Visites au Cap-de-la-Madeleine, 1954 et 2015

Rédaction faite le 16 décembre 1954, en 9e année :

« Mes souvenirs de pèlerinage

Ô Vierge Immaculée, de tous les vocables dont vous a qualifiée l’Église, celui que je préfère est Notre-Dame du Cap. J’aime interpeller ainsi votre Immaculée-Conception, parce que je réalise en ce titre que vous êtes la Reine du Canada et que vous nous appartenez vraiment.

Sanctuaire Notre-Dame-du-CapEn septembre, lorsque ce n’est plus l’été et pas encore l’automne à cause du soleil trop chaud, ô Notre-Dame, je vous ai visitée; j’ai visité votre maison toute simple, j’aime votre demeure si accueillante… La piété règne en maîtresse dans votre sanctuaire, et c’est tout cela qui fait que chez vous, c’est chez nous. J’ai aussi admiré l’or roux des grands érables de votre parc, et je me suis promenée en égrenant des Ave, dans les allées jonchées de feuilles mortes. J’ai marché sur le Pont des Chapelets, qui me rappelle le miracle du pont de glace. Tous les sentiers de votre domaine conduisent à des lieux de piété où l’émotion nous guette et la foi nous saisit.

Ô Notre-Dame du Pèlerin, vous souvenez-vous de ma visite? Je n’ai passé qu’une journée sur votre domaine, mais une journée pleine de richesses que je ne saurais trouver ailleurs. Je me suis dit : « Puisque la demeure terrestre de Notre-Dame est si paisible, qu’est-ce donc que la demeure céleste? » Et j’ai pensé à la paix qu’il y a chez vous dans l’éternel dimanche. »

* * * * *

Un pèlerinage différent… en 2015

C’était le 12 octobre. J’avais hâte de faire mon mini pèlerinage annuel. Surtout que cette année, il s’agissait de ma première sortie officielle depuis mes problèmes de santé.

cap madeleine aut 001Il faisait si beau ce jour-là! Comme au temps de ma jeunesse, les grands érables du parc avaient revêtu leur parure d’automne, faite d’or, de cuivre et de pourpre, avec ça et là, quelque verdure tenace. Nous avons marché lentement… parce que je ne peux pas encore aller très vite avec ma canne! Les sentiers, le Pont des Chapelets, le lac, avec au milieu la statue de Notre-Dame, tout est toujours là comme autrefois. Nous sommes entrés dans la grande basilique, qui n’existait pas encore au temps où j’étais étudiante. Il règne en cette église, une telle paix, à peine troublée de temps à autre, par les pas d’un visiteur qui entre et s’agenouille le temps de quelques Ave. Le soleil allume de vibrantes couleurs dans les nombreux vitraux représentant des scènes bibliques. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, chacune des visites que je fais dans ce lieu, même si cela ne dure jamais bien longtemps, sont des moments de recueillement. J’y vais pour rencontrer Celle qui nous attend et nous accueille toujours avec son cœur de mère. J’oublie les prières toutes faites… je contemple, j’écoute le silence et je le laisse m’envahir. Peut-être que cette manière de prier est la plus fervente que je puisse faire.

Ensuite… Eh bien, nous allons à la boutique où l’on vend des objets religieux. Je ne manque jamais d’y acheter le calendrier de Notre-Dame-du-Cap. J’aime les calendriers, c’est une de mes folies et j’en mets partout! Justement celui-là contient toutes les fêtes religieuses et les noms des saints de chaque jour. Après une dernière courte promenade, nous prenons le chemin du retour, et ne manquons surtout pas de nous arrêter au marché de fruits et légumes où nous achetons nos citrouilles pour l’Halloween qui sera bientôt là. Effectivement, c’est un pèlerinage pas mal différent de celui que nous faisions au temps de mes années d’étudiante, où mon plus grand plaisir était alors de déguster mon lunch, composé de sandwiches aux bananes avec une liqueur aux fraises!

