L’école est finie!

 

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l'album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l’album souvenir du centenaire du couvent en 1961).

« Qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école?… C’est ce sacré Charlemagne. » Et depuis ce sacré Charlemagne, les étudiants de tout âge lancent à chaque fin d’année ces quatre mots : « L’école est finie! »

Au temps où j’étudiais au vénérable couvent des Sœurs de la Charité de Québec à Deschambault, la fin de l’année scolaire était marquée par la traditionnelle « distribution des prix ». L’évènement avait lieu le dernier après-midi d’école aux alentours du 20 juin. Quelques semaines auparavant, dans chaque classe, on avait commencé à répéter des chansons, des saynètes et quelques déclamations, lesquelles seraient présentées par les meilleurs élèves en français. Les élèves qui étudiaient le piano préparaient aussi des pièces qui seraient intercalées entre les numéros de chant ou de théâtre.

La grande salle, qui était en même temps la salle de récréation des filles pensionnaires, n’étaient séparée de la classe de musique que par deux grandes portes, qu’on ouvrait lors des fêtes et des évènements spéciaux, comme justement, la distribution des prix. Mère Saint-Jean de la Charité, la « sœur de musique », s’occupait des répétitions de chant et de théâtre et ce, en plus des exercices préparatoires aux examens de musique de ses élèves. À l’époque, on faisait beaucoup avec presque rien! Ainsi, pour la décoration de la salle et du théâtre, l’infatigable sœur composait des bouquets, faisait des banderoles et des guirlandes avec du papier crépon et tout ce qui lui tombait sous la main. Elle décorait aussi les tables sur lesquelles seraient déposées les piles de livres destinés aux élèves méritants. En plus d’être une excellente musicienne, cette religieuse avait des doigts de fée.

Enfin, le jour tant attendu était là! D’un étage à l’autre, élèves et professeurs étaient gagnés par une fébrilité qui allait croissant à mesure qu’approchait le moment pour lequel on travaillait depuis plusieurs semaines. De surcroit, pour les étudiants, s’ajoutait la hâte de savoir si on repartirait avec un, deux ou une dizaine de prix. Bien avant l’heure prévue, arrivaient les parents venus autant pour assister au spectacle que pour partager la fierté de leurs enfants… ou encore pour les soutenir si les récompenses s’avéraient moins généreuses qu’on l’aurait souhaité. Le curé, le vicaire et les notables de la paroisse faisaient ensuite leur entrée et prenaient place dans les premières rangées, avec les supérieures provinciale et générale, arrivées de Québec pour l’occasion. Enfin, les élèves des petites classes, accompagnés de leurs professeurs respectifs, s’installaient en faisant le moins de bruit possible sur les chaises placées le long du corridor; les « grandes » étant les dernières à s’asseoir avant le début de la cérémonie.

Une élève de douzième année était désignée pour souhaiter la bienvenue aux dignitaires et remercier les parents d’être venus en aussi grand nombre. Le fait est que la salle était toujours remplie à chaque fois qu’il y avait une fête, et plus encore si possible lors de la distribution des prix. Comme prévu, chaque classe présentait son numéro, le tout étant entrecoupé de pièces de musique au piano et de récitations. On nous avait inculqué l’importance d’avoir une belle présentation. Le salut était primordial : les pieds rapprochés, le droit légèrement en avant du gauche, les mains l’une dans l’autre, on pliait le buste, tout en gardant la tête levée de façon à regarder les gens. Je me souviendrai toujours de la fois où une jeune élève qui devait réciter Perrette et le pot au lait, avait amusé toute l’assistance… ou presque, et cela sans l’avoir cherché. C’était sa première prestation et elle était très nerveuse. Parvenue à la fin de la fable et ne voulant pas rater son salut, elle lança les derniers mots : « … Adieu veau, vache, cochon, couvée! » en saluant chacun des augustes personnages de la première rangée. Soulagée, elle se retira vivement sans plus attendre, sous les rires de l’assistance. Heureusement, elle n’eut pas à subir les remontrances de son professeur… c’était la fin de l’année!

Classe de musique du couvent (photo: Centre d'archives régional de Portneuf).

Classe de musique du couvent (photo: Centre d’archives régional de Portneuf).

Les chants, déclamations, pièces de musique, tous aussi bien exécutés soient-ils, devaient bien finir par faire place au moment crucial de cette journée, soit la remise des prix de fin d’année. Et commençait alors le défilé des prix prestigieux pour les premiers de classe, dans chacune des matières principales tout d’abord et ensuite, les prix honorifiques, souvent décernés par les associations locales comme la Société Saint-Jean-Baptiste, de qui j’avais reçu en 1954, le livre Contes et propos divers d’Adjutor Rivard, pour « applications à l’étude du Français », tel qu’inscrit sur la page de garde du bouquin. Plus on avançait en grade, plus les prix étaient nombreux. La table des finissantes de douzième année était imposante. Il aurait quasiment fallu leur offrir une petite brouette pour transporter leurs prix! Tant il est vrai qu’on préfère les beaux souvenirs aux mauvais, il me semble qu’au couvent, aucun élève ne repartait les mains vides lors de la distribution des prix… Peut-être que ma mémoire me joue des tours, mais je préfère croire qu’il y avait quelques prix de consolation!

Je termine sur ces mots qu’une très ancienne élève avait tracés dans l’album du Centenaire du couvent en 1961 :  « Cher vieux couvent de mon cœur, à travers les réminiscences de nos jours de formation, de nos espiègleries d’enfance, que tu nous apparais toujours beau et auréolé de perpétuelle jeunesse! »

Moi, étudiante au couvent, en 1951...

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

© Madeleine Genest Bouillé, mai 2015