Ces pauvres iris!

On est en juin; malgré la température plutôt fraîche – du moins jusqu’à aujourd’hui – mes iris ont commencé à fleurir. J’aime beaucoup ces fleurs, surtout que nous en avons  beaucoup.  Tellement, qu’à chaque année à l’automne, mon mari en enlève, les replante ailleurs ou il en donne à qui en veut, quand il ne sait plus où les mettre!

Voilà qu’avec la nouvelle lune, nous arrivent des jours moroses, accompagnée de vents violents, Dame Nature est de plus en plus portée sur les débordements.  Ça fait partie des changements climatiques… on ne peut plus se le cacher! Quoi qu’il en soit, on doit se compter chanceux, nous n’avons quand même pas d’inondations, de cyclones, de tornades ou de tremblements de terre dévastateurs.

Mais les pauvres iris! Dès que le vent les secoue un peu fort, qu’importe le côté d’où il vient, mes iris se couchent… et ne se relèvent plus! La tige est pliée, il n’y a rien à faire. Il ne nous reste plus qu’à couper les malheureuses fleurs qui n’ont pas su rester debout. Parfois, elles ne sont même pas encore en pleine floraison, c’est dommage. Chaque fois, ça me désole!

Ce phénomène m’a inspirée une réflexion que je vous livre. Quand il arrive un coup dur, n’est-ce pas qu’il serait tentant de se coucher et de ne plus se relever? Ne plus lutter, ne plus souffrir, avoir la sainte paix!  Quand on n’offre plus de résistance, que peut-il arriver de pire que de rester à terre? Certains le font… c’est aussi ce que font les iris. Au premier gros vent qui les assaille, ils cèdent. Remarquez, je me disais aussi que si Jésus était resté à terre à sa première chute, peut-être qu’on l’aurait laissé tranquille, mais non, il s’est relevé, trois fois, alors on s’est acharné sur lui, et on a fini par le crucifier. Oui je sais bien, il était écrit qu’il fallait que ça se passe ainsi. Il fallait qu’il se relève, pour continuer son chemin vers le Calvaire. Il devait aussi se relever pour nous enseigner à faire de même…

La saison des iris passe très vite… c’est sûrement mieux ainsi. La tentation de tout laisser tomber quand ça va mal, il ne faut pas que ça dure. C’est normal, c’est humain et comme le disait Charles Péguy : « Seigneur, vous nous avez pétri de cette terre, ne vous étonnez pas de nous trouver terreux! »

© Madeleine Genest Bouillé, juin 2009

« Au printemps… p’tites feuilles! »

Quand ma fille était petite, je regardais « Passe-Partout » chaque jour avec elle. Pour dire vrai, c’est moi qui aimait le plus cette émission! J’apprenais les chansons, je riais des blagues de Passe-Montagne, et comme bien des mères, mon préféré était évidemment Fardoche! J’aimais particulièrement la comptine :

Au printemps, p’tites feuilles
En été grandes feuilles
En automne, plein de feuilles
En hiver, pus de feuilles!

Et malgré la température un peu froide, on est enfin dans ce bout de printemps que j’adore : celui des « p’tites feuilles ». Les crocus sont passés, on a encore quelques jacinthes, quoique, dimanche dernier, mon petit Pierrot m’a demandé la permission de cueillir trois fleurs pour sa maman, deux jacinthes, une bleue et une blanche, et une petite tulipe en deux couleurs. Je ne pouvais quand même pas lui dire non! Surtout que c’était la fête des Mères. Quand j’étais jeune, autant à la maison qu’au couvent, on nous disait qu’un sacrifice était toujours récompensé; tenez, ce matin, une tulipe jaune est éclose! Et les autres sont sur le point de faire la même chose; comme on dit parfois, l’exemple entraîne!

