C’était en mai 1982, lors d’une soirée de l’Âge d’Or – aujourd’hui la Fadoq, j’avais mimé cette chanson Dans le bon vieux temps, avec un compagnon de la chorale. À l’époque, nous devions nous poudrer les cheveux pour rendre le « Vieux » et la « Vieille » plus crédibles… Voici cette chanson de deux vieux qui se rappellent de doux souvenirs :
Lui :
« Dis-moi, te souviens-tu ma vieille, du temps où je te courtisais
Ma tuque par-dessus l’oreille, chez ton vieux père, j’arrivais.
Au trot de ma vieille jument, veiller chez vous à Saint-Constant. »
Elle :
« Je m’assoyais près de la fournaise, et bien émue, je t’attendais
Toi, tu plaçais toujours ta chaise, près de la mienne quand t’arrivais.
Bien trop proche, nous disait maman, qui chaperonnait en tricotant. »
Lui :
« Quand ta mère piquait son somme, avec son tricot sur ses genoux.
Et que ton père, le brave homme, fumant sa pipe, cognait des clous
Moi, je profitais de ce moment, pour t’embrasser bien tendrement »
Elle :
« Tu m’embrassais, vieil haïssable! Et ta barbe me piquait le menton.
De t’arrêter, j’étais pas capable. Pour dire franchement, je trouvais ça bon.
En se réveillant, papa te chassait. Au bout de trois jours, tu revenais. »
Refrain :
« Dans le bon vieux temps, ça se passait de même
Ça se passait de même dans le bon vieux temps. »
Ce refrain me tourne souvent dans la tête quand je regarde mes photos du temps passé. Il est vrai que pendant longtemps, les fréquentations sérieuses, c’est-à-dire celles qui devaient conduire au mariage, étaient la plupart du temps les seules qui étaient tolérées dans les bonnes familles. D’abord faisons la distinction entre le « soupirant » et le « prétendant »; le soupirant n’a pas encore été admis à fréquenter la jeune fille qu’il convoite, alors il soupire! Tandis que le prétendant a reçu la permission « d’accrocher son fanal », comme on disait autrefois. Et il passe les « bons soirs » chez sa promise en observant les usages autant que les dix commandements de Dieu! Je reviens à l’essentiel de mon propos. Le soupirant devait demander aux parents la permission de courtiser leur fille, en promettant que c’était pour le « bon motif ». Et alors commençaient les visites du prétendant, les bons soirs, soit les jeudis, samedis et dimanches, ou autres, selon les habitudes de la famille. Évidemment, même si les amoureux étaient seuls dans le salon, la porte restait ouverte et il y avait toujours un chaperon assis pas loin, pour avoir l’œil sur ce qui se passait, ou plutôt pour s’assurer qu’il ne se passait rien! Souvent le dimanche après-midi était réservé aux visites dans la parenté; il va sans dire que les jeunes gens étaient accompagnés d’un frère ou d’une sœur, chaperonnage oblige! Des anecdotes à ce sujet laissent croire que les couples devaient souvent « acheter » la complicité des chaperons. Quand les surveillants étaient des enfants, des friandises pouvaient faire l’affaire. S’il s’agissait d’un frère ou d’une sœur plus âgés, il fallait parfois promettre diverses récompenses, allant du prêt d’un bijou ou d’autre chose, jusqu’à l’échange d’une corvée plus ou moins désagréable. Les futurs mariés devaient ruser pour s’octroyer quelques moments d’intimité. Les longues fréquentations étant déconseillées, on peut en déduire que les fiancés s’épousaient souvent sans vraiment se connaître. Mais, dans « le bon vieux temps », quand on se mariait, c’était pour la vie!
Dans ma jeunesse, quand on veillait « au salon », le chaperonnage était plus discret. Et dans la plupart des familles, on pouvait sortir ensemble, sans être accompagné… avec seulement promesse de se bien conduire et ne pas rentrer trop tard! Mais cette pratique variait selon les familles, ainsi j’ai souvenance d’avoir joué le rôle du chaperon, avec une amie, dont la mère était plus sévère. Quand la grande sœur allait au cinéma avec son prétendant, parfois nous devions les accompagner… Nous trouvions alors cette tâche très agréable! Et j’étais loin de penser que quelques années plus tard, ce serait mon tour de sortir avec un garçon en souhaitant ne pas être obligée de subir la présence d’un chaperon.
De mon temps, quand le soupirant arrivait chez les parents de sa bien-aimée, il était de bon ton de passer tout d’abord un moment dans la cuisine avec les futurs beaux-parents pour jaser de choses et d’autres… et parfois aussi de prendre le temps de jouer une partie de cartes. Cet intermède donnait ainsi aux parents de même qu’au jeune homme l’occasion de faire mutuellement connaissance. Je me souviens cependant d’un certain soupirant qui écourtait autant que possible cette entrée en matière, où il se sentait comme observé à la loupe… Mais il fallait bien passer par là, ça faisait partie du processus de fréquentations « pour le bon motif »!
Ah oui, vraiment! Ça se passait de même dans le bon vieux temps!
© Madeleine Genest Bouillé, 25 avril 2016