Une journée dans la classe de Mère Saint-Gérard

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

À huit heures vingt minutes, la cloche sonnait! Nous entrions dans la classe des grandes, qu’on appelait l’Académie, et prenions nos places, en silence. La journée commençait toujours par un cantique. Si on était lundi, c’était la journée consacrée au Saint-Esprit. Pauvre Saint-Esprit! Ce qu’il a dû se boucher les oreilles certains lundis, où, à cause de la mauvaise température, ou simplement parce que c’était lundi, nous chantions d’une voix traînante : « Ô Saint-Esprit venez en nous… » Le mardi était dédié à notre ange gardien, le mercredi à Saint Joseph, le jeudi étant jour de congé, le ciel était donc privé de nos louanges plus ou moins mélodieuses. Le vendredi, nous invoquions le Sacré-Cœur et le samedi, nous chantions un cantique à Marie. Nous y mettions un peu plus d’ardeur étant donné que c’était la fin de la semaine. Dans mes dernières années d’étudiante, nous avions enfin congé le samedi comme tout le monde. Curieusement, je ne me souviens pas du cantique qui devait être chanté le jeudi, peut-être que nous ne chantions plus? Il faut dire qu’en plus du cantique, nous faisions une prière. Après ces préliminaires censés nous rendre réceptives aux choses de l’esprit, il était exactement huit heures trente et Mère Saint-Gérard commençait la leçon de catéchisme.

Cette religieuse était une femme imposante. Grande, très droite, le regard de ses yeux de glace bleue, était tempéré par le petit sourire un peu moqueur qui flottait toujours sur ses lèvres minces. Quand elle ne souriait pas, il était préférable de travailler en silence et de ne pas faire de farces. Après le cours de religion, nous avions généralement le cours de mathématiques, qu’on appelait « arithmétique ». Mère Saint-Gérard excellait dans cette matière. Je n’avais aucune attirance pour ce cours et je n’y comprenais rien jusqu’à ce que cette chère Mère décide qu’il n’y avait pas de raison pour que je coule mes examens de neuvième année, étant donné que j’avais de bons résultats dans les autres matières. J’ai été en retenue plusieurs fois, soit le samedi et durant le congé de l’Ascension, j’ai tempêté, j’ai râlé… mais, oui, j’ai réussi mes examens d’arithmétique!

Heureusement, la récréation venait fort heureusement mettre fin à ce cours dont je me serais bien passée. Nous finissions l’avant-midi soit avec un cours d’histoire, de géographie ou une autre matière, tel l’anglais. La religieuse qui enseignait l’anglais était gentille et je me souviens qu’en décembre, elle nous apprenait un chant de Noël dans cette langue. J’ai encore en mémoire les paroles du premier couplet de Silent Night ainsi que celles du vieux Noël O Little town of Bethleem. À onze heures moins dix, la cloche nous libérait pour l’heure du dîner.

Les externes, dont je faisais partie, retournaient dîner à la maison. Les cours recommençaient à une heure moins dix. La première heure était dévolue au cours de langue française. Nous avions soit une dictée ou un texte à étudier dans notre manuel de Lectures littéraires, avec des questions sur le texte. Quelquefois, nous devions faire une rédaction. J’aimais le français et surtout j’aimais composer des textes, sauf quand il s’agissait de sujets imposés. Après la récréation, il y avait un autre cours qui variait selon les jours de la semaine, c’était le plus souvent un cours de science. Comme nous n’avions pas de laboratoire, nous nous contentions d’apprendre les leçons du manuel, sauf une fois par année, où pour le cours de chimie, nous avions la joie d’ouvrir le petit flacon de mercure, rangé dans une armoire fermée à clé. Après avoir versé par terre le contenu de la petite fiole, nous nous amusions à regarder cette curieuse matière se diviser en petites bulles qui roulaient sur le plancher de bois… Tout un cours de chimie!

Du temps où le congé hebdomadaire était le jeudi, le samedi avant-midi, nous avions le cours « d’enseignement ménager ». J’aimais assez cette matière, sauf s’il fallait broder ou tricoter; j’étais nulle pour ce genre de travaux. J’aimais par contre le cours de cuisine avec Mère Saint-Fortunat. Nous adorions cette religieuse si bonne, toujours souriante. Jamais je n’oublierai la fois où elle nous apprit à faire une sauce Béchamel. Déjà, le mot « Béchamel » sonnait comme quelque chose de velouté… Je n’avais jamais vu, ni goûté une sauce aussi onctueuse! Dans ce même cours, nous avions à étudier « l’économie domestique ». Ce manuel contenait entre autres, la liste de tous les ingrédients à utiliser pour détacher les vêtements, vitres, planchers, enfin tout! Cela ressemblait plutôt à une liste d’épicerie. La partie du livre que j’aimais bien était celle où on décrivait les tâches à exécuter dans la semaine de la maîtresse de maison. Chaque jour était consacré à une tâche différente, mis à part la préparation des repas, et qui ne semblait jamais devoir varier. Ça ne se passait pas vraiment ainsi à ce qu’il me semblait dans la vraie vie…

Pour terminer la semaine, nous avions parfois un cours de dessin… pas assez souvent à mon goût. Que de choses aurais-je encore à raconter sur ce propos! J’ai eu la chance de passer mes dernières années d’étudiante avec Mère Saint-Gérard, la meilleure des enseignantes. Je ne l’oublierai jamais.

© Madeleine Genest Bouillé, avril 2015

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