Ton jupon dépasse…

Si vous avez moins de quarante ans, vous n’avez jamais entendu ces deux phrases. D’abord celle-ci : « Ton jupon dépasse ». Dans ma jeunesse, cette petite phrase, lancée à haute voix, surtout dans un endroit public, était perçue comme une offense, une humiliation! Presque aussi grave était celle-là : « Ta barre est croche ». Ça ne vous dit rien? Je vous explique. Nos bas de nylon avaient une couture à l’arrière, cette couture – la barre – se devait d’être bien droite, et placée au centre du mollet. Les bas ne devaient pas avoir non plus d’échelle. Entendez par là qu’il ne devait pas y avoir d’accroc.

Le code vestimentaire de notre époque était très rigoureux. Si la mode voulait que l’ourlet des jupes soit à deux pouces en bas du genou, c’était deux pouces, pas un, ni trois. Sauf pour l’uniforme du couvent dont la longueur se devait d’être d’au moins quatre pouces en bas du genou. Quant aux bas de nylon, pour les couventines, il n’en était même pas question. On portait des bas de coton beige, « drabe », comme on disait. Avec la robe noire, à manches longues, jupe à plis pressés bien à plat… Cauchemar pour les mères qui devaient fréquemment presser ces fameuses robes. J’ai porté cet uniforme jusqu’à ma sixième ou ma septième année. Ensuite, nous avons changé pour une tunique grise, portée avec un chemisier blanc, à manches longues. Lors des cérémonies, on y ajoutait le « blazer » marine. Cet ensemble était beaucoup plus léger, plus facile d’entretien et surtout vraiment plus moderne. Enfin, on était vêtues comme les autres étudiantes!

Avant d’aller plus loin, je dois préciser que dès qu’une fillette allait à l’école et même avant, elle devait toujours porter un jupon, en coton ou en tissu plus soyeux, et ce en toute saison. Le jupon empêchait la jupe de coller à l’arrière durant les longues heures de station assise. Il protégeait surtout de la transparence des jupes légères portées durant l’été. Il y avait de très jolis jupons, souvent avec une bordure de dentelle plus ou moins large selon les moyens financiers et le statut social de la famille.

Jadis, la tenue vestimentaire était compliquée. Une jeune fille négligente qui ne vérifiait pas chaque jour l’état de ses bas de nylon, la bordure de son jupon, les multiples bretelles de ses sous-vêtements, et plus que tout, la propreté de tout cet attirail, cette fille voyait sa réputation en danger… voire jusqu’à ne pas trouver à se marier! On disait d’elle que c’était une « Marie-quatre-poches », ou encore qu’elle était habillée « comme la chienne à Jacques ».

Vous comprendrez donc pourquoi le souvenir dont je veux vous entretenir m’est demeuré à jamais dans la mémoire. J’étais encore bien jeune, mais comme on dit : « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années »… j’étais rendue dans la classe des grandes au couvent, celle qu’on appelait pompeusement « l’Académie »! Après les cours, nous passions souvent au bureau de poste avant de rentrer chez nous. À cette heure-là, il y avait toujours des badauds, dont certains n’avaient rien d’autre à faire que de commenter les potins du jour en reluquant les clients qui entraient et sortaient; sur ce point, les choses n’ont pas tellement changé. Il y avait aussi, et ceci était sans doute pour certaines filles plus âgées le principal attrait de cet arrêt à la poste, des garçons de l’école voisine qui venaient flâner. Pour ma part, je n’étais pas encore en âge de porter attention à ces jeunes messieurs. Des garçons? Il y en avait plein la maison chez nous! Ce jour-là, donc, peut-être m’étais-je levée un peu plus tard, ou j’avais oublié les vérifications d’usage, toujours est-il que, après être passée au comptoir en retournant vers la sortie, la jeune préposée m’apostropha ainsi : « Aïe! Ton jupon dépasse! ». Elle avait le chic de ces phrases assassines. Rien n’échappait à son regard moqueur : aucune bretelle tombante, aucune mèche de cheveux déplacée, ni d’échelle au bas, ni « barre croche », et bien entendu, aucun bout de jupon. J’ai eu l’impression que tout le monde me regardait, enfin pas moi, mais le petit bout de dentelle un peu défraîchie qui avait le pouvoir de ruiner ma réputation. Je sortis du bureau de poste le plus dignement que je pus… en souhaitant plus que tout de passer inaperçue.

