Les paroles s’envolent…

Quand j’étais étudiante, on nous répétait souvent cette maxime : « Les paroles s’envolent, mais les écrits restent ».  On devait donc surveiller nos écrits, y penser à deux fois avant d’affirmer quelque chose. En ce sens, il fallait se demander si dans un an ou dix ans, on aurait encore la même opinion. Il y avait de quoi freiner les élans poétiques, dramatiques ou même comiques des apprentis écrivains. On ne savait pas alors qu’il existerait un jour un réseau de correspondance par Internet, un fil d’actualités qui offre à ses abonnés ce qu’il y a de plus éphémère. On y trouve des écrits qui s’envolent du jour au lendemain, quand ce n’est pas quelques heures plus tard. À moins qu’on « partage » la nouvelle, tout passe… les accidents, les propos drôles ou haineux, les phénomènes météorologiques, les recettes de cuisine, je le répète, tout passe! Le scoop de l’avion qui est tombé récemment quelque part en Ukraine, aussi bien que la pire niaiserie : « flushé »!  Cette correspondance », si je peux nommer cela ainsi, met tout dans le même panier. Le panier s’emplit parce que tout le monde partage et la nouvelle, quelle que soit son importance, se ramasse dans le fond. Voilà!  Ça s’appelle Facebook.

Certains ont des tas d’amis sur Facebook. Parfois des amis qu’ils connaissent pour vrai, mais plus souvent, de parfaits inconnus. Pour ceux qui ont des « amis » qui se comptent par milliers, je crois que ce n’est pas la relation qui compte, c’est le nombre! J’avoue qu’il arrive en effet qu’on s’adonne sur plusieurs sujets avec de parfaits étrangers. Ainsi, j’ai une amie Facebook qui, bien qu’elle me soit inconnue, porte le même nom que moi tout en n’ayant aucun lien de parenté ou sinon, un lien très lointain. Comme par hasard, nous aimons souvent les mêmes auteurs, les mêmes œuvres d’art, les mêmes chansons. Et nos opinions sur les sujets épineux, comme la politique, se rejoignent. Mais des amis inconnus comme ça, ce n’est pas comme les feuilles mortes : on ne les ramasse pas à la pelle!

Facebook a ceci de bon qu’on y retrouve parfois d’anciens compagnons et compagnes de classe aussi bien que des gens qui ont vécu dans notre village avant de s’établir ailleurs. C’est agréable! Nos racines nous rapprochent. On a connu les mêmes personnes, on se rappelle qui habitait telle maison. En vieillissant, je constate combien on attache d’importance à ces personnes que nous avons connues dans notre jeunesse et qui, tout comme nous, ont vieilli quelque peu : l’un d’eux ressemble au Père Noël tandis qu’une autre est plus blonde que dans mon souvenir…  mais on se reconnaît et c’est un plaisir de renouer des liens.

Quand j’ai commencé ce texte, j’avais imaginé tout plein de choses à dire à ce propos : « Les paroles s’envolent, et les écrits restent ». Je dois avouer que j’étais un peu mélancolique : le temps des Fêtes qui passe toujours trop vite, la température froide, les journées où le soleil se montre parcimonieusement… tout cela ne m’inspirait rien de bien réjouissant. Juste avant de commencer à écrire, je suis tombée sur une petite phrase qui dit comme ça : « Du haut en bas de l’échelle, l’espoir circule gaiement. Car notre part la plus belle, est toujours celle qu’on attend. »  Et comme on sait, l’attente est toujours plus aisée quand on sait s’occuper… en attendant!  Et c’est ainsi que le moral a grimpé quelques barreaux de l’échelle. Allons! Plus qu’une semaine dans ce premier mois de 2020.

© Madeleine Genest Bouillé, 22 janvier 2020

Un mois qui n’en finit plus

Février n’a que 28 jours, une fois seulement tous les quatre ans, il en a 29. C’est un petit mois tout court! Pouvez-vous m’expliquer pourquoi on le trouve si long? Cet hiver surtout, j’ai l’impression qu’il s’étire à n’en plus finir!

Et là, pour « rallonger la sauce », la température a refroidi, après un doux temps où ça fondait comme au printemps. Et alors, qu’est-ce qui arrive? C’est devenu glissant partout.  Le petit chemin – dix ou quinze pas – pour me rendre à la route en avant de la maison, est tout glacé… je dois m’accrocher aux bancs de neige de chaque côté. Vous êtes-vous déjà accroché à un banc de neige?  C’est ce que j’ai fait hier soir en revenant chez nous. Il n’y avait heureusement personne pour me prendre en photo.  Ce matin, quand je suis sortie pour me rendre à l’auto, une chance mon cher époux avait rapproché le véhicule tant qu’il a pu, si bien qu’on aurait presque pu y monter de la dernière marche de l’escalier. Encore là, c’est en dansant qu’on fait ces quelques pas, en essayant de ne pas se tordre le dos. Ciel! mon dos!

