L’Esprit de Noël… 2019

On l’a ou on l’a pas! Quoi qu’il arrive dans la vie, malgré les coups durs, quand on possède l’Esprit de Noël, c’est pour longtemps.

Je viens de recevoir la visite de mon petit frère Georges, il était accompagné de sa fille, Vicky, qui attend son premier bébé pour la fin mai.  Georges venait me livrer sa carte de Noël, une carte qui représentait quoi, pensez-vous?  Le Magasin Paré, bien entendu!

La carte est écrite de sa main… Maman serait contente, il n’écrit pas seulement « Joyeux Noël et Bonne Année », non, il ajoute des vœux dans ses mots à lui.  Avec sa main qui tremble; que voulez-vous, Monsieur Parkinson ne laisse pas beaucoup de répit… Mais quand même, Georges a toujours aimé le temps des Fêtes; ceux qui ont lu son livre Mes trois années à la Baie James, savent combien il trouvait difficile de passer Noël ou le Jour de l’An loin de sa famille et de ses amis.

Notre mère aimait aussi écrire ses cartes de vœux; elle s’y est appliquée jusque dans les toutes dernières années, alors qu’elle disait, comme pour s’excuser : « J’écris trop mal, ça n’a pas de bon sens. » Dans sa jeunesse, elle confectionnait ses cartes qu’elle ornait de délicats motifs à l’encre de Chine. L’important étant d’écrire pour chacun et chacune, un petit mot personnel, pas juste une signature.

Maman aimait Noël et le temps des Fêtes. Même dans les dernières années de sa vie, alors qu’elle ne pouvait plus participer activement aux préparatifs. Demeurant toujours dans sa maison, elle n’avait plus la capacité de s’occuper de la popote mais comme elle était heureuse quand on venait cuisiner les beignes, les tourtières et autres mets qui seraient servis au réveillon.

Et les décorations! Comme elle trouvait ça beau! Elle aimait les guirlandes rouges et vertes qui se croisaient au centre du plafond de la grande cuisine, entre les énormes poutres. Sur la tablette de la cheminée, on déposait les vieux chandeliers en argent, garnis de chandelles rouges et d’autres bibelots à l’avenant, toujours dans les couleurs de Noël.  Près de l’entrée, sur la table qui avait jadis fait partie du mobilier de salon, on plaçait le plateau en argent destiné à recevoir les cartes de Noël.

Je me souviens comme elle avait hâte d’entendre la musique de Noël.  à vrai dire, elle l’aurait bien écoutée à l’année!  Dès les premières neiges, ou avant, si ça n’arrivait pas assez vite, pour lui faire plaisir on sortait la musique de circonstance : Tino Rossi qui chantait Petit Papa Noël, Lucienne Boyer, une chanteuse de l’époque de ma mère, qui nous affirmait : Je ne crois plus au Père Noël, et combien d’autres airs du temps des Fêtes!

Oui vraiment, ma mère aimait Noël et le temps des Fêtes. Elle n’a jamais vécu dans l’opulence et n’a jamais pu faire de cadeaux somptueux, mais elle nous a légué ce cadeau précieux entre tous, l’Esprit de Noël.  Elle possédait ce qui, à mon avis, en fait véritablement l’essence; un cœur plein de générosité, une capacité d’émerveillement, une foi inébranlable. Sa tendresse pour les siens était immense; elle aimait le beau et a su nous le faire découvrir, ce qui est je crois, un bien inestimable!

Maman nous a quittés en 1996, mais elle demeure toujours bien vivante dans notre mémoire, surtout à ce temps de l’année qu’elle affectionnait particulièrement. Comme elle, je crois que j’aimerai toujours le temps des Fêtes. Tant pour les souvenirs qui s’y rattachent, que pour ces moments précieux que nous vivons ensemble en famille et qui, un jour, deviendront souvenance. L’Esprit de Noël, je vous le redis, on l’a ou on l’a pas!

Papa et Maman en 1973 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

© Madeleine Genest Bouillé, 23 décembre 2019

C’est dans le temps du Jour de l’An…

« Ah qu’il fait bon, bon, prendre un verre de bière
Avec la cuisinière, dans un p’tit coin noir…
…dans l’temps du Jour de l’An! »

J’écoute parfois des reprises de l’émission Soirée canadienne, rediffusées sur Prise 2. Cette émission animée par Louis Bilodeau du début des années 60 jusqu’en 1983 nous a promenés des Cantons de l’Est jusqu’à Lanaudière, en passant par la Beauce, la Mauricie, et aussi loin que Charlevoix et la Gaspésie. 985 soirées ont été ainsi présentées pour le plus grand plaisir des téléspectateurs. Les maires et les curés des villages participants avaient à cœur de mettre en valeur ce qui faisait la fierté de leur patelin. Soirée canadienne, je dirais que ce fut l’ancêtre de La petite séduction, qui durant plusieurs saisons a mis « sur la carte » un bon nombre de villages et villes du Québec, et aussi d’autres provinces canadiennes.

