de parts, que c’est à peine si on peut y goûter! Je n’y comprenais rien. Et j’étais tellement persuadée que je n’y parviendrais jamais que je ne me forçais pas du tout. D’après moi, la Sœur qui nous enseignait, aussi bien que mes parents, auraient dû comprendre que l’arithmétique, ça n’était pas pour moi! Alors, je négligeais de noter mes devoirs, je faisais un problème de temps à autre pour montrer ma bonne volonté, mais je laissais tout ce qui était trop difficile. Ce n’était pas de ma faute, je n’avais pas de talent pour les chiffres! J’étais vraiment incomprise.

Cette année-là, on m’avait dit que si je faisais des progrès en arithmétique, j’irais voir le Père Noël et je ferais un tour dans le nouveau petit train au magasin de la Compagnie Paquet. Je tentai de mettre un peu plus d’ardeur, mais j’avais pris du retard dans mes problèmes et j’ai évidemment échoué mon examen pour le bulletin de décembre. J’ai compris cette fois-là que les adultes sont parfois bien loin d’être gentils! Nous avons été magasiner à Québec; il me fallait des bottes d’hiver. On m’a même emmenée à l’étage du Père Noël. Là, je l’ai vu, de loin. J’ai bien vu aussi le petit train tout rouge, rempli d’enfants qui riaient et qui criaient de joie… et nous sommes redescendus, puis nous sommes sortis du magasin, nous avons repris l’autobus et nous sommes rentrés à la maison! Je croyais toujours au Père Noël, surtout depuis que je l’avais vu. J’espérais donc qu’après la punition que j’avais reçue, peut-être qu’il aurait pitié de moi et que je recevrais quand même des étrennes à Noël… Je ne me souviens pas ce que j’avais demandé, mais j’ai reçu les jouets désirés.

L’année suivante, quelqu’un m’avait suggéré d’envoyer une lettre au Père Noël en lui précisant ce que je désirais recevoir en cadeau. Je commençais à me demander s’il existait vraiment, même si, on l’entendait chaque jour à la radio, aux environs de 4 heures, lorsque que nous étions de retour de l’école. Au cours de cette brève émission, le Père Noël disait un court message, mais surtout, il défilait une liste de prénoms d’enfants, lesquels avaient, parait-il, été sages. J’écoutais chaque jour et mon prénom n’était jamais cité. Cela m’inquiétait bien un peu… pourtant il me semblait que je n’étais pas si tannante que ça. À l’école, ça allait bien, l’arithmétique me causait encore quelques problèmes, mais je m’en sortais quand même pas si mal. J’avais appris ma leçon l’année d’avant.

Je décidai donc d’écrire au Père Noël. On m’avait donné une adresse très facile à retenir : Père Noël,  O-O-O, Pôle Nord. Je me préparai en secret car j’avais un peu peur qu’on me taquine à ce sujet. N’ayant pas de papier à lettre, j’arrachai une page de mon cahier de brouillon afin d’y rédiger ma missive. Chaque année, en décembre, nous écrivions la lettre du Jour de l’An pour nos parents, laquelle était jointe à notre bulletin du mois de décembre. Je n’aimais pas cette lettre, car on copiait tous la même lettre que notre professeur avait écrite au tableau. Je pris quand même cette composition comme modèle. Une compagne un peu curieuse, qui trouvait sans doute que j’écrivais beaucoup, finit par découvrir que j’écrivais au Père Noël. Elle était un peu plus âgée que moi et elle se mit à rire : « Quoi? Tu crois encore au Père Noël? Voyons donc, c’est rien que des menteries! C’est bon pour les bébés.». J’étais en colère et je lui répondis : « C’est pas de tes affaires. » Je terminai ma lettre et, l’école finie,  je rentrai à la maison.

Mine de rien, je déposai mon enveloppe dûment adressée avec les autres lettres qui devaient être postées le lendemain. C’était ainsi qu’on procédait, on achetait au bureau de postes les timbres dont on avait besoin. J’étais donc certaine que ma lettre s’envolerait vers le Pôle Nord! Mais, comme on disait dans le temps, c’était « arrangé avec le gars des vues »! La lettre en question n’est pas allée plus loin que la porte… quelqu’un dans la maison l’a ramassée et s’est chargé de noter les demandes pour le Père Noël. Je me souviens que j’avais demandé un petit téléphone « à cadran », très nouveau, puisqu’on en était encore au téléphone avec un cornet acoustique accroché à une boite munie d’une manivelle avec laquelle on sonnait pour rejoindre le central. J’avais même précisé le numéro et la page dans le catalogue chez Simpson’s Sears. J’avais demandé aussi une maison de poupée. À Noël, j’ai reçu le téléphone, exactement celui que j’avais demandé, et qui était illustré dans le catalogue, j’avais aussi la belle maison de poupée en carton bleu. Mais je ne sais pourquoi, malgré que j’avais reçu les cadeaux commandés, je demeurais septique… Peut-être bien qu’au fond, je n’y croyais plus au Père Noël. Comme dans la chanson que chantait maman « J’avais passé l’âge »!

Noël 1951: la maison de poupée !

© Madeleine Genest Bouillé, 19 décembre 2017

Sombreros et mantilles

On a les vers d’oreille qu’on peut! Depuis quelques jours, je m’éveille avec une chanson des années 40 qui a pour titre Sombreros et mantilles. Allez savoir pourquoi! L’artiste qui interprétait cette chanson s’appelait Rina Ketty; elle avait un fort accent italien, étant née à Sparzana, en Italie. Elle avait pour prénom Cesarina… dont elle avait gardé seulement les deux dernières syllabes, comme nom d’artiste.