Mais on est chanceux quand même, autour de nous, tout le monde a une grippe :  musculaire, intestinale, rhumatismale, quand ce n’est pas tout simplement l’influenza. On touche du bois; à date, on est « tannés », mais pas malades! Vivement qu’il s’en aille, ce mois de février! Avec tout ça, savez-vous bien qu’on est rendus au Carême! Heureusement, ce n’est plus comme quand nous étions jeunes; dans le temps, le Carême, c’était quelque chose de sérieux. Si ma mère était encore de ce monde, elle me dirait d’offrir mes problèmes de marche sur surface raboteuse et glacée « pour la conversion des pécheurs et la délivrance des âmes abandonnées du purgatoire »!

La religion prenait une place importante dans la vie de nos gens. Tout était prétexte à nous faire gagner notre ciel. Nous étions en contact avec les réseaux célestes constamment.  Nous commencions et finissions notre journée par un signe de croix… et tout au long du jour, maintes fois, il nous était donné d’offrir notre travail, nos peines et nos joies au Seigneur. Nos contacts avec le ciel étaient aussi réels que le sont aujourd’hui ceux qu’on a avec le monde entier grâce aux téléphones intelligents.

Selon nos parents et nos professeurs, rien n’arrivait pour rien dans la vie; il n’y avait rien d’inutile, car tout était comptabilisé pour notre vie future. Il me revient un vieux cantique qui m’impressionnait beaucoup, et pour cause, il s’intitule Le ciel en est le prix.  Je vous cite quelques phrases de ce chant sublime :

« Le ciel en est le prix,  Mon âme, prends courage!
Ici-bas, je gémis, le ciel en est le prix »

« Le ciel en est le prix, amusement frivole,
De grand cœur, je t’immole, au pied du Crucifix. »

« Le ciel en est le prix, conservons l’innocence
Ou par la pénitence, sauvons-en les débris »

« Le ciel en est le prix, dans l’éternel empire
Qu’il sera doux de dire : tous nos maux sont finis! »

Dans un registre plus léger et pour demeurer dans le thème du Carême, je vous rappelle ce texte d’Adjutor Rivard, extrait de Chez Nous, paru en 1935, et qui a pour titre « Le signe de la Croix ». Je résume; Monsieur le Curé revenait vers son presbytère lorsqu’il rencontre un enfant qui avait commencé à « aller au catéchisme », comme on disait alors, il est accompagné de son père. Le curé demande à l’enfant s’il savait bien faire son signe de la croix. Le petit garçon, très sérieusement, trace sur lui une croix démesurée. Il commence : « Au nom du Père », presque à la nuque; « et du Fils », sa main descend jusqu’aux genoux, il décrit ensuite les deux bras : « et du Saint-Esprit », d’un geste très large jusque derrière ses épaules. Le Curé sourit et dit au père : « C’est bien, ton gars sait son signe de la croix, même s’il le fait un peu grand ».  Le père répond : « Voyez-vous monsieur le Curé, le signe de la croix, par les temps qui courent, ça refoule toujours en vieillissant. »

Avec tout ça, savez-vous bien qu’il ne reste que 11 jours en février… Et puis, quand mars arrive, veut, veut pas, ça finit par sentir le printemps!

À bientôt donc!

© Madeleine Genest Bouillé, 17 février 2018

Réflexion devant une rose…

Les fleurs de notre parterre commencent à pendre la lippe. Les vaillants phlox résistent de leur mieux; surtout les mauves. Les roses sont presque tous fanés et les blancs s’en tirent pas trop mal, mais on voit bien qu’ils se forcent pour tenir le plus longtemps possible. Vraiment, il ne reste plus que quelques plantes robustes, qui ne fleuriront qu’à l’automne. Par contre, mon rosier de la fête des Mères, qu’on a transplanté au printemps a décidé de nous faire une surprise. Il nous avait donné une rose, au début de l’été, une seule! Ensuite, les pucerons ont ravagé le feuillage. Mais il y a quelques semaines, une nouvelle tige a poussé, ses feuilles sont magnifiques… les pucerons doivent être partis ailleurs! Et voilà qu’aujourd’hui, une rose a commencé à s’ouvrir. Une superbe rose rouge. Bien qu’encore timide, cette fleur sera, j’en suis bien certaine, notre dernière rose de l’été!

