Ma rivière chantait…

« Ma rivière chantait,
Sous le ciel de mes vingt ans
Ma rivière chantait
Ses airs les plus charmants »

Rivière Belle-IsleIl était une rivière qui serpentait de l’est à l’ouest et du nord au sud, sur une grande partie du territoire de Deschambault. Elle n’en finissait plus de multiplier les méandres, tantôt elle se cachait dans les sous-bois, plus loin, elle réapparaissait frôlant les champs et les jardins, en jetant un œil curieux par les fenêtres des maisons quand elle avait la chance de passer assez près… Sociable, elle a permis aux habitants du temps jadis d’ériger grâce à elle des moulins, à farine, à scie et à carder, une beurrerie et même une fonderie. Il lui est arrivé certaines années – et cela lui arrive encore – lors des crues de printemps ou d’automne, de sortir de son lit pour rappeler aux humains, que malgré toutes leurs inventions et leurs interventions, la nature demeure une force indomptée. Autrefois, on l’appelait la rivière « à Bélisle »; des linguistes s’en sont mêlés et maintenant on écrit « rivière Belle-Isle ».

« Qu’elle était belle ma rivière
Au pays d’autrefois.
Son onde pure, sa voix claire
Chantaient dans les sous-bois. »

L'hôtel Chateau de Pierre (coll. CARP).

L’hôtel Château de pierre (coll. CARP).

Depuis si longtemps, je ne pourrais pas dénombrer tous les moulins qui ont été construits sur cette rivière. On m’a parlé, entre autres, du moulin « de Brod à Jim » au troisième rang, sur la terre des Dufresne. La beurrerie Bédard, au deuxième rang, garde fière allure malgré son âge; il faut dire qu’elle en a vu couler de l’eau sous le petit pont qui enjambe la route juste à côté! Dans la rue Saint-Laurent, qui était autrefois l’ancienne route, il y eut aussi un moulin près de la chaussée Germain; plus tard, ce moulin est devenu un magnifique hôtel, le « Château de pierre », qui s’est envolé en fumée une nuit d’avril 1952.

« Elle serpentait joyeuse
Dans les prés fleuris.
Puis disparaissait rêveuse
Dans l’ombre des tailles. »

Moulin à scie Paquin.

Moulin à scie Paquin.

Avant d’amorcer son dernier parcours, la rivière Belle-Isle dévalait la chaussée du moulin à scie Paquin, en haut de la vieille route qui rejoignait jadis le deuxième rang. Ce moulin qui fut d’abord un moulin à carde, devint en 1854 la propriété de Damase Naud. Avec son fils Alex et Hercule Perron, l’entreprise devint une fonderie où l’on fabriquait des moulins à battre, des plats et chaudrons de fer et surtout, les fameux poêles à deux ou trois ponts, célèbres dans tout le Québec et au-delà.

On retrouvait autrefois sur le site du moulin Paquin la fonderie de Damase Naud qui fabriquait les fameux poêles "Bijou".

On retrouvait autrefois sur le site du moulin Paquin la fonderie de Damase Naud qui fabriquait les fameux poêles « Bijou ».

Sans doute un peu essoufflée de tous ces tours et détours, la rivière coupe ensuite à travers champs et après un dernier saut à la chaussée Germain, elle se jette dans le fleuve, juste en face de la Barre à Boulard. Elle en aura vu du monde sur son parcours! Les paysans qui, au temps des foins, s’arrêtaient pour se rafraîchir avant de continuer leur journée, ou les pêcheurs qui récoltaient quelques belles truites dans le détour, près du pont, ou encore les familles qui pique-niquaient sur ses bords le dimanche. Les amoureux, aussi, ont de tout temps apprécié les rives ombragées de la rivière où ils gravaient leurs initiales sur les troncs des arbres qui en gardent encore le secret… Combien d’enfants qui tout comme les miens ont joué sur les bords de ce cours d’eau et ont construit des cabanes de branches sur la petite île, en se prenant pour des Sioux! Belle rivière, rivière Belle-Isle, tu as vu naître notre patelin, tu sais notre histoire, tu as connu nos ancêtres, tu vois grandir nos enfants… Continue de nous chanter tes airs les plus charmants!