Ce soir, 31 décembre, en attendant la fin de 2018, j’ai revu des bribes de ces soirées, avec à peu près les mêmes chansons à répondre, du genre de celle dont j’ai reproduit quelques lignes au début de ce « grain de sel ». J’ai aussi revu les jeunes danseurs de gigue qui reprenaient les mêmes pas d’un village à l’autre. On était en 1978… les robes d’époque portées par les dames, dans le style « Petite maison dans la prairie » côtoyaient les habits de fortrel alors à la mode pour les messieurs. Je regardais danser les fillettes de 10 – 12 ans et je me suis demandé si ces dames, qui ont maintenant environ 50 ans, regardaient elles aussi leurs prouesses d’il y a 40 ans.

Soirée canadienne s’inspirait des veillées du temps des Fêtes d’une époque révolue. De ces rencontres familiales d’antan, on a gardé les repas où la boustifaille prend presque toute la place. Ce qu’on peut manger dans le temps des Fêtes, c’est pas croyable! C’est à qui ferait les meilleures tourtières, le ragoût de boulettes le plus délicieux et la dinde farcie ou non la plus incroyable! Et que dire des hors d’œuvre qui varient d’une famille à l’autre, en passant par les indispensables « petites saucisses »,  jusqu’aux petits légumes accompagnant les trempettes… sans compter les merveilleux fromages de par chez nous servis avec du pain fait maison ou qui y ressemble à s’y méprendre Chose certaine, il reste toujours de la place pour les desserts! La traditionnelle bûche, qu’elle soit faite maison ou non, est tout d’abord un régal pour les yeux! Puis, ça continue avec les beignes, le gâteau aux fruits et les diverses pâtisseries. Chaque cuisinière est fière de ses recettes qu’elle tient de sa mère, qui les tenait de la sienne… Beaucoup de nos traditions proviennent des cuisines de nos aïeules!  Et c’est le temps des Fêtes qui nous permet  de les ressortir!

Une veillée d’autrefois, illustration d’Edmond-J. Massicotte (Bibliothèque et Archives nationales du Canada).

Que ça passe vite le temps des Fêtes, trop vite! Quand j’écris cela, il me revient ce passage d’un livre que j’ai noté il y a longtemps: « Ça passe vite les jours heureux! Mais ils passent sans passer tout à fait. Car l’essence même de ce qui les rendit heureux, demeure, après qu’ils sont effacés du calendrier. » J’ai quand même l’impression que je « tire de l’arrière » comme un vieux cheval. Mais bon, quoi qu’il en soit, j’ai donc délaissé l’écriture pour fêter; c’était quand même le Jour de l’An! Et voilà que nous sommes déjà rendus au 3 janvier. Les calendriers affichent tous de beaux paysages d’hiver. J’en reçu un en cadeau : il s’agit d’un album de photos qui s’étale sur une quarantaine d’années et dont chaque page, sauf une, représente le fleuve à Deschambault.  La plupart des pages montre une chaloupe ou un bateau,  tout près  de  nos deux anciens phares.  Je vis déjà au bord du fleuve, mais avec ce calendrier, le fleuve, il est dans la maison! Comme j’ai la manie de tout noter sur un calendrier, plusieurs dates entourées d’un trait de crayon, attestent déjà que la vie normale va bientôt reprendre son cours. Les autobus jaunes vont recommencer à sillonner nos routes, remplis de jeunes  écoliers.  Les activités de toutes sortes vont recommencer, la Fadoq, le Club Lions, les Fermières ont sans doute déjà fixé les dates de leurs réunions et ce, jusqu’en juin. Il y a aussi la chorale de l’École de musique qui illumine les soirées du vendredi!  Je serai au poste… si j’ai la chance de ne pas être terrassée par le vilain rhume qui flottait dans l’air le soir du Jour de l’An!

Et c’est comme ça qu’il passe, le temps des Fêtes! Il passe très vite, en laissant des restes dans le frigo, des petits jouets dans les endroits les plus incongrus, quelques moutons sur le dos près de la crèche et le chameau qui a déménagé près de l’église. Mais surtout, il m’a laissé de tendres souvenirs qui mettent de la brume dans mes lunettes et qui vont m’aider à passer l’hiver.

© Madeleine Genest Bouillé, 3 janvier 2019

Sur le thème de Noël Nouvelet…

Noël Nouvelet
Noël chantons ici!
Parents et amis
Disons à Dieu  merci!

Chantons Noël!
C’est l’amour le plus grand
Un ange nous appelle,
Allons vers cet Enfant!

Chantons Noël!
Paix sur toute la terre!
Une étoile au ciel
Brille dans la nuit claire

Chantons Noël!
Et la nouvelle année!
Qu’elle nous soit belle
Et remplie de bonté!

Noël Nouvelet
Noël chantons ici!
En cette douce nuit
Chantons à Dieu merci!

Mado,   21 décembre 2018

 

Noël et les poètes

Les poètes ont chanté Noël sur tous les tons. Dans mes archives personnelles, j’ai tout plein de beaux écrits sur la fête de Noël et j’ai eu envie de vous en offrir quelques-uns en cadeau. Parce qu’il faut bien finir par se décider, j’ai choisi trois poèmes, de trois auteurs différents, mais qui curieusement, se rejoignent et me touchent. Tout d’abord, le Noël sceptique, d’un auteur évidemment sceptique. Jules Laforgue, un français, né à Montevideo en Uruguay en 1860, traîne un mal de vivre qui s’exprime dans toute son œuvre.  Lisez plutôt ce poème…

Noël! Noël! J’entends les cloches dans la nuit.
Et j’ai, sur ces feuillets sans foi, posé ma plume.
Ô souvenirs, chantez! Tout mon orgueil s’enfuit,
Et je me sens repris de ma grande amertume.