Et alors, m’est venue à l’oreille cette jolie chanson, originaire d’Irlande, The last rose of summer. La version originale (cliquez ici pour en entendre une version) est un poème de Thomas Moore, qui date de 1805; la musique serait de John Stevenson. Il y a plusieurs versions françaises de La dernière rose de l’été, dont celle du compositeur Eddy Marnay, qui était interprétée par Nana Mouskouri :

Pour entendre la version de Nana Mouskouri, cliquez sur l’image.

« Si demain tu cueilles une rose, dont le cœur est déjà fané
 Dis-toi bien que cette rose, est la dernière de l’été.
Hier encore au voisinage, fleurissait tout un jardin
Dont il ne reste que feuillage, que l’hiver brûlera demain. »

J’aime particulièrement le deuxième couplet,  que voici :

« En amour comme en toute chose, en amour comme en amitié
Si ton cœur trouve une rose, cette rose, il faut la garder.
Même si c’est la première que tu aies jamais trouvée
C’est peut-être aussi la dernière, et la vie n’a qu’un seul été. »

J’ai trouvé une autre version, celle-ci de Francis Blanche (1921-1974), un parolier français qui était aussi un acteur connu. On y ressent là aussi la mélancolie de la fin de l’été :

« Une rose que l’on cueille, la dernière d’un bel été
Une rose qui s’effeuille, avant même d’avoir été.
Plus un chant au vent d’automne, plus d’oiseaux aux alentours.
Et personne qui lui donne, la chaleur des anciens jours. »

« Une rose que l’on garde, la dernière d’un bel été.
Une rose que l’on regarde, souvenir d’un roman passé.
On retrouve un jour d’automne, la couleur de la fleur coupée.
Mais personne ne redonne son parfum à l’amour fané. »

La version qu’on retrouve dans le 7e album de « La Bonne Chanson » est d’une tristesse, comme on en voyait souvent dans les paroles des chansons d’autrefois, où il était courant de « mourir d’amour »… alors qu’il est tellement plus agréable d’en vivre!  En haut de la page, un nom seulement : F. Flotow. Est-ce le compositeur des paroles? Sans doute, puisque la musique est de J. Stevenson.  On a du moins l’avantage d’avoir la musique…

« Seule ici, fraîche rose, comment peux-tu fleurir?
Alors qu’à peine éclose, tu vois tes sœurs mourir.
En ces lieux, des hivers, le deuil sombre s’étale,
Et la brise n’exhale nul parfum dans les airs. »

« Pourquoi seule, ignorée, languir dans ce jardin?
L’aquilon t’a frappée, ne fuis plus ton destin.
Laisse-moi te cueillir, sur ta tige tremblante
Et d’amour palpitante, sur mon cœur, ah! viens mourir! »

Pauvre rose!  Elle doit vraiment regretter d’être encore là, tandis que ses sœurs sont toutes  disparues.

Toutes ces belles paroles, pour une rose! Mais, c’est la dernière de l’été… Elle mérite d’être célébrée. L’été n’est jamais trop long dans notre beau Québec. Pour beaucoup de gens, l’automne est la saison que l’on accueille sans joie. On dit « Déjà! Ça n’aurait pas pu attendre un peu! » Et puis, quand décembre approche, pour reprendre les paroles la chanson C’est la première neige : « C’est l’hiver qui s’avance et l’automne, en silence, disparaît lentement. » La fin du printemps nous réjouit, c’est l’été qui fait son entrée comme une star, escortée  de soleil et de chants d’oiseaux! Les beaux jours ensoleillés, les soirées plus longues, les vacances! Que de la joie! Par contre, quand l’hiver prend de l’âge, il ne fait rien pour qu’on le regrette. Je le comparerais à une personne qui vieillit mal, qui se laisse aller, l’humeur morose, quelqu’un qui renonce à tout ce qui peut lui rendre la vie plus douce. L’hiver s’enlaidit avant de nous quitter, vraiment il ne veut pas qu’on garde de lui quelque beau souvenir. Mais, Dieu sait qu’on a la mémoire courte… en novembre, on recommencera à se préparer à l’hiver et à souhaiter un peu de neige, pour égayer les jours trop courts!

© Madeleine Genest Bouillé, 31 août 2017

Les fruits et les gens de par chez nous!

