C’était en mai 1984

Comme je l’ai laissé entendre dernièrement, j’ai décidé de m’offrir un 4e livre. Évidemment, avec ce qui se passe actuellement, je ne sais pas quand je pourrai réaliser ce projet. Mais j’ai vraiment hâte!

J’ai fouillé dans mes vieux Phares (le mensuel d’information communautaire de Deschambault); étant donné que je les ai tous conservés, de 1978 à 2005 inclusivement. J’ai relu mes trois premiers livres aussi… C’est comme un vieux film qu’on n’a pas vu depuis longtemps. Il y a des bouts dont on ne se rappelle plus…

D’autres avec lesquels on est plus ou moins d’accord, on se dit : « J’ai écrit ça, moi? » Quoi qu’il en soit,  je dirais que c’est un voyage dans le temps. Un voyage nécessaire, un peu comme un grand ménage, si vous voyez ce que je veux dire.

J’ai choisi un « grain de sel » de mai, alors qu’on préparait l’anniversaire d’une association qui a eu beaucoup d’importance chez nous. Voici donc, l’éditorial du Phare de mai 1984 (ça fait juste 36 ans!). Le titre était :

Victoria, Élizabeth… ou Dollard?

Cette année, le 20 mai, on fête le 40e anniversaire de la Société Saint-Jean-Baptiste à Deschambault. Au cours de mes années d’études au couvent, je me souviens que la SSJB était l’organisme qui, entre autres choses, décernait les prix de fin d’année aux élèves méritants en français, diction, histoire. C’était encore cette association patriotique et culturelle qui organisait les fameux débats d’Histoire du Canada, débats au cours desquels s’affrontaient les élèves de la classe des « grandes » (l’Académie) du Couvent, contre les « grands » de l’école du village. C’était les gars contre les filles!  Comme on ne se rencontrait pas souvent, cela ajoutait de l’intérêt à la chose. Comme le temps passe: dire qu’il fut un temps où je pouvais réciter par cœur toute la liste des intendants de la Nouvelle-France, et avec les dates, s’il vous plaît!  Il faut croire que nous étions bien motivées.

La Société Saint-Jean-Baptiste, ce fut aussi au début des années 50, le Congrès de la Langue Française, qui donna lieu au couvent à une grande fête. Je me souviens que nous avions chanté Le Baiser de la Langue Française, une chanson qu’on retrouve dans les cahiers de l’Abbé Gadbois. Le personnage qui représentait la Langue Française était joué par une élève, la meilleure en français, il va sans dire. Elle trônait sur la scène, drapée dans les plis d’une tunique vaguement  grecque, alors que nous, ses humbles sujets, l’écoutions nous chanter : « Fière Jeunesse aux grâces conquérantes… je vous souris sous des cieux immortels… »  Nous reprenions le refrain : « Ô tes baisers, langue de poésie, sont enivrants de saveur, d’idéal… »  Saint-Ciel que c’était beau! On s’émouvait pour de bien belles choses dans le temps.

Mais la Société Saint-Jean-Baptiste, c’était surtout la fête de Dollard des Ormeaux, le 24 mai. Il n’y avait pas de congé, ce jour n’étant pas férié. Cependant, au couvent, on soulignait la fête pendant les cours. Belle occasion de stimuler notre patriotisme. On rappelait l’époque glorieuse – mais combien périlleuse – de Dollard et ses compagnons  au Long-Sault. On chantait Ô Canada, respectueusement et impeccablement, et nos voix vibraient d’accents patriotiques en chantant L’Hymne à Dollard : « Quitte à jamais l’immortelle tranchée… Reviens Dollard combattre jusqu’au bout. »

Ce combat de Dollard et de ses seize braves représentait pour nous l’incessant combat pour maintenir « notre langue, notre religion, nos droits ». Nos professeurs, aussi bien l’instituteur des garçons, qui était alors M. Côme Houde, que les religieuses du couvent, faisaient leur possible pour nous inculquer des notions de patriotisme. Il n’était pas question de fêter la reine, nous étions alors sous le règne de Georges VI. Ce fut plus tard que la reine Élizabeth instaura la Fête de la Reine Victoria, qui a lieu le troisième lundi de mai.

« Que reste-t-il de tout cela, dites-le-moi… »  Aujourd’hui pour la majorité des gens, ce qui compte c’est le congé. Peu importe qui on fête, l’important c’est la belle fin de semaine de trois jours, celle où souvent, quand la température le permet, on prépare le chalet, ou le terrain pour le jardin, le parterre. Ici, à Deschambault, on sait que nous fêterons le 20 mai l’anniversaire de fondation d’une association qui a fait beaucoup chez -nous depuis 40 ans, pour la culture et le patrimoine. C’est un événement paroissial à ne pas manquer.

© Madeleine Genest Bouillé, 22 mai 2020, à partir d’un article de mai 1984.

Une belle histoire…

Aujourd’hui, 6 janvier, c’était l’Épiphanie. Je dis « c’était » parce qu’il est bientôt 23 heures, donc, ça achève. À la messe, on a chanté quelques cantiques du temps des Fêtes…c’était la dernière fois d’ici à Noël, dans un peu moins de 12 mois.  Je ne sais pas si vous êtes venus voir la crèche à l’église, pour ça aussi, c’était votre dernière chance, tout devra être défait pour dimanche prochain.  Autrefois, on avait comme on dit un « lousse » entre la Fête des Rois et le Baptême de Jésus, qui comme on le sait a été baptisé à l’âge adulte.  Maintenant, il n’a pas le choix, il grandit vite, dimanche le 13, c’est le Baptême et ensuite, vas-y mon homme, c’est la vie publique qui commence!

À l’homélie, notre pasteur suppléant, nous a raconté la visite des Rois Mages, qui étaient de grands savants, venus adorer Jésus dont ils avaient été avertis de la naissance, d’une façon pas ordinaire. Ces Mages avaient vu une étoile pas comme les autres, plus brillante, qui se déplaçait vers l’est, ou l’Orient, comme vous voulez. Ils ont donc suivi cette étoile…Imaginez, en 2019, trois hommes ou trois femmes, si vous préférez, qui partent en plein hiver pour une destination inconnue, parce qu’ils suivent une étoile. Juste ça, c’est déjà de la science-fiction!  L’histoire nous dit ensuite que l’étoile s’est arrêtée au-dessus d’une grotte, ou une étable. Dans « Emmanuel à Joseph à Davit », écrit par Antonine Maillet en 1975, c’est une cabane à pêche sur la glace.  Enfin, quel que soit le lieu, ils demandent aux gens où est le Roi des Juifs qui est né cette nuit. M’est avis, qu’au pas lent des chameaux, ça devait bien faire une couple de semaines qu’il était né, le petit. Mais ce n’est pas ça qui est important.  Le roi Hérode – un ancêtre de Donald Trump – avait des informateurs un peu partout. Il fait donc dire aux grands savants de venir l’aviser quand ils auraient trouvé l’endroit où était cet enfant, futur roi, pour qu’il puisse lui aussi aller l’adorer. Plus « crasse » que ça, ça se peut pas!

