« Viande à chien!… Les temps ont ben changé! »

Comédiens de la distribution du radio roman Un homme et son péché, 1945 (Fonds Conrad Poirier, BAnQ).

Comédiens de la distribution du radio roman Un homme et son péché, 1945 (Fonds Conrad Poirier, BAnQ).

J’étais curieuse de voir la nouvelle allure de Séraphin, Donalda, Alexis et tous les personnages du roman de Claude-Henri Grignon. J’ai relu ce roman l’an dernier. L’histoire écrite par l’auteur en 1933 ne ressemble que très peu aux émissions de radio de Un homme et son péché, diffusées de 1939 à 1962, et pas du tout aux Belles Histoires des pays d’en haut, série télévisée de 1956 à 1970. On avait tourné 410 émissions qui ont été maintes fois reprises et que je ne me suis jamais lassée de revoir! Deux films ont été faits à partir de l’œuvre de Claude-Henri Grignon, le premier en 1949, réalisé par Paul Gury, mettait en vedette Hector Charland dans le rôle titre, Nicole Germain dans le rôle de Donalda et Guy Provost, dans le rôle d’Alexis. Guy Provost a repris ce même rôle, dans la série télévisée. Le deuxième film, présenté en 2002, était réalisé par Charles Binamé avec les acteurs Pierre Lebeau dans le rôle de Séraphin, Karine Vanasse dans celui de Donalda et Roy Dupuis, qui incarnait Alexis.

Le comédien Jean-Pierre Masson, interprétant Séraphin à la télévision, vers 1965 (Photo: Antoine Desilets, BAnQ).

Le comédien Jean-Pierre Masson, interprétant Séraphin à la télévision, vers 1965 (photo: Antoine Desilets, BAnQ).

Ayant vu comme tout le monde les bandes annonces de la nouvelle mouture, je n’avais pas confiance du tout. On a voulu nous surprendre, nous choquer sans doute aussi un peu et on a réussi; il fallait que ça ressemble à tout sauf à l’histoire qu’on connaissait quasiment par cœur! J’ai tout de même regardé la première émission et, contre toute attente, j’ai apprécié. Oui vraiment, j’ai reconnu, avec quelques changements je dois dire, les personnages du roman de M. Grignon. Ils sont moins civilisés, plus mal vêtus, mal coiffés. Dans Les Belles Histoires, la belle Donalda, interprétée par Andrée Champagne, n’avait jamais une mèche de cheveu de travers, ses robes étaient simples, mais toujours très propres, même quand elle venait de laver le plancher à la brosse. Le manteau attaché avec une corde ainsi que le « caluron » portés par Séraphin, frisaient la caricature, tout comme les mimiques du comédien Jean-Pierre Masson, mais c’était Séraphin, unique en son genre! Chaque personnage s’identifiait par un patois, que tout le monde reconnaissait, qu’il s’agisse de « Viande à chien », « Sainte Misère », « Chocolat » ou « Bouleau noir ». On aimait Les Belles Histoires, on aimait la pauvre Donalda, on aimait haïr Séraphin! Pendant que j’écris ceci, il me semble entendre le thème, L’Automne, du compositeur russe Boris Glazounov… cette musique si belle et qui convenait tellement bien avec les magnifiques paysages des pays d’en haut.

L'auteur Claude-Henri Grignon, 1946 (photo: George Nakash, BAnQ).

L’auteur Claude-Henri Grignon, 1946 (photo: George Nakash, Bibliothèque et Archives Canada).

Un livre… c’est une histoire complète en quelques centaines de pages avec un début et une fin, prévisible ou pas. Une série télévisée, cela peut durer des années, et même si l’histoire se passe cent ans plus tôt, elle doit être adaptée à l’époque où elle est tournée, qu’on se souvienne du beau chignon crêpé de Donalda ou des coiffures compliquées de la belle Angélique; c’était le style de coiffure à la mode des années soixante. De plus, les personnages se doivent d’être attachants, et cela même s’ils ne sont pas toujours sympathiques! Ils doivent aussi être assez nombreux pour « rallonger la sauce », si vous me passez l’expression. On se rappelle les personnages nouveaux qui faisaient leur apparition dans le village de Sainte-Adèle, à tout propos; certains revenaient de temps à autre, d’autres disparaissaient et on ne les revoyait jamais.

La série Les Pays d’en haut est de facture contemporaine. On ne nous a pas promis de « belles histoires », on sait qu’il ne faut pas s’attendre à des romances sucrées du genre de celle de la belle Angélique avec son notaire. L’histoire est plus mouvementée; on a vu au cours de la première émission le Curé Labelle « tirer du poignet », un draveur a dû se faire amputer une main – pas beau à voir! – et ce n’est qu’un début! On doit s’attendre à voir de la bataille… des échanges amoureux moins discrets que dans Les Belles Histoires. C’est comme ça dans toutes les émissions de télévision. Ça va gueuler, sacrer et prendre un coup! On a donc le choix : ou on embarque dans cette histoire ancienne, servie à la moderne… ou on achète les DVD de la série d’autrefois!

Et vive la télévision québécoise!

© Madeleine Genest Bouillé, 13 janvier 2016

Sur le plateau de tournage de la nouvelle série Les pays d'en haut (photo: Mathieu Valiquette, ICI Radio-Canada).

Sur le plateau de tournage de la nouvelle série Les pays d’en haut (photo: Mathieu Valiquette, ICI Radio-Canada).

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