Comme on les aime les fruits de par chez nous! Ils nous arrivent frais, ils n’ont pas subi les désagréments d’un long voyage en train, en camion ou autrement. Ils ont été cueilli hier… on les déguste aujourd’hui! La belle saison n’est pas longue, mais pour se faire pardonner d’être aussi brève, elle est vraiment généreuse.

Notre été nous offre tout d’abord les petits fruits, sans doute les plus délicieux! Fraises, framboises, bleuets et mûres… merveilles! Viennent ensuite les pommes, les prunes et tous les produits du potager, en terminant avec les nombreuses variétés de courges et citrouilles qui célèbrent à leur manière l’automne et ses couleurs! J’aime vivre dans un pays qui a quatre saisons. Je reprends les paroles de Gilles Vigneault, dans la chanson Les Gens de mon pays; on apprécie encore plus « notre trop court été », du fait qu’il est précédé de « notre hiver si long ».

Ma petite-fille Émilie au verger (Photo: ©JMontambault).

Si on me demande lequel de nos petits fruits est mon préféré, je ne suis pas capable de choisir. Je les aime tous. Chacun a sa saveur, sa texture particulière… c’est comme les gens en fait.

Certaines personnes sont comme les fraises, les petites fraises des champs. Ce qu’elles peuvent être discrètes, ces mignonnes! Il faut vraiment les chercher pour les trouver, et c’est parfois leur parfum qui nous guide. Comme ces timides qui ne se laissent découvrir que petit à petit, qui s’effarouchent si on veut aller trop vite; des êtres charmants une fois qu’on les connaît bien. Mais comme on doit user de délicatesse pour parvenir à les approcher!

Ah! les framboises! Quels merveilleux souvenirs me reviennent à la mémoire quand je me rappelle nos randonnées jusqu’au bois, avec mes frères et notre père ! C’est peut-être le plus savoureux parmi les petits fruits. Mais si les framboises sont faciles à cueillir, elles nous déçoivent souvent après. On revient du champ ou du bois avec un contenant rempli à ras bord…et quand on arrive à la maison, le contenant n’est plus qu’au trois-quarts plein, et encore : elles ont « foulé » les pas fines! De plus, elles sont difficiles à nettoyer. Il y a de ces personnes décevantes; elles promettent beaucoup, mais ne tiennent guère leurs promesses. Oh! Elles sont gentilles, aimables; toujours prêtes à dire oui si on leur demande un service, mais il ne faut pas trop s’y fier. Au jour dit, soit elles ont oublié ou elles ont un autre rendez-vous!

Parlons des bleuets. Si vous avez remarqué, les bleuets ne poussent pas dans de belles terres riches. Non, ce délicieux petit fruit, on le trouve dans les savanes, les « brûlés », les terres pauvres. Le bleuet est un fruit tout simple, solide, facile à cueillir et facile à conserver ou à congeler. Il ne perd ni sa saveur, ni sa couleur. Ainsi, les gens les plus serviables, honnêtes, ne sont pas toujours issus de milieux favorisés. Ce ne sont pas nécessairement les plus instruits, ni ceux qui nous en mettent plein la vue. Mais quel bonheur, quand on trouve un ami qui, comme le bleuet, est sincère, pas compliqué,  quelqu’un sur qui on peut vraiment compter.  C’est un vrai trésor!

Vous êtes déjà allé cueillir des mûres? C’est une entreprise risquée! Ce petit fruit s’entoure de barbelés, comme pour se défendre de toute intrusion. Pourtant, comme elles sont bonnes ces mûres! Les grains plus serrés, plus fermes que les framboises, elles se tiennent bien dans le contenant quand on les cueille; mais on en revient les doigts ensanglantés, les jambes aussi parfois. Il y a des gens comme ça. Remplis de qualités, mais d’un abord difficile, on ne sait pas trop par quel côté les approcher…de vrais ours! À peine un « bonjour » quand on les rencontre, il faut avec eux aller droit au but, sans s’embarrasser de civilités. La plupart du temps, lorsqu’on est venu à bout de franchir ce rempart souvent fait de timidité, on découvre une personne gentille, qui ne demande qu’à rendre service. Ça vaut la peine d’aller au-delà de la première impression, on y gagne parfois un ami sincère!

Ma fille Marie-Noël, en pleine cueillette! (Photo: ©JBouillé).

Cherchez bien parmi vos connaissances… Vous trouverez des petites fraises, sûrement quelques framboises, plusieurs même! Donnez-vous la peine de trouver des mûres… et je vous souhaite de trouver au moins un vrai bleuet!

© Madeleine Genest Bouillé, 2 août 2017

 

(Tiré d’un texte paru dans Grains de sel, grains de vie en 2006.)