Dans l’Histoire Sainte qu’on étudiait dans ma jeunesse, on avait appris qu’Hérode était un méchant roi, tellement tordu qu’ayant appris dans les Écritures (qu’il lisait pour se renseigner) qu’un nouveau roi naîtrait dans son pays, il n’avait pas pris de chance et il avait fait tuer tous les petits garçons de moins de deux ans.  Moi, j’ai pour mon dire qu’il a bien dû y en avoir une couple qui ont été réchappés! Quand même! Enfin, c’est ainsi que dans les Écritures on lit : « Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, les mages regagnèrent leur pays par une autre chemin. ». Aux leçons de catéchisme, on nous avait raconté cet épisode de la vie de Jésus d’une autre façon. On nous disait qu’un ange messager – à l’époque, c’était très populaire – enfin, un ange avait averti ces messieurs qu’ils devaient se méfier du roi Hérode et changer d’itinéraire pour le voyage de retour, ce qu’ils ont fait, respectant ainsi le cours de l’Histoire.

Vraiment, je trouve qu’on en saute pas mal de bouts, de cette fabuleuse histoire.  Il s’en passe des choses, avant le baptême de Jésus!  Il y a la fuite en Égypte.  Encore là, il y a un ange qui a dit à Joseph : « Ramasse tes affaires, ta femme et le petit, attelle ton âne, puis vas-t-en d’ici au plus vite. Il y a Hérode qui est viré fou puis qui veut tuer tous les petits gars ». C’était pas une petite trotte, de Bethléem jusqu’en Égypte! Joseph, il l’avait solide, la foi!  Ensuite il y a eu le massacre des enfants…ça je veux bien qu’on en passe des bouts. Enfin, après la mort d’Hérode, il y a encore un ange – ça doit être le même, je suppose – qui va en Égypte dire à Joseph : « O.K. Tu peux revenir au pays, Hérode est mort, il n’y a plus de danger. Mais pour être plus sûr, va donc t’installer en Galilée, à Nazareth, les logements sont pas trop chers et il y a de l’ouvrage pour un menuisier. »  Bon, admettons que c’est pas écrit tout à fait comme ça, dans les Écritures, mais en gros ça veut dire la même chose. Il y a aussi la fois, quelques années plus tard, quand Marie et Joseph ont perdu Jésus dans le Temple.  Quand ils l’ont trouvé en train de prêcher comme un père Jésuite, il me semble qu’ils ont dû se dire : « Ah non! Pas déjà!  On n’a pas fini avec lui! »

 Vraiment, l’Épiphanie, c’est seulement une partie d’une bien belle histoire!  Et même si le gâteau des Rois avec le pois et la fève ne s’y rattache que de très loin, c’est une  façon  agréable de fêter  ce dernier jour du temps des Fêtes!

© Madeleine Genest Bouillé, 6 janvier 2019

La fête des Mères et la Bonne Chanson

Beaucoup de belles chansons honorent les mères… Entre autres, dans les cahiers de La Bonne Chanson, deux mélodies ont retenu mon attention. La première qui a pour titre, simplement Maman, exprime bien l’essence de ce mot, un des premiers que l’on prononce. Autant pour « l’enfant au réveil » que rassure la voix maternelle disant: « Ne crains rien, je suis là » que pour le grand enfant aux prises avec « les ronces du chemin »; « En nos cœurs tout est las, quand la voix n’est plus là, pour dire : Ne pleure pas! » Les personnes de ma génération qui ont grandi avec les cahiers de l’abbé Gadbois, pourraient reprendre avec moi le beau refrain : « Dans la vie, le premier cri, c’est maman; le doux nid, le cher abri, c’est maman! C’est le seul amour qui jamais ne se lasse, et qu’au fond du cœur, jamais rien ne remplace. Dans la vie, qui nous sourit, c’est maman; nous console et nous guérit, c’est maman. Dans le bonheur ou la tristesse, le mot charmant qu’avec tendresse, on murmure doucement, c’est Maman! »

Les roses blanches

La deuxième chanson, Les roses blanches, c’est une belle histoire triste qui date de 1925. À cette époque, les chansons sentimentales étaient très en vogue. C’est l’histoire d’un petit gamin de Paris qui, chaque dimanche, apporte des roses blanches pour sa maman, malade, qui est sa seule famille, en lui disant: « C’est aujourd’hui dimanche, tiens, ma jolie maman, voici des roses blanches, que ton cœur aime tant. Va, quand je serai grand, j’achèterai au marchand, toutes ses roses blanches, pour toi, jolie maman. » Trois couplets décrivent l’histoire tragique de ce petit garçon, dont la mère est de plus en plus malade. Un dimanche, l’enfant se rend à l’hôpital, avec une brassée de roses blanches; à son arrivée on lui dit : « Tu n’as plus de maman »… elle est morte! Le dernier refrain nous arrache les larmes : « C’est aujourd’hui dimanche, tiens, ma jolie maman. Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant! Et quand tu t’en iras, au grand jardin là-bas, ces belles roses blanches, tu les emporteras. »

Moi et mes trois garçons, en 1973 (©coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Plusieurs autres belles chansons ont été créées pour les mères, dont Maman, c’est toi, la plus belle du monde, qui était chantée par Luis Mariano, et Toutes les mères du monde sont belles, interprétée par Tino Rossi. Quand j’entends ces mélodies, je pense à ma mère, Jeanne, qui n’a pas choisi d’avoir dix enfants en moins de quinze ans… mais qui a accepté chacun et chacune avec tout l’amour dont elle était capable. Je pense aussi à ma grand-mère paternelle, Alvine, qui est décédée à trente-neuf ans, après seulement dix ans de mariage; elle était mère de six petits garçons, qui ont été éparpillés un peu partout étant donné que leur père est décédé quatre ans après son épouse. Ces femmes n’ont certes pas choisi leur destin. Elles s’étaient mariées par amour, sûrement, et elles faisaient confiance à la vie… Quand on parle des femmes de cette époque-là, on dit souvent qu’elles étaient des saintes.