Maman aimait bien cette chanteuse qui avait une jolie voix claire. J’étais toute jeune encore alors que Rina Ketty était déjà une vedette très connue. Ses chansons passaient fréquemment à la radio. Je me rappelle que maman fredonnait souvent en écoutant ces refrains, soit : Sérénade sans espoir, La Madone aux fleurs, et évidemment Sombreros et mantilles. J’essayais bien d’apprendre les paroles pour chanter moi aussi ces chansons, mais je ne les comprenais qu’à moitié… et encore!

Voici les paroles du début de la chanson Sombreros et mantilles : « Je revois les grands sombreros et les mantilles, j’entends les airs de fandango et seguedilles, que chantent les senoritas si brunes, quand luit sur la plazza, la lune ». Et voici à peu près ce que je comprenais: « Je revois les grands sombreros et les frémilles… j’entends un air de vent dans le dos et des guenilles… qui chante la senorita des prunes… quand on est loin là-bas, la lune. » C’était n’importe quoi! Mais j’aimais tellement chanter que ça ne dérangeait nullement de ne pas avoir les bons mots.

Je dois ajouter que chez nous, avec quelques frères plutôt moqueurs, c’était un jeu de changer les paroles des chansons qu’on entendait à la radio ou sur les disques qu’on écoutait à la maison, surtout qu’on n’y comprenait pas grand’chose. On plaçait n’importe quel mot, du moment que ça rimait, ça faisait l’affaire. Et certains de mes frérots avaient un vrai talent pour rendre la chanson comique et parfois même un peu méchante, mais si peu! On avait du plaisir à peu de frais, surtout quand il s’agissait de chanteurs et chanteuses qui possédaient un accent étranger, tels Rina Ketty, Tino Rossi et surtout Luis Mariano, qui était originaire du pays Basque espagnol. C’était alors le chanteur préféré de ma grande sœur et elle n’aimait pas ça du tout quand on virait les chansons de son beau Mariano à l’envers. Ce pauvre Luis! Il écorchait le français tellement qu’on ne saisissait presqu’aucune des paroles qu’il s’efforçait pourtant de bien chanter, de sa superbe voix de ténor. Il me revient justement la chanson du film Andalousie, dans lequel Mariano  incarne un toreador; alors qu’il est porté en triomphe juste avant de livrer un combat sans merci avec le taureau, il chante « Ole torero! C’est l’honneur des gens de cœur et de courage… » Je crois que c’est la seule phrase complète dont on saisissait les mots. Les couplets de cette chanson parlent entre autres, du « fier torero Dominguez Romero, dont la vaillance sans défaillance est le drapeau ». Ce pauvre torero! Il était méconnaissable, quand nous chantions ses exploits!

Les chansons de Luis Mariano étaient pour la plupart truffées de mots espagnols. Entre autres, la chanson thème du film La Belle de Cadix, où on parle de caballeros, de posada, des hidalgos, Juanito de Cristobal et Pedro le matador. Ce n’était vraiment pas étonnant si la Belle de Cadix, à la fin du premier couplet « ne voulait pas d’un amant » et à la fin du deuxième, « est entrée au couvent »!

Je me suis égarée avec Luis Mariano… rien que de très normal! Mais je reviens à Rina Ketty dont les mélodies rythmées étaient aussi sujettes à des changements de paroles de notre part lorsque nous étions enfants. Une de ses plus belles chansons a pour titre Montevideo, qu’on s’amusait à nommer « Montez vider l’veau ». Et pourtant, quelques années plus tard, alors que je commençais à connaître les chansons à la mode et que je me faisais un devoir d’apprendre consciencieusement toutes les paroles, c’est justement Montevideo que j’ai interprété pour ma première soirée d’amateurs. Ce genre de veillée était très à la mode. Tous ceux et celles qui chantaient ou jouaient d’un instrument donnaient leur nom pour participer à ce concours, où les gagnants recevaient un prix, jamais bien gros; mais ce qui importait, c’était de participer et d’être applaudi, comme de vrais artistes! Ma tante Rollande était l’accompagnatrice attitrée. Elle jouait du piano à l’oreille et pouvait accompagner presque n’importe quelle pièce… même quand l’interprétation était plus ou moins juste. C’était elle qui m’avait suggéré cette chanson, dont la musique, sur un rythme sud-américain, est assez difficile. C’était toutefois une pièce qui mettait en valeur autant le talent de l’accompagnatrice que celui de l’interprète. Vous me demandez si j’ai gagné? Je ne m’en souviens même pas… mais il me semble que je portais une robe mauve.

Pour terminer, j’emprunte quelques-unes des paroles de Sombreros et mantilles :

« J’ai quitté le pays de la guitare… Mais son doux souvenir en mon âme s’égare… Dans un songe souvent, tandis que mon cœur bat… Il me semble entendre tout bas… Une chanson qui vient de là-bas. »  Il me faudrait plutôt dire, « une chanson qui vient de ce temps si lointain ».  À une prochaine parlure!

© Madeleine Genest Bouillé, 20 juillet 2017

Place au théâtre!

Toute jeune, je rêvais d’être une actrice. J’entendais les comédiens à la radio qui jouaient dans les radioromans que j’écoutais soit le midi ou le soir : Jeunesse dorée, Rue Principale, Un homme et son péché. Je ne comprenais pas toujours les intrigues, mais j’écoutais les dialogues et je trouvais ça beau. Je feuilletais la revue RadioMonde, où s’étalaient les photos des vedettes. On voyait les acteurs en train de lire leur rôle à la radio; ils avaient leur texte en mains, ça ne devait donc pas être si difficile!