Mai

 

C’est un paysage à peine esquissé
C’est un dernier coup de vent qui chasse l’hiver
C’est le bourgeon qui s’ouvre, timide et fier
C’est le soleil enfin retrouvé!

* * *

C’est un enfant qui tente ses premiers pas
C’est un oiseau qui chante l’espérance
C’est la rosée sur les premiers lilas
C’est la vie qui, sans fin, recommence…

* * *

C’est une chanson qui monte dans l’air pur
Comme l’hirondelle dans l’espace
Son cri de joie traverse l’azur
Pour dire au Ciel son Action de grâces !

© Madeleine Genest Bouillé, mai 1976

V’là l’bon vent!

Pour amadouer le vent qui se fait présent plus que jamais, j’ai pensé utiliser des chansons, de La Bonne Chanson, où plusieurs nous parlent du vent. En commençant tout d’abord par V’là l’bon vent! :

« V’là l’bon vent, v’là l’joli vent, V’là l’bon vent, ma mie m’appelle 
 V’là l’bon vent, v’là l’joli vent, V’là l’bon vent ma mie m’attend. »

La grève près de l’embouchure de la rivière Belle-Isle.

Je le dis et je le répète, à Deschambault, il vente tout le temps! Depuis le début de cette année 2017, on dirait que c’est pire. Cet hiver, souvent après une journée plutôt calme, quoique froide, vers la fin de la soirée, le vent se levait comme s’il se fâchait, allez savoir pourquoi. Il venait peut-être de se réveiller et il avait fait un mauvais rêve. On peut penser ce qu’on veut… le vent étant le vent, il passe, et il se fiche pas mal de ce qu’il dérange sur son passage!

Comme le dit la Chanson aux nuages : « Nuages là-haut dans le vent qui vous mène, écoutez… Rivières et ruisseaux qui courez dans la plaine, écoutez. Et vous les échos qui dansez sur la plaine, écoutez… Je chante ma peine aux horizons mêmes que tous ceux que j’aime ont quittés. »

La Route Bouillé (Route du Moulin).

Chose certaine, qu’il vienne du nordet, où il s’accompagne généralement de pluie ou de neige, ou qu’il souffle du nord, traînant avec lui toute la froidure qu’il a rencontrée  depuis les contrées où le sol ne dégèle jamais, quand il arrive chez nous, Sire Vent se déchaîne. Il se déchaîne ou il pleure? Voyez plutôt cette chanson qui a simplement pour titre : Le Vent :

« Écoutez le vent comme il chante… il se fait mélodieux. Mais voici que le ciel est noir. Et le vent, pris de désespoir, sur les arbres se laisse choir. Écoutez le vent comme il tremble! Aurait-il donc un cœur de chair? Écoutez le vent comme il pleure… »

Paysage de la Gaspésie (lors de l’un de mes nombreux voyages là-bas).

Avec le doux mois de mai (enfin, il va bien finir par être doux!), il me semble qu’on aimerait une petite brise caressante, parfumée de l’odeur des nouvelles pousses, jacinthes, jonquilles, tulipes et feuillages nouveaux. Mais non, le vent a décidé de faire le grand ménage du printemps; les feuilles mortes, les débris de décorations de Noël, les résidus de l’automne qui ne dérangeaient personne tant qu’on ne les voyait pas, tout y passe!  Mais bientôt, quand même, nous en serons au temps des lilas, et nous chanterons Quand les lilas refleuriront.

« Quand les lilas refleuriront, au vent les capuchons de laine! Nos robes rouges nous mettrons… Et nous descendrons dans la plaine.  Cloches sonnez vos carillons! Les papillons qui se promènent, dans l’air avec les moucherons, comme nous danseront en rond!… Quand les lilas refleuriront… Allez dire au printemps qu’il vienne! »

Le cap Lauzon, fouetté régulièrement par le vent.

J’ai souvent dit, à chaque printemps je crois, combien j’aime cette saison, même avec ses vents qui nous décoiffent. Le printemps, c’est le seul politicien qui tient ses promesses. Il nous promet qu’on s’en va vers le beau temps, le soleil, l’été, et voyez : beau temps, mauvais temps, les bourgeons feront des feuilles, les fleurs et les plantes de toutes sortes pousseront, tandis que les oiseaux, occupés à faire leur nid, nous raconteront leur voyage dans le sud de l’hiver dernier. Vraiment, le printemps porte en lui tous les espoirs; on peut dormir tranquille… comme dans cette chanson qui s’intitule : Dormez sans crainte :

« Sur le haut de la grève et dans les sapinières, il se fait moins de bruit : c’est l’heure du repos. Qui chante au loin, qui chante? J’entends : un écho me hante, c’est la plainte du buisson, c’est le vent dans la ramure, le flot aussi qui murmure : N’ayez crainte mes enfants.  Dormez chers enfants! »

Ferme René Germain.