Maintenant, qu’importent les vêtements qui se chicanent pour être vus, les bretelles qui se chevauchent, les couleurs qui se heurtent! Tout se porte! On dit que « l’ennui naquit un jour de l’uniformité »… Si cette maxime est vraie, plus personne ne devrait s’ennuyer. J’ose l’espérer, même si à mon avis, cette confusion de tissus et de couleurs n’est pas toujours du meilleur goût!

© Madeleine Genest Bouillé, 2014

Quand les mots deviennent des images

Quand j’y pense, mon occupation favorite quand j’étais petite fille, c’était d’écouter parler les grandes personnes. Je voyais des images, je forgeais des histoires, je partais en voyage… Je ne m’ennuyais jamais!

Parfois en hiver, quand on parle de quelqu’un qui est allé « dans le sud », je me rappelle la première fois où j’ai entendu cette expression. Ils étaient rares, à l’époque, ceux qui allaient « dans le sud », alors quand on connaissait des personnes qui se payaient cette fantaisie, c’était toute une nouvelle, et ça faisait le tour de la paroisse! C’était donc par un après-midi d’hiver, le soleil commençait à baisser; on était rendu à l’heure du thé et des galettes. Je me souviens de ce moment comme si c’était hier! Autour de moi, les grandes personnes commentaient justement cet événement. J’écoutais les bavardages en croquant distraitement une galette… pensive, je regardais par la fenêtre la côte de Lotbinière. Le « Sud », il était là de l’autre côté du fleuve, en face de chez nous. Je me risquai alors à demander : « Pourquoi ils sont allés dans le sud? » Quelqu’un, je ne me souviens plus qui, m’a répondu : « Ils sont allés où il fait soleil, parce qu’il fait plus chaud, ils peuvent aller sur la plage, se baigner ». Je n’y comprenais rien. Ce que je voyais de la côte sud du fleuve, c’était un endroit couvert de neige, comme par chez nous. J’ai osé rétorquer en pointant la fenêtre du doigt : « Mais, il y a de la neige dans le sud, autant qu’ici. Ils peuvent pas se baigner, la glace est prise, je le sais, on voit Lotbinière, de l’autre côté du fleuve, c’est l’hiver là aussi! ».

Ma réplique a été accueillie par un énorme éclat de rire. Inutile de dire que j’étais très vexée. Moi qui me croyais savante parce que je pouvais situer le nord et le sud, même si je mêlais toujours l’est et l’ouest, quand même, je savais ce qu’il y avait de l’autre côté du fleuve. Je n’avais pas trouvé ça drôle du tout. Un peu plus tard, on m’a expliqué que le « sud » où les gens allaient en vacances, l’hiver, était beaucoup plus loin, au sud du sud si on peut dire. Il s’agissait de pays où il n’y avait pas de neige jamais et où il y avait des palmiers, des singes et des bananes. J’adorais les bananes et j’étais au courant que ces fruits poussaient dans des endroits très, très loin. Dès lors, j’ai commencé à rechercher les revues et les livres où on parlait des pays lointains. Je regardais ces images en rêvant et en m’inventant des histoires. Grâce à Tintin, je suis allée au Congo, puis en Amérique, cette Amérique où Tintin a vécu sa périlleuse aventure avec des bandits de Chicago et aussi avec des Indiens, et qui selon moi, n’était vraiment pas celle où mon pays était situé. Cela ne se pouvait tout simplement pas!