Au couvent, on présentait de courtes pièces de théâtre, pour Noël ou pour la fin de l’année. Le premier rôle que j’ai joué, c’était en 1954. Nous présentions un texte dialogué de Félix Leclerc intitulé, La Grande Nuit, extrait d’Andante. À vrai dire, ce n’était pas vraiment une pièce de théâtre, en ce sens  qu’il n’y avait pas d’action. Sur la scène, trois étoiles; l’étoile des Bergers et l’étoile des Marins, racontent à la plus jeune, l’étoile des Amours, la nuit du premier Noël. J’étais l’étoile des Marins. Nous  étions juchés sur je ne me rappelle plus quoi, au-dessus d’une rangée de sapins couronnés de neige ouatée; on ne voyait de nous que la figure qui était encadrée d’une grande étoile brillante. Peu m’importait, j’étais heureuse de jouer ce rôle si beau! Le texte était magnifique, mais passablement long, alors on avait ménagé des pauses, pendant lesquelles la chorale chantait des cantiques de Noël.

L’année suivante, on devait monter une vraie pièce en trois actes, avec décors, costumes et tout le tralala! Si je me souviens bien, le titre était : L’orpheline des Pyrénées, œuvre d’un auteur français. J’avais de bonnes notes en français, selon moi, je pouvais donc espérer avoir un rôle, si petit soit-il, j’en serais ravie! On apprenait des récitations pour toutes sortes d’occasions et quand arrivait mon tour, la bonne Mère me gardait quelquefois après l’école pour me faire répéter. Lors d’une de ces répétitions, Mère me demanda, à brûle-pourpoint : « Avez-vous pensé à ce que vous vouliez faire plus tard ? » Il ne m’est pas venue à l’esprit que la réponse à faire était la suivante : « J’aimerais devenir religieuse ». Naïvement, je répondis: « Je voudrais devenir une actrice! » Coup de théâtre! Roulement de tambour… et comme on dit « e finita la commedia »! J’eus droit à tout un sermon dans lequel il était clair que je ne devais pas rêver à cette vie de perdition où je devrais tout d’abord m’expatrier, et où les plus grands malheurs m’attendaient. En terminant avec cette phrase célèbre : « Vous savez, la gloire, c’est le deuil éclatant du bonheur! » Voilà! Je n’ai évidemment pas eu de rôle dans la pièce dont curieusement, je n’ai aucun souvenir. On m’a confié la tâche de « maître de cérémonie ».  Et à compter de ce jour, j’ai souvent tenu cet emploi, ce qui m’a été bien utile, plus tard quand j’eus à parler en public dans les différentes associations dont j’ai fait partie.

Livret de pièce ayant appartenu à Mme E.V. Paris.

Après mes études, alors que je travaillais au Central, j’ai enfin commencé à faire du théâtre, en amateur comme c’est la tradition à Deschambault et ce, depuis très longtemps. En fouillant dans les nombreux papiers de ma mère, j’ai appris qu’il y avait eu déjà dans le passé une troupe masculine, composée d’étudiants qui présentaient du théâtre pendant les vacances d’été. À une certaine époque, il y eut aussi une troupe féminine, sous la direction de Mme E.V. Paris, la mère de Rachel Paris-Loranger, à qui, plus tard, on devra plusieurs magnifiques pièces de théâtre, dont Évangéline, pièce qui relatait la déportation des Acadiens en 1755.  Quand j’ai débuté, c’était Louis-Joseph Bouillé qui était metteur en scène. Il avait lui-même été un des plus brillants comédiens avec Lionel Brisson, dans la troupe de Madame Loranger. À cette époque, le Cercle Lacordaire, mouvement antialcoolique alors très florissant, organisait chaque année en mai, à l’occasion de l’anniversaire du cercle, une soirée où il y avait tout d’abord une partie « sérieuse ». On honorait les membres méritants de 5, 10 ans et plus et ensuite, pour la partie récréative, il était d’usage de présenter une pièce de théâtre qui exploitait, autant que faire se peut, les malheurs causés dans les familles par l’alcoolisme, histoire de faire valoir les bienfaits de l’abstinence.

On était donc en 1961. La pièce qu’on préparait avait pour titre L’Absolution, c’était l’œuvre d’un auteur franco-américain du nom de Victor Vekeman. Nous avons d’ailleurs joué plusieurs pièces de ce même auteur, autant des comédies que des tragédies. Avec un titre comme L’Absolution, il est évident qu’il s’agissait d’une tragédie! Je jouais le rôle de l’épouse d’un ivrogne, mère de deux enfants, je me souviens que Jacqueline Chénard jouait le rôle de ma fille; nous vivions dans la misère et je m’effondrais dès la fin du premier acte. À la fin du 2e acte, mon fils, devenu prêtre, donnait l’absolution à un moribond alcoolique, dans lequel il reconnaissait avec stupeur son propre père! La pièce se terminait sur cette réplique lancée par le jeune abbé : « C’était Hubert! C’était mon père! » C’était vraiment pathétique! Le jeune homme qui tenait ce rôle s’appelait Robert Deshaies; c’était  son premier rôle et il le rendait très bien. Je n’ai pas malheureusement pas de photos de cette pièce, qu’on a jouée plusieurs fois, entre autres à Cap-Santé et à Saint-Gilbert.

Jeu scénique du Centenaire du Couvent en 1961.

Ce  même été, les 15, 16 et 17 juillet, avaient lieu les célébrations du Centenaire du Couvent de Deschambault. Ces fêtes grandioses étaient rehaussées par un jeu scénique intitulé Un phare sur la côte, où se retrouvait un nombre impressionnant d’élèves anciennes et actuelles, interprétant des rôles où se rencontraient des astronomes célestes, des archanges, les sœurs fondatrices du couvent et plusieurs autres personnages historiques.  Je crois me souvenir que cette œuvre magistrale était présentée sur une scène  installée à l’extérieur. J’interprétais justement le rôle d’un astronome céleste, une sorte d’ange… sans les ailes! Bizarrement, je n’ai pas de souvenir de cette pièce, je me rappelle plutôt certaines répétitions, avec les deux compagnes qui me donnaient la réplique, Lorraine Marcotte et Annette Pelletier, avec qui j’avais bien du plaisir.