Non, les mères n’étaient pas des saintes. Je préfère dire que ces femmes étaient des êtres de devoir, un devoir qui était surtout fait d’amour. Tout d’abord, jusqu’au milieu du XXe siècle en général, les femmes ne choisissaient pas d’être mère; elles acceptaient les enfants qui leur arrivaient, sans même avoir la possibilité de les espacer. La seule façon sûre de « s’en sauver » était d’entrer au couvent ou de demeurer célibataire. La maternité était partie prenante du mariage. D’une époque à l’autre, les femmes en sont venues à enfanter par choix; un choix qui se fait avec le conjoint, dans le meilleur des mondes.  Mais on sait aussi que « le meilleur des mondes » n’est pas le lot de toutes les mères. On en voit des exemples chaque jour sur les journaux et les réseaux sociaux. Quoi qu’il en soit, la maternité ne fait pas de nous des saintes. Autrefois, on disait que la maternité était une vocation, tout comme la vie religieuse, et certains métiers, entre autres, les métiers reliés à l’éducation ou à la santé. Par contre, une affirmation qui n’aurait pas été acceptée dans le temps, c’est que les femmes n’ont pas toutes la vocation de la maternité. À l’époque où nous vivons, le mot vocation étant beaucoup moins employé, je crois qu’il faut d’abord l’expliquer. Mon gros Petit Larousse dit que « vocation » : de vocare, appeler, est une aptitude pour un genre de vie. Je dirais donc que la vocation, c’est un appel vers un choix de vie, une façon de se réaliser, ainsi, en est-il du domaine artistique, ou des sciences.  Alors en ce sens, oui, être mère est une vocation…  une des plus belles!

Avec mon petit fils Pierre.

© Madeleine Genest Bouillé, 12 mai 2018

Une petite douceur au cœur de l’hiver

Je ne sais pas si vous êtes de mon avis, mais je trouve qu’on a un hiver particulièrement rude : il neige presque tous les jours et quand il fait beau soleil, souvent il vente, et  alors  la poudrerie se déchaîne. Chaque saison a ses beautés et rien n’égale la splendeur d’un paysage d’hiver! Tout ce blanc ouaté, avec le bleu du ciel – quand il fait beau évidemment – c’est magnifique! Je ne voudrais pas vivre ailleurs que dans notre beau pays avec ses quatre saisons.  Mais j’avoue que je trouve ça long! Contrairement à ceux qui passent une partie de l’hiver dans le sud, nous vivons la saison froide chez nous, du début à la fin, comme la plupart de ceux et celles qui s’impliquent bénévolement dans leur milieu. Les activités ne cessent pas en hiver, au contraire!

Justement, au cœur de l’hiver, la Saint-Valentin, avec ses petits cœurs et ses cupidons, nous apporte un prétexte pour fêter. Mais qui était donc ce saint qu’on fête avec fleurs, chocolat et mots tendres le 14 février? Valentin de Terni était un prêtre qui vivait au troisième siècle. L’empereur romain Claude II trouvait que les hommes mariés faisaient de piètres soldats, étant donné qu’ils ne voulaient pas abandonner leur famille. Ne reculant devant rien, cet empereur a donc aboli le mariage. L’histoire nous dit que Valentin encouragea alors les jeunes fiancés à venir le trouver en secret pour recevoir la bénédiction du mariage. Il fut donc arrêté et emprisonné. Il mourut martyrisé par les Romains le 14 février de l’an 270.

L’histoire ajoute ceci : pendant qu’il attend son exécution dans sa prison, Valentin se prend d’amitié pour la fille de son geôlier, laquelle était aveugle, et lui redonne la vue. Juste avant d’être décapité, il lui offre des feuilles en forme de cœur avec le message suivant : « De ton Valentin ».

Mais bien avant Valentin, il existait déjà une fête païenne célébrée à la mi-février qu’on appelait « Les Lupercales ». Pendant cette fête romaine, les adolescents devaient se soumettre à un rite d’initiation. Chaque jeune homme pigeait le nom d’une jeune fille qui lui était assignée pour l’année. En 496, le pape interdit cette fête qui était devenue trop licencieuse. Il choisit alors Valentin comme patron des amoureux et décrète le 14 février, jour de fête.

À partir de là, commencent les coutumes qui encore aujourd’hui marquent cette fête des amoureux. Cupidon, qui dans la mythologie romaine représente le dieu de l’amour, est tout désigné pour devenir le représentant de la fête. Pour ce qui est des cartes de vœux affectueux, on dit que la plus ancienne carte connue fut envoyée par Charles, duc d’Orléans alors qu’il était emprisonné à la Tour de Londres. En effet, il envoya à sa femme une carte contenant un poème d’amour. Les fleurs, de par leur beauté et leur fragilité, sont parmi les présents les plus appréciés de même que les chocolats.

Beaucoup de gens trop raisonnables déplorent la commercialisation excessive de cette fête et jugent ces manifestations « quétaines ». Moi je crois plutôt qu’on doit prendre cette journée pour ce qu’elle est : une occasion de faire plaisir, de mettre un peu de chaleur dans notre hiver. Évidemment, quand on aime quelqu’un on n’a pas besoin de date spéciale pour exprimer nos sentiments, mais la Saint-Valentin est une occasion de plus. Ce n’est donc pas négligeable. Et puis, la Saint-Valentin, ce n’est pas que pour les amoureux; quelques mots sur une carte, ça peut aussi apporter un peu de joie à un ou une ami(e) qu’on ne voit pas souvent, à une personne de notre entourage dont on connaît la solitude… Dans la vie, il ne faut pas négliger ces occasions qui apportent une petite douceur au cœur de l’hiver.

Bonne Saint-Valentin à chacun et chacune de vous!

Madeleine Genest Bouillé, 14 février 2018

Congés d’hier et d’aujourd’hui

Nous voilà enfin en février… petit mois court, mais parfois « rough and tough », si vous me passez l’expression. C’est curieux, dans mon jeune temps, il n’y avait pas grand monde qui pouvait se vanter d’être bilingue, pourtant on assaisonnait notre parler avec tout plein d’expressions anglaises, comme justement ces deux adjectifs, « rough » et « tough », qui étaient presque toujours accolés, sans doute pour leur donner plus de poids.