Ce n’est pas la première fois que je le dis et que je l’écris : nous voici enfin rendus à ma saison préférée! J’aime tous les signes de renouveau, l’herbe tendre, les plantes vivaces qui se montrent le bout du nez, même les pissenlits, et surtout les myosotis qui poussent un peu partout. Vous connaissez leur nom en anglais? Ces petites fleurs bleues s’appellent « Forget-me-not »; n’est-ce pas charmant! Les feuilles de muguet sortent timidement de terre; je n’en ai pas beaucoup, ces fleurs dont j’aime tellement le parfum poussent bien humblement le long du solage de la maison, du côté ouest. Et bientôt ce sera le tour des lilas; comme le dit la chanson : « Quand les lilas refleuriront, au vent, les capuchons de laine… nos robes rouges, nous mettrons, quand les lilas refleuriront… Sur le tapis vert de la plaine, nous reviendrons danser en rond… Quand les lilas refleuriront, allez dire au printemps qu’il vienne! » Au temps des lilas, quel que soit notre âge, il nous arrive tout à coup une bouffée de nos 20 ans qui surgit soit un beau matin, quand on met le nez dehors, ou bien à la tombée du jour, à l’heure où les fleurs embaument si généreusement et où les grenouilles nous régalent de leur sérénade!

Célébrer l’arrivée du printemps, c’est aussi descendre sur la grève, en face de chez nous pour aller écouter la chanson des vagues, à la marée montante. Avec un peu de chance, il peut y avoir un rassemblement d’oies blanches, alors je me tiens sagement sur le balcon du chalet pour ne pas les effaroucher, quoique j’ai plutôt l’impression qu’elles se fichent pas mal de ma présence. Parfois un ou deux bateaux passent et font de belles vagues qui ne dérangent nullement les oies, lesquelles continuent leur bavardage. Après les grosses marées des dernières semaines, la grève est toute propre comme si on avait passé l’aspirateur! Non, mais que peut-il y avoir de plus beau que ce petit coin de pays, qui est le nôtre! Bien sûr, il y a la route devant ma porte, la 138. Il en passe des autos, des motos, et il va en passer encore plus dans quelques mois. On s’habitue! Et on profite des bons moments, soit tôt le matin ou tard le soir quand tout redevient calme…Voici qu’une autre chanson me vient à la mémoire : « Comme le dit un vieil adage, rien n’est si beau que son pays. Et de le chanter, c’est l’usage, le mien je chante à mes amis. »

Ai-je besoin de dire que mon souhait le plus cher est de finir mes jours chez moi? En ce sens, je rêve du jour où on mettra sur pied des services à domicile permettant aux personnes âgées relativement en bonne santé de demeurer dans leur foyer le plus longtemps possible! Je suis persuadée qu’on vieillit moins vite, quand on vieillit chez nous!

© Madeleine Genest Bouillé, 15 mai 2018

Cet été je ferai un jardin

Papa qui joue au fermier... sur la faucheuse du voisin.

Papa qui joue au fermier… sur la faucheuse du voisin.

Avant d’aller plus loin, je dois vous avouer que je n’ai pas le pouce vert, alors là, pas du tout! Chez mes parents, c’était surtout mon père qui s’occupait du jardinage. Orphelin très jeune, il avait séjourné dans plusieurs institutions où, entre autres choses, il avait appris le métier de jardinier. Pour un enfant qui a manqué de « chez-soi », posséder un bout de terrain pour y faire pousser des légumes ou des fleurs, ça doit être encore plus significatif. Je crois que cela le rendait vraiment heureux. Plus tard, quand ses problèmes de santé l’ont rendu incapable de s’occuper du jardin, c’est un de mes frères, ayant hérité de ce talent, qui prit la relève. Parfois j’aidais ma mère à cueillir les laitues, radis, concombres et autres légumes ainsi que les fines herbes quand venait le temps de la récolte. C’est tellement bon les légumes qu’on ramasse chez soi!