Mon deuxième exploit en théâtre s’est produit en 1962. On jouait Bichette, une comédie pleine de quiproquos dans laquelle jouaient Élisabeth Montambault, Huguette Dussault, René Montambault, Claude Groleau, Louis-Joseph Bouillé, Lionel Brisson et moi.  J’ai une photo pas très bonne, datée du 18 février 1962… ce qu’on ne voit pas sur la photo, ce sont les « techniciens », dont le petit frère de notre metteur en scène, Jacques, qui ne manquait pas une répétition!

Pièce de théâtre « Bichette », en 1962.

1963 étant l’année du 250e anniversaire de fondation de la paroisse, il va sans dire que tout était mis en œuvre pour que cet anniversaire soit souligné avec tout le faste possible. Un jeu scénique relatant l’histoire de Deschambault depuis la visite de Jacques Cartier à Ochelay, jusqu’après la guerre qui mit fin au Régime français, était sans contredit le clou de ces fêtes qui eurent lieu les 2, 3 et 4 août. Le texte de la pièce était tiré de la toute nouvelle Petite Histoire de Deschambault, de M. Luc Delisle. J’eus l’honneur d’interpréter le rôle de la seigneuresse Éléonore de Grand’Maison, épouse de François de Chavigny. Dans un tableau décrivant la descente des Anglais à Deschambault en 1759, le petit frère du metteur en scène, devenu mon amoureux, figurait un soldat anglais capturé par les miliciens. Comme on dit, « il s’adonnait » à être à Deschambault, ayant laissé le bateau pour profiter des Fêtes… Quelle belle coïncidence! Au cours de l’hiver, nous avions présenté une comédie de Jean des Marchenelles, un auteur belge, que mon futur beau-frère Louis-Joseph appréciait particulièrement. Intitulée Le Château des Loufoques », cette pièce cocasse et absolument hilarante était magistralement interprétée par Louis-Joseph et Lionel Brisson dans les rôles du propriétaire et du majordome d’un vieux château belge, tandis que Gérard Naud et moi formions le couple de nouveaux mariés, pas tellement heureux de passer leur nuit de noces dans un château hanté! Encore une fois, malheureusement pas de photos!

 

En 1964…. je préparais mon mariage. Mais contrairement aux fiancées de l’ancien temps, je ne brodais ni ne cousais… Je travaillais au Central, et ce jusqu’à la mi-mai.  Dans mes temps libres, je faisais partie de la chorale et j’avais écrit une pièce de théâtre pour l’anniversaire Lacordaire. D’abord un titre accrocheur : Au fond du verre. C’était l’histoire d’une jeune fille alcoolique menacée de perdre son emploi, ses amis et son fiancé, quand une amie généreuse lui vient en aide afin de l’aider à vaincre son problème d’alcoolisme. Ayant assisté quelques fois aux sessions d’été des Jeunesse Lacordaire, j’étais assez bien documentée. Partant du fait qu’on n’est jamais si bien servi que par soi-même, je m’étais allouée le rôle principal… Mon frère Georges était de la distribution, de même que Raymonde Pelletier, Jacqueline Chénard et mon fiancé, qui jouait le rôle de… mon fiancé!

Dans les années qui vont suivre, j’ai été plus souvent metteur en scène que comédienne, ce que j’ai adoré.  Je vous reviens donc avec la suite de mon histoire de théâtre!

© Madeleine Genest Bouillé, 24 mai 2017

L’Esprit des Noëls passés…

Les derniers jours avant Noël, j’ai relu et j’ai revu Un conte de Noël de Charles Dickens. L’histoire écrite fait partie d’un ensemble de deux volumes de contes de Noël choisis parmi les classiques du XIXe siècle; j’avais reçu ces livres en cadeau en 1997. Le film de R. Zemeckis, qui date de 2009, est à mon avis la meilleure version de cette histoire. J’aime bien l’interprétation que Dickens suggère dans ce conte, de ce qu’on appelle l’enfer ou le purgatoire, selon la largeur d’esprit du lecteur ou de la lectrice. Mais pour l’instant, je vous invite à suivre avec moi l’Esprit des Noëls passés; il a des images à me rappeler…

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Premier Noël passé:  1964…

Je m’arrête tout d’abord sur cette photo prise juste avant la messe de Minuit en 1964; c’était notre premier Noël! Nous avions magasiné ensemble les décorations du sapin et les personnages de la crèche, qui était faite tout simplement d’une boite en carton recouverte de papier imitant le rocher. Ce simple cliché en noir et blanc est une image de bonheur, notre premier bébé était attendu pour avril… que dire de plus? C’est une photo qui m’est chère!

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Deuxième Noël passé: 1967…

La première année de notre mariage, nous avions été « défoncer le Jour de l’An » chez le beau-frère Jean-Marie et son épouse Cécile qui demeuraient alors à l’Ancienne-Lorette. Par la suite, nous avons instauré cette coutume chez nous avec les membres de ma famille et quelques amis. Sur la photo prise en 1967, on aperçoit les joueurs de cartes, juste avant le moment de l’échange des souhaits de « Bonne Année! », qui était suivi du réveillon. Cette tradition s’est maintenue dans la famille, même si la soirée a déménagé d’une maison à l’autre au cours des années.

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Troisième Noël passé: 1971…

1971 : le premier Noël dans la vieille maison au coin de la route du Moulin… À cette époque, nous recevions souvent la famille Genest pour le souper de Noël, comme en témoigne cette photo de nos garçons avec la cousine Nathalie.