Ah! ces voix dans la nuit chantant Noël! Noël!
M’apportent de la nef qui là-bas, s’illumine
Un tendre, un si doux reproche maternel
Que mon cœur trop gonflé crève dans ma poitrine.

Et j’écoute longtemps les cloches, dans la nuit…
Je suis le paria de la famille humaine,
À qui le vent apporte en son sale réduit
La poignante rumeur d’une fête lointaine.

Jules Laforgue est décédé de la phtisie, à Paris en 1887…il n’avait que 27 ans!

Je me tourne ensuite vers une poétesse dont j’aime l’écriture et ce, depuis mes années d’étudiante. Marie Rouget, de son nom de plume, Marie Noël, est née à Auxerre en 1883 et est décédée en cette même ville, en 1967.  On a dit de Marie Noël qu’elle était « le poète du désespoir et de la foi ». J’ai choisi quelques vers d’un poème qui a pour titre Morale aux maisons trop prudentes, extrait de Le Rosaire du Jour, publié en 1930.

…Mais qui donc s’arrête ici ce soir?
Une femme passe, un vieux, un âne peureux…
Il ne reste pas de place
Sous les autres toits pour eux
Pour loger à la froidure.
Mais, ô ciel, quelle aventure!
Voici qu’en ce pauvre lieu
Ces pauvres gens sur la dure
À minuit ont couché Dieu
Dieu, le Roi des Cieux qui passe
Sa nuit sur la terre basse…

…Maisons, ce soir apprenez
À ne pas être tant pleines.
Gardez pour un Dieu nouveau-né
Qu’un pas obscur vous amène
Gardez un vide, un endroit…
Gardez un petit espace,
Ô maisons, pour Dieu qui passe.

De Jean O’Neil, un de mes auteurs québécois préféré, j’ai gardé plusieurs poèmes de Noël. La plupart sont tirés du livre qui a pour titre Hivers. Celui que je vous offre s’appelle tout simplement Joyeux Noël!

Noël a mis sa robe blanche
Et de la neige à la fenêtre
Pour un petit qui vient de naître
Car son étoile entre les branches
Dit que l’espoir est un berceau
Perdu dans l’univers immense
Qui s’enfuit hors de toute science
Telle entre les doigts passe l’eau.

Oui, Noël revient en décembre
Avec ses chants et ses lumières
Avec sa dinde et ses tourtières
L’enfant sourit dans l’antichambre
Où les pauvres sont endormis
Sans leurs agneaux, et sans chameaux
Klaxons remplaçant les grelots
Les grands rois viendront en taxi!

Salut Joseph! Salut Marie!
Grand merci d’être au rendez-vous!
Vous n’avez pas changé beaucoup
Entre le bœuf et l’âne gris
Nous sommes aussi revenus
Nous retremper dans la légende
Comme des enfants qui quémandent
Tellement ils se sentent nus.

L’entropie dégrade nos vies
Et elle gruge notre foi
Autant le quotidien déçoit
Autant la moindre fête nous ravit.
Toi, Noël, au bout de nos peines
Tu promets que tout recommence
À la fontaine de Jouvence
Où l’amour est à prix d’aubaine.

Et voilà!  On n’y peut rien. Noël, c’est le rendez-vous avec ce petit enfant dont on parle encore depuis plus de 4,000 ans!  Il ne faut pas le laisser passer tout droit.  Gardons-lui un petit espace dans notre maison, dans notre fête, dans notre vie. Je termine avec les paroles du refrain du chant de l’Avent de cette année : « Oui, nous t’attendons, toi, le Fils de Dieu. Viens combler nos cœurs d’amour et de pardon.  Oui, nous t’attendons. »  Une autre façon de dire : « Venez Divin Messie! »

 Heureuses Fêtes à vous qui me lisez!

© Madeleine Genest Bouillé, 11 décembre 2018

Réflexions devant la crèche

Je n’ai jamais hâte d’enlever les décorations de Noël. Souvent le soir, au temps des Fêtes, quand il n’y a ni sortie, ni réception à la maison, je passe de longs moments à contempler le sapin et la crèche. Surtout que cette année, mon mari a édifié un très beau village qui s’étend au pied de l’arbre de Noël, avec un 2e et un 3e rang en hauteur. Bref, c’est magnifique!

Tout d’abord, je dois dire que nous ne faisons jamais l’arbre de Noël avant le 17 ou le 18 décembre, par coutume, mais aussi parce que nous décorons un vrai sapin et comme « Rome ne s’est pas bâtie en un jour », la construction de notre crèche s’étale sur plusieurs jours. Dans le village, il y a maintenant une bonne dizaine de maisons, dont deux plus grosses qui figurent un hôtel et la mairie. Il y a une église, un magasin de jouets, un phare qui veille sur une hauteur. Une rivière coule vers le bas de  la côte où elle forme un lac. Quelque part, il y a un bonhomme de neige et sous un réverbère, des chanteurs revêtus de costumes de l’époque victorienne interprètent de vieux Noëls.