© Madeleine Genest Bouillé, 2 mai 2017

(Photos: © collection privée Madeleine Genest Bouillé).

Printemps

Un rayon de soleil entre chez moi
Et voilà qu’il fait plus chaud,
Et voilà que tout s’éclaire.
J’oublie soudain qu’hier
La vie me semblait un fardeau
Si lourd… trop lourd :  une croix.

Un tout petit rayon de soleil
Et ma joie de vivre s’éveille.
Sur les arbres encore nus
Des oiseaux déjà, sont revenus
Peupler l’espace de chants joyeux,
Vibrants d’espoir dans le ciel bleu!

Rien qu’un rayon de soleil,
Et voilà que tout a changé!
L’air ne sent déjà plus pareil,
Il y flotte un parfum nouveau
Qui monte du sol encore gelé
Et va rejoindre ormes et bouleaux.

…Juste un rayon de soleil!
Et voilà qu’éclate le printemps
Dans le cri victorieux des corneilles.
Le fleuve brisant son manteau de glace
Me crie d’en faire autant,
Qu’en mon cœur, l’hiver, enfin s’efface!

 

© Madeleine Genest Bouillé, mars 1983

Patience et longueur de temps

« Patience et longueur de temps font plus que force et que rage. » Quand nous étions enfants, l’avons-nous assez entendu, cette maxime du temps passé! La patience n’étant pas l’apanage de la jeunesse, on se faisait régulièrement sermonner par les adultes, surtout les personnes plus âgées, lesquelles avaient eu toute leur vie pour apprendre et pratiquer la patience. Une bonne dame de ma connaissance avait une bien belle expression pour nous conseiller cette vertu, elle disait : « Prends vent! Tu vas durer plus longtemps! » Cette hâte qui nous porte à courir vers demain ne peut que nous empêcher de profiter du moment présent. On gâche ainsi des heures précieuses qui ne reviendront pas!

Le départ des glaces… (Photo: Jacques Bouillé)

On dit que la patience, c’est l’art d’espérer. Dans un précédent Grain de sel, j’ai écrit que « l’automne est saison d’espérance ». Je dirais donc que si l’automne nous parle d’espérance, le printemps, pour sa part, nous incite à la patience. Dans son livre Andante, écrit en 1944, Félix Leclerc parle du début du printemps qu’il nomme « Les matins noirs ». Il écrit ceci : « Ces sortes de matins d’avril où on dirait que la nuit continue, qu’il n’y aura pas de lever. Et il pleut, et la neige fond; il y a de l’eau partout! » Il faut avoir l’espérance bien accrochée pour croire que tout ce paysage sale et boueux va devenir vert et fleuri, que ces arbres aux longs bras décharnés vont se couvrir d’un épais feuillage. Le pire, c’est quand, comme cette année, on a un hiver tout croche. En février, on se croyait au printemps et maintenant, au milieu de mars, la froidure reprend « du poil de la bête » et on n’a jamais eu autant de neige que depuis le 15 mars! Mais enfin, les glaces sont parties et si les oies tardent un peu, c’est sûrement à cause du froid; ça se comprend! Bientôt nous en serons au temps des sucres, la première fête du printemps! Mais si vous avez déjà assisté au processus de transformation de l’eau d’érable en sirop, ensuite en tire, et enfin en sucre, vous n’ignorez pas que ça prend une bonne dose de patience pour faire tout ce travail… « patience et longueur de temps », on n’y échappe pas!

Photo: Jacques Bouillé.

Après le temps des sucres, on n’en est encore qu’au tout début du printemps. Les bourgeons commencent à poindre. Des buttes de neige sale s’élèvent encore aux endroits moins ensoleillés. Pour passer le temps, qui passe de toute façon, disons donc plutôt « pour occuper le temps », on peut toujours visiter les quincailleries et les centres jardins, qui nous offrent déjà tout ce dont nous aurons besoin bientôt, très bientôt! Des outils au mobilier de parterre ou de patio, en passant par les graines de semences de fleurs et de légumes, tout contribue à nous aider à patienter en attendant le vrai printemps.