« Au matin clair, par les soirs tièdes
J’écoutais son refrain.
Ma rivière chantait
Ses airs les plus charmants! »

Ma rivière chantait, chanson qui faisait partie du répertoire du Chœur Vive La Canadienne en 1963.

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Chansons d’automne…

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Il fut un temps où, au Vieux Presbytère, on présentait des soirées « Bonne Chanson ». L’idée nous en était venue après avoir constaté que lors de nos soirées de musique, piano-bar ou musique traditionnelle, il y avait toujours un moment dans la soirée où l’un ou l’autre des participants entonnait une chanson, que tout le monde reprenait ensuite. Entraînés par la musique, on finissait par chanter en chœur; une chanson succédait à l’autre. Souvent alors, la soirée se prolongeait… Quand on se quittait, c’était pour se dire : « On devrait en faire plus souvent des soirées comme ça! »

Le Vieux Presbytère de Deschambault (construit en 1816), du temps des soirées Bonne Chanson...

Le Vieux Presbytère de Deschambault (construit en 1816), du temps des soirées Bonne Chanson…

La première soirée Bonne Chanson a eu lieu en novembre 1993 ou 1994, je ne suis pas certaine. On avait invité les gens à apporter les cahiers de La Bonne Chanson de l’Abbé Gadbois. On avait préparé un programme « au cas où » pour débuter la soirée et réchauffer la salle, en se disant que la suite viendrait tout naturellement, dès lors que les gens proposeraient une chanson, en solo, en duo ou en chœur. Et c’est ainsi que ça se déroulait. La saison se prêtait bien à ce genre de veillée. Il y a tellement de belles chansons qui parlent de l’automne! En commençant par La dernière rose de l’été : sur une musique irlandaise, l’auteur nous dit que « Si demain, tu cueilles une rose, dont le cœur est déjà fané… dis-toi bien que cette rose est la dernière de l’été. » Cette autre chanson, intitulée simplement Chant d’automne, résume à elle seule nos soirées automnales : « Lorsque le vent du soir s’alanguit et pleure, Et que tous les enfants sont dans la demeure, Ah! qu’il fait bon chez-soi près du feu pétillant qui chante, En cercle l’on s’assoit loin de la tourmente. »

Charles-Émile Gadbois (1906-1981), fondateur de La Bonne Chanson.

Charles-Émile Gadbois (1906-1981), fondateur de La Bonne Chanson.

Impossible d’évoquer les soirées Bonne Chanson, sans parler de Louiselle et de Joachim, un couple charmant, qui était toujours présent partout où ça chantait! Parmi leur vaste répertoire, ils chantaient ce duo, Chanson d’automne, dont le refrain nous invite : « Viens cueillir encore un beau jour, en dépit du temps qui nous presse, et mêlons nos adieux d’amour, aux derniers parfums de la brise. » Depuis, Louiselle et Joachim ont quitté leur maison au bord du fleuve pour une résidence plus apte à leurs besoins, puis encore une fois, ils ont changé de nid… Ainsi ils peuvent continuer de cueillir chaque beau jour qui s’offre à eux et ils profitent ainsi des parfums de la brise tant qu’il leur est possible de le faire!