Notre crèche date de 1981. Auparavant, nous en avons eu plusieurs, faites de carton, qui n’ont pas résisté aux assauts des tout-petits et surtout de ceux des chats! La crèche actuelle est faite en bois, le toit étant un gros champignon. Comme tout le paysage, elle est recouverte de neige.  Ici et là, certains endroits sont recouverts de papier rocher… on change alors de pays et d’époque! Ce n’est d’ailleurs pas le seul anachronisme. Il pousse des sapins et d’autres arbres plus exotiques sur les rochers. Jusqu’au 31 décembre, le Père Noël ainsi qu’un lutin et un renne attelé à son traîneau voisinent les bergers et leurs moutons. L’ange qui est venu avertir les bergers est toujours présent. Il monde la garde tout près de la crèche. Son rôle est primordial : sans lui il n’y aurait pas eu de Gloria in excelsis Deo. À bien y penser, les anges, c’était le Réseau d’information de l’époque.

Mes deux bergers, comme dans le cantique Il est né le Divin Enfant, portent un hautbois et une musette, cet instrument qui ressemble à une cornemuse. Ils font partie du décor depuis sa construction. Ils ont évidemment précédé le petit Jésus de plusieurs jours. À l’arrivée des rois mages, ils vont prendre un peu de recul – ils sont polis quand même! Et les mages ont fait un long voyage. La veille de Noël, je les ai déposés à l’orée du village, pour qu’ils aient encore un bout de chemin à parcourir. Ils sont beaux mes rois : le noir, il est toujours à genoux; humblement, il ne veut pas prendre trop de place. Le blanc, c’est le patriarche; il a les cheveux tout gris sous sa couronne. Le troisième a le teint et des traits plutôt asiatiques et il a l’air plus jeune. Ils avancent vers la crèche, quelques pas chaque jour, suivi du chameau qui a l’air un peu incongru dans ce paysage hivernal.

Marie et Joseph sont déjà arrivés dans leur logis improvisé, quelques jours avant l’événement. Tradition oblige, Marie porte un manteau bleu et un voile blanc. Cette année, après la messe de Noël, Jésus qui attendait son heure solennelle a été déposé dans la crèche par mon petit-fils Samuel. Le Divin Enfant est vraiment très peu vêtu; à chaque année, je me propose de lui confectionner une petite couverture et quand j’arrive à Noël, je m’aperçois que j’ai encore oublié. Pardon petit Jésus, c’est pas de la mauvaise volonté, mais je suis de moins en moins couturière! Quand je regarde le petit Enfant dans son berceau rustique, je pense à cette phrase du poème La Charlotte prie Notre-Dame : « Dans les temps, quand il s’est amené, vous avez bien dû avoir friot, Jésus, et vous Vierge Marie… » Je le connais quasiment par cœur ce poème et, chaque année, j’aime à le réentendre. Ça fait partie de mon rituel du temps des Fêtes, tout comme certains films tels Noël blanc et Le Miracle de la 34e rue.

Enfin, la veille du Jour de l’An, mes grands rois se retrouvent à l’entrée de la crèche. J’ai laissé le chameau un peu plus loin… Il est un peu trop gros; d’ailleurs, je lui préfère les moutons. C’est important les moutons : Jésus va grandir environné de moutons. Il utilisera ces bêtes-là pour donner des leçons à ses disciples et à tous ceux qui viendront l’entendre. Il racontera l’histoire de la brebis perdue et celle du bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. On l’écoutera, mais est-ce qu’on le comprendra? Et deux mille ans plus tard, alors que le monde est civilisé, informé, informatisé, scolarisé, il se trouvera toujours des brebis perdues qui n’auront pas encore rencontré le bon berger et d’autres qui refuseront le message… Dommage! Il a pourtant fait son possible!

Je l’aime bien ma crèche. Chaque année, on prend plusieurs photos, de tous les côtés, de jours comme de soir, alors que les lumières sont allumées. Quand mes enfants étaient petits, mon mari décorait le sapin et moi, je construisais le village et la crèche. En grandissant, tour à tour, les enfants ont participé, autant pour le sapin que pour la crèche. J’ai deux albums de photos avec des images de chaque année depuis 1964. En fait, il manque deux années : 1966, l’année où le Kodak était brisé, et 1971, où on avait une ciné-caméra – il y a donc un film quelque part de ce Noël, mais pas de photo! Je contemple toutes ces photos, avec ou sans les cadeaux au pied du sapin et je revis notre histoire!

Quoi qu’il en soit, c’est toujours merveilleux, l’arbre de Noël, la crèche, les décorations… Non vraiment, je n’ai pas hâte de défaire mes décorations de Noël!

© Madeleine Genest Bouillé, 28 décembre 2017

Noël, son histoire, ses cantiques…

Nos coutumes de Noël, ça part sûrement de quelque chose ou de quelqu’un, quelque part. Les objets, les personnages et les animaux, chacun pris à part, nous font voyager dans les traditions anciennes et dans les pays où la religion chrétienne est ancrée depuis des millénaires.

J’ai fait quelques recherches dans l’amas de paperasses que je conserve depuis l’époque où j’ai commencé à fabriquer Le Phare (je parle du bulletin local évidemment). Étant donné que j’aime Noël et le temps des Fêtes, ce ne sont pas les écrits, ni les images qui manquent.