Plus tard, j’ai adoré la géographie; si je ne portais pas tellement d’attention aux chiffres concernant les populations et les superficies, de même qu’aux produits spécifiques à chaque région, je retenais aisément les noms des pays, des villes, de même que les rivières et les lacs. Souvent pendant les cours de mathématiques, comme cette matière ne m’intéressait pas, je glissais mon manuel de géographie en dessous du couvercle de mon pupitre et j’allais me promener de temps à autre. Ces voyages me menaient soit en Italie, ce pays qui a la forme d’une botte, ou en France, l’endroit d’où venaient nos ancêtres, ou encore en Angleterre, où je savais qu’il y avait depuis peu une nouvelle reine. On voyait sa photo partout, sur des boîtes de bonbons, des tasses, il y avait même des épinglettes en forme de couronne. Quels beaux voyages je faisais! Jusqu’à ce que la bonne sœur qui nous enseignait me ramène à mes problèmes de mathématiques, en me disant sévèrement : « Encore dans la lune! Après ça, vous direz que vous ne comprenez rien! »

Les chiffres ne m’ont jamais emmenée très loin. De même que les tables de multiplication n’ont jamais évoqué pour moi de voyages dans des pays lointains. Les problèmes avec des trains qui partaient à la même heure et qui arrivaient avec des heures différentes ou encore ceux où il y avait des tartes toutes mangées et d’autres seulement à moitié ou au tiers, sont restés pour moi sans intérêt. J’ai fini par apprendre à compter, assez pour faire la différence entre mes revenus et mes dépenses. Et beaucoup plus tard, j’ai appris mes multiples en aidant mon fils aîné à les mémoriser… Il n’avait pas plus que moi d’attirance pour cette matière pourtant essentielle. À chacun ses talents!

À bientôt pour d’autres mots, d’autres images!

© Madeleine Genest Bouillé 2015

Question de parlure – 3e partie

Question de parlure… c’est bien beau, mais ça nourrit pas son homme! Jadis, cuisiner était le travail qui prenait la plus grande partie du temps des ménagères. Il n’y avait pas de cuisine rapide, pas de surgelés, pas d’autres conserves que celles qui étaient faites à la maison. On partait la soupe, sitôt la vaisselle du déjeuner lavée. Les recettes de nos grands-mères avaient leur franc-parler! De la « soupe à l’ivrogne », au « bœuf du rang 3 », en passant par le « jambon du nordet », et les « œufs dans le purgatoire », on avait la « truite de la visite des États » qui était pas piquée des vers, et les indispensables binnes, plorines, cipâtes et gibelottes, sans oublier les cochonnailles : boudin, tête fromagée, cretons et graisse de rôti. Et que dire des desserts! Le « pouding chômeur », le gâteau froid pour lequel il fallait absolument des biscuits « Village », la tarte à la « farlouche ». Je me souviens encore des « poulets à la rhubarbe » de ma grand-mère. Plus tard, j’ai su que ce qu’elle nommait ainsi était tout simplement des « grands-pères ». Mais quand j’étais petite, j’étais persuadée de manger des petits poulets, cuits avec de la rhubarbe! Évidemment, ce n’était pas tous les jours fête, souvent lors des nombreux jours sans viande, il n’y avait pas que chez Séraphin Poudrier qu’on mangeait de la galette de sarrasin. Dans le même genre, il y avait les galettes aux patates, qu’on mangeait d’abord, toutes chaudes avec du beurre et ensuite avec de la mélasse ou du sirop d’érable. Une chose était certaine, il était inutile de « farfiner », et de lever le nez sur l’un ou l’autre plat, encore moins de « ruer dans les ménoires »; la consigne était : « Tu manges ce qu’il y a dans ton assiette ou tu vas te coucher! »

