Nous revenons d’un court voyage, mon mari et moi; avec l’âge, on préfère partir moins longtemps pour revenir moins fatigués. Comme dans la chanson popularisée par Alain Morisod, et qui a pour titre Prends le temps, je crois « qu’il faut prendre le temps, s’arrêter de temps en temps avant que la vie passe et que tout s’efface »… Je remarque surtout que nos escapades ressemblent de plus en plus à des pèlerinages. On retourne aux endroits qu’on a déjà visités, seuls ou avec mon frère Roger et son épouse Diane, qui nous a quittés l’an dernier. Quelques photos prises sur la promenade en bois qui longe la baie de Tadoussac me rappellent justement le voyage fait en 2010.
Cette année, nous avions planifié un itinéraire assez simple, en y ajoutant toutefois quelques « traverses », pour le plaisir de la chose. Nous nous sommes d’abord rendus à Tadoussac, où on n’a pas le choix d’utiliser le traversier à l’embouchure du Saguenay, à moins de vouloir absolument se rallonger en faisant le tour par Chicoutimi, ce que, soit dit en passant, nous avons déjà fait! Cette année, malgré qu’il y ait trois bateaux à cet endroit, nous avons quand même attendu près de deux heures du côté de Baie Ste-Catherine. Du temps perdu? Pas vraiment, on peut sortir de l’auto, marcher un peu sur le bas-côté de la route. Et puis, comme le dit si bien la chanson : « On prend le temps, on écoute le vent… il nous dira que les rêves, bien trop tôt s’achèvent. »
Il y avait au moins sept ans que nous n’étions pas allés à Tadoussac. Les rues nous ont parues beaucoup plus escarpées… il nous a bien fallu admettre que ce sont plutôt nos jambes qui sont moins alertes! C’est le cas de dire qu’il est préférable de « prendre le temps ». Partant du stationnement de l’église, on descend vers la vieille petite chapelle dite « des Indiens », qui date de 1747. Il s’agit de la plus ancienne église en bois en Amérique du Nord. Avant de continuer, on admire encore une fois le majestueux Hôtel Tadoussac. Le premier hôtel érigé en 1864, étant devenu vétuste, a été démoli, puis reconstruit en 1942 par le président de la Canada Steamship Lines, William Coverdale. Nous voici enfin sur la promenade; on passe d’abord devant la bâtisse datant de 1942, qui est une réplique du premier poste de traite construit en 1600 par Pierre Chauvin de Tonnetuit. Ce poste était un lieu d’échanges entre Amérindiens et Européens. L’histoire nous raconte que William Coverdale a fait ériger cette bâtisse pour y exposer sa collection d’objets amérindiens. C’est un endroit très intéressant à visiter. Nous y étions venus pour la première fois en 1970 avec nos trois garçons de cinq, trois et un an. Que de souvenirs! Mais malheureusement, pas de photos de ce voyage.
Les restaurants ne manquent pas à Tadoussac et il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses! Après souper, on ne tarde pas à rentrer pour se reposer de cette belle, mais épuisante journée. Le lendemain, après un solide déjeuner et une petite virée dans quelques boutiques, on est comme qui dirait, « d’équerre pour continuer ». L’avant-midi, le temps d’attente à la traverse est pratiquement nul. Bien vite, nous revoici de l’autre côté du bras de mer, qui n’est plus le fleuve et pas encore le Saguenay. Je pensais aux gens qui habitaient cette région, autrefois, avant les traversiers modernes qu’aucun mauvais temps ou presque n’arrêtent, et je me disais combien ces gens devaient être patients! N’ayant pas d’autre choix que de vivre avec les contraintes que leur imposait Dame Nature, ils savaient certainement « prendre le temps ». Et je suis persuadée qu’ils étaient heureux malgré tout dans leur si beau coin de pays!
Sans nous attarder, nous filons vers Saint-Siméon; la veille on nous a prévenus qu’il y avait un temps d’attente de deux heures pour la traverse. Ce village avec ses routes qui montent et qui descendent (encore!) est très beau! Nous avons eu le temps de l’apprécier. Comme mon conducteur n’aime pas être en retard, il avait stationné l’auto dans le pied de la côte qui mène au quai. Donc, promenade de bas en haut et de haut en bas, pour revenir à l’auto. De loin, on voit venir notre traversier, le « Trans Saint-Laurent ». La première – et dernière – fois où nous avons effectué cette traversée, c’était le 30 juin 1964, lors de notre voyage de noces en Gaspésie! Eh oui! C’est que, voyez-vous, nous avons fait un voyage de noces « à rallonge ». Mais pour le moment, la rive sud est loin quand même et il nous semble bien petit, notre bateau…. heureusement, quand il s’approche, il devient plus imposant. Il faut dire qu’il y en a des autos et des camions, de toutes dimensions, qui attendent… Il fait beau sur le quai de Saint-Siméon et le vent est bon! Quelle bonne idée nous avons eue de « prendre le temps et le garder longtemps »! Nous aurons une heure pour contempler le fleuve et son chapelet d’îles et de temps à autre, voir sauter ce qui nous semble être des bélugas. On rencontre un cargo, à côté duquel on trouve notre traversier bien petit! Vraiment « La vie est bien plus belle, quand on a le temps ». Et sur un bateau, quand on n’y est que passager, du temps, on en a tout plein!