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015

L’automne, saison d’espérance

Réflexion.

L’automne, saison d’espérance? Une saison qui débute en nous offrant ses plus riches trésors, ses plus belles couleurs, pour nous laisser ensuite dans la grisaille et le dénuement le plus complet. J’aurai du mal à vous faire admettre que cette saison-là parle d’espérance.

138Et pourtant, oui, je persiste et je dis que l’automne est une saison d’espérance. Comme l’automne, l’espérance, ma vertu préférée, passe par toutes les nuances. Du rouge d’un beau matin qui nous fait croire que tout est possible, au désolant crépuscule ennuagé, en passant par le morne jour gris où l’on ferme les rideaux plus tôt, pour ne pas voir dehors. L’espérance, comme la température automnale, n’est pas toujours au beau fixe. C’est un mélange de rouge et de noir, de hauts et de bas. L’espérance?… il faut en avoir trop pour être sûr d’en avoir assez!

027 (2)L’automne qui débute avec la rentrée scolaire, me semble le parfait symbole de l’espérance. Qu’il s’agisse des petits qui prennent le chemin de l’école pour la première fois ou des plus grands qui s’orientent vers des études qui engageront leur vie, ils auront besoin d’une forte dose d’espérance pour résister aux tentations de la facilité, de la contestation ou du décrochage.

C’est aussi en automne qu’on retrouve les joies du foyer. Au cours de l’été, on a déserté notre chez-soi, que ce soit pour les voyages de vacances, le chalet, ou simplement pour vivre dehors. Voici qu’un jour on prend plaisir à réintégrer la maison. On la fait revivre, on fait le ménage, on vérifie l’isolation des fenêtres – si on habite une vieille maison, on change les doubles fenêtres – et on met le chauffage, on allume les lumières pour chasser l’obscurité qui a commencé à tomber plus tôt. C’est qu’on la veut accueillante, notre demeure! L’hiver peut venir, parée pour les longs mois de froidure, la maison sera confortable. Tout ça, vous en conviendrez, ce sont des gestes d’espérance !

photos 8janv.2015 098C’est de Charles Péguy qu’on tient ces paroles : « L’espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. » Les paysages dépouillés de fin d’automne nous révèlent des perspectives plus larges, plus nettes : les feuillages ne cachant plus la vue, on pense aussi plus loin… plus profondément. D’une certaine façon, les soirées plus longues invitent à l’intériorité. Ce n’est pas un hasard si on a placé le mois des morts en novembre. La saison qui glisse inexorablement vers l’hiver nous rappelle que nous ne sommes pas immortels, cependant, comme la nature qui renaîtra au printemps, nous connaîtrons aussi un jour, une autre vie… en tout cas, moi j’y crois! De même, le souvenir des personnes qui nous ont quittés pour un autre monde nous parle aussi d’espérance.

photos 8janv.2015 122Pour terminer sur une note poétique, voici une belle phrase que j’ai conservée dans mon vieux carnet de pensées; je ne connais malheureusement pas l’auteur : «  Quand le rayon de soleil s’est posé sur la dernière fleur qui pointait sous la première neige, j’ai entendu un ange souffler : ESPÈRE! »

© Madeleine Genest Bouillé, novembre 2014

Le temps des jeux

EnfantsjouantComme je l’ai déjà mentionné, notre famille comptait dix enfants. À l’époque où se situe cet épisode, il y avait « les grands » et « les plus jeunes », c’est-à-dire, les six derniers, dont je faisais partie, nés entre 1940 et 1947. Imaginez : cinq gamins, débordant d’énergie et d’imagination, qui s’amusaient avec tout ce qu’ils trouvaient, aussi bien au-dedans qu’au dehors de la maison. Il m’arrivait de participer à leurs jeux auxquels se joignait notre chien, Bruno, lequel se laissait habiller et photographier, sans broncher et sans rouspéter.

