Ces mots qui me faisaient rêver…

Quand j’étais petite fille, j’aimais écouter jaser les grandes personnes. D’une certaine façon, je dirais que c’était mon loisir préféré. Même si je ne comprenais pas toujours le sens de ce qu’elles disaient, je m’inventais ensuite des histoires et j’y mettais les mots que j’avais retenus… parce qu’ils me plaisaient. C’est ainsi que j’ai commencé à aimer les mots qui, dans mon imaginaire, devenaient des images. Parfois, quand je posais des questions relatives à ce que j’avais entendu et que je croyais comprendre, je m’apercevais que  j’étais « dans les patates » et cela me vexait, bien entendu!

Je vous raconte un souvenir dont je me rappelle comme si c’était hier. J’étais alors dans la maison de « ma gardienne », où il y avait fréquemment des gens que je ne connaissais pas, étant donné que le Central du téléphone était situé à cet endroit. Quelques personnes causaient; il était question que très bientôt, il y aurait « le service de nuit ». J’avais saisi seulement ces mots : « service de nuit ». J’étais un peu étonnée, croyant comprendre qu’il s’agissait de funérailles – qu’on appelait couramment « service » – qui auraient lieu le soir, comme la messe de minuit peut-être. C’était la première fois que j’entendais une chose semblable, mais avec les adultes, je savais que je pouvais m’attendre à n’importe quoi. Le lendemain, cette idée de « service de nuit » me trottait dans la tête et je me demandais bien où ça se passerait, et surtout si je pouvais y aller moi aussi… je voulais toujours aller partout! Alors, pendant le repas du midi, je me risquai à m’informer du fameux « service de nuit ». Je déclenchai un formidable éclat de rire! Je n’étais pas  contente du tout, oh que non! J’aurais voulu me cacher en dessous de la table. Finalement, quelqu’un eut la bonne idée de m’expliquer qu’il s’agissait pour la Compagnie de téléphone, d’offrir le « service de nuit », ce qui signifiait que l’opératrice devrait être disponible la nuit autant que le jour. Dans les faits, cela voulait surtout dire qu’il y aurait désormais une employée le jour et une autre qui prendrait la relève le soir jusqu’au matin. Non, on n’allait pas à un « service » et je n’étais invitée nulle part.  Je ne savais pas alors ce que l’avenir me réservait … mais plus tard au Central, j’ai fait le service de nuit autant que celui de jour et ce, pendant plusieurs années.

Une autre fois, j’entendis les grandes personnes parler de « coffre d’espérance ». Cette fois, on parlait du mariage prochain d’une parente. On s’extasiait sur son « coffre d’espérance » qui était bien rempli à ce qu’il semblait. J’écoutais attentivement… j’adorais entendre parler de mariage. Ce mot faisait naître dans mon imagination de belles robes blanches à traîne, des bouquets de fleurs, des gâteaux à trois ou quatre étages, décorés, comme on en voyait dans la Revue Populaire ou la Revue Moderne. Un enchantement! Que venait faire le « coffre d’espérance »? Je n’en avais aucune idée, mais je trouvais ça beau. Suite à cela, quand on me demandait ce que je voulais faire quand je serais grande, je répondais : « Je vais avoir un coffre d’espérance ».  Les adultes riaient évidemment… et je me demandais bien pourquoi.

Plus tard, j’ai su ce qu’était un « coffre d’espérance ».  Ce coffre, souvent en cèdre, que la jeune fille du temps passé remplissait de beau linge de maison, la plupart du temps cousu, tissé ou brodé de ses mains…dans l’espérance du jour où elle emménagerait avec un mari tout neuf, dans une maison bien à elle, pour y fonder une famille. Que d’espérance!  Et pas seulement dans le coffre!

N’est-ce pas que toute la vie est un « coffre d’espérance »? On y emmagasine nos rêves et nos espoirs au fil des ans.  Certains parmi eux ne sortiront jamais du coffre, comme ces belles serviettes d’invités qui n’ont jamais servi : elles étaient trop belles, ou pas assez pratiques. Par contre, on y retrouve encore des pièces du trousseau qui ont été maintes fois utilisées… comme leur propriétaire, elles ont du vécu!

Puissions-nous arriver à la fin de notre vie avec un coffre garni d’espérance.  Non pas des espoirs frivoles comme ces fragiles dentelles jaunies par le temps, mais des espérances solides qui nous suivent toute la vie, un peu comme ces couvertures inusables pliées soigneusement au fond du coffre et que nous transmettons à nos descendantes…

© Madeleine Genest Bouillé, 19 septembre 2017

Texte rédigé à partir de mon premier article publié dans ce blogue le 8 mars 2015

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