Je commence avec la crèche. Certains textes disent que le pèlerinage sur les lieux de la naissance de l’enfant Jésus date du 3e siècle et que l’on y montrait déjà la crèche, la mangeoire et la grotte. C’est à saint François d’Assise qu’on doit une première messe de Noël en 1223 à Greccio, un petit village d’Ombrie. Dans une grotte, on avait disposé une crèche garnie de foin et on y avait amené un bœuf et un âne. Il n’y avait pas de personnages, le Christ étant vivant dans l’Eucharistie. La présence des animaux dans une crèche est significative de la nuit de Noël. Plusieurs légendes autour de la Nativité attribuent à l’âne et au bœuf, et partant, à tous les animaux de la ferme, le pouvoir de parler et de faire des prédictions au cours de cette nuit sainte. Le chant qui me vient à cette évocation des animaux de la crèche est bien entendu « Entre le bœuf et l’âne gris… où dort le petit Fils, tandis que mille anges divins, mille séraphins volent alentour de ce grand Dieu d’amour! »

Les crèches, telles qu’on les connait, avec les personnages de Marie, Joseph et l’enfant Jésus, ainsi que leurs visiteurs, les bergers et un peu plus tard, les rois Mages, ont fait leur apparition en Italie à partir du 15e siècle. Plusieurs cantiques se rapportent aux principaux personnages, à commencer par Il est né le Divin Enfant. Arrêtons-nous donc « Dans cette étable où Jésus est charmant! » Il y a beaucoup de monde à la crèche. Les bergers, qui ont été les premiers avisés : « Ça bergers assemblons-nous, allons voir le Messie! » Demandons plutôt à cette jeune fille, qui se tient près de l’entrée avec son petit agneau dans les bras : « D’où viens-tu bergère?  Je viens de l’étable, nous dit-elle, j’ai vu un miracle, ce soir arrivé. » Les chants de Noël ne font pas tous référence à Marie.  C’est à saint Alphonse de Liguori (1696-1787) qu’on doit le magnifique chant « Les cieux ravis ne chantaient plus, ils cessèrent leur harmonie, lorsque chanta Marie au berceau de Jésus. »  Plus près de nous, le poète et romancier français du XIXe siècle, Théophile Gauthier a composé ce très beau chant : « Le ciel est noir, la terre est blanche… Cloches, carillonnez gaiement! Jésus est né, la Vierge penche sur Lui son visage charmant. »    

     

Pour ce qui est des anges, il est évident que Noël leur appartient! C’est un ange qui annonça à Marie qu’elle mettrait au monde un enfant, vraiment pas ordinaire. C’est aussi un ange qui parla à Joseph en songe, lui disant qu’il devait épouser Marie malgré tous les cancans qui couraient dans le village. C’est un ange qui avertit les bergers de se rendre à la crèche où était né Jésus. Il n’y a pas de Noël sans au moins un ange. Qu’il trône en haut de l’arbre de Noël ou qu’il se tienne près de la crèche comme un veilleur… j’ai toujours fait une place d’honneur à l’ange de Noël! Pour ce qui est des chants, tout le monde connaît « Les anges dans nos campagnes ont entonné l’hymne des cieux Gloria, Gloria, in excelsis Deo! » Il y a aussi cet autre cantique aux accents joyeux : « Les Chœurs angéliques ont chanté Noël… mêlons nos cantiques aux accents du ciel! Noël! Noël! Chantons tous Noël! »

La liturgie de l’Avent a remis à la mode le rituel de la couronne de l’Avent avec ses quatre bougies. Autrefois, ce rituel avait une signification qui semble s’être perdue dans le temps; Ainsi, le 1er dimanche, la bougie symbolisait le pardon à Adam et Eve, qui ne seront donc pas condamnés au feu éternel. Le 2e dimanche, la bougie symbolisait la foi des patriarches qui croient au don de la Terre Promise. Le 3e dimanche, la bougie  rappelle la foi de David qui célèbre l’Alliance et le fait qu’elle durera toujours.  Et le 4e dimanche, la dernière bougie symbolise l’enseignement des prophètes qui annoncent un règne de paix et de justice. « Venez Divin Messie, nous rendre espoir et nous sauver!  Vous êtes notre vie, venez, venez, venez! »

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On arrive au sapin, issu d’une très ancienne tradition païenne, qui existait de la Rome antique jusqu’en Scandinavie. La fin de décembre, fin du cycle des saisons, était le temps où on célébrait l’arbre. La tradition du sapin de Noël est née  il y a 5 siècles en Alsace.  Toujours vert, malgré  la neige et le froid, le sapin décoré de bougies et de petits cadeaux est un symbole de vie et d’allégresse! « Mon beau sapin, roi des forêts, que j’aime ta verdure! »

La bûche de Noël, devenue un dessert apprécié de tous, possède une richesse symbolique qui remonte loin dans le temps! Cette tradition, vieille de neuf  siècles, accompagnait la veillée de Noël, au temps où on se chauffait  au feu de l’âtre. La bûche qu’on brûlait à Noël devait durer trois jours et on se devait de l’allumer avec un tison conservé de la bûche de l’année précédente. On jetait sur la bûche de Noël du sel, du vin ou du miel, pour appeler la fécondité. Tout cela rejoignait les plus anciens rites du feu régénérés par le symbole chrétien de la lumière. « Il me reste une bûche, une dernière bûche… viens t’y chauffer un peu. » ou si vous aimez mieux : « Le feu danse dans la cheminée… dehors on tremble de froid… »