Il y a une quarantaine d’années, nous avons emménagé dans la maison que nous occupons toujours. On pouvait encore distinguer les contours d’un ancien potager au fond de la cour et, visiblement, il y avait déjà eu des plates-bandes en avant et sur le côté est de la maison, comme l’attestaient quelques plantes vivaces, encore présentes et même envahissantes. Cela allait de soi qu’on restaure ces espaces afin d’y planter fleurs et légumes. Je n’y connaissais pas grand-chose, les enfants étaient trop jeunes, aussi ce travail fut tout naturellement dévolu à l’homme de la maison. N’allez pas croire que le jardinage me laisse indifférente, au contraire! De temps à autre, j’aime aller sarcler. Toutefois, j’attends que les plantes atteignent une certaine hauteur pour être sûre de les reconnaître et voici pourquoi. Un des premiers étés où nous habitions chez nous, voulant faire preuve de bonne volonté, j’avais consciencieusement arraché toutes les petites pousses de carottes, croyant que c’était des mauvaises herbes! Heureusement, il était assez tôt dans la saison et on avait pu semer d’autres graines, de sorte que nous avons récolté quand même des carottes, seulement un peu plus tard. Chaque printemps, je ne résiste pas non plus à l’envie d’acheter des petites enveloppes de graines de fleurs que la plupart du temps je ne connais même pas; du moment que ce sont des graines à semer en pleine terre, ça me va. Remplie d’espoir, je sème mes petites graines comme ça vient, sans trop de méthode, et je suis toujours agréablement surprise quand ça lève. Pour moi, c’est à chaque fois un miracle!

Le résultat de nos efforts!

Le résultat de nos efforts!

Comme le disent les paroles de la chanson : « Cet été je ferai un jardin, si tu veux rester avec moi… il sera petit. » Maintenant que nous sommes la plupart du temps seulement deux à la maison et que les articulations moins souples rendent le travail plus laborieux, c’est certain que le jardin a rapetissé. Malgré tout, à chaque printemps quand mon homme me demande si on fait un jardin cette année, je réponds : « Oui, mais un tout petit ! » Il manquerait quelque chose à mon été sans les couleurs et les odeurs des plates-bandes et du potager. Les résultats ne sont pas toujours aussi bons qu’on le désirerait. Mais qu’importe si les betteraves sont trop petites ou que les plants de tomates n’ont pas donné comme on l’aurait souhaité, et qu’importe si les fleurs de la plate-bande du côté ouest sont plus chétives que celles du côté est – particularité que je n’ai jamais comprise. En vérité, aucune satisfaction n’est comparable à celle que l’on ressent quand on récolte ce qu’on a semé. Un poète l’a dit beaucoup mieux que moi : « Sois satisfait des fleurs, des fruits et même des feuilles. Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles! »

Pour continuer avec la chanson de Clémence Desrochers : « C’est certain, j’en prendrai bien soin… » Oui il faut prendre soin de ce que la nature nous donne si généreusement; on doit y mettre du temps, du travail et de l’amour évidemment. Mais si je me souviens bien, c’est de saint Joseph qu’on tient cette dernière parole : « Seul est libre celui – ou celle – qui sait se servir de ses mains. »

© Madeleine Genest Bouillé, mai 2015

Ma saison et ma fleur préférées, 1955 et 2015…

Mars 1955, 10e année

Une photo de moi, à l'été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

Une photo de moi, à l’été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

« Ce n’est pas l’été; parce qu’en été la chaleur est torride et il y a souvent des orages. Ce n’est pas l’hiver parce qu’en hiver il y a des tempêtes et il fait froid; quand on pense que tant de malheureux en souffrent! Ce n’est pas non plus l’automne parce qu’en automne le soleil est absent et le temps est pluvieux. Voilà! Ma saison préférée, c’est le printemps, au réveil de la nature, quand les oiseaux reviennent de leur long voyage dans le sud, pour nous égayer de leurs chants, quand les feuilles commencent à pointer leurs petits bourgeons verts aux branches. Car voyez-vous, quand on est au printemps de la vie, comment ne pas aimer le printemps de l’année!