En ces temps où les gens trimaient dur, les femmes autant que les hommes, la nourriture était importante; on n’avait pas le droit de la gaspiller; pour ma part, je crois toujours qu’on en a pas le droit… mais passons! La personne qui ne « nettoyait » pas son assiette était considérée comme capricieuse ou malade. Une certaine corpulence était considérée comme un signe de santé et de beauté. Une femme trop mince était qualifiée de « maignechigne » (mis pour maigne-échine). On disait qu’elle « n’avait que les quatre poteaux, puis la musique »… au pire, on ajoutait que « la musique était fausse ». Une autre expression qui conviendrait de nos jours à certains mannequins était celle-ci : « Elle s’en vient puis on dirait qu’elle s’en va ». Ça, c’était maigre en pas pour rire! Ma grand-mère, pourtant elle-même très mince, qualifiait une certaine dame de sa connaissance, justement grande, maigre et osseuse, de : « grand Jésus-Christ de tôle »… en référence à un crucifix suspendu au mur de sa cuisine, sur lequel le Christ faisait vraiment pitié!

On sait que la religion prenait une grande place dans la vie de nos gens. Mais cela ne comportait pas que des désagréments. Par exemple, à la grand’messe de Pâques, les femmes n’étaient pas peu fières d’arborer un chapeau neuf. Qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige… au besoin ce matin-là, on portait pour la messe bottes et manteau d’hiver, mais on exhibait un joli chapeau de paille garni de fleurs. À la Fête-Dieu, fin mai ou début juin, c’était l’occasion d’étrenner la nouvelle petite robe qui ferait les beaux dimanches de l’été. Pour les hommes, la tenue vestimentaire ne variait pas tellement; l’habit de noces tenait lieu de costume du dimanche aussi longtemps que son propriétaire pouvait entrer dedans! Chapeau, cravate et souliers bien cirés… notre homme était ainsi endimanché. Un des dictons de ma mère disait ceci : « Un bon cheval porte son attelage : une femme endure sa chevelure et un homme, sa cravate! ». Je dois ajouter que ma mère n’a jamais aimé les cheveux courts pour les filles, ceci expliquant cela!

La messe dominicale avait certains autres agréments, entre autres, les rencontres sur le perron de l’église. Faute de téléphone, c’était l’endroit où on commentait tous les événements de la semaine. On entendait des : « Pas vrai! Vous m’en direz tant! »…  « Êtes-vous sûre? C’est-y Dieu possible! »… Et à l’autre bout du perron, dans la fumée des pipes et des cigares : « Oui mon vieux, je peux te garantir qu’il a achetée c’te jument-là chez Ti-Noir! »…  « Moé je vous le dis, le petit nouveau là, celui de Trois-Rivières, Duplessis, qu’il s’appelle?… en tous cas, il va aller loin! ». Pendant ce temps, les garçons reluquaient franchement les filles, qui leur rendait la pareille, sans trop d’ostentation… réputation oblige! Si la demoiselle était intéressée, sans trop en avoir l’air, elle pouvait inviter le jeune homme à « venir accrocher son fanal » le soir même ou un prochain « bon soir ». Bien des idylles débutaient ainsi à l’ombre du clocher! Avec l’accord des parents de la jeune fille, les fréquentations pouvaient alors commencer. Les mardi, jeudi, samedi et dimanche, étaient considérés comme les « bons soirs », dépendamment des familles. Parfois la demoiselle était autorisée à recevoir son cavalier seulement la fin de semaine. Cependant, il n’y avait pas de fréquentation sérieuse sans chaperon. Ce rôle ingrat était tenu soit par la mère ou bien une sœur ou un frère qui devait se tenir assis près de la porte ouverte du salon… de façon à voir les amoureux, sans avoir l’air de rien. Pour faire en sorte que le soupirant n’oublie pas l’heure du départ, la mère ou le plus souvent, le père, éteignait une lampe ou remontait ostensiblement l’horloge, indiquant ainsi qu’il était l’heure d’aller se coucher!

Question de parlure, avant le téléphone intelligent, les attitudes et les gestes étaient aussi expressifs que les mots!