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Noël 1974…

Noël 1974. Les garçons sont prêts pour le dodo avant la tournée du Père Noël. Si je me souviens bien, ça ne dormait pas fort…. Noël, ce mot magique, avec ses promesses de plaisir et de surprises, ça vous tient les enfants éveillés, malgré les réprimandes (pour la forme) des parents!

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Noël 1975…

1975, le premier Noël d’une petite fille qui s’appelle Marie-Noël. Selon mes souvenirs, elle ne voulait pas du tout dormir! La perruche nous avait été donnée par tante Lucille, et  je ne me souviens plus pourquoi, mais elle n’a pas vécu longtemps!

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Noël passé 1979…

Les petits-enfants de la famille Genest en 1979… Bébé Anne-Marie, âgée d’à peine trois mois, devait faire dodo, puisqu’elle n’est pas sur la photo. Les deux plus jeunes de la famille n’étaient pas encore nées et c’était aussi le dernier Noël de Grand-Papa.

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Esprit des Noëls passés, tu m’as ramenée au temps heureux où tout mon monde était encore là. Plusieurs événements surviendraient dans les années à venir; il y aurait des mariages, des naissances…. et inévitablement aussi des départs. L’an 2000? C’était loin… vingt ans! Mais pour ce soir, si tu veux bien, fermons la porte de l’armoire aux souvenirs!

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© Madeleine Genest Bouillé, 26 décembre 2016

Des bulles de bonheur

IMG_20160826_0002Il était une fois un jeune couple tout récemment mariés. Ils vivaient dans une maison  beaucoup trop grande pour deux personnes. Heureusement, beaucoup de gens passaient  dans cette maison « pour affaires », et ce, cinq jours par semaine. Mais, ça n’était pas assez. Comme il arrivait souvent en ces années-là, un premier bébé fit son arrivée, un beau dimanche d’avril. C’était un garçon, et déjà, il prenait beaucoup de place dans la vie et le cœur de ses parents. Très vite, il a grandi, il a appris à marcher, à parler… Avec maman et papa, il découvrait tout plein de choses; chaque jour qui passait, apportait des bulles de bonheur…

IMG_20160826_0003On n’allait pas en rester là. Un jour, on lui apprit qu’il aurait un petit frère, mais pas tout de suite. Il trouvait l’attente longue, mais enfin, le bébé fut là. Il le trouvait bien petit… certainement, il faudrait attendre qu’il grandisse un peu avant de pouvoir jouer avec! Sur cette photo, Patrick est déjà rendu à trois mois et avec son frère, il se fait bercer par Papa. Le grand frère n’est pas inquiet; il sait bien que sur les genoux de papa, il y a de la place pour les deux garçons! Ces moments avec Papa, ce sont d’autres bulles de bonheur… même si Papa fume une cigarette en berçant ses fils! Parfois il fume aussi la pipe; et Jean-Marc a bien hâte d’être grand, pour fumer comme Papa! On est en 1967! Les campagnes anti-tabac ne font pas encore beaucoup d’adeptes. Disons cependant que le papa en question faisait quand même attention de ne pas « enfumer » les petits.

IMG_20160827_0001Ça grandit vite ces petits bonshommes! On voit ici le garage-hangar qui occupait une grande partie du terrain derrière la maison. Comme tous les enfants, nos deux moussaillons adoraient jouer dans la neige. Ils s’inventaient des jeux… et quand ils rentraient, le chocolat chaud et les tartines étaient très bienvenues, pendant que maman faisait sécher les habits de neige et les mitaines. Le soir, on avait à peine le temps de raconter une histoire… ils dormaient déjà, rêvant sans doute à ces nouvelles bulles de bonheur que l’hiver leur faisait découvrir!

IMG_20160826_00041971 : dernier hiver dans la grande maison. Depuis juillet 1969, il y a maintenant un troisième petit garçon. Éric n’a pas encore deux ans… mais déjà il veut suivre ses grands frères; on l’entend sans cesse répéter : « Mia aussi! »  Même si ses frères ne se gênent pas pour lui jouer quelques vilains tours, toujours, il tient à être de la partie. Je n’ai pas besoin de préciser que les parents étaient très fiers de leurs trois petits mousses! Les bulles de bonheur, ce n’est pas seulement pour les enfants!

IMG_20160826_0006Noël 1974. Il y a un peu plus de trois ans que nous habitons ce qui sera notre deuxième foyer, celui où nous demeurons toujours. Les enfants se sont bien adaptés aux changements. La maison est plus petite, mais elle est chaleureuse et il y a beaucoup d’espace à l’extérieur pour jouer. Il y a des cousins tout près, le fleuve en face, des champs derrière… Ce sont de nouvelles bulles de bonheur! Les trois garçons vont à l’école : Jean-Marc est en quatrième année, Patrick, en deuxième et Éric est à la maternelle. Les parents leur ont dit qu’au printemps, ils auraient un petit frère ou une petite sœur. On leur a même fait choisir chacun un prénom : Jean-Marc a choisi un prénom de garçon, « Yves », Patrick a suggéré un prénom de fille, car à l’école, pendant l’Avent, on a raconté une belle histoire avec une fillette qui s’appelait Marie-Noël… Éric, pour sa part, espère que ce sera un petit frère et il veut l’appeler Goldorak!

IMG_20160826_0007Novembre 1975. La dernière-née de la famille est arrivée un beau jour de mai… Le ciel faisait miroiter ses plus belles bulles de bonheur! On a respecté le choix qui avait été fait à Noël dernier, la petite fille se prénomme Marie-Noël. Les garçons regardent le nouveau bébé… ce n’est pas de sitôt qu’on pourra jouer avec! Ils commencent quand même de temps à autre à essayer de la faire rire, à lui faire des grimaces, qui la font plutôt pleurer. Et, de fil en aiguille, la petite sœur prend sa place dans la famille… Pour les parents, comme pour les enfants, les bulles de bonheur continuent de répandre leurs reflets irisés,  en autant qu’elles ne rencontrent pas trop d’obstacles!