Quatre rubansDans la Bonne Chanson, on retrouve des chansons très vieilles, qui ont été reprises et transformées maintes fois, et qui souvent racontent une histoire… généralement triste! Ainsi en est-il de la chanson Les quatre rubans. C’est l’histoire d’une vieille femme qui décrit sa vie en « quatre rubans » : sa vie de jeune mariée, représentée par le ruban blanc; le ruban bleu, pour sa vie de jeune mère; devenue veuve de guerre, elle porte le ruban rouge; et plus tard, ayant perdu ses fils et son époux, elle porte désormais le ruban noir. Une autre chanson, parmi les plus connues, Mon chapeau de paille, raconte l’histoire d’un patriote de la région du Richelieu en 1837. L’abbé Gadbois faisait une large place aux chansons bretonnes de Théodore Botrel. Cet auteur a composé des berceuses, des chansons de marin et surtout de femmes de marins, comme La Paimpolaise… « qui attend au Pays Breton ». Il a aussi écrit des chansons, comme Le couteau, faites pour être mimées. Cette dernière était l’une des favorites des soirées Bonne Chanson.

Une autre incontournable de nos soirées, c’est Souvenirs d’un vieillard. Elle était le plus souvent chantée par Joachim et on reprenait en chœur le refrain : « Dernier amour de ma vieillesse, venez à moi, petits enfants… Je veux de vous une caresse pour oublier mes cheveux blancs. » La soirée n’aurait pas été complète sans la chanson du Grand Lustucru, de Botrel, qui était comme un clin d’œil à la fête de l’Halloween. Et comme il faut toujours un rappel… pour clore la veillée, Louiselle et Joachim nous chantaient L’hiver a chassé l’hirondelle : « Le dur hiver s’avance, adieu les belles nuits, d’amour et d’espérance, les oiseaux nous ont fui… L’hiver a chassé l’hirondelle, l’hiver a chassé les beaux jours. Mais de notre cœur, ô ma belle, l’hiver ne peut chasser l’amour. »

Que de belles soirées! Nul doute qu’on devrait en faire encore des veillées comme ça!

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Les élections

Ben oui, on va avoir des élections! Ça fait longtemps qu’on le sait, me direz-vous. C’est vrai. Autrefois la campagne électorale était plus courte, sauf qu’elle était pas mal plus amusante! Il n’y avait pas la télévision et encore moins les réseaux sociaux; on se contentait des journaux, de la radio et surtout les candidats du comté se faisaient connaître dans les assemblées où ils étaient souvent plus populaires que leur chef. Chez mon grand-père, ça parlait d’élection, mes tantes adoraient ça! Chez nous aussi, on s’y intéressait, même si papa était très discret sur ses intentions de vote; selon lui, c’était quelque chose qu’il ne fallait pas divulguer, un peu comme le secret de la confession. Si je ne m’abuse, dans le temps où il travaillait à la Ferme du Gouvernement provincial, c’était préférable qu’il en soit ainsi…

"Pamphlet" du candidat du Parti LIbéral du Canada, le Dr Pierre Gauthier, en 1957.

« Pamphlet » du candidat du Parti LIbéral du Canada, le Dr Pierre Gauthier, en 1957.

Ma mère était souvent engagée pour tenir le poste de « greffière » le jour du scrutin, parce qu’elle avait « une belle main d’écriture », mais elle faisait ce travail seulement quand c’était le parti Libéral qui était au pouvoir, car c’était bien connu que les Petit votaient « rouge ». L’esprit de parti, ça se transmettait de génération en génération comme la forme du nez et les taches de rousseur. Maman aimait bien travailler aux élections; ça lui apportait un petit revenu qui n’était pas négligeable. Mais surtout, elle aimait cette journée passée à inscrire les voteurs et, le soir venu, participer au décompte des bulletins de votes. Les bureaux étaient toujours situés dans une maison privée, dont les propriétaires étaient reconnus pour être «  du bon bord »! Quand le gouvernement changeait de parti, le bureau de vote changeait de maison.

Verso du pamphlet du Dr Pierre Gauthier. À remarquer: la "promesse" réalisée du quai de Portneuf!

Verso du pamphlet du Dr Pierre Gauthier. À remarquer: la « promesse » réalisée du quai de Portneuf!