scenecombatTout ce que notre vieille maison recelait, y compris le hangar aussi vétuste, était utilisable pour les jeux des enfants. Tenez, jusqu’au gros tas de bois contre la maison, qu’on n’avait jamais fini de corder, et qui devenait un fort, d’où l’on pouvait surveiller au loin, c’est-à-dire au-delà de la grange, l’arrivée des Sioux. Les champs, délimités par des clôtures de perches dont il manquait des bouts, étaient à plusieurs endroits bordés de bosquets, composés surtout de cerisiers sauvages, de cenelliers et de trembles. Ils étaient de plus parsemés de grosses roches qui témoignaient que dans des temps immémoriaux, il y avait sans doute eu à cet endroit un lac ou un étang, comme en témoigne aussi la légère dépression du sol à cet endroit. Mais ce merveilleux décor était, vous en conviendrez, l’idéal pour les expéditions guerrières des pionniers contre les Sioux!

CowboysSiouxMon frère, le huitième, possédait un petit appareil photo, qu’il maniait avec déjà beaucoup d’adresse; et c’est grâce à ses albums que j’ai pu retracer maintes aventures de l’enfance et de l’adolescence de mes frères et de leurs amis. Les images où l’on voit d’abord les échanges commerciaux entre les « Visages pâles » et les Indiens, se changent très vite en scène de guerre, saisissantes de vérité! Les garçons qui participaient à ces jeux prenaient leur rôle très au sérieux, comme on peut le constater. Costumes plus ou moins typiques – on portait ce qu’on avait, bandeau garni de plumes, peintures de guerre… tout y était. Pour rendre plus réels les gestes et les expressions de leurs personnages, ils s’étaient inspirés des épisodes de la série télévisée The Lone Ranger, que mes frères allaient regarder chez leurs amis qui possédaient déjà un appareil, les chanceux! À l’époque, il était considéré comme normal que les garçons s’amusent avec des pistolets « à cap » comme on disait, pour désigner ces petits rouleaux de pétards qui « pétaient » comme une vraie arme à feu. Ces jeunes qui se tuaient mutuellement à longueur de journée durant les vacances, étaient les meilleurs amis du monde et sont devenus des adultes tout à fait pacifiques. Quelle que soit l’époque, les jeunes ont toujours aimé reproduire les gestes de leurs héros.

BrunotoutouNotre photographe avait aussi un sens de l’humour très particulier, c’est pourquoi il prenait souvent des photos de Bruno, le chien, habillé et coiffé d’un vieux chapeau de paille et posant soit avec nous ou encore avec les vieux toutous qui faisaient partie de la famille. Quelques années plus tard, il prit plaisir à créer des scènes navales qu’il photographiait sur le bord du fleuve avec des modèles réduits de bateaux qu’il avait fabriqués avec grand soin et beaucoup de patience.

orchestreAvec les années, les jeux ont évolué… Fini les films de cow-boys! Elvis Presley est arrivé et avec lui, l’époque du rock’n’roll. Combien de jeunes garçons ont alors commencé à jouer de la guitare en s’exerçant à reproduire les gestes et les mimiques de ce fameux chanteur américain! Mes jeunes frères n’ont pas échappé à cette influence et c’est alors que parmi les anciens cow-boys et Indiens, quelques-uns se sont retrouvés dans un orchestre rock! Pas très longtemps, car malheureusement, les études ont dispersés les copains et l’orchestre a manqué de musiciens!

glaceQuelquefois, les gars se retrouvaient pour faire des prouesses… qui resteront dans la mémoire, grâce aux photos. Ainsi, au printemps, quoi de plus amusant qu’une promenade en chaloupe au travers des glaces flottantes, c’est pourquoi une photo les montre, juchés sur une plaque de glace, pour le plaisir… parce que déjà, on a le goût de voyager sur le fleuve et, qui sait, y gagner sa vie! Au cours de l’été, avec les amis retrouvés, on faisait encore des ballades sur le fleuve et au vieux phare de l’îlot Richelieu. Était-ce juste par fanfaronnade ou dans le but de faire une belle photo ? Mais sur une des photos, on voit trois joyeux lurons qui posent fièrement sur l’une des bouées qui balisent le chenal des bateaux. Même en noir et blanc, vous admettrez que ça fait une belle image! C’était « Le temps des jeux », immortalisé dans quatre albums de photos, et qui s’étale de 1956 à 1963.