Soirée de Mardi gras à l’école du village en 1968 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Pour en venir aux congés, les étudiants du primaire et du secondaire débutent justement ce mois avec un congé. Quelqu’un me faisait remarquer ceci : « Ils sont toujours en congé!  Et dans un mois, ce sera la semaine de relâche! »  C’est certain que si on compare notre calendrier scolaire avec celui de maintenant, nous avions pas mal plus de jours de scolarité. Tout d’abord, comme je l’ai déjà mentionné, les congés de tempête n’existaient pas.  Pour fermer les écoles, il devait faire un temps « à ne pas mettre un chien dehors », et si la « maîtresse » résidait à l’école, elle pouvait recevoir les enfants qui demeuraient dans le voisinage.  Évidemment, le couvent était toujours ouvert; si parfois, en raison de la température, il n’y avait que peu d’élèves à part les pensionnaires, les religieuses donnaient des cours de rattrapage ou des périodes d’étude. La plupart de nos congés étaient définis par les fêtes religieuses; donc, après les Fêtes de Noël et du Jour de l’An, ça allait aux « Jours Gras », lesquels marquaient la fin des réjouissances hivernales. Il y a quelques jours, j’évoquais justement ces fameux « Jours Gras » devant une jeune femme dans la quarantaine, laquelle, étonnée, m’a demandé : « C’était quoi ça, des Jours Gras? »

J’ai déjà abordé ce sujet, mais il me plait d’y revenir… que voulez-vous, en vieillissant, on a tendance à se répéter, surtout que d’une fois à l’autre, il nous revient de nouveaux détails qu’on avait oubliés la fois d’avant. La vie quotidienne des gens d’autrefois était marquée par des fêtes qui étaient toutes inscrites au calendrier. On débutait l’année avec le Jour de l’An et les Rois, le 6 janvier.  Après un temps plus ou moins long selon la date de Pâques, qui varie entre le 24 mars et le 25 avril environ, venaient les fameux Jours Gras : dimanche, lundi et surtout mardi, dernier jour où tout – ou presque – était permis. Boustifaille, boisson – pas trop quand même! – déguisements, danse, la fête, quoi! Le Mardi Gras était beaucoup plus une fête pour les adultes que pour les enfants. Nous nous contentions d’assister à ces visites de personnages barbouillés, vêtus de guenilles, et qui allaient de maison en maison, riant, chantant et, à mesure que la veillée avançait, titubant plus ou moins selon la générosité des hôtes où ils avaient été reçus! Évidemment, nous profitions des friandises et pâtisseries offertes à ces visiteurs qui se comportaient parfois comme de vrais enfants.  Les réjouissances devaient se terminer à minuit tapant! Car il fallait être à jeun depuis minuit pour communier à la messe du Mercredi des Cendres… célébration où le prêtre, plus sérieux que jamais, nous rappelait d’une voix grave que « nous sommes poussière et que nous retournerons en poussière »!

Le Mardi-gras à la campagne, illustration de Edmond-J. Massicotte. Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2895476.

Et alors nous entrions en Carême. Ce temps liturgique qui évoque les 40 jours que Jésus passa dans le désert pour se préparer à sa vie publique, était à l’époque un temps de jeûne et de pénitences. Pénitences… mot évocateur de punitions, de sacrifices, de privations.  Un mot qui n’est plus beaucoup utilisé! Les adultes, à compter de 21 ans, devaient jeûner; le jeûne ne se pratiquait pas toujours de la même façon. Certaines familles plus « à cheval sur les principes » exagéraient, allant parfois jusqu’à peser leur assiette, le poids du repas principal ne devant pas dépasser celui des deux autres repas ensemble. Selon les sermons du curé, lesquels n’avaient pas tous la même notion du mot « sacrifice », et selon les familles où on avait la conscience plus ou moins étroite, on s’imposait des privations qui étaient parfois sévères. Pour nous, les enfants, il était recommandé de faire des sacrifices.  On nous le rappelait assez souvent, merci! On nous exhortait à assister à la messe en semaine, bien entendu si nous demeurions assez près de l’église. Il était conseillé de rendre de petits services à la maison, comme d’aider les plus jeunes frères et sœurs; la corvée de pelletage étant dévolue aux garçons de même que celle de la vaisselle était réservée aux filles! « Chacun son métier », comme disait ce cher Alphonse Daudet à propos de la chèvre de Monsieur Seguin!

Dans les dernières années où ma mère vivait, je passais mes lundis avec elle et elle me racontait les coutumes d’autrefois. À propos des privations du Carême, elle m’avait confié ceci : « Nous n’étions pas riches, aussi je ne vois pas pourquoi j’aurais privé ma famille de nourriture, déjà que nous n’en avions pas trop. » Pour ce qui était des bonbons, nous n’en avions pas à la maison, sauf de temps à autre, les jours de fête ou quand papa venait en congé et qu’il apportait des friandises. Inutile d’ajouter qu’il n’y avait pas de congé d’école durant le Carême. Même au couvent, où quand nous recevions la visite de la Mère Supérieure provinciale ou générale, nous avions droit à un congé qui s’ajoutait quelque part dans le calendrier. Quand ces visites avaient lieu durant l’hiver, le congé viendrait rallonger les vacances de Pâques ou le congé de l’Ascension. Vraiment, il était long l’hiver!  Heureusement qu’il y avait la patinoire, les glissades, les bancs de neige pour faire des forts et… de beaux glaçons à décrocher du bord des toits!

Patinoire Johansen, 1956.

© Madeleine Genest Bouillé, 2 février 2018

La fête des Rois

Quand vous lirez ce texte, je serai en train de récupérer ma main droite qui aura été opérée pour ce qu’on appelle le « tunnel carpien ». Ne me demandez pas de précision, je n’ai pas beaucoup de notions pour tout ce qui touche l’architecture du corps humain et ses problèmes. Je sais cependant que ce tunnel (ou canal) est dans la main. Il arrive, paraît-il, qu’un tendon, pour une raison connue de lui seul, écrase le fameux canal ou tunnel et cause des problèmes, entre autres, l’engourdissement de la main et surtout, le fait que ceci s’accompagne d’une diminution de la force et de la dextérité de cette main.  Voilà! Fin de la leçon d’anatomie.

Avez-vous fêté les Rois? Samedi le 6, lors d’un souper chez mon troisième fils Éric, nous avons fêté comme il se doit cette dernière étape du temps des Fêtes. Dans le gâteau cuisiné par ma belle-fille Catherine, était cachée une fève, laquelle a été trouvée par mon petit-fils Samuel qui, à sept ans, s’est retrouvé roi pour l’occasion! Inutile d’ajouter qu’il portait fièrement sa couronne! Il aurait été évidemment trop long d’expliquer aux enfants l’histoire de cette fête qui, du temps où j’allais à l’école, marquait la fin des vacances de Noël. C’est une histoire compliquée et sûrement aussi irréelle pour les enfants des années 2000 que les personnages de leurs jeux intergalactiques.

