Certains disent que la plus belle heure de la journée, c’est l’aube, quand le jour est tout neuf et qu’il n’a point encore été utilisé. Quand la nature se réveille, c’est chaque jour LE premier jour!
D’autres préfèrent la plénitude du milieu du jour. Comme dans le conte de Barbe-Bleue, à l’heure où « le soleil poudroie et l’herbe verdoie ». Les couleurs éclatent, on dirait un décor fraîchement peint. Il ne manque qu’une affiche « peinture fraîche ».
Il y a bien sûr les amoureux de la nuit. Pas de soleil pour eux. Que des étoiles… et la lune quand elle daigne se montrer, petit à petit, car elle est pudique. Elle se dévoile par croissant… et enfin, elle se montre dans toute sa rondeur pour ensuite retourner se cacher pour un mois, en prenant son temps. Quand on aime la nuit, on l’aime sous tous ses aspects. Nuit d’été, d’automne ou d’hiver… Nuit noire, nuit bleue, nuit blanche… Nuit remplie de chuchotements, de bruissements, de soupirs… « O Nuit! Viens apporter à la terre, le calme enchantement de ton mystère. »
Le moment de la journée que moi, je préfère, c’est la dernière heure avant la nuit. Quand la nature, lasse des bruits du jour, se repose avant de commencer son travail nocturne. Le vent tombe, les oiseaux se taisent. On se croirait au théâtre avant le lever du rideau. Les spectateurs sont installés; ils ont rangé leurs gants, leur programme, sorti leur mouchoir au cas où… Pas un bruit. La lumière change : on fait des essais d’éclairage. Le soleil baisse, il demande un nuage. Pas celui-ci, il est trop lourd… En voici un plus léger, teinté de rose. Puis il demande qu’on éteigne un peu le vert des feuillages et celui de l’herbe. Le bleu à l’horizon est très atténué. Sur le fleuve, pas une ride. Pour l’effet dramatique, c’est parfait! On baisse encore un peu la lumière… Un ultime rayon vient balayer les roses, avivant leur couleur. Elles ont gardé toute la chaleur du jour, elles resplendissent! On ne regarde qu’elles. Les secondes s’écoulent, deviennent des minutes… Pendant ce temps, lentement, solennellement, le soleil s’est éteint. Il ne reste à l’horizon qu’une traînée rose, comme un voile pour un fond de scène. Chacun retient son souffle… Dans le lointain, on entend des voix d’enfants qui chantent : « O Nuit! O laisse encore à la terre, le calme enchantement de ton mystère. »
© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2014