Dans mes souvenirs, la période préélectorale durait quelques semaines, mais ça « brassait », je vous l’assure, surtout quand il y avait des « parlements » et des assemblées contradictoires. Chez nous, on a commencé tôt à s’intéresser aux élections. D’abord, on en entendait parler dans la famille et de plus, le père de mes amies était organisateur pour « l’autre parti », ce qui causait parfois quelques quiproquos lors des « parlements », ces assemblées politiques où les candidats venaient haranguer les électeurs. Ces réunions se tenaient le dimanche après-midi, en plein air, quand la saison le permettait évidemment; il y avait des haut-parleurs, qui faisaient entendre de la musique entraînante et généralement, un petit kiosque était installé où l’on pouvait se procurer liqueurs douces, chips et chocolats. Il y avait toujours une nombreuse assistance; les hommes se donnaient des airs de conspirateur, ils parlaient fort, s’engueulaient un peu, beaucoup parfois. Les femmes portaient leurs belles toilettes… et les enfants quémandaient des sous pour s’acheter des petites douceurs. Une vraie grosse foire! La vente de boissons alcooliques étaient prohibées autant à la salle que sur les terrains avoisinant l’église, mais la politique étant ce qu’elle est, lors de ces assemblées, miraculeusement, la bière et le « fort » coulaient à flot! C’était sans doute pour réchauffer l’ambiance afin de mieux acclamer les orateurs! Cependant, quand j’allais avec mes amies dans les « parlements » à l’extérieur, j’étais un peu mal à l’aise d’avoir à acclamer le candidat adverse de ma famille, mais je n’avais pas tellement le choix. J’avoue que je me sentais un peu traître à ma patrie!

Jean Lesage

Jean Lesage

Lors des élections provinciales de juillet 1960, je n’avais pas encore atteint l’âge requis pour voter – qui était alors 21 ans. Jean Lesage se présentait pour le Parti Libéral avec comme slogan « C’est le temps que ça change ». Ce fut une victoire éclatante pour les libéraux. De nouveau en élection en 1962, Lesage était bien parti pour une autre victoire avec son célèbre « Maîtres chez nous! » Cette fois-là, il me manquait dix-sept jours pour avoir droit de vote. J’étais donc déçue! Mais j’avais quand même participé à la campagne électorale. D’abord, quand j’allais faire un bout de veillée chez mes tantes, ça parlait d’élections et pas à peu près! Ma tante Gisèle écrivait des chansons pour ridiculiser les adversaires des Libéraux. Elle ne manquait jamais d’inspiration, on avait tellement de plaisir à chanter ces refrains où elle mettait tout son cœur de libérale pure laine! Et que dire des « transformations » de pancartes! On profitait de l’obscurité pour décrocher les affiches des candidats « bleus » et on s’amusait avec tante Gisèle à les maquiller; on leur mettait des lunettes s’ils n’en avaient pas déjà, des moustaches, des barbes, de gros sourcils… Et plus tard, les gars allaient raccrocher les affiches. Ni vu, ni connu! Bien entendu, on se faisait barbouiller et arracher nos pancartes nous aussi, c’était de bonne guerre!

Mon grand frère qui avait alors son « char » se plaisait à courir les assemblées contradictoires. J’y allais parfois avec lui, car on rencontrait des amis, lesquels n’étaient pas toujours du même parti que nous! L’assemblée contradictoire, comme son nom l’indique, permettait aux deux candidats – il n’y avait alors que deux partis – de faire connaître leur programme électoral au public. Je me souviens que parfois ces soirées se déroulaient à l’Auberge de Lachevrotière. Vers la fin de la veillée, quand je cherchais mon frère pour revenir à la maison, je le retrouvais généralement dehors, en train de discuter, ou plutôt de disputer avec beaucoup d’ardeur ses opinions politiques. Quand nous rentrions à la maison, le grand frère avait souvent quelques égratignures, mais ça ne le dérangeait aucunement. Il disait : « Attends que je le repogne la prochaine fois, lui, le maudit bleu! » Ah! je vous le dis, dans mon jeune temps, les élections, c’était bien plus intéressant que maintenant!