Illustration de la visite des Rois Mages. Tableau attribué à Jean-Baptiste Roy-Audy intitulé « L’adoration des mages », à l’église paroissiale.

La fête religieuse qu’on appelle l’Épiphanie nous rappelle justement cette belle histoire où trois mages venus d’Orient, des savants qui connaissaient les étoiles et tout ce qui peuple le firmament, sont partis, guidés par une étoile qui brillait d’un éclat sans pareil.   Ces étrangers de race différente, nous a-t-on dit, se sont rendus jusqu’à la crèche où un petit enfant était couché sur la paille, avec sa mère, son père et des bergers qui faisaient paître leurs moutons dans ces parages. Ces hommes qu’on a appelé « rois », parce qu’ils étaient vêtus de somptueux habits, apportaient en cadeau à cet enfant de l’or, de l’encens et de la myrrhe… Un vrai conte de fée! Aussi irréel qu’Ali-Baba et Blanche-Neige! Une famille pauvre, sans abri ou presque, et on leur donne des trucs qui ne leur servira à rien. Bon, quand on étudie cette histoire, on nous parle de ce que représentent ces présents qui sont plutôt symboliques. Je veux bien y croire parce que j’aime les beaux contes. Mais admettez que ce n’est pas très réaliste.

La fête des Rois, c’est le côté « conte de fée » de l’histoire de la naissance de Jésus. Dans notre enfance, en ce jour des Rois, on aimait surtout aller voir la crèche après la messe et contempler ces beaux personnages, dont l’un est noir, l’autre vaguement jaune et le troisième figure un vieillard, au teint pâle et à la barbe blanche. Ces mêmes personnages   qui étaient dans la crèche ce matin à l’église… Si vous n’avez pas vu notre crèche cette année, je suis désolée, mais c’était la dernière chance! On va la défaire dans quelques jours. Parce que la liturgie ne parle pas longtemps de la petite enfance de Jésus et les Rois Mages sont repartis assez vite, en faisant bien attention pour ne pas retourner voir le méchant Hérode qui avait, selon l’Histoire, de très mauvaises intentions. Mais je m’arrête là pour le cours de religion.

Crèche à l’église de Deschambault (photo: P. Bouillé).

Dans ma mémoire, la fête des Rois est teintée d’une certaine nostalgie. Dépendamment du jour de la semaine où se situait le 6 janvier, parfois l’école recommençait le lendemain ou le jour d’après. Maman cuisait le traditionnel gâteau dans lequel elle plaçait une fève et un pois; elle s’arrangeait pour repérer le pois et la fève car chez nous, les garçons étaient pas mal plus nombreux que les filles. Et ma sœur avait fabriqué deux couronnes pour la reine et le roi. C’était une belle fête. Mais on ne pouvait s’empêcher de penser que ce jour marquait la fin des vacances de notre père, qui repartait le jour même ou celui d’après pour Montréal. Il ne reviendrait qu’aux « jours gras » comme on disait dans le temps. Et les « jours gras », c’était la veille du Carême. C’était le cycle qui recommençait! Mais c’était jour de fête, on mangeait le gâteau des Rois, on taquinait le roi et la reine; on s’amusait. Et on ne parlait pas de ce départ imminent, mais il flottait un je ne sais quoi qui atténuait un peu la joie de la fête… comme quand on allume une bougie déjà à moitié consumée.

© Madeleine Genest Bouillé, 7 janvier 2018

La Saint-Jean et les Gens de mon pays… au fil du temps

Je me suis levée avec cette chanson dans l’oreille : Les gens de mon pays, de Gilles Vigneault. Pourquoi? Je ne sais pas, mais comme en même temps j’avais décidé de parler des Fêtes de la Saint-Jean auxquelles j’ai pris part il y a quelques décennies, j’ai pensé que ça tombait très bien! Pour m’aider dans mes réminiscences, j’ai sorti mes vieux Phares. À chaque page ou presque, je lisais les noms des personnes avec lesquelles j’ai « bénévolé », pas seulement pour le Phare, mais aussi pour les multiples comités dont j’ai fait partie, y compris celui de la Fête nationale. Je me rappelle les gens qui faisaient partie du comité en même temps que moi. Alors je me souviens de nos discussions; chacun faisant valoir son opinion, et comme dans la chanson de Gilles Vigneault, avec « les gens de mon pays, il y en avait des palabres et des sparages! »

En 1978, la Fête nationale faisait partie de la Semaine du Patrimoine, qui s’ouvrait le 23 juin avec l’inauguration des expositions au Vieux Presbytère. Dans la salle du rez-de-chaussée, les visiteurs pouvaient voir « L’évolution des techniques agricoles », tandis qu’à l’étage, on inaugurait l’exposition « Deschambault à vol d’Oiseau », où l’on retrouvait des photographies aériennes de notre village et un montage audio-visuel sur l’architecture locale… Même si aujourd’hui, le montage serait quelque peu désuet, les photos intéresseraient encore beaucoup de monde. Le 23 toujours, durant la soirée, les chorales de Deschambault, St-Alban et St-Casimir offraient un concert conjoint à l’église. En majuscules, on précisait que ce concert était GRATUIT! Quelle belle soirée! « Gens de mon pays… je vous entends chanter dans votre trop court été. Il est question d’amour, d’espoir et de récoltes… »

Le 24, de 8 heures à 10 heures, sur le cap Lauzon, en avant du Vieux Presbytère, c’était le déjeuner. Les Fermières invitaient la population à venir déguster le pain de ménage et les confitures maison.  La messe avait lieu comme maintenant à 10 heures et elle était suivie de la criée. Durant l’après-midi, l’O.T.J. organisait des activités sportives, sur le cap toujours. Sur le terrain de la Fabrique, se tenait « La rue des enfants », où nos jeunes pouvaient peinturer et effectuer des bricolages, aidés des membres de « La Clé des Jeunes ». La soirée ressemblait un peu à ce qu’elle est aujourd’hui, sans le chapiteau évidemment.  Le bar était installé au Vieux Presbytère, et la fête se terminait avec le feu, comme maintenant. « Parlant de mon pays, je vous entends parler et j’en ai danse aux pieds et musique aux oreilles… »

Déjeuner au Vieux Presbytère, 1980.