La renaissance de la nature, c’est long, et c’est parfois difficile. En avril il n’est pas rare de passer quelques jours d’affilée à frôler le zéro, même si le temps d’ensoleillement allonge chaque jour. Notre patience est très limitée, nous ne sommes après tout que des humains! On a tellement hâte de ranger les vêtements et tous les accessoires qui rappellent l’hiver. On résiste difficilement à l’envie de porter la petite veste légère qu’on vient d’acheter… Mais il est préférable d’attendre! Un autre dicton dit aussi: « En avril ne te découvre pas d’un fil! », et c’est vraiment mieux de prendre ça au sérieux. On n’a pas de temps à perdre avec un rhume de printemps.  Ce sont souvent les pires.

Enfin, on arrive au mois de mai! S’il est un mois qui a été chanté sur tous les tons et de toutes les manières, c’est bien celui-ci.  De l’Hymne au printemps de Félix Leclerc, au vieux cantique de notre enfance C’est le mois de Marie, en passant par Le temps du muguet ou C’est dans le mois de mai, vous connaissez certainement aussi bien que moi plusieurs chansons qui célèbrent ce si joli mois. Quand il fait beau au mois de mai, on oublie les rigueurs de l’hiver, la noirceur des jours de pluie; comme la nature on reprend vie… tant il est vrai que le beau printemps, celui de l’herbe vert tendre et des arbres en fleurs, c’est bien ce dernier mois avant l’été! N’est-ce pas que ça valait la peine de patienter!

La rue Saint-Antoine en mai, vue du clocher de l’église (photo: Jacques Bouillé).

Je termine avec cette prière que j’ai trouvée par hasard un jour où je devais en avoir grand besoin : « Seigneur aide-moi à apprendre et à aimer la patience. Lorsque je suis tendue par toutes les choses qui me préoccupent, arrête mes pas et tranquillise mes pensées. Donne-moi le courage de supporter les contrariétés qui m’assaillent. Je sais que lorsque je suis impatiente avec les autres, c’est avec Toi que je le suis, Seigneur. Enseigne-moi la patience, enseigne-moi la sérénité, enseigne-moi la paix.  Amen »

© Madeleine Genest Bouillé, 17 mars 2017

Les beaux glaçons!

C’est une belle journée de février. J’écris en regardant miroiter le soleil sur le fleuve gelé. Le fleuve gelé? Ah oui! C’est vrai, cet hiver il n’est pas gelé partout. Je vous explique ce phénomène; passé l’embouchure de la rivière Belle-Isle jusque dans le haut du village, quelques petites iles émergent du fleuve à marée basse, et en hiver, ces ilots retiennent les glaces. Ce qui nous donne la chance d’avoir une large bande de glace, pour nous rappeler le temps où le fleuve « prenait » jusqu’au « chenail » selon l’expression en usage autrefois. Maintenant, avec les gros bateaux qui sillonnent la « route d’eau » tout l’hiver, les glaces ne résistent pas.

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé)

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé)

À cette période-ci de l’hiver, alors que le soleil et le froid jouent à cache-cache, la façade de notre vieille maison est ornée d’un rideau de glaçons; on dirait qu’ils ont été posés là pour remplacer les décorations du temps des Fêtes! Vous allez rire, mais quand je sors pour aller chercher le courrier ou pour une promenade, je ne peux m’empêcher de me décrocher un beau glaçon, en prenant bien soin de ne pas le briser. C’était un jeu quand nous étions enfants – j’ajoute que mes grands enfants le font encore parfois, quand ils viennent à la maison.

Lorsque nous étions jeunes, je me souviens du plaisir que nous avions à décrocher les glaçons qui pendaient du toit, le but étant de ne pas les briser. C’était à qui aurait le plus beau! On s’amusait ensuite à les planter dans les murailles des forts que les garçons avaient construits. Pendant que nous, les filles, décorions les édifices de neige avec ces ornements glacés, les gars, pour faire les « fins », bombardaient nos fragiles sculptures. Bien entendu, nous ripostions et alors, c’était la guerre! Je revois les rangées de « boulets » de neige, alignés sur le rebord de la forteresse… ça prenait peu de choses pour déclencher les hostilités! Quand les gars lançaient leurs cris de Sioux sur le sentier de la guerre, nous répondions avec des cris aussi vigoureux, quoique plus aigus! Quand j’y pense… Nous nous amusions simplement et avec peu de choses, en ce temps-là. Peu de choses? À vrai dire, non, puisque notre terrain de jeux était vaste et variait selon les saisons. On savait utiliser ce que justement, chacune des saisons nous offrait : la neige et la glace, en hiver, les rigoles au printemps, les champs et la grève en été, puis en automne, les feuilles mortes.  Il me semble qu’on ne s’ennuyait jamais… Mémoire, qu’en dis-tu?