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Maison où a habité le député Pierre Gauthier, au cœur du village de Deschambault (construite par Côme Dufresne). Figure marquante de l'histoire de Deschambault, le Dr Gauthier fut député au provincial de 1927 à 1935, puis au fédéral de1936 à 1958.

Maison où a habité le député Pierre Gauthier, au cœur du village de Deschambault (construite par Côme Dufresne). Figure marquante de l’histoire de Deschambault, le Dr Gauthier fut député au provincial de 1927 à 1935, puis au fédéral de1936 à 1958.

Les binnes au canard

ChasseVous souvenez-vous de ce matin de fin d’octobre, l’année passée, la fois où l’on a fait une de ces chasses… comme on en fait une sur mille! Une des dernières belles chasses de l’automne. Il faisait un temps de canard : ciel gris, temps frisquet et humide, petit crachin… on avait décidé d’aller « planter » quelques canards, surtout que le « gros noir » était arrivé. On s’était préparé la veille, pour ne pas perdre de temps, tout était prêt : fusil, cartouches, appelants. On était greyés pour « toffer la runne ». Il faisait encore noir quand on s’est embarqués; on est allés se poster dans la cache au large, pas loin de la troisième île. On a disposé les canards artificiels, de façon à ce que les vrais canards prennent ça pour du « cash », et on a attendu. Les oiseaux volaient bas comme s’ils savaient qu’ils étaient invités! Je sais pas si vous le savez, mais on n’a pas attendu longtemps. À 9 heures, on avait déjà notre quota : six beaux noirs, une couple de malards et quelques sarcelles. Et là, le beau temps s’est levé, ça ne servait plus à rien de rester là. On est donc revenus à terre; après un solide déjeuner, on a plumé et nettoyé les oiseaux. Il restait plus qu’à les préparer pour les conserver au congélateur. C’est là que j’ai décidé que ce serait ces bêtes-là qui entreraient dans la composition des « binnes au canard » pour le déjeuner de l’ouverture de la chasse en septembre 2015!

Ça passe vite, la saison de chasse. Et les saisons qui suivent s’enfilent les unes derrière les autres, à la queue, leu, leu… On a fait plusieurs festins de canard, ainsi que d’autres gibiers. On s’en est raconté des peurs… et on a veillé tard des fois! Avec tout ça, une année est passée, nous voici rendus encore une fois à la veille de l’ouverture de la chasse. Drôle de température cette année; il fait trop chaud et trop beau pour un mois de septembre normal. Mais, l’ouverture de la chasse, c’est un incontournable, et peu importe le temps, on y sera!

binnesLa veille, il faut donc préparer la recette de « binnes au canard », qui font traditionnellement partie du déjeuner de l’ouverture de la chasse. On sort le chaudron de fonte et on commence bien entendu par faire tremper deux tasses de haricots blancs secs dans l’eau froide. Puis on amène à ébullition. Ensuite on égoutte les fèves. On coupe en dés une tasse de lard salé, on tranche un gros oignon en fines rondelles, on ajoute tout ça aux fèves, avec une cuillerée à thé de sel, une demi-cuillerée de poivre, une cuillerée de moutarde sèche et un bon trois-quarts de tasse de sirop d’érable. J’haïs pas ça ajouter un peu de persil haché finement… Ça fait un petit quelque chose de plus. On mélange le tout et on recouvre d’eau à égalité.

Au début de la veillée on a fait décongeler deux ou trois canards, en morceaux; l’automne dernier on avait inscrit la date sur ce paquet-là, justement, dans l’intention de les utiliser pour les binnes de ce déjeuner. Ça fait que là, on tasse les morceaux de canards sur les fèves et on met le tout au four à couvert, à 225 degrés, et ce pour la nuit.

Tôt levés, on vérifie la cuisson des binnes et on ferme le four. Les premiers chasseurs arrivés n’auront qu’à mettre réchauffer le tout. Seulement à en parler, c’est bien simple, j’ai faim!

Bon appétit!

© Madeleine Genest Bouillé, 18 septembre 2015

Pas déjà l’automne!