La Semaine du Patrimoine se poursuivait chaque jour avec des activités soit sportives ou artistiques, dans le cadre d’un projet appelé « Les enfants dans le Vieux Presbytère ». Le soir, le « Café chez Rose Latulippe » rassemblait les amateurs de musique québécoise, au sous-sol du Vieux Presbytère, avec un bon café ou un thé. « Les gens de mon pays, sont aussi gens de causerie, qui parlent pour parler, et pour s’entendre! »

En 1979, c’était l’Année Internationale de l’Enfant. Le 22 juin, à la salle municipale, avait lieu l’ouverture de l’exposition des Fermières, intitulée « L’enfant, d’hier à aujourd’hui ». On y voyait des anciens vêtements, jouets et meubles d’enfant ainsi que des photos d’époques différentes. La Corporation du Moulin de La Chevrotière y avait un kiosque d’information sur les métiers traditionnels du bois de la pierre et du fer. « Les gens de mon pays… il faut les écouter. C’est parfois vérité, et c’est parfois mensonge… Mais la plupart du temps, c’est le bonheur qui dit qu’il faut croire au bonheur…» Le programme de cette année-là ressemblait un peu à l’année précédente; comme nouveauté, dans l’après-midi du 24, il y avait des activités pour le 3e âge sur le cap, un tournoi de tir au pigeon d’argile et le Marathon au Drapeau. Je crois que ce fut le premier.

1980… La politique a brouillé un peu les cartes cette année-là! Il y eut même deux fêtes, simultanées… mais heureusement pas au même endroit! Sur le programme publié dans le Phare, on lisait que la fête débuterait le dimanche 22 juin, avec un Rallye historique, l’ouverture des expositions et en soirée, le Café chez Rose Latulippe. Le 23, on offrait aux jeunes de l’École Centrale un spectacle avec le « Théâtre de Bon’Humeur », de plus, une soirée de variétés avait lieu dans une bâtisse de la Station de Recherche. Le programme du 24 reprenait à peu de chose près celui de l’année précédente. C’est certain qu’avec tout ce qui se brassait, « on entendait jaser sur les perrons des portes… et de chaque côté des cléons des clôtures… »

En 1981, les 21 et 25 juin, la toute jeune troupe Les Fous du Roy présentait à la salle de l’école Centrale trois courtes comédies. La première, « Ti-Charles va voir Arthémise » qu’on appelait une folie brève était suivie d’une folie douce, « Marions Belle-Maman » et la soirée se terminait avec une folie furieuse : « Heure de folie ».  La salle était pleine pour les deux représentations…l’entrée coûtait 2$. Ces chers Fous du Roy! « Gens de mon pays… combien de fois, vous m’avez fait plaisir, et sagesse et folie ». Les pièces de théâtre présentées par les Fous du Roy ont fait partie du programme de la Fête nationale jusqu’en 1985.

La programmation de la Fête nationale a été sensiblement la même durant quelques années.  En 1985, le 22 juin, qui était un samedi, on avait loué un chapiteau et il y eut un premier souper BBQ suivi d’une soirée dansante. Le dimanche 23, encore de la danse sous le chapiteau et le 24, de la danse, mais cette fois sur le cap! Évidemment, le bar était là pour les trois soirées! « Saurions-nous encore répéter vos parlers et vos dires… vos propos et parlures?… » En 1986, on commence encore les festivités avec un BBQ le vendredi 21 juin, mais cette fois, à la Station de Recherche.  Le lendemain, le Club Lions  recevait les joueurs de bingo à la salle de l’école Centrale. Le 23, à la Salle Municipale, il y a exposition de peinture, comptoir de pâtisseries du Club de l’Âge d’Or, et les dames de l’Amicale du Couvent tiennent un kiosque en prévision de la fête du 125e anniversaire du Couvent qui sera célébré en septembre. De nouveaux joueurs, les membres du Club Optimiste, tiennent des kiosques d’animation dans la journée du 24  ainsi qu’un comptoir de hot-dogs. On ne s’ennuiera pas, c’est certain! « Gens de mon pays, je vous entends encore  jaser et chanter… »

1987, On fête cette année sous le thème « Une culture à développer ». Et pour la première fois, le souper de la Saint-Jean prend le nom de « La Grande Tablée ». De plus, cette année, nous célébrons le 150e anniversaire de notre église. Des membres du comité avaient eu l’idée que la messe soit célébrée à la mode d’il y a 150 ans, c’est-à-dire, que le prêtre célèbre à l’autel principal, donc dos à l’assistance, et avec les beaux vêtements sacerdotaux anciens. Le curé de l’époque, M. La Rochelle, s’était un peu fait tirer l’oreille, mais il avait finalement accepté en soulignant que c’était une première… et que ce serait une dernière! La chorale avait aussi choisi un répertoire à l’avenant, dont le beau vieux cantique que nous chantons encore : « Que cette voûte retentisse de vos cantiques solennels ».

Criée de 1988.

Il y a trente ans… c’était hier! Le 24 juin, nous avons toujours le déjeuner, qui est maintenant sous la responsabilité de la Biblio du Bord de l’eau, qui comme je m’amuse à le dire « aime bien nous voir prendre quelques livres »!  Avec la messe, la criée, la soirée et le feu le 24 juin, ce sont des incontournables à Deschambault. C’est ainsi qu’on fête par chez-nous avec « Les Gens de mon pays. Il n’est coin de la terre où je ne vous entende… il n’est coin de ma vie à l’abri de vos bruits. Il n’est chanson de moi qui ne soit toute faite, avec vos mots, vos pas, avec votre musique. »

Joyeuse Saint-Jean à tous et toutes!

© Madeleine Genest Bouillé, 23 juin 2017

Soirée de Mardi gras

Vous souvenez-vous du Mardi gras? Évidemment, ça dépend de l’âge que vous avez. Pour ma part, j’ai des souvenirs de cette soirée de veille de Carême qui remontent très loin. Quand j’étais enfant, j’avais hâte d’être une grande personne pour pouvoir m’amuser comme ces jeunes gens qui semblaient avoir un plaisir fou à se déguiser et à aller de maison en maison pour fêter le Mardi gras!