DSC02450Juin 2014. Je termine avec encore des bulles. Les années ont passé. Le 24 juin, c’est la Saint-Jean! Et en plus, cette année-là, Grand-Maman et Grand-Papa fête leur 50e anniversaire de mariage. Il y a maintenant neuf petits-enfants, ça en fait des bulles de bonheur! Sur cette dernière photo, on voit Éric avec Jade, la fille de Jean-Marc, qui font des bulles avec les autres membres de la famille (qu’on ne voit pas). Il avait plu dans la journée et après le souper, le ciel dégagé avait donné lieu à une envolée de bulles! Quelle façon ingénieuse de terminer une fête!

© Madeleine Genest Bouillé, 30 août 2016

Notre premier « chez-nous »…

IMG_20160821_0002Dans les années 60, la mode était au style scandinave. Comme je l’avais mentionné déjà  dans un précédent Grain de sel, avant notre mariage, nous avions été magasiner notre mobilier à Cap-Santé chez Meubles Gaston Perron. On achetait  l’ensemble trois pièces : salon, cuisine et chambre à coucher. Le réfrigérateur, la laveuse (à tordeurs), de même que le téléviseur provenaient de chez Naud Électrique, à Deschambault. Nous n’avions pas à acheter le poêle, puisque nous reprenions celui qui était déjà dans la maison. Nous étions fiers de nos achats… C’était tout nouveau, tout beau! Je ne me souviens plus où j’avais acheté les tentures du salon, je me rappelle cependant que pour la cuisine et la chambre à coucher, j’avais acheté du tissu et ma mère avait cousu les rideaux. Dans un prochain Grain de sel, je vous parlerai de notre premier Noël chez nous! Des moments de pur bonheur!

IMG_20160821_0001La maison était grande; et cela même si le salon double était dévolu aux locaux de la Caisse Populaire. Habituée que j’étais à la vieille maison de mes parents, surchargée de meubles hétéroclites, je trouvais que notre premier nid semblait vide… Au début nous n’habitions que le rez-de-chaussée; c’est pourquoi, sur la première photo, on voit notre aîné âgé de deux mois, installé sur le grand divan orange à quatre places. La cuisine et le salon tenaient dans la grande pièce, qui est en fait, la première rallonge ajoutée à cette maison. Le premier automne, j’ai eu mon piano, qui était placé dans le salon double; je ne pouvais donc en jouer que lorsque la Caisse était fermée. La pièce à l’arrière (deuxième rallonge) a été utilisée comme chambre à coucher jusqu’à l’automne 1966, alors que nous y avons aménagé notre salon, comme on peut le voir sur la deuxième photo. Les tentures et le fauteuil, comme le divan, étaient de couleur orange… on n’y échappait pas. C’était LA couleur à la mode! On avait peint deux des murs en brun et les deux autres étaient  blancs. Nous avions aussi fait l’acquisition d’un meuble stéréo – radio et  tourne-disque. Comme je n’ai pas de photo de ce meuble, assez volumineux, j’ai trouvé une image lui ressemble.

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retro-telephone-tableDans le temps, il y avait souvent des soirées de cartes, des « Euchre »; chaque association  organisait le sien, qui était la principale levée de fonds annuelle. L’année avant notre mariage, j’avais justement gagné lors d’une de ces soirées une table à téléphone munie d’un siège et d’une lampe avec abat-jour. Je n’ai pas de photo où l’on voit bien ce petit meuble, alors j’ai trouvé ce modèle, de la même époque, sauf que celui-ci n’a pas de lampe et le mien était de couleur beige. J’étais tellement contente d’avoir gagné ce prix. Je ne savais pas encore où nous irions demeurer; la date du mariage n’était même pas fixée, mais pour moi, où que ce soit, il y aurait certainement une place pour mon petit meuble que j’imaginais si pratique! Ironie du sort, quand nous avons fait installer le téléphone dans la maison où nous habitions, j’ai demandé un téléphone mural, pour qu’il ne soit pas à la portée des enfants – il ne faisait pas de doute que nous aurions des enfants! Je vous explique la raison de cette décision. Quand je travaillais au central du téléphone, il y avait plusieurs lignes « groupe » où parfois 8 ou 10 familles avaient le même numéro de téléphone, chacun étant identifié par une sonnerie différente. Par exemple, sur la ligne 12, il y avait 12-12, ce qui signifiait que la sonnerie devait être 1 grand coup, 2 petits, tandis que 12-21, c’était l’inverse et ainsi de suite. Au 2e Rang, les groupes étant encore plus nombreux; quand un enfant s’amusait à jouer avec le téléphone, ça pouvait perturber tous les usagers qui étaient sur cette ligne, puisqu’ils ne pouvaient pas utiliser leur appareil. Je n’avais pas oublié les problèmes que j’avais eus au central et comme j’avais ragé parfois (évidemment, quand la ligne était fermée). C’est pourquoi mes enfants ont dû attendre l’âge scolaire avant de répondre au téléphone; pour moi, le téléphone, ce n’était pas un jouet.

En avril 1965, naissait notre premier enfant. Il fallut donc acheter un lit, une petite commode, que j’avais décorée avec des dessins autocollants, ainsi qu’une chaise haute, un parc et un petit siège qui servait aussi pour l’auto. On était loin alors des sièges que les enfants utilisent aujourd’hui… Surtout que dans l’auto, la plupart du temps, on tenait le bébé sur nos genoux! Et personne n’était attaché… autre temps, autres mœurs!