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C’est pas déjà l’automne!

Sur le calendrier,

Il reste encore deux semaines d’été…

 

Aujourd’hui, l’air sentait la pomme,

Quand je suis allée marcher.

Je vais faire ma confiture d’automne,

Pommes, poires, pêches et prunes sucrées.

 

confitures_c_thinkstockC’est pas vraiment l’automne!

J’ai bien regardé,

Il reste deux bonnes semaines d’été…

 

J’ai rangé ma petite robe en rayonne

Et plusieurs vêtements trop légers.

Si c’est pas l’automne, c’est tout comme!

Aujourd’hui les fenêtres sont demeurées fermées.

 

Voyons donc! Pas déjà l’automne?

À bien y penser,

L’été vient à peine de commencer…

 

On sent passer un petit vent qui frissonne

Et nous donne le goût de s’encabaner.

Comme ça serait bon, une tarte aux pommes,

Toute chaude avec de la crème glacée!

 

Ne me dites pas que c’est l’automne!

Certain, on s’est pas trompé?

Hier encore, c’était l’été.

 

IMG_20150907_0001Sors les « châssis doubles », mon homme!

Puis oublie pas de les calfeutrer.

Le chat fait des manchons et il ronronne

Ça sera pas long qu’il va y avoir une gelée!

 

Vraiment, il est bien là, l’automne!

C’est seulement sur le calendrier

Qu’on est encore en été…

 

© Madeleine Genest Bouillé, 8 septembre 2014

Ces « Madames AVON » que j’ai connues…

6542597Si vous avez vu le film Édouard aux mains d’argent (version française de Edward Scissorhands), vous vous rappelez certainement de « l’ambassadrice AVON », correctement vêtue de son petit tailleur avec chapeau assorti; l’image même de la vendeuse de cosmétiques des années soixante. Sauf qu’à ma connaissance, il n’était pas courant que, comme on nous le montre dans le film, les représentantes Avon testent leurs produits sur les clientes, enfin, pas celles qu’il m’a été donné de rencontrer.

Depuis mon jeune âge, j’ai connu six « Madames AVON », comme on appelait les représentantes de cette compagnie de cosmétiques fondée à New-York en 1886. Malheureusement, je n’ai de photo d’aucune d’elles. Dommage, j’aurais aimé vous présenter au moins celles qui ne sont plus de ce monde. Pour ce qui est de la première, j’étais encore trop jeune pour être cliente; elle venait rencontrer ma mère pour vendre ses produits. Maman aimait beaucoup les parfums, en particulier celui qui s’appelait To a wild rose. Après son décès, on retrouvait encore l’odeur de cette fragrance dans ses tiroirs. La toute première vendeuse Avon que j’ai connue était une femme qui me paraissait très grande, peut-être ne l’était-elle pas tant que ça… Elle avait les cheveux blond platine, ce qui était rarissime à Deschambault dans les années quarante. Elle s’appelait Julienne, elle habitait la maison où nous demeurons depuis 1971. Dans mon souvenir, je la revois; c’était sans doute l’hiver, car elle portait un manteau de longueur trois-quarts en léopard et elle était coiffée d’un turban violet. Et pour comble, ses ongles très longs étaient vernis du même violet que son turban! Je n’en revenais pas, je la trouvais tellement chic! Elle n’était pas vraiment belle, mais elle était originale. Elle avait quelque peu l’allure de l’actrice Marlene Dietrich. Elle aurait pu figurer comme mannequin dans les revues de mode que ma mère lisait, soit la Revue Moderne ou la Revue Populaire!

