Je déplore souvent que les jeunes d’aujourd’hui écoutent trop de musique en anglais. Mais je dois avouer qu’à leur âge, je ne faisais pas mieux. La première fois où nous avons entendu chanter Elvis Presley, c’était en 1956. Si on ne se roulait pas par terre comme les filles qu’on voyait à la télévision, nous étions quand même très impressionnées. J’avais reçu un premier disque « 45 tours », sur lequel, on retrouvait les premiers succès de notre idole, Hound dog et Don’t be cruel. Le petit disque tournait, tournait… et ma mère soupirait. Elle n’en revenait pas que je puisse aimer ça! Puis, j’ai eu quelques autres disques de ce nouveau chanteur, dont Love me tender, que je préférais aux airs de rock’n’roll sur lesquels nous dansions, entre filles, au restaurant du coin où nous nous rencontrions autour du « juke-box » pour jaser de tout et de rien… tandis que les garçons, à l’autre bout de la salle, regardaient la télévision ou jouaient au billard. Elvis fut probablement le premier chanteur américain dont nous avons écouté la musique, mais combien d’autres ont suivi. Les Everly Brothers, Bobby Darin, Paul Anka – un Ontarien qui avait le même âge que moi. Plusieurs chanteuses aussi avaient notre faveur, dont Doris Day, Teresa Brewer, Brenda Lee. Du rock’n’roll à la musique country, il n’y a qu’un pas. Parmi mes souvenirs, les airs de quelques chansons surgissent : He’ll have to go, de Jim Reeves, et le classique du genre Quand le soleil dit bonjour aux montagnes, de Lucille Starr.
Vers l’âge de seize ou dix-sept ans, j’écoutais beaucoup plus de chansons en anglais qu’en français. Mes goûts musicaux étaient plutôt diversifiés, comme vous pourrez le constater. Du côté de la chanson francophone, c’était un mélange fait de chansons populaires, comme celles de Gilbert Bécaud ou de Charles Aznavour, ou des airs d’opérette telles qu’on en retrouvait sur les disques de la chanteuse Mathé Altéry. Au Québec, commençait l’époque des boîtes à chansons qui ouvraient leurs portes un peu partout, donnant ainsi la chance aux chansonniers. Il y eut tout d’abord Félix Leclerc, puis Gilles Vigneault, Claude Léveillée, qui a toujours été mon préféré, et tous les autres qui ont suivi. En même temps, des artistes d’un autre genre, comme Ginette Reno, Renée Martel, André Lejeune et Michel Louvain, pour ne nommer que ceux-là, débutaient leur carrière en reprenant plusieurs succès américains traduits en français. Quelques compositeurs québécois nous offraient aussi de jolies chansons. Je me rappelle Le ciel se marie avec la mer, de Jacques Blanchet et En veillant sus l’perron, de Camille Andréa. Peu de gens se souviennent de l’auteure, mais personne n’a pu oublier l’interprète, Dominique Michel. Comme celle qui nous l’a fait connaître, cette chanson a traversé le temps en restant toujours à la mode.
Les chansons françaises, je les écoutais pour les apprendre et les chanter dans les soirées d’amateur, qui étaient alors très prisées et qui avaient lieu à différentes occasions. Justement, lors d’une de ces soirées, tenue à la fin de décembre 1961, j’avais un admirateur qui s’était manifesté. Mais je garde cette histoire pour une autre fois! Pour revenir à mon propos, je dois dire que les « hits » américains, c’était vraiment ma musique de prédilection. Il existait une revue qui s’appelait Hit Parader, dans laquelle étaient publiées les paroles de tous les succès américains de l’heure. J’achetais cette revue et j’apprenais consciencieusement les paroles de mes chansons favorites, bien plus, je m’efforçais de les traduire pour savoir au moins de quoi ça parlait! Si bien que je sais encore par cœur plusieurs de ces vieilles mélodies. J’ai appris plus d’anglais de cette façon qu’avec les cours que nous avions au couvent. J’avais une préférence pour les chansons sentimentales, comme celles des Platters, de Dean Martin et de Connie Francis. Ces musiques de « mon époque » me suivent toujours. Je les ai écoutées sur disque, puis sur cassette et maintenant, je les écoute sur CD.
Aujourd’hui, les jeunes ont des écouteurs sur les oreilles pour entendre leur musique… à mon époque, nous cassions les oreilles de nos parents avec nos disques que nous faisions tourner en augmentant le volume selon le degré d’appréciation de la chanson. Les disques « 33 tours » coûtaient plus cher, alors nous nous contentions le plus souvent des petits « 45 tours » que nous écoutions tour à tour, en recommençant trois, quatre fois, sans pitié pour les membres de la famille qui avaient bien hâte que ça finisse! Un de mes grands frères avait acheté un tourne-disque portatif et des disques à la mode. Cet été-là, parfois le soir, nous sortions l’appareil sur la galerie et nous écoutions la musique dehors, c’était tellement plus beau! Il m’arrive de réentendre ces vieilles chansons, That’s Amore ou Tennessee Waltz. Alors, je me revois sur la galerie chez nous avec quelques-uns de mes frères, le ciel est tout plein d’étoiles, on boit un verre de liqueur ou de Kool-Aid, peu importe, sur le tourne-disque, une chanson en anglais joue, on chante en même temps et on s’amuse à changer les paroles… on rit! Quelle belle soirée!
© Madeleine Genest Bouillé, avril 2015
C’est toujours vraiment intéressant de savoir quelles « tounes » tu écoutais quand tu avais notre âge !!! Et aussi c’est rassurant de voir que notre génération n’est pas la seule à préférer les titres anglophones 😛
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