J’ai retrouvé une composition française, rédigée alors que j’étais en onzième année. Pour ceux qui ne le savent pas, c’était l’équivalent du cinquième secondaire. Tout d’abord, dans le haut de la page était inscrit la devise de l’année scolaire en cours : « Ma vie, un service! » Tout un programme! Je ne savais pas à l’époque qu’un jour je ferais partie du Club Lions dont le devise est « Nous servons »…

Le Mardi gras à la campagne, illustration d'Edmond J. Massicotte (source: Bibliothèque et Archives Canada).

Le Mardi gras à la campagne, illustration d’Edmond J. Massicotte (source: Bibliothèque et Archives Canada).

Voici donc, textuellement, ce que j’écrivais en 1957. « C’est le soir du Mardi-Gras »! Vers huit heures, les premiers visiteurs apparaissent au tournant de la route. Quelque temps après, la maison s’emplit déjà de joyeuses salutations et de rires. Les jeunes gens et jeunes filles s’interpellent et essaient de s’identifier dans leurs costumes tous plus bizarres les uns que les autres : ici un diable, plus loin, une chinoise, dans un petit groupe là-bas, un mendiant, une reine égyptienne – peut-être Cléopâtre! – et un Indien. C’est un rassemblement de toutes les nations, de tous les âges et de toutes les classes. L’hôtesse souhaite la bienvenue et propose une danse, la « Boulangère ». Tout le monde acquiesce et les musiciens s’ébranlent. La joie et la musique tourbillonnent avec les couples, sous l’œil bienveillant des aînés. Après la « Boulangère », se succèdent un quadrille et un « Brandy ». On est vraiment gai parce qu’on s’amuse franchement. Les vieux assis un peu à l’écart, ressassent leurs souvenirs : « Te souviens-tu quand on allait veiller chez Untel? Là on avait du plaisir! » Un autre fait écho : « Oui, dans notre temps, on avait du plaisir! » La danse prend fin et on décide de jouer aux cartes. On joue à « la Poule », au « Rummy » ou au « Coeur », suivant les groupes. On s’amuse ferme jusqu’à ce que la maîtresse de maison vienne interrompre les joueurs en leur rappelant que demain, c’est le Mercredi des Cendres et qu’il faut réveillonner avant minuit. »

Étant donné que je n’ai jamais eu beaucoup d’ordre, la première feuille se termine sur ces mots : « La table est dressée dans la grande cuisine dont elle occupe le centre. Une nappe immaculée courre d’un bout à l’autre de la table, recouverte des vingt-deux couverts et des plats appétissants… »  Et ça s’arrête là! J’ai perdu la deuxième feuille.

Ma tante Thérèse et un ami, dans les années 40. Ils avaient interchangé leurs vêtements! (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Ma tante Thérèse et un ami, dans les années 40. Ils avaient interchangé leurs vêtements et elle s’était dessiné une moustache! (Coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Quand j’ai rédigé ce texte, j’ai sûrement brodé quelque peu sur le thème du Mardi gras. J’essayais toujours d’embellir la vérité… croyant que cela me donnerait de meilleures notes. Mais dans mes souvenirs, ce dernier soir avant le Carême, maman nous envoyait nous coucher. Il y avait de l’école le lendemain, qui était le Mercredi des Cendres. Si les plus jeunes s’endormaient, il n’en était pas de même pour nous, les « moyens ». On se dissimulait pas loin de l’escalier, de façon à pouvoir regarder entre les barreaux ces joyeux personnages, lesquels étaient de plus en plus joyeux à mesure que la veillée avançait. Pour ce qui est des costumes, vraiment, les princesses étaient rares, les chinoises et les Indiens aussi. Les joyeux  fêtards  s’habillaient plutôt de vieux vêtements, parfois portés à l’envers, et ils se barbouillaient la figure de fard à joue, de farine ou de cirage à chaussure. Hommes et femmes se confondaient, les uns portant les habits des autres… c’était à qui auraient les costumes les plus bizarres! Pour écrire ma rédaction, je m’étais sans doute inspirée de lectures choisies par notre professeur, et parfois les descriptions d’intérieur de maison ou de vêtements recherchés me faisaient rêver. Lors de la vraie soirée de Mardi gras, la musique et les danses étaient cependant bien réelles, car dans la famille de ma mère, tout le monde jouait de l’un ou l’autre instrument, piano, violon, accordéon; je peux vous garantir que ça dansait et ça chantait! Des chansons à répondre, dont certaines n’étaient pas faites pour les jeunes oreilles… Mais, voilà! On n’y comprenait pas grand-chose, on se demandait même ce que les « veilleux » pouvaient bien trouver de si drôle! Et quand, à la fin de mon texte, j’évoque le goûter de fin de soirée, je m’éloigne vraiment de la réalité. Ma mère, aidée d’une de mes tantes, ne mettait pas la table comme pour un réveillon, elle servait du sucre à la crème, des galettes, du thé et parfois un petit vin maison. Ce qui est bien réel, c’est que les réjouissances devaient cesser un peu avant minuit, car alors on entrait en carême, et ça c’était sérieux!

Soirée de Mardi gras à l'école du village en 1968 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Soirée de Mardi gras à l’école du village en 1968 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

J’avais écrit je ne sais où et quand cette phrase d’une chanson que chantait Nana Mouskouri : « C’est incroyable, la mémoire, comme ça déforme la vue. Ça vous raconte une autre histoire que celle que l’on a vécue ». Plus tard, quand je fus d’âge à m’y amuser, j’ai assisté à des soirées de Mardi-gras. Je n’ai aucun souvenir ni des costumes, ni des jeux ou des danses. Dans ma mémoire, le Mardi gras, c’est ce soir où nous regardions entre les barreaux de l’escalier, évoluer les adultes qui riaient et chantaient, et qui nous faisaient un peu peur tellement ils étaient affreux, avec leurs guenilles et leurs barbouillages. Il n’y a pas à dire, la mémoire, ça nous joue des tours!

© Madeleine Genest Bouillé, 25 février 2017

Deschambault en fête

Tous ceux et celles qui résidaient à Deschambault en 2013 et avant, gardent en mémoire les festivités qui ont marqué le 300e anniversaire de fondation de la paroisse. Je précise pour les personnes qui aiment que les choses soient claires, que 1713 est l’année de l’ouverture des registres de la paroisse. Et j’ajoute pour ceux qui n’ont pas beaucoup de notions d’histoire locale que tout a commencé par une seigneurie concédée à François de Chavigny et son épouse Éléonore de Grand’Maison, en 1640. Cela se passait à Paris et M. de Chavigny et sa famille seraient arrivés, dit-on, vers 1642. Toutes mes excuses aux historiens, mais pour en venir à l’essentiel de mon sujet, je ne peux m’attarder  de long en large sur l’Histoire de Deschambault, aussi intéressante soit-elle. Disons seulement que Deschambault doit son nom à Jacques-Alexis de Fleury D’Eschambault, époux de Marguerite de Chavigny, fille du seigneur François de Chavigny et d’Éléonore de Grand’Maison. M. D’Eschambault avait acquis la seigneurie en 1683. Pour en savoir plus long je vous suggère de lire, soit La Petite Histoire de Deschambault, de Luc Delisle, ou le livre plus récent Deschambault, d’Yves Roby et Francine Roy.

