Vous rappelez-vous cette chanson qu’on chantait dans notre jeunesse? Ou si vous êtes plus jeune, peut-être l’avez-vous entendue chanter par votre mère, ou votre grand-mère? Au couvent, quand venaient les beaux jours, on sortait pour la récréation et on chantait des airs à la mode ou parfois, des refrains de La Bonne chanson, telle celle-ci qui s’appelle Nos souvenirs. Le premier couplet nous rappelle que « Les souvenirs de nos vingt ans, sont de jolis papillons blancs… qui nous apportent sur leurs ailes, du passé, de tendres nouvelles… » On avait hâte d’avoir vingt ans, ce bel âge! Vingt ans, c’était la liberté, presque l’âge adulte, peut-être aussi l’âge de rencontrer le prince charmant ou ce qui s’en approchait le plus, mais rien ne pressait; ce n’était après tout que vingt ans… On avait le temps. Et parlant de temps, quel temps faisait-il quand nous avions vingt ans? Le ciel n’était quand même pas toujours bleu. Mais dans notre mémoire, il est rare que la température vienne brouiller les images qui surgissent. Parmi ces souvenirs heureux, le soleil brille tous les jours. J’écris ceci et je revois ma petite robe rose à pois blancs… mes souliers turquoise dont j’étais si fière. Souvenir lointain s’il en est! Dans la chanson, on dit de ces papillons blancs : « Ils repartent, vont faire un tour, mais ils nous reviennent toujours! » Heureusement! Car cette année, tout va un peu de travers avec la pandémie et tout ce qui l’entoure : le confinement, les interdictions de rassemblements, pas de pique-niques, pas de feu de joie… que sera notre été? Y aura-t-il des papillons blancs?
Je saute ensuite au troisième couplet; car selon moi, il aurait dû passer avant le deuxième. « Les souvenirs de nos soucis, sont de vilains papillons gris… On a beau leur donner la chasse, à nous peiner ils sont tenaces ». On n’y peut rien, on a tous des papillons gris dans le tiroir aux souvenirs. Des moments désagréables que notre mémoire persiste à se rappeler. Des sorties ratées parce qu’il fallait bien travailler. Des paroles échappées, qui ont fait mal à quelqu’un qui ne le méritait pas… Des gros chagrins qu’on se souvient, mais dont on a oublié la cause. Et quoi encore? Avec les années, le départ des personnes qu’on aime. On se dit toujours qu’on aurait pu faire plus ou mieux. « Les souvenirs de nos soucis, sont de vilains papillons gris! »
Et je reviens au deuxième couplet : « Les souvenirs des jours heureux, sont de jolis papillons bleus… notre cerveau les accapare, car ils sont infiniment rares! » Les papillons bleus, ce sont les belles surprises qui jalonnent notre route : les fêtes mémorables, les rencontres inoubliables, les beaux voyages. On en garde les photos, on en garde surtout le souvenir. « Après un orage, un malheur, ils viennent égayer nos cœurs. Les souvenirs des jours heureux sont de jolis papillons bleus! »
Le quatrième couplet nous emmène vers ces tendres souvenirs dont on ne se lasse pas. « Les souvenirs de nos amours, sont des papillons de velours, qui par une tactique habile, en nous ont élu domicile ». Ils ne sont jamais loin ces papillons de velours; hiver comme été, par un matin ensoleillé aussi bien qu’au clair de lune, entre les pages d’un roman ou dans l’arôme d’un bouquet de lilas : « On les adore à l’infini, dans notre cœur ils ont leur nid. » En regardant danser les draps sur la corde à linge, en coupant les légumes pour la soupe, en époussetant les touches du piano : do – mi- sol – do… les papillons de velours s’insinuent partout, aux moments les plus inattendus. Comme quoi « Les souvenirs de nos amours sont des papillons de velours »!
© Madeleine Genest Bouillé, 3 juin 2020