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé).

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé).

Je reviens à ce beau jour de février… À chaque hiver, je me décroche au moins une fois un beau glaçon que je plante sur un banc de neige, même s’il n’y reste pas longtemps. Ça peut paraître enfantin, mais pour moi, c’est un geste qui a une signification. Je dirais que c’est un retour aux sources, comme quand, durant l’été, on ramasse des coquillages et des roches sur la grève. Quand je fais le ménage, il n’est pas rare que je retrouve une boite où sont entassés ces trésors venus de la grève; parfois il y a une date écrite sur la boite, parfois non. Ce besoin de décrocher des glaçons, c’est aussi comme quand, à l’automne, on ramasse quelques belles feuilles qui jonchent la pelouse. Ces feuillages qu’on place ensuite entre les pages d’un livre et qu’on oublie jusqu’à ce que, par hasard, lors d’une froide journée d’hiver, on ouvre un livre d’images et on y trouve une feuille d’érable ou de chêne, toute belle, comme si on venait de la cueillir. Malheureusement, pour ce qui est des glaçons, on ne peut pas les conserver! À moins de les avoir pris en photos…  comme vous pouvez le constater!

Je ne sais plus qui a dit ceci : « On ne se guérit pas de son enfance ». Que c’est donc vrai! Et avouez, c’est tant mieux!

© Madeleine Genest Bouillé, 3 février 2017

Vive la tempête!

Dès mon réveil ce matin-là, je sens qu’il y a quelque chose d’inhabituel. Je n’entends passer aucune auto, pas non plus de camions, ni d’autobus. Par la fenêtre, je ne vois que du blanc. Il fait un vent à écorner les bœufs et on ne voit ni ciel, ni terre. C’est la tempête!

Alors je me rappelle les matins semblables du temps où mes enfants allaient à l’école. Tôt levés, ils écoutaient les nouvelles afin de savoir si les écoles seraient ouvertes ou fermées.  Quelle joie quand ils entendaient le nom de notre commission scolaire dans la nomenclature des établissements qui étaient fermés pour la journée! Personne ne retournait se coucher, non, on ne gaspille pas un congé imprévu en restant au lit. C’est qu’ils en trouvaient des choses à faire ce jour-là! Jamais en ces jours de tempête je n’entendais la phrase si décourageante :M’man j’sais pas quoi faire.  Aussitôt le déjeuner avalé, ils enfilaient leurs habits de neige, les bottes, les tuques et les mitaines et disparaissaient dehors pour un bout de temps. J’ai toujours aimé ces congés inattendus.  Je me réjouissais du plaisir de mes enfants… même s’ils ramenaient tout plein de neige avec eux quand ils rentraient et qu’on en avait pour la journée à faire sécher tous ces vêtements mouillés.  Mais que nous importait ces petits désagréments?… C’était congé!

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. ©Madeleine Genest Bouillé

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. ©Madeleine Genest Bouillé

Tout le monde était de bonne humeur, la maison résonnait de jeux et de rires, et comme ils avaient faim ces jeunes ogres! Généralement ces jours-là, on me réclamait pour le dîner une montagne de frites avec des saucisses ou un gros spaghetti. Il n’y avait pas d’horaire : on mangeait plus tôt ou plus tard que d’habitude, pas grave! Au cours de l’après-midi, chacun s’isolait avec un livre ou encore, ensemble, ils s’attablaient devant un jeu de société, comme le Monopoly. On dit que la mémoire embellit les souvenirs heureux, peut-être est-ce vrai, mais selon moi, le rappel de ces jours où la tempête nous gardait tous ensemble à la maison, font partie des pages les plus heureuses de notre histoire familiale.

J’aime toujours autant ces journées où l’hiver se déchaîne et nous envoie avec fracas ses neiges et ses vents en essayant de nous faire peur! S’il y a des rendez-vous, ils sont reportés évidemment. Les commissions vont attendre au lendemain; pas de réunions, ni aucune autre sortie non plus : il fait tempête!  Finalement ces congés forcés sont une halte nécessaire dans notre vie si bien ordonnée et réglée par l’horloge, le calendrier et l’ordinateur!

Vive la tempête qui nous permet de faire l’école buissonnière!

© Madeleine Genest Bouillé, 6 février 2017

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. Madeleine Genest Bouillé.

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. Madeleine Genest Bouillé.

(Texte publié dans mon livre © Propos d’hiver et de Noël, 2012)