IMG_20160822_0002Pour en revenir à ma fameuse table à téléphone, nous l’avons utilisée, bien que pas pour y déposer un téléphone. À partir de 1970, je ne la vois plus sur les photos, et c’est normal.  Après la naissance de mon troisième bébé, quand j’étais occupée avec le poupon, mes deux aînés s’en donnaient à cœur joie avec tout ce qui leur tombait sous la main. Ils faisaient des trains, des cabanes, des chars d’assaut, n’importe quoi, et ils avaient une préférence pour la petite table à téléphone, sans téléphone! Elle a donc disparu dans la tourmente je ne sais plus trop quand. Et nous n’avons même pas pensé à la regretter!

© Madeleine Genest Bouillé, 24 août 2016

Mon vieux sac d’école

Autant le dire que le penser : je n’aime pas la rentrée! Du plus loin que je me souvienne, je n’ai jamais eu hâte que l’école recommence. Ni pour moi, ni pour mes enfants quand vint leur tour. Je crois que j’ai trouvé d’où ça vient.  Voici,  j’étais en 4e ou en 5e année. Chose certaine, je n’étais plus dans la classe des petits –  la classe des  1ère, 2e et 3e années, celle de Mère Ste-Flavie. On m’avait acheté un sac d’école tout neuf pour la rentrée. Auparavant, j’avais eu des petits sacs en imitation d’imitation de cuir – du carton, en fait. Tout juste si ça faisait l’année scolaire. Mais là, j’avais un vrai sac qui devait me durer tout au long de mes années d’études… et il a duré!

Maison de mon grand-père, Edmond "Tom" Petit, en 1903.

Maison de mon grand-père, le cordonnier Edmond « Tom » Petit, en 1903.

C’était un énorme sac en vrai cuir noir, épais, sans aucune garniture, avec un compartiment pour le coffre à crayons et deux longues courroies. Je le revois encore, je sens son odeur : la même que celle qui régnait dans la boutique de cordonnerie de mon grand-père. Je me souviens de la texture rugueuse, laquelle s’est je l’avoue, adoucie à l’usure. Quand j’étais petite, je n’étais pas grande et ce sac presqu’aussi gros que moi me battait les mollets à chaque pas. J’étais très timide et je me sentais ridicule avec mon  grand sac pas comme celui des autres petites filles.

Mon sac a vieilli avec moi; il était moins disproportionné à mesure que je grandissais. Mais s’il ne s’usait pas, à la longue, il était devenu encore moins beau – l’avait-il déjà été? Il m’a suivie tout au long de mes années d’études. Et je suis bien certaine maintenant qu’il a effacé pour moi les quelques charmes que pouvait avoir la rentrée scolaire.

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Au couvent, nous portions un uniforme. Au cours des premières années, il s’agissait d’une robe noire à manches longues, avec jupe à plis plats, la seule décoration étant une fine bordure blanche, de dentelle ou de toile, à l’encolure et au bord des manches.  Il va sans dire que cette garniture se devait d’être toujours immaculée… il fallait donc la découdre souvent pour la laver et la repasser et ensuite la recoudre à petits points, à la main, vous pensez bien! Plus tard, nous avons porté la tunique grise avec chemisier blanc, manches longues, toujours, et le « blazer » marine.  C’était ce qui se faisait de plus moderne!

Mado 1951L’uniforme était pratique en ce sens qu’il avait l’avantage de réduire la possibilité de compétition en matière de vêtements pour les filles surtout. Ainsi, les seules  nouveautés qu’il nous était permis d’exhiber à chaque début d’année étaient les cahiers, crayons et surtout un nouveau sac d’école! Comme j’enviais mes compagnes de classe qui arrivaient en septembre avec un beau sac coloré, décoré de bandes contrastantes, un sac à la mode! J’ai bien essayé de trouver de bonnes raisons pour demander un sac neuf, mais ça ne marchait jamais. On me disait : « Tu as le meilleur sac qui soit, c’est du bon cuir de vache; ces petits sacs à la mode, c’est bon à rien! »  Hélas, dans mon temps, les parents avaient toujours raison!

À la fin de mes études, je l’ai caché bien loin au grenier. Quelques années après mon mariage, ma mère ayant trouvé le fameux sac, me le remit en disant d’un air amusé : « J’ai trouvé ton sac d’école… je me suis dit que tu devais bien vouloir le garder en souvenir ». J’avais laissé dedans  plusieurs livres et cahiers. J’ai fait disparaître le manuel de mathématiques et j’ai gardé les autres, surtout mon livre de Lectures littéraires, et mes cahiers de rédaction. Quant au sac, je l’avais si bien rangé que lors de notre déménagement en 1971,  je l’ai oublié!

C’est de l’histoire ancienne, mais il fallait que je vous la raconte. Si mes enfants ont manqué de motivations pour la rentrée scolaire, c’est assurément la faute de mon vieux sac d’école…

© Madeleine Genest Bouillé, 19 août 2016

(Tiré d’un texte rédigé pour l’un de mes livres).

Un petit papillon « arc-en-ciel »

Un dimanche matin, où il faisait très beau, ayant le goût de « m’endimancher », j’avais épinglé sur le revers de ma veste un bijou qui date de 1952. Un papillon doré avec des ailes émaillées aux couleurs de l’arc-en-ciel et dont le corps est fait de pierres turquoise. Je ne connais pas la valeur de cette broche, mais même après 64 ans, elle est toujours aussi jolie! J’ai reçu ce bijou en 1996, après le décès de ma « presque sœur », Marie-Paule Laplante.