avon-ad-1959J’ai commencé à acheter les produits Avon avec la deuxième de ces vendeuses à domicile. Elle se nommait Gracia… et elle portait bien son nom, toujours tellement élégante; elle avait beaucoup de classe. Autrefois, étant donné que les catalogues de cosmétiques n’étaient pas illustrés comme maintenant, une vendeuse Avon devait tout d’abord utiliser elle-même le plus possible les produits qu’elle offrait. C’était le cas pour Julienne et pour Gracia. Rouge à lèvres et vernis à ongles assortis, fond de teint, poudre et parfum… Je ne sais pas si on leur offrait des cours de maquillage, mais elles étaient vraiment impeccables… ni trop, ni trop peu! Gracia était de plus une femme dotée d’un esprit fin, plutôt moqueuse. C’était une personne fière, mais qui savait se montrer aimable. Je me souviens de la fois où j’ai acheté mon premier petit pot de crème Avon, il s’agissait d’un produit pour « jeune fille ». Elle m’avait aussi donné des échantillons de divers articles qui devaient me convenir. N’y connaissant absolument rien, j’avais bien entendu apprécié les conseils de ma vendeuse.

il_570xN.700819506_90a5Ma troisième représentante Avon s’appelait Angélique, c’était une dame plus toute jeune et elle n’a pas fait ce travail très longtemps. Elle était gentille, pas gênante et elle était très jasante. J’étais alors maman de jeunes enfants; peut-être est-ce la raison pour laquelle je me souviens moins bien de madame Angélique; je manquais sûrement de temps pour la jasette! Ensuite il y eut Raymonde, qui a été « Madame AVON » pendant plusieurs années. On se connaissait depuis longtemps, on échangeait des potins, on parlait de tout et de rien et je ne me sentais pas obligée d’acheter ou non ses produits. Parfois, si elle estimait qu’un article ne valait pas la publicité qu’on en faisait, elle le disait tout simplement. Raymonde était une personne pas compliquée. On était loin du temps où les vendeuses de produits de beauté devaient être des cartes de mode pour mieux vendre leurs produits! Raymonde était ma représentante Avon quand la compagnie a commencé à offrir des bibelots et objets d’art pour différentes occasions, soit pour Noël, la Saint-Valentin ou l’Halloween. J’ai acheté de Raymonde en 1997 une petite boite à musique, avec un Père Noël qui patine sur un miroir; tous mes petits-enfants ont joué avec ce bibelot musical… hélas, au dernier Noël, la musique avait commencé à fausser. Je ne sais pas encore si je vais le jeter…

Quand Raymonde a pris sa retraite, elle était déjà atteinte de la maladie qui l’a emportée. J’ai été un certain temps sans vendeuse Avon. Jusqu’à ce que je trouve ma cinquième représentante à Portneuf, ce qui était moins pratique. Mais voilà que depuis quelque temps, j’ai de nouveau une « Madame AVON » qui vient chez moi. Elle s’appelle Nathalie, c’est la plus jeune de toutes les ambassadrices Avon de mon histoire… elle a l’âge de ma fille! Très gentille, elle a quand même moins de temps pour la jasette que celles qui l’ont précédée… Mais on peut communiquer par Internet! C’est la « Madame AVON » des temps modernes!

© Madeleine Genest Bouillé, août 2015

« Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école? »

Vous rappelez-vous cette chanson? La réponse était dans le refrain: « C’est ce sacré Charlemagne! » C’est qu’il avait de drôles d’idées, ce Charlemagne, mais il faut avouer que la fois où il a imaginé l’école – si tant il est vrai que c’est à lui qu’on doit cette invention – c’en était une bonne!

Mon frère André, en 1949.

Mon frère André, en 1949.

Les études coûtaient cher autrefois… Dans les familles nombreuses comme la nôtre, on ne pouvait pas songer à faire de longues études. Mais nos parents tenaient à ce qu’on termine au moins des études équivalentes à ce qu’on appelle aujourd’hui le niveau secondaire. Parmi les plus jeunes, quelques-uns se sont rendus plus loin. Tous, nous avons donc été encouragés à étudier; les devoirs et les leçons ne devaient pas être négligés, les bulletins étaient soigneusement examinés et signés. Charlemagne serait content, nous avons tous été à l’école!