© Madeleine Genest Bouillé 2015

Question de parlure – 2e partie

Question de parlure… c’est aussi question de vie! S’ils nous voyaient, nos grands-parents diraient qu’on est «gras dur» et «qu’on se plaint le ventre plein». Dans le temps, on se levait «à la barre du jour» et après un petit lavage « paroisse par paroisse », on allumait le feu et on faisait le thé. Ma mère, qui avait des superstitions pour tout, disait : «Laissez pas bouillir le thé, les cavaliers viendront pas!». Après un solide déjeuner, pendant que les filles faisaient la vaisselle, les petits gars rentraient le bois qui alimenterait le poêle durant la journée. Ensuite, même s’il faisait «un temps à pas mettre un chien dehors», les enfants, chaudement vêtus de «culottes à grand’manches, bougrine, capot, capine, crémone et mitasses, les pieds chaussés de claqués», partaient pour l’école, à pied comme de raison. Pour tout le monde, la journée était commencée. On travaillait d’une étoile à l’autre en se «mouvant les guetorses», façon de dire qu’on ne se traînait pas les pieds, l’important étant de faire chaque chose en son temps.

Les ménagères cuisinaient de manière à ne pas «jeter les choux gras». Gaspiller la nourriture, ça ne se faisait pas! Par exemple, les restes du rôti de bœuf du dimanche midi servis sous forme de ragoût, de hachis ou de pâté, agrémentés de légumes, surtout de patates et d’oignons, nourriraient la famille pour plusieurs repas. Ah! Les patates et les oignons! Qu’aurait-on fait sans eux! Le vendredi étant un jour maigre, c’est-à-dire, sans viande, le poisson était à l’honneur. On le remplaçait parfois par des crêpes, une omelette ou un «chiard blanc», fait de patates et d’oignons fricassés dans une sauce blanche. Une expression en usage disait que le vendredi, c’est le jour «où le ventre nous retire.»

On n’était pas riche, mais les mères avaient à cœur que leurs enfants ne soient pas «habillés comme la chienne à Jacques». Il demeure que les petits garçons qui grandissaient trop vite se retrouvaient bientôt avec «les culottes à mer haute». On leur demandait en riant : «Y a t-y de l’eau dans la cave chez vous?». Pour les robes des filles, habituellement cousues à la maison, on faisait un bord assez large pour rallonger le vêtement une ou deux fois. Quand on ne le pouvait plus, on posait un «rossignol», c’est-à-dire, une bande d’étoffe qu’on insérait entre la taille et le corsage. La robe était bonne pour une saison de plus. Et voilà! Personne ne se plaignait… on savait que ça n’aurait servi à rien de «chiquer la guenille», les parents avaient toujours raison!

À suivre…

© Madeleine Genest Bouillé 2015

Question de parlure – 1ère partie

Une journée où il faisait un vent glacial «à écorner les bœufs», j’ai décidé malgré tout de prendre une petite marche. La figure à moitié cachée par mon «nuage», je me suis surprise à rire toute seule. Je marchais courbée face au vent, et je me suis rappelée cette vieille expression de ma grand-mère :  «Tu t’en vas le dos rond comme une chenille qui s’en va aux Vêpres». Je dirais ça aujourd’hui et personne n’y comprendrait rien. C’est une des expressions les plus imagées que je connaisse. Il m’arrive parfois, l’été, de regarder marcher (si on peut dire) une chenille, une  belle, celle qu’on appelle «minou-castor». Effectivement, elles se déplacent en arrondissant le dos.

Pour ce qui est des Vêpres, il s’agissait autrefois de cette partie de la Liturgie des Heures qui était célébrée le dimanche soir, sauf en hiver ou pour éviter une deuxième sortie aux paroissiens qui demeuraient loin de l’église, le curé chantait cet office vespéral sitôt la messe achevée. Pendant la belle saison, nous retournions donc, avec plus ou moins d’ardeur, prier après le souper du dimanche. Souvent les femmes demeuraient à la maison pour faire la vaisselle, si bien que l’assistance était composée surtout de personnes âgées, d’enfants impatients de retourner jouer encore un peu, et de pères repus, baillant aux corneilles, parfois même cognant des clous! La fatigue de la journée, la digestion laborieuse ou la perspective de commencer une semaine de dur labeur faisaient peut-être courber le dos de ces bonnes gens qui se rendaient accomplir leur dernier devoir dominical!