Moi et ma "grande soeur" Marie-Paule, 1946 (photo: coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Moi et ma « presque sœur » Marie-Paule, 1946 (photo: coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Si vous suivez  « mon grain de sel » depuis les débuts en mars 2015, vous savez que j’ai  vécu une bonne partie de mon enfance dans la famille Laplante. À la naissance du huitième bébé de ma mère, ma grand-mère qui me trouvait pas mal plus « tannante » que mes frères, avait aimablement suggéré à ces amis de la famille, déjà parrain et marraine d’un de mes frères, de me garder le temps des relevailles de maman. Ce qu’ils acceptèrent avec autant de joie que de générosité. Puis, il y eut le neuvième bébé, puis le dixième. Maman en avait plein les bras… et ma sœur aînée n’avait pas encore 15 ans! Les Laplante aimaient les enfants; n’ayant eu qu’une fille, il y avait donc toujours place dans leur maison pour les enfants des autres. Ainsi ils trouvaient de plus en plus de bonnes raisons pour me garder chaque fois un peu plus longtemps. Jusqu’au déménagement de ma famille dans la rue Johnson en 1949, alors que je commençais à aller au couvent et que c’était plus pratique pour moi de demeurer au cœur du village au moins pendant l’année scolaire.

Aurore et Lauréat, n’ayant pas encore d’enfant après quelques années de mariage, se tournèrent vers l’adoption. Les crèches étaient pleines de bébés, orphelins de mère, ou  abandonnés pour une raison ou pour une autre. À cette époque, l’adoption de ces enfants en bas âge était facile. Généralement, dans le cas des mères célibataires, on leur avait fait signer un papier où elles renonçaient à connaître leur enfant, et acceptaient à l’avance  qu’il soit un jour adopté par une famille. Il ne faut pas jeter trop vite la pierre à ces jeunes femmes, qui souvent avaient cru aux déclarations d’amour d’un beau parleur… parfois déjà marié, et qui  disparaissait très vite quand la situation devenait compromettante.

Quand Marie-Paule est arrivée dans la vieille maison des Thibodeau – la famille d’Aurore – la grand-mère Élise Thibodeau vivait encore. Ils étaient donc trois adultes pour choyer cette solide petite fille aux cheveux et aux yeux bruns. Déjà, cette maison accueillait des pensionnaires de toutes sortes : les travailleurs de la construction du chemin de fer, des  filles « engagères »,  comme on disait,  pour désigner les demoiselles qui étaient engagées comme bonnes ou pour un autre travail. Il y avait aussi des enfants qui, demeurant à l’extérieur du village, voulaient continuer leurs  études  au couvent ou à l’école « des grands », ou ceux qui pensionnaient le temps de « marcher au catéchisme ». Du temps où j’étais chez les Laplante, il y a eu aussi quelques orphelins qui ont été hébergés, le temps que le père, veuf,  puisse se « revirer de bord », selon l’expression en usage quand quelqu’un devait s’adapter très vite aux nouvelles circonstances de la vie.

Marie-Paule était une personne de bonne humeur, qui aimait s’entourer d’amis, garçons et filles. Après ses études au couvent, où en plus de son diplôme de fin d’études, elle avait obtenu le diplôme de sténo-dactylo, elle pouvait alors postuler pour un emploi de secrétaire. Mais presqu’en même temps, le central du téléphone étant installé chez le deuxième voisin, on cherchait une « opératrice ».  Marie-Paule suivit alors un court stage  avant de débuter dans ce métier, qu’elle a exercé jusqu’à son mariage en 1951.

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Moi à 4 ans… avec mes jambes croches! (Photo: coll. privée Madeleine Genest Bouillé)

Marie-Paule était adroite en tout… ou presque! Elle était habile couturière, bonne cuisinière, et elle ne dédaignait pas au besoin d’user de la scie et du marteau.  Elle avait comme maxime préférée : « Si j’ai les bons outils, pourquoi ne serais-je pas capable de faire du bon travail! » C’était une femme à l’esprit pratique, elle était ordonnée et ne voulait surtout pas dépendre de quelqu’un d’autre. Elle pouvait démontrer une grande patience, en autant qu’elle était certaine d’atteindre son but. J’ai comme souvenir les efforts qu’elle a déployés, dans les premières années où je me « faisais garder » chez elle, pour redresser mes jambes qui étaient vraiment croches… j’ai d’ailleurs une photo où c’est bien visible! Elle me faisait faire des exercices et me montrait à marcher comme Charlie Chaplin, en me plaçant les pieds tournés vers l’extérieur. Pour ne pas me rebuter avec ces exercices, elle en avait fait une sorte de jeu.

Après son mariage, elle est allée demeurer à Trois-Rivières… je me souviens de ce petit appartement, un troisième étage sur la rue Bonaventure, juste en face du poste de radio CHLN, où Jean-Louis et Marie-Paule sont demeurés plusieurs années. Plus tard, ils ont emménagé sur la même rue, mais dans un logement plus grand, où ils ont accueilli   Aurore, quand celle-ci a « cassé maison », comme on disait alors. Et un dernier déménagement les a conduits sur la rue Royale, où la « santé de fer » de Marie-Paule a commencé à décliner alors qu’en 1993, elle apprit qu’elle était atteinte de la SLA. Elle est décédée de cette terrible maladie le 22 juin 1996.

Après le décès de son épouse, Jean- Louis m’avait donné la plupart de ses bijoux. Comme elle ne jetait jamais rien, certains joyaux dataient du temps où elle était jeune. J’ai gardé tous les bijoux anciens qui me rappelaient de beaux souvenirs, alors que, toute petite, je m’amusais à fouiller dans ce que j’appelais le « coffre au trésor ». Parmi les trésors que contient ce coffre,  « le papillon  arc-en-ciel »  est sans contredit celui que je préfère.  C’est une broche délicate, colorée, un bijou fait pour l’été! Et il me rappelle en plus une femme qui a compté beaucoup pour moi dans ma jeunesse.

À bientôt pour d’autres  souvenirs…

© Madeleine Genest Bouillé, 23 juin 2016