Quant aux cadeaux, depuis des temps immémoriaux, le solstice d’hiver et le changement d’année incitent les gens à s’échanger des présents. Qu’ils soient apportés par le petit Jésus, saint Nicolas où, depuis le XIXe siècle, par le Père Noël.  On y trouve aussi une connotation avec la liturgie chrétienne, par le rappel de la visite des rois mages à Jésus, événement qu’on célébrait jadis le 6 janvier, lors de la fête de l’Épiphanie. « De bon matin, j’ai rencontré le train, de trois grands rois qui allaient en voyage… de bon matin, j’ai rencontré le train de trois grands rois dessus le grand chemin. »

Joyeux temps des Fêtes!

© Madeleine Genest Bouillé, 23 décembre 2017.

Mon beau sapin

Mon beau sapin, roi des forêts
Que j’aime ta parure!
Tu me rappelles les beaux jours d’autrefois
À l’époque où ni la neige, ni le froid
Ne pouvaient nous empêcher
D’aller dans les bois pour te trouver.
Mon beau sapin, roi de nos fêtes…
Que j’aime le parfum de ta ramure!

Toi que Noël planta chez nous
Au saint anniversaire.
Pendant que les enfants sommeillaient
En cachette on te décorait.
Au réveil on découvrait sous tes branches
Des cadeaux, près de la crèche où veillait un ange.
Majestueux sapin qui trônait chez nous
Décoré par les mains de ma mère.

Mon beau sapin, tes verts sommets
Et leur fidèle ombrage,
Furent témoins de nos plus belles fêtes.
Les petits, vers toi levaient la tête
Pour t’admirer, le regard émerveillé!
Les plus grands te regardaient avec fierté.
Sapin de mon Noël présent, un ange veille à ton sommet
En souvenirs des Noëls passés, pour te rendre hommage!

© Madeleine Genest Bouillé, décembre 2016

Je croyais au Père Noël

Eh bien oui, jusqu’à un certain âge, je croyais au Père Noël. Contrairement aux enfants des temps modernes qui le voient « en chair et en os » un peu partout dans les endroits publics et les parades, dans mon jeune temps, surtout à la campagne, nous n’avions que peu de chance de rencontrer ce sympathique bonhomme à barbe blanche, sauf si nos parents nous emmenaient aux grands magasins comme chez Paquet ou au Syndicat de Québec. Je précise que nous n’avions pas encore la télévision; nos images du Père Noël étaient celles qu’on voyait parfois sur la page couverture des magazines auxquels nos mères étaient abonnées, ou sur les journaux; et plus souvent qu’autrement, ces photos étaient en noir et blanc. Ce cher Père Noël n’avait donc pas plus de consistance pour nous que les anges ou les saints imprimés sur les images pieuses que nous recevions à l’école, en récompense de nos bonnes notes.

Parlons-en des bonnes notes! Après la classe des « petits » aux couvent, c’est-à-dire les 1ère, 2e et 3e années, on arrivait dans celle des 4e et 5e années. Nous n’étions plus des bébés. Et c’est là que j’ai vécu mes premiers vrais problèmes. J’avais appris à additionner et soustraire, c’était compréhensible, mais là, il fallait résoudre toutes sortes d’énigmes, avec des paniers de pommes et de pêches qu’il fallait distribuer et ça n’arrivait jamais égal pour tout le monde, ou encore des tartes divisées en  tellement de parts, que c’est à peine si on peut y goûter! Je n’y comprenais rien. Et j’étais tellement persuadée que je n’y parviendrais jamais que je ne me forçais pas du tout. D’après moi, la Sœur qui nous enseignait, aussi bien que mes parents, auraient dû comprendre que l’arithmétique, ça n’était pas pour moi! Alors, je négligeais de noter mes devoirs, je faisais un problème de temps à autre pour montrer ma bonne volonté, mais je laissais tout ce qui était trop difficile. Ce n’était pas de ma faute, je n’avais pas de talent pour les chiffres! J’étais vraiment incomprise.

Cette année-là, on m’avait dit que si je faisais des progrès en arithmétique, j’irais voir le Père Noël et je ferais un tour dans le nouveau petit train au magasin de la Compagnie Paquet. Je tentai de mettre un peu plus d’ardeur, mais j’avais pris du retard dans mes problèmes et j’ai évidemment échoué mon examen pour le bulletin de décembre. J’ai compris cette fois-là que les adultes sont parfois bien loin d’être gentils! Nous avons été magasiner à Québec; il me fallait des bottes d’hiver. On m’a même emmenée à l’étage du Père Noël. Là, je l’ai vu, de loin. J’ai bien vu aussi le petit train tout rouge, rempli d’enfants qui riaient et qui criaient de joie… et nous sommes redescendus, puis nous sommes sortis du magasin, nous avons repris l’autobus et nous sommes rentrés à la maison! Je croyais toujours au Père Noël, surtout depuis que je l’avais vu. J’espérais donc qu’après la punition que j’avais reçue, peut-être qu’il aurait pitié de moi et que je recevrais quand même des étrennes à Noël… Je ne me souviens pas ce que j’avais demandé, mais j’ai reçu les jouets désirés.