Tout ce qui entourait la pratique religieuse avait sa part d’expressions toutes plus savoureuses les unes que les autres. Ainsi, les bonnes âmes qu’on appelait chez nous des «rongeuses de balustre», et qui surveillaient aussi bien les jeunesses qui avaient «fêté Pâques avant les Rameaux» que les mécréants qui faisaient «des Pâques de renard». Certaines dames pas assez occupées, à mon humble avis, n’avait pour toute distraction que celle de noter les mariages célébrés durant l’année et ensuite, de compter les mois avant le premier baptême… Si le bébé arrivait trop vite d’après leur calcul, c’était donc, parce que les jeunes parents avaient fêté Pâques avant les Rameaux! Quant aux impies qui ne faisaient pas leurs Pâques durant la Semaine sainte comme il se devait, et qui attendait le dimanche de Quasimodo (le dimanche après Pâques), la date limite pour accomplir ce devoir important, ils étaient pointés du doigt : ils avaient fait des Pâques de renard!

À suivre pour d’autres tournures de la parlure de par chez nous!

© Madeleine Genest Bouillé 2015

Le coffre d’espérance…

Pourquoi un blogue? Pourquoi pas un blogue.

C’est comme un livre dont les pages se suivent de façon irrégulière, au gré  de l’inspiration de l’auteur, c’est un livre et ce n’en est pas un. Pour débuter, car il faut un début à tout, voici un court texte qui explique ce que les mots représentent pour moi, les images qu’ils font naître dans mon imagination et les histoires qui en découlent. J’ai choisi ce texte en premier lieu, car il contient un des mots que je préfère: ESPÉRANCE!

Le coffre d’espérance

Quand j’étais petite fille, j’aimais écouter jaser les grandes personnes. Même si je ne comprenais pas toujours le sens de ce qu’elles disaient, je m’inventais ensuite des histoires et j’y mettais des mots que j’avais retenus…parce qu’ils me plaisaient. C’est ainsi que j’ai commencé à aimer les mots, qui dans mon imaginaire, devenaient des images.

Un jour, j’entendis l’expression « coffre d’espérance ». On parlait du mariage prochain d’une parente. On s’extasiait sur son coffre d’espérance qui était bien rempli à ce qu’il semblait. Suite à cela, quand on me demandait ce que je voulais faire quand je serais grande, je répondais : « Je vais avoir un coffre d’espérance ». Les grandes personnes riaient… et je me demandais bien pourquoi.

Plus tard, j’ai su ce qu’était un coffre d’espérance. Ce coffre, souvent en cèdre, que la jeune fille du temps passé remplissait de beau linge de maison, la plupart du temps cousu, tissé ou brodé de ses mains… dans l’espérance du jour où elle emménagerait avec un mari tout neuf, dans une maison bien à elle, pour y fonder une famille. Que d’espérance! Et pas seulement dans le coffre!

N’est-ce pas que toute la vie est un « coffre d’espérance »? On y emmagasine nos rêves et nos espoirs au fil des ans. Certains parmi eux ne sortiront jamais du coffre, comme ces belles serviettes d’invités qui n’ont jamais servi : elles étaient trop belles, ou pas assez pratiques. Par contre, on y retrouve encore des pièces du trousseau qui ont été maintes fois utilisées… comme leur propriétaire, elles ont du vécu!

Puissions-nous arriver à la fin de notre vie avec un coffre encore garni d’espérance. Non pas des espoirs frivoles comme ces fragiles dentelles, mais des espérances solides qui nous suivent toute la vie, un peu comme ces couvertures inusables pliées soigneusement au fond du coffre et que nous transmettons à nos descendantes…

© Madeleine Genest Bouillé 2010