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015 (Photos de © Fernand Genest)

guitare

Mon frère, Fernand, à qui revient le crédit de toutes ces images.

C’était hier… à Deschambault

Je feuilletais des albums remplis de photos de notre village, prises entre 1956 et 1964… des images d’au moins un demi-siècle, pour la plupart en noir et blanc, bien qu’il y en ait quelques-unes en couleurs. Ça coûtait plus cher faire développer des photos en couleurs… et mon petit frère, le photographe, n’était pas riche! J’ai eu le goût d’en partager quelques-unes avec vous.

patinoire Johansen 1956L’équipe d’Étoiles 1956-57. La patinoire derrière la maison de monsieur le maire, C.H. Johansen. C’était l’endroit où se rassemblaient tous les jeunes garçons du coin. On peut voir l’arrière de la maison d’Honoré Courteau, aujourd’hui la maison Savard (au coin de la rue Saint-Joseph et du Chemin du Roy, à l’est).

reposoir Arthur Hamelin 1956Le reposoir de la Fête-Dieu, 1957. Le curé du temps avait eu l’idée de modifier l’itinéraire de la procession de la Fête-Dieu. Auparavant, le reposoir était toujours au même endroit chez M. Henry Bouillé, dans le haut du village. Peut-être dans l’idée de contenter tout le monde, le pasteur avait donc proposé qu’une année sur deux, la procession descendrait vers l’est du village, dans la rue Johnson – qui ne s’appelait pas encore ainsi. Il y avait un double avantage, soit de favoriser les pratiquants de cette partie de la paroisse tout en évitant la route nationale. Partant de l’église, la procession prenait la rue St-Joseph – qui s’appelait encore la « petite route », le cortège traversait la route principale et défilait dans la rue Johnson jusqu’au reposoir qui était installé devant la maison de M. Arthur Hamelin. Ce dernier vivait alors avec son fils, Omer, un menuisier qui ne refusait jamais de rendre service, surtout pour son église.

Pic de sableLe « Pic de sable », 1957. Cette photo ne représente rien pour vous, si vous avez moins de cinquante ans. Mes frères allaient faire des excursions à cet endroit qu’on appelait le « Pic de sable ». Avec un peu d’imagination, ils se croyaient au Far-West et faisaient la guerre aux Indiens. D’après ce que j’en sais, c’était sur la terre derrière l’école qu’on appelait autrefois la terre du curé (à ne pas confondre avec le « champ du curé » à l’arrière de l’hôtel de ville). Il s’agit probablement de la partie nord de la rue Janelle et de la rue Montambault. Et si c’est vraiment cette terre, ce serait alors l’endroit où avait été cachée la marmite d’or, lors du bombardement de la première église en 1759. (Pour en savoir plus long sur cette légende, lisez La marmite à Josaphat dans mon livre Récits du Bord de l’eau).

