Avant d’aller plus loin, je dois vous avouer que je n’ai pas le pouce vert, alors là, pas du tout! Chez mes parents, c’était surtout mon père qui s’occupait du jardinage. Orphelin très jeune, il avait séjourné dans plusieurs institutions où, entre autres choses, il avait appris le métier de jardinier. Pour un enfant qui a manqué de « chez-soi », posséder un bout de terrain pour y faire pousser des légumes ou des fleurs, ça doit être encore plus significatif. Je crois que cela le rendait vraiment heureux. Plus tard, quand ses problèmes de santé l’ont rendu incapable de s’occuper du jardin, c’est un de mes frères, ayant hérité de ce talent, qui prit la relève. Parfois j’aidais ma mère à cueillir les laitues, radis, concombres et autres légumes ainsi que les fines herbes quand venait le temps de la récolte. C’est tellement bon les légumes qu’on ramasse chez soi!
Il y a une quarantaine d’années, nous avons emménagé dans la maison que nous occupons toujours. On pouvait encore distinguer les contours d’un ancien potager au fond de la cour et, visiblement, il y avait déjà eu des plates-bandes en avant et sur le côté est de la maison, comme l’attestaient quelques plantes vivaces, encore présentes et même envahissantes. Cela allait de soi qu’on restaure ces espaces afin d’y planter fleurs et légumes. Je n’y connaissais pas grand-chose, les enfants étaient trop jeunes, aussi ce travail fut tout naturellement dévolu à l’homme de la maison. N’allez pas croire que le jardinage me laisse indifférente, au contraire! De temps à autre, j’aime aller sarcler. Toutefois, j’attends que les plantes atteignent une certaine hauteur pour être sûre de les reconnaître et voici pourquoi. Un des premiers étés où nous habitions chez nous, voulant faire preuve de bonne volonté, j’avais consciencieusement arraché toutes les petites pousses de carottes, croyant que c’était des mauvaises herbes! Heureusement, il était assez tôt dans la saison et on avait pu semer d’autres graines, de sorte que nous avons récolté quand même des carottes, seulement un peu plus tard. Chaque printemps, je ne résiste pas non plus à l’envie d’acheter des petites enveloppes de graines de fleurs que la plupart du temps je ne connais même pas; du moment que ce sont des graines à semer en pleine terre, ça me va. Remplie d’espoir, je sème mes petites graines comme ça vient, sans trop de méthode, et je suis toujours agréablement surprise quand ça lève. Pour moi, c’est à chaque fois un miracle!
Comme le disent les paroles de la chanson : « Cet été je ferai un jardin, si tu veux rester avec moi… il sera petit. » Maintenant que nous sommes la plupart du temps seulement deux à la maison et que les articulations moins souples rendent le travail plus laborieux, c’est certain que le jardin a rapetissé. Malgré tout, à chaque printemps quand mon homme me demande si on fait un jardin cette année, je réponds : « Oui, mais un tout petit ! » Il manquerait quelque chose à mon été sans les couleurs et les odeurs des plates-bandes et du potager. Les résultats ne sont pas toujours aussi bons qu’on le désirerait. Mais qu’importe si les betteraves sont trop petites ou que les plants de tomates n’ont pas donné comme on l’aurait souhaité, et qu’importe si les fleurs de la plate-bande du côté ouest sont plus chétives que celles du côté est – particularité que je n’ai jamais comprise. En vérité, aucune satisfaction n’est comparable à celle que l’on ressent quand on récolte ce qu’on a semé. Un poète l’a dit beaucoup mieux que moi : « Sois satisfait des fleurs, des fruits et même des feuilles. Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles! »
Pour continuer avec la chanson de Clémence Desrochers : « C’est certain, j’en prendrai bien soin… » Oui il faut prendre soin de ce que la nature nous donne si généreusement; on doit y mettre du temps, du travail et de l’amour évidemment. Mais si je me souviens bien, c’est de saint Joseph qu’on tient cette dernière parole : « Seul est libre celui – ou celle – qui sait se servir de ses mains. »
© Madeleine Genest Bouillé, mai 2015