L’année suivante, quelqu’un m’avait suggéré d’envoyer une lettre au Père Noël en lui précisant ce que je désirais recevoir en cadeau. Je commençais à me demander s’il existait vraiment, même si, on l’entendait chaque jour à la radio, aux environs de 4 heures, lorsque que nous étions de retour de l’école. Au cours de cette brève émission, le Père Noël disait un court message, mais surtout, il défilait une liste de prénoms d’enfants, lesquels avaient, parait-il, été sages. J’écoutais chaque jour et mon prénom n’était jamais cité. Cela m’inquiétait bien un peu… pourtant il me semblait que je n’étais pas si tannante que ça. À l’école, ça allait bien, l’arithmétique me causait encore quelques problèmes, mais je m’en sortais quand même pas si mal. J’avais appris ma leçon l’année d’avant.

Je décidai donc d’écrire au Père Noël. On m’avait donné une adresse très facile à retenir : Père Noël,  O-O-O, Pôle Nord. Je me préparai en secret car j’avais un peu peur qu’on me taquine à ce sujet. N’ayant pas de papier à lettre, j’arrachai une page de mon cahier de brouillon afin d’y rédiger ma missive. Chaque année, en décembre, nous écrivions la lettre du Jour de l’An pour nos parents, laquelle était jointe à notre bulletin du mois de décembre. Je n’aimais pas cette lettre, car on copiait tous la même lettre que notre professeur avait écrite au tableau. Je pris quand même cette composition comme modèle. Une compagne un peu curieuse, qui trouvait sans doute que j’écrivais beaucoup, finit par découvrir que j’écrivais au Père Noël. Elle était un peu plus âgée que moi et elle se mit à rire : « Quoi? Tu crois encore au Père Noël? Voyons donc, c’est rien que des menteries! C’est bon pour les bébés.». J’étais en colère et je lui répondis : « C’est pas de tes affaires. » Je terminai ma lettre et, l’école finie,  je rentrai à la maison.

Mine de rien, je déposai mon enveloppe dûment adressée avec les autres lettres qui devaient être postées le lendemain. C’était ainsi qu’on procédait, on achetait au bureau de postes les timbres dont on avait besoin. J’étais donc certaine que ma lettre s’envolerait vers le Pôle Nord! Mais, comme on disait dans le temps, c’était « arrangé avec le gars des vues »! La lettre en question n’est pas allée plus loin que la porte… quelqu’un dans la maison l’a ramassée et s’est chargé de noter les demandes pour le Père Noël. Je me souviens que j’avais demandé un petit téléphone « à cadran », très nouveau, puisqu’on en était encore au téléphone avec un cornet acoustique accroché à une boite munie d’une manivelle avec laquelle on sonnait pour rejoindre le central. J’avais même précisé le numéro et la page dans le catalogue chez Simpson’s Sears. J’avais demandé aussi une maison de poupée. À Noël, j’ai reçu le téléphone, exactement celui que j’avais demandé, et qui était illustré dans le catalogue, j’avais aussi la belle maison de poupée en carton bleu. Mais je ne sais pourquoi, malgré que j’avais reçu les cadeaux commandés, je demeurais septique… Peut-être bien qu’au fond, je n’y croyais plus au Père Noël. Comme dans la chanson que chantait maman « J’avais passé l’âge »!

Noël 1951: la maison de poupée !

© Madeleine Genest Bouillé, 19 décembre 2017

Les Chœurs angéliques

Image sainte reçue au couvent en 7e année.

Les Chœurs angéliques
Ont chanté Noël.
Mêlons nos cantiques
Aux accents du ciel…

Mêlons-y nos rêves
Et la poursuite sans trêve
D’un bonheur si vite effarouché.
Croit-on le saisir? Il est déjà passé!

Mêlons-y nos espoirs
Comme des étoiles au ciel noir.
Ces espoirs auxquels on s’accroche,
Pour oublier que la terre tourne croche.

Mêlons-y nos amours;
Celles qui doivent durer toujours.
Auprès du berceau de l’enfant,
Déposons nos joies, nos tourments.

Avec les Chœurs angéliques
Chantons Noël!
Mêlons nos cantiques
Aux accents du ciel!

 

© Madeleine Genest Bouillé, 2009

Noël d’enfant

Le premier Noël dont je me rappelle est celui de mes cinq ans. Étant trop jeune pour aller à « la vraie école », depuis octobre on m’avait inscrite dans une classe privée, tout d’abord parce que j’avais tellement hâte de savoir lire les bandes dessinées du journal, surtout les histoires de Philomène. Dans cette classe qui se tenait autour de la table de la cuisine chez Madame Laplante, en plus des rudiments de lecture et d’écriture, un peu de mathématiques – qu’on appelait alors « arithmétique », j’apprenais le catéchisme afin de pouvoir faire ma première communion. À l’époque, les parents tiraient une grande fierté quand ils pouvaient dire que leur enfant avait fait sa « petite communion » à cinq ans.