BrunoBruno dans la rue Johnson en 1958. Notre chien, Bruno, nous suivait partout. Il suivait surtout notre mère, peut-être parce qu’elle ne sortait pas souvent; il devait croire qu’elle avait besoin de protection. Le fait est qu’il la reconduisait quand elle allait à la messe. Il l’attendait près de la sacristie des sœurs et revenait de l’église avec elle. N’est-ce pas qu’il était beau le gros orme qui trônait sur le haut de la côte? Il y avait surtout pas mal moins de maisons dans notre vieille route…

QuaiUne vue prise du quai en 1959. Je vous suggère d’aller faire un tour sur le quai; on y a une belle vue, mais cela ne ressemble pas du tout à ce qu’on voit sur cette photo. On remarque bien quelques chalets, mais très peu d’arbres, là où maintenant il y a presque une forêt! L’Hôtel Deschambault, qui se dresse sur le haut de la côte, semble nous inviter à venir prendre un verre… ou deux. Voici donc une bâtisse qui a changé radicalement de vocation depuis 1985!

corde de boisChez nous en 1963. C’était l’automne, la cabane à pêche près de la maison est prête pour l’hiver… de gros tas de bois attendent d’être cordés; les garçons devaient sans doute être très occupés à plein de choses inutiles. Il me semble entendre maman qui disait : « Les p’tits gars, oubliez pas… il y a du bois à corder. Faudrait pas attendre qu’il neige! »

vieux presb 1963Le vieux presbytère avant les « majuscules » en 1963. À l’occasion des célébrations du 250e anniversaire de la paroisse, au cours de cet été, on l’avait ouvert au public et on y présentait une exposition d’objets anciens. Ce fut le début de sa deuxième vie!

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015

Toutes les photos sont de Fernand Genest (collection privée).

La langue de chez nous

« C’est une langue belle avec des mots superbes… » C’est qu’il y en a des mots dans notre belle langue française! Seulement pour décrire sa beauté, on peut utiliser superbe, magnifique, admirable, sublime et combien d’autres. Mais voilà que dans notre parlure moderne, on remplace tout cela simplement par « Wow ! » Et ce « cri du cœur » est utilisé à toutes les sauces. Ça remplace tous les superlatifs, qu’il s’agisse de beauté, de saveur, de parfum, de musique, etc. Un simple « Wow! » Et que dire de la fameuse expression « My God! » Jadis on ne manquait pas de mots pour s’exclamer : « Seigneur ! », « Jésus, Marie, Joseph! », « Bonne Sainte-Anne! » ou « Bonne sainte bénite! », sans oublier « P’tit Jésus de plâtre! » et « Joual vert! »; on savait mettre de la variété!

« Dans cette langue belle… la saveur des choses est déjà dans les mots ». Pourtant on dirait parfois à entendre notre parler qu’on manque de mots. C’est trop compliqué ou on a peur de faire « prétentieux », alors on prend des raccourcis, on économise les mots plus recherchés, même s’ils expriment les vraies choses, ce qui nous amène à parler une langue appauvrie. « Elle a jeté des ponts par-dessus l’Atlantique … » Notre langue nous a été léguée par nos ancêtres, lesquels, pour la plupart, venaient de France. Ces pionniers n’étant pas tous originaires de la même région, ils avaient donc différentes manières de parler selon qu’ils venaient des régions du nord ou du sud de la France. Ils nous ont laissé tout plein de vieilles expressions tellement imagées : « Il fait noir comme chez le loup », « Il mouille à boire debout », « Grimpe donc pas dans les rideaux!» et combien d’autres! Notre langue est colorée, nuancée, diversifiée. « Elle a fait face aux vents qui soufflent de partout, pour imposer ses mots jusque dans les collèges et qu’on y parle encore la langue de chez nous. » Beaucoup de nos gens d’autrefois étaient souvent illettrés et malgré tout, ils ont su préserver leur parler et leurs coutumes parce qu’ils y tenaient. Notre langue « nous offre toujours ses trésors de richesse infinie, les mots qu’il nous fallait pour pouvoir nous comprendre et la force qu’il faut pour vivre en harmonie! »