Notre mère en a passé du temps devant sa machine à coudre à défaire des vêtements ayant appartenu à mon père, pour en faire des habits pour ses nombreux garçons! Elle en a confectionné des chemises, elle en a rallongé des pantalons! Pour les filles, c’était plus facile; au couvent, nous portions la robe noire, inusable, à laquelle on avait d’abord fait un large bord pour pouvoir la rallonger l’année suivante! Elle a souvent du racler les fonds de tiroirs pour chausser tout ce petit monde et acheter les fournitures scolaires… Comme beaucoup de mères à cette époque, maman faisait des miracles parce qu’elle n’avait pas le choix. Vraiment, Charlemagne n’aurait rien à redire!

Ancienne école. L'actuelle école Du Phare a été construite juste à l'arrière en 1950-51.

Ancienne école. L’actuelle école Du Phare a été construite juste à l’arrière en 1950-51.

Mes grands frères ont connu la vieille école en pierre qui était située un peu en avant de l’école actuelle. Cette bâtisse était divisée en deux classes, la classe des petits, garçons et filles, et la classe des grands, les garçons de la 7e à la 10e année. En 1951, on construisit une école neuve; les plus jeunes de la famille y ont tous étudié. Cette école a été agrandie par la suite lors de la réforme scolaire, en même temps qu’on inaugurait le transport par autobus. Ça, je crois que Charlemagne ne l’avait pas prévu!

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Depuis que le système scolaire qu’on connait existe, le retour à l’école a toujours été un moment important pour les jeunes, qu’il s’agisse des petits qui commençaient leur vie d’écolier ou des plus grands qui changeaient de classe et aussi de professeur. Quand nous étions jeunes, que ce soit à l’école du village, dans les écoles des rangs ou au couvent, la rentrée n’avait jamais lieu avant la Fête du Travail. Le mois d’août, ce n’était pas fait pour aller à l’école! Un bon matin au début de septembre, tout le monde prenait le chemin pour l’un ou l’autre établissement scolaire, où nous attendait l’une des « maîtresse d’école » ou encore, pour les grands, le professeur, Côme Houde. Au couvent, les plus jeunes étaient reçus par Mère Sainte-Flavie et les autres, par une autre religieuse, je me souviens des titulaires de chacune des classes où j’ai étudié : Mère Saint-Joseph-Omer, Mère Sainte Reine-Odette, Mère Saint Jean-du-Saint-Sacrement et Mère Saint-Gérard. Des saintes femmes, comme leur nom l’indiquaient… bien que pas toutes rendues au même stade de la sainteté! Enseigner, ça peut conduire à la sainteté, ou vous en éloigner à jamais, n’est-ce-pas, Sire Charlemagne?

Moi, étudiante au couvent, en 1951...

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

On se lamentait bien un peu, pour la forme; on disait qu’on n’avait pas envie de retourner à l’école, que c’était plate, etc… Mais au fond, on avait tout de même un peu hâte de savoir s’il y aurait des « nouveaux », des « nouvelles ». Et puis, comme on avait forcément une année de plus, ça faisait plaisir de se sentir plus grand… on regardait de haut les « petits » en oubliant qu’on était à leur place il n’y avait pas si longtemps! Le retour à l’école comportait certaines autres petites joies, par exemple, quand on pouvait exhiber un nouveau sac d’école ou faute de mieux, un coffre à crayons tout neuf. Une boite de crayons Prismacolor, ça faisait aussi son petit effet. On retrouvait des amis qu’on n’avait pas vus durant l’été et, ce qui n’était pas négligeable, on allait apprendre tout plein de choses nouvelles, selon la matière qu’on préférait. Avouons-le, qu’aurait-on fait, douze mois par année, si l’école n’avait pas été inventée? C’était une drôle d’idée, mais à bien y penser, c’en était une bonne. Merci Charlemagne!

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Pour en savoir davantage sur les écoles à Deschambault, je vous invite à consulter le Musée virtuel du 300e, créé en 2013 par Culture et patrimoine Deschambault-Grondines.