Maintenant j’en viens à ma fleur préférée : ce n’est pas la rose malgré sa beauté; parce que pour la cueillir on s’écorche les mains sur ses épines. Ce n’est pas la violette non plus parce que je n’aime pas le violet qui est une couleur de deuil. Ce n’est pas le muguet parce qu’il se fane trop vite. Voilà! Ma fleur préférée est le lilas, avec son parfum doux et léger, il embaume l’atmosphère; et j’aime le lilas parce que c’est une des premières fleurs du printemps et que le printemps est ma saison préférée! »

Avril 2015

Le très vieux cahier d’écolière dans lequel j’ai retrouvé des rédactions faites en dixième année, révèle une écriture inégale et peu soignée, mais au moins, je n’y trouve pas de fautes de grammaire, ni d’orthographe. Je me souviens très bien de ce texte, car j’en aimais le sujet. Cette rédaction étant datée de mars, bien évidemment, ma saison préférée était le printemps. Si le même devoir avait été donné en novembre, je me demande ce que j’aurais écrit…

Ma saison préférée est toujours le printemps, bien que je ne sois plus au printemps de la vie. L’espérance qui m’habite, même dans les heures les plus sombres, est fille du printemps. Pour ce qui est des autres saisons, disons qu’en novembre, j’ai hâte à l’hiver, parce que les jours gris de ce mois de mon anniversaire me font l’humeur chagrine et que j’ai hâte à Noël, comme les enfants et toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, croient encore au Père Noël! Après le temps des Fêtes, je trouve l’hiver très beau pendant un mois ou deux. Par la fenêtre, je me plais à regarder tempêter la neige, rugir le vent et tourbillonner la poudrerie. Sans doute est-ce un effet de l’âge, mais de plus en plus tôt en mars et souvent même en février, j’ai hâte au printemps. Cette saison est celle des nuances. On passe du blanc sale, au gris, puis au noir et timidement le vert fait son apparition, sur le sol et dans les arbres, du vert tendre jusqu’au vert le plus éclatant. Toute cette verdure semble avoir été mise en place pour préparer la venue du roi Été qui s’amène chargé de fleurs, dans toute sa gloire! Comment de pas l’aimer! C’est le temps des vacances, des promenades sur la terre et sur l’eau; cette saison a des splendeurs de carte postale. On est bien dehors à l’ombre, on ne s’en lasse pas et on voudrait que le temps s’arrête. Par contre j’avoue que je n’aime pas les chaleurs lourdes où on n’a plus envie de bouger. Heureusement, dans notre coin de pays au bord du fleuve, si la température est plus humide, elle est tempérée par le vent toujours plus ou moins présent. Puis les jours raccourcissent, les oiseaux font déjà leurs bagages, et voici l’automne, le magnifique, incontestablement le plus beau, avec ses couleurs qu’aucun peintre ne peut rendre avec justesse. Ses journées sont d’une douceur qu’on ne retrouve pas en été. Magnanime, il nous offre un assortiment de fruits et de légumes, pour se faire pardonner de devoir partir si vite. Mais voilà! L’automne, c’est la fin d’une histoire et je n’aime pas les choses qui finissent. C’est pourquoi je préfère le printemps et sa beauté qu’on devine à peine au début et qui se révèle petit à petit. Chaque jour fait éclore une nouvelle feuille, une fleur, tandis que dans un arbre, chante un oiseau qui n’était pas là hier. Printemps, saison de renaissance… ma saison préférée!

Le lilas, l'une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Le lilas, l’une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Ma fleur préférée n’est toujours pas la rose, trop parfaite, sans doute. Les pissenlits, même s’ils ne sont pas jolis, méritent notre admiration. Ce sont des fleurs courageuses, on ne les aime pas; mais les tondeuses ont beau les écraser de tout leur poids, les pissenlits se relèvent chaque fois et suivent le cours de leur existence jusqu’à devenir ces petites boules duveteuses dont les enfants – et les grands-mères un peu folles, s’amusent à souffler les graines au vent. Les marguerites se laissent effeuiller sans protester, comme si leur beauté ne devait servir qu’à ça. Évidemment, j’aime toutes les fleurs du printemps, dont les premières, les braves crocus, jacinthes et tulipes. Mais ce ne sont pas là mes préférées. Vraiment, il m’est impossible de choisir entre les muguets odorants, qui me rappellent de si jolies chansons, et les lilas, ces délicates grappes mauves dont le parfum est celui de mes jeunes années. Car voyez-vous, quand on n’est plus au printemps de la vie, on ne cesse jamais d’aimer le printemps de l’année ainsi que les fleurs qu’il nous offre si généreusement!

© Madeleine Genest Bouillé