« C’est une langue belle à qui sait la défendre… » Et voilà! Comment peut-on prétendre défendre une langue qu’on parle et qu’on écrit mal. On peut en mettre beaucoup sur le dos des moyens de communications modernes. J’ai moi-même constaté combien il est facile de faire des fautes quand on écrit sur un clavier… on va plus vite, on tape la lettre à côté et si on ne se relit pas attentivement, on se retrouve avec des fautes qu’on aurait jamais faites si on avait écrit à la main. Ceux qui nous gouvernent ont émis des lois pour la protection de la langue, comme entre autres, l’affichage obligatoire en français; il était temps qu’on fasse quelque chose. Les premières fois où je suis allée à Montréal, dans les années cinquante, l’affichage était presque partout en anglais. Les gens étaient en général moins scolarisés, ils travaillaient dans des usines pour des patrons qui pour la plupart, parlaient à peine le français; curieusement, tout le monde se débrouillait sans mal avec les affiches unilingues anglaises. Cela semblait normal, on disait « l’anglais c’est la langue des affaires! » On se laissait envahir par les anglicismes pour tout ce qui était moderne, par exemple dans la mécanique automobile, on utilisait que les termes anglais, qu’on disait tout de travers.

Les jeunes du vingt-et-unième siècle sont beaucoup plus scolarisés que leurs grands-parents; on apprend l’anglais à l’école très tôt, sans pour autant négliger le français. Mais si on s’arrête à ce qu’ils écoutent comme musique, on s’aperçoit qu’il y a pas mal plus d’anglais que de français. On ne peut les blâmer, plusieurs de nos artistes québécois produisent plus de chansons en anglais qu’en français. Quand on écoute la radio, la plupart des postes nous font entendre beaucoup plus de chansons anglophones que francophones, ce qui n’arrange rien. Mais le plus désolant, selon moi, c’est le langage des médias sociaux. Ce ne sont là qu’abréviations toutes croches et des fautes, à la tonne! C’est parfois voulu, avec l’intention de faire rire, mais plus souvent qu’autrement, c’est de l’indifférence et du laisser-aller. Et que dire de ce fameux « lol » que je me garde bien d’utiliser! Dommage, car ces réseaux nous permettent de communiquer avec des personnes dont nous n’aurions autrement pas souvent de nouvelles, c’est pourquoi j’y suis abonnée.

Si je reprends cette phrase de la chanson : « C’est une langue belle à qui sait la défendre… », c’est qu’elle m’interpelle. Serait-ce qu’on manque d’armes pour défendre notre langue? Ou bien nous en avons, mais on ne sait pas s’en servir? Tout d’abord, croit-on qu’elle est vraiment menacée… ou si ça nous passe cent pieds par-dessus la tête? Dans le doute, je préfère terminer avec ceci : « En écoutant chanter les gens de ce pays, on dirait que le vent s’est pris dans une harpe et qu’il a composé toute une symphonie ». Je n’ai pas été à l’université, mais je l’aime, la langue de chez nous, alors j’essaie de la parler et de l’écrire du mieux que je peux.

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015

L’arbre du jardin de ma voisine

L’arbre du jardin de ma voisine
Juste en face de la fenêtre de ma cuisine
A depuis hier, bien mauvaise mine!

Toutes ses feuilles l’ont quitté
Sur la pointe des pieds…
Sans même le saluer.

Par terre elles sont tombées
On va les piétiner, les écraser,
À moins que le vent ne vienne les éparpiller.

L’arbre du jardin de ma voisine
Que je vois de la fenêtre de ma cuisine
Me semble avoir l’humeur chagrine

« Non, mais de quoi j’ai l’air, ainsi déshabillé? »
L’entendis-je murmurer.
« Je vais sûrement m’enrhumer. »

« Vais-je demeurer longtemps ainsi?
Dites-moi, je suis déjà transi. »
Il appelait en vain les oiseaux, ses amis.

L’arbre du jardin de ma voisine
Que je contemple de la fenêtre de ma cuisine
Reprendra très bientôt meilleure mine…

Quand la neige viendra le décorer
Qu’il sera tout de blanc paré
Heureux, les oiseaux viendront s’y percher!

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015