Nulle part, que ce soit dans le livre Deschambault, paru en 2013, ou dans La Petite Histoire de Deschambault éditée en 1963, il n’est fait mention d’une quelconque célébration du centenaire de Deschambault au cours de l’année 1813, à moins que j’ai sauté des passages, sans le vouloir! Cela s’explique. La paroisse était alors en pleine croissance. Dans l’ouvrage d’Yves Roby et Francine Roy, on lit que cette époque est celle « d’une économie en pleine mutation ; entre autres, la population qui était de 453 habitants en 1790, est passée à 1,486 en 1825 ». D’ailleurs, à cette époque, cent ans, c’était tout récent pour les habitants qui venaient « des vieux pays »!

A-t-on fêté le 200e anniversaire? Que je me réfère à l’un ou l’autre de mes livres d’histoire, je crois que nos dirigeants autant ecclésiastiques que municipaux avaient d’autres chats à fouetter.  Mentionnons que 1893 marque le détachement du 5e Rang, qui deviendra la paroisse de Saint-Gilbert, et en 1903, une partie du 3e rang sera annexée à la nouvelle paroisse de Saint-Marc-des-Carrières. Je glane mes informations ici et là… et je vos apprends « qu’en 1907, la voirie s’améliore, alors qu’en 1913, la Fabrique profita de l’occasion qui lui fut offerte pour faire « macadamiser » le pourtour de l’église et le chemin de la Fabrique » (Luc Delisle). Il y eut peut-être une célébration religieuse pour souligner le 200e anniversaire de notre « encore jeune paroisse ». Mais, tout ce que j’ai pour témoigner de cet anniversaire, c’est ceci : une affiche qu’on peut voir au Vieux Presbytère – si elle y est encore – sur laquelle sont inscrites les dates 1713-1913, avec quelques photos des principales bâtisses patrimoniales. Si vous en savez plus long, faites-moi signe!

En 1963 par contre, il n’était pas question de laisser passer le 250e anniversaire! C’était  décidé, on allait fêter ça en grand! Au tout début de l’année, un impressionnant comité était mis sur pied pour l’organisation des célébrations de cette fête. Il se composait d’une vingtaine de personnes, représentant les autorités religieuses et municipales, ainsi que des  bénévoles de chacun des mouvements paroissiaux.  M. Antoine Roy en était le président.  Pendant qu’Agnès Bouillé-Bilodeau travaillait à la rédaction d’un jeu scénique avec l’aide de Francine Roy pour la réalisation, son époux, Gaston Bilodeau, président de la Société Saint-Jean-Baptiste et un des principaux responsable de l’événement, faisait du recrutement pour créer une chorale mixte. Dans le même temps, notre historien local, Luc Delisle, mettait la dernière main à son livre: la Petite Histoire de Deschambault. Et pendant ce temps, Jean-Marie Du Sault, qui souhaitait donner une seconde vie au Vieux Presbytère, préparait un « Musée-souvenir », à visiter au cours de l’été 1963.

Quelles belles fêtes… dont j’ai malheureusement peu de photos. Dans un numéro du  journal L’écho de Portneuf, on lisait dans un texte publicisant cet important anniversaire que « toutes les associations et regroupements sociaux, religieux ou culturels de Deschambault seront appelés à participer à l’élaboration du programme des cérémonies officielles et des manifestations populaires reliées à l’événement. » Je vous fais part du programme des célébrations qui eurent lieu du 2 au 5 août inclusivement, tel que rédigé dans l’album-souvenir :

Vendredi 2 août :
8h00 : Ouverture des Fêtes. Les cloches sonneront pendant 5 minutes.
8h15 : 1ère présentation du Jeu scénique – Chorale du 250e à la Ferme-école de Deschambault.

Samedi 3 août :
1h 30 : Festival de la Jeunesse, sur le Terrain de Jeux.
5h00 : Messe à la Grotte  sur le Cap Lauzon
8h00 : Soirée Canadienne –  Chorale du 250e à la Ferme-école de Deschambault
Invitation à nos sexagénaires et à toutes les familles de St-Alban, St-Marc, St-Gilbert et Portneuf.

Dimanche 4 août :
10h 00 : Grand’messe solennelle à l’église
11h 00 : Photo-souvenir – Façade de ‘église
11h 30 : Réception au Manoir de La Gorgendière
12h 30 : Banquet – à la Ferme-école de Deschambault
3h00 : Dévoilement du Monument commémoratif, Démonstration « Patro », Terrain de la Fabrique
8h00 : 2e présentation du Jeu scénique – Chorale du 250e à la Ferme-école de Deschambault
11h00 : Pyrotechnie – Sur le Cap du Couvent

Lundi  5 août :
9h00 : Messe solennelle pour les défunts : prêtres, fondateurs, religieux, religieuses et paroissiens décédés.

MUSÉE
Invitation spéciale à tous de visiter le Musée qui sera installé au Vieux Presbytère.
Heures des Visites : de 1h30 à 5h00. Samedi et dimanche.

014Savez-vous où est le « Monument commémoratif »? Du côté nord de l’église, vous pouvez voir ce monument en forme de livre, sur lequel on peut lire : « Des hauteurs du Cap Lauzon, Deschambault persévérant, maintiendra ses traditions. »

J’inclus en plus de la photo de la chorale, quelques photos du Jeu scénique,  relatant l’histoire de Deschambault et je vous en donne le programme:

  1. Cartier à Ochelay
  2. À Paris chez la Duchesse d’Aiguillon
  3. Épisode de la vie de la 1ère famille de défricheurs à Chavigny
  4. Figures marquant notre histoire au XVIIIe siècle
  5. Descente des Anglais à Deschambault
  6. Conséquences de la guerre

INTERMISSION

  1. Paisibles évocations du XIXe siècle
  2. Relations d’aujourd’hui

Je vous reviens pour parler des 275e  et  300e  anniversaires…

© Madeleine Genest Bouillé, 24 juillet 2016