Rivière-du-Loup! Sur la route 132, nous sommes en pays connu. Nous l’avons descendue et remontée plus d’une fois cette route. Pour aller en Gaspésie, ou seulement dans le Bas du fleuve. Nous commençons par repérer notre pied-à-terre et prendre un peu de repos. Ce ne sont pas les hôtels, motels et restaurants qui manquent dans cette partie de la ville. Nous ne mourrons pas de faim! Après une bonne nuit, nous reprenons la route pour la dernière étape. Mais avant de quitter Rivière-du-Loup, nous voulons revoir la chute qui doit bien être toujours au même endroit. Décidément, ce voyage sera marqué par les routes en pentes, car pour trouver la chute en question, évidemment nous roulons sur plusieurs rues, qui montent, et montent, et qu’on finira bien par redescendre. Enfin, nous voici au Parc de la Chute, situé au cœur du centre-ville. Les abords de cette chute d’une hauteur de 33 mètres, sont très bien aménagés, une ancienne centrale hydroélectrique rappelle que Rivière-du Loup, fut une des premières villes du Bas Saint-Laurent à produire de l’électricité.
Notre voyage tire à sa fin, mais je le redis: « Il faut prendre le temps… la vie est bien plus belle quand on a le temps ». Nous consultons le guide touristique de la région, des fois qu’on trouverait des lieux à visiter. Ce qui nous amène à délaisser la route 132 pour nous rendre dans les villages plus au sud. Saint-Philippe-de-Néri, Mont-Carmel… et voilà qu’on s’égare dans un rang, on ne sait plus où on est rendus; le chemin rétrécit, il n’est pas asphalté, quand tout à coup, on se retrouve sur le haut d’une montagne. Une immense croix est érigée sur un belvédère; il y a même des tables à pique-nique… et quelle vue! À couper le souffle! Nous sommes à Saint-Pacôme. De cette hauteur, on voit le village, avec l’église, les maisons, une rivière qui serpente, des fermes… puis le fleuve et la rive nord dans le lointain brumeux. Quel beau cadeau pour une fin de voyage! Par un heureux hasard, on se retrouve dans ce petit village, avec ses routes qui montent et qui descendent, qui a abrité il y a longtemps des gens de ma famille, du côté Petit. En effet, Rose Petit, la sœur de mon grand-père, avait épousé Élysée Morin, un citoyen de Saint-Pacôme. Dans cette paroisse, ils ont eu quatorze enfants. Ma mère me racontait qu’elle était allée à quelques reprise en visite chez sa tante Rose, où elle avait une cousine de son âge, prénommée Mary (les prénoms à l’anglaise étaient alors à la mode), laquelle un jour épousa Éloi Laurin, de Charlemagne. Parmi leurs nombreux enfants, ils eurent un garçon, Camille, qui devint psychiatre et plus tard, politicien. Camille Laurin, qui était issu d’une famille libérale, a fait partie des pionniers du Parti Québécois au côté de René Lévesque; on l’a surnommé le Père de la loi 101. Il est décédé en 1999.
« Il faut prendre le temps… car la vie est une fête, qui trop tôt s’arrête. » Après cet épisode inattendu, nous avons continué notre chemin sur la route 132. Nos voyages avec Diane et Roger avaient lieu la plupart du temps, à la fin de juillet ou au début d’août. Alors, inévitablement, sur le chemin du retour, nous arrêtions dans les kiosques à légumes où nous achetions des épis de blé d’Inde. C’était devenu une tradition. Alors, on ne pouvait pas passer à côté… nous avons donc acheté du blé d’Inde! Puis, nous avons décidé de passer sur le pont de Québec. Tout est bon pour allonger le chemin du retour…. encore une tradition! Je le redis : « la vie est bien plus belle, quand on prend le temps! »
© Madeleine Genest Bouillé, 17 août 2017