Moi à 5 ans… (©coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

On m’avait bien expliqué des semaines à l’avance que la messe aurait lieu durant la nuit. Il s’agissait d’une messe pas ordinaire, au cours de laquelle défileraient les cantiques que je connaissais déjà, pour les avoir entendus dans les veillées de famille au temps des Fêtes. Il faut dire que chez nous, tout comme chez mon grand-père, le cordonnier, la musique faisait partie intégrante de toutes les fêtes. Mon grand-père jouait du violon, de même que ma tante Alice, ma tante Gisèle jouait de la guitare et ma tante Rollande accompagnait au piano les musiciens, aussi bien que les chanteurs et chanteuses. D’ailleurs, presque tout le monde chantait, sauf les oncles, joueurs de cartes. Tous les airs de Noël y passaient… mon père entonnait le Minuit Chrétiens, ma sœur poursuivait avec Jésus de Nazareth. Nous, les plus jeunes, n’étions pas en reste; on nous faisait chanter Vive petit Noël. Ah! Comme on l’aimait ce Dieu des gentils bébés roses, qui donne tant de belles choses!

Le retour de la messe de minuit (XIXe siècle), source: Edmond-Joseph Massicotte/Bibliothèque et Archives Canada/ C-001119 .

Je reviens à ce Noël de mes cinq ans. La veille, on nous avait envoyés au lit plus tôt. Les grandes personnes ayant un tas de choses à faire : il fallait rentrer et décorer le sapin, installer la crèche, garnir les bas de Noël et mettre la dernière main aux préparatifs du réveillon. Nous étions tellement énervés que nous ne dormions pas beaucoup. Nous tentions d’aller regarder au travers des barreaux de la rampe de l’escalier, mais il y avait toujours un adulte qui découvrait le curieux – ou la curieuse, et nous retournions nous coucher en vitesse. Quand enfin nous parvenions à dormir, il était presque temps de se lever et de se préparer pour la messe.

Effectivement, quand on vint me réveiller, je dormais profondément et je mis un peu de temps à me rappeler pourquoi on me dérangeait ainsi dans un si bon sommeil. Encore endormie, je m’empêtrais dans mes vêtements. Je faillis mettre ma robe à l’envers… Elle était si belle ma nouvelle robe en velours « rouge vin », dont les boutons ressemblaient à des petits chapeaux mexicains. Sans ma mère qui vint à mon secours, je n’aurais jamais été prête à temps. Ne demeurant pas très loin de l’église, nous nous rendions à pied. C’était une belle nuit claire et froide, de quoi me réveiller tout à fait! On s’installa dans le banc de famille au jubé, à côté de l’orgue. J’aimais beaucoup cet endroit car on voyait la chorale et cela m’enchantait. On m’a raconté que je disais souvent : « Quand je serai grande, je vais aller chanter en haut à l’église, près de l’orgue ». Je croyais alors que c’était un métier comme un autre. On ne réalise pas tous nos rêves, mais j’ai eu le bonheur de réaliser celui-là!

Finalement, je ne me souviens pas de ma première communion, j’étais trop jeune et j’avais du mal à rester éveillée. Il faut dire que le curé de ce temps-là était un excellent orateur, alors évidemment, dans les grandes fêtes, il s’encourageait et prolongeait volontiers son sermon. Je n’ai gardé de cette première messe de minuit que le souvenir de la musique. L’orgue, dont les harmonies vibraient jusqu’au plafond me semblait-il, et les chants de la chorale qui éclataient comme une fanfare! Je me souviens aussi de la foule nombreuse et joyeuse; les messieurs vêtus de longs paletots, leur chapeau à la main et les dames en manteau de fourrure. Tout ce beau monde s’interpellait en riant, d’un banc à l’autre au  jubé. Plusieurs avaient sans doute déjà commencé à fêter… Malgré le bruit et la foule, j’avais trouvé la messe pas mal longue. Je devais avoir hâte de revenir à la maison. Au retour, le réveillon à peine terminé, je ne fus pas longue à retourner me coucher, certaine de trouver au matin, mon bas de Noël rempli de friandises et de petites surprises; les « étrennes » étant distribuées seulement au Jour de l’An.

La vieille route enneigée (rue Johnson) dans les années 50 (©coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Plus tard, on m’a raconté cette anecdote. Quand on m’a demandé si j’avais aimé la messe de minuit, j’aurais, paraît-il, répondu ceci: « La messe de minuit dans le soir, j’aime pas bien ça, j’aimerais mieux une messe de minuit dans le jour ». En grandissant, j’ai pu mieux apprécier ces moments merveilleux où mon église en fête, remplie à craquer, brille de toutes ses lumières… la procession avec le petit Jésus, la crèche, et surtout la musique! La belle messe de Sainte-Thérèse, de Théodore de La Hache, que j’ai eu le bonheur de chanter pendant près de quarante ans! Aujourd’hui, je participe à la messe qui a lieu plus tôt en soirée; nous y chantons les vieux cantiques toujours si beaux et c’est chaque fois un bonheur dont je ne saurais me passer. J’imagine mal un Noël qui ne commencerait pas par la célébration religieuse à l’église, mais on ne connait pas l’avenir… et c’est bien mieux ainsi!

Église Saint-Joseph, vers 1950 (©coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

© Madeleine Genest Bouillé, 12 décembre 2017