L’année sans été

Pourquoi pas une petite histoire de peur?

Quand vous lirez ceci, nous serons sans doute revenus à des températures normales de saison. Mais avouez que la première quinzaine d’avril a été vraiment désolante! On cherchait vainement des signes de printemps; il n’y en avait pas! Pourtant, notre Belle Province a connu pire! Sur Internet, dans L’Histoire du Québec – L’année sans été, avec sous-titre : La disette de 1816 – la catastrophe climatique, on lit ce qui suit : « Dans les annales météorologiques, l’année 1816 est tristement célèbre.  Il semblerait qu’une vague de froid d’une intensité peu commune avait envahi tout l’hémisphère nord, ruinant les récoltes particulièrement en Amérique du Nord… Vers la fin du XVIIIe siècle, déjà on constate de grands changements climatiques sur tout le territoire du Canada. En effet, la lente dégradation du climat a lieu à compter de la fin de ce siècle. Ce phénomène se traduit par des étés plus courts et très pluvieux, ainsi que par des hivers plus rigoureux ».

Jean Provencher, dans son livre Les quatre saisons dans la vallée du Saint-Laurent, nous relate cette année 1816, qui a été vraiment néfaste pour la plupart des habitants du Québec. Il faut dire qu’en ce temps-là, la subsistance des  habitants des villes et de ceux des campagnes, dépendait presqu’entièrement des cultivateurs. Durant la saison des semailles aussi bien que durant celle des récoltes, la température du lendemain décidait de la marche des travaux de la terre.  À tout moment,  la pluie, le vent, la grêle, la gelée, aussi  bien que l’excès de soleil  pouvait tout gâcher.

Déjà en 1807, toujours selon Jean Provencher, des changements subits de températures avaient retardé considérablement la végétation dans la région de Québec. En plein cœur de l’été les arbres fruitiers, tels les pruniers et les cerisiers, n’ont pas pu donner de fleurs, faute de chaleur convenable. L’été suivant s’était révélé, par contre, remarquablement chaud.

À l’été 1816, il continue de neiger jusqu’à la fin de juin, nous dit M Provencher.  Imaginez! Nous sommes au 20 avril et les conditions atmosphériques nous virent déjà à l’envers… que serait-ce, s’il fallait qu’on nous prédise cette température jusqu’en juin! Il faut avouer que nous sommes beaucoup moins patients que ne l’étaient nos ancêtres, qui avaient un meilleur rapport avec la nature; ils avaient compris, eux, qu’on n’y peut rien!

Dans le paragraphe suivant, Jean Provencher cite un capitaine de milice, Augustin Labadie, lequel dépeint dans son langage, la situation en Beauce : « Il est de mon devoir de dire la vérité que le 7 juin, il a nègé presque toute la journée et gros vent et beaucoup de froid. Ce jour même… les habitants ont traîné du bois avec leur traîne pour se chauffer. La nège était d’un pied et demis d’épaisseur ».  Plus loin, l’auteur nous apprend que cet été-là, à la mi-juillet, les lacs situés en arrière de Baie-Saint-Paul sont toujours recouverts de glace.

Et je reviens à L’Histoire du Québec. Il y est écrit que les changements climatiques touchent d’une manière particulière les paroisses de l’est du Bas-Canada (le Québec d’aujourd’hui) et c’est ce phénomène qui explique les mauvaises récoltes un peu partout en Amérique du Nord, mais il est vrai que les effets néfastes de l’éruption volcanique du Tambora, en Indonésie, ont contribué à la disette de 1816. Enfin on a identifié le coupable!

Gillen D’Arcy Wood, un Australien, a écrit en 2015 un livre ayant pour titre L’année sans été, Tambora, le volcan qui a changé le cours de l’histoire. Dans la page de présentation, l’auteur écrit : « Un an après Waterloo, en 1816, le monde est frappé par une catastrophe restée dans les mémoires comme « l’année sans été » ou « l’année des mendiants ». Une misère effroyable s’abat sur l’Europe. Des flots de paysans faméliques, en haillons abandonnent leurs champs, où les pommes de terre pourrissent, où le blé ne pousse plus. Que s’est-il passé?  En avril 1815, Près de Java, l’éruption cataclysmique du volcan Tambora a projeté dans la stratosphère un voile de poussière qui va filtrer le rayonnement solaire plusieurs années durant. »  Ce livre qui fait le tour d’un événement à l’échelle planétaire, sonne aussi comme un avertissement : ce changement climatique meurtrier n’a pourtant été que de 2 degrés C…

Avec tout ce qui se passe de nos jours, sur notre Terre et autour, à mon humble avis, moi qui ne suis pas savante et encore moins voyante, nous sommes bien chanceux de ne pas avoir de changements climatiques plus dérangeants que la température de ce mois d’avril 2018!

© Madeleine Genest Bouillé, 19 avril 2018

Ici, on parlait anglais!

Dans mon jeune temps, la plupart des gens ne parlaient que le français, je précise qu’il s’agissait du français de par chez nous! Avec le temps, il faut avouer que notre langage ressemblait de moins en moins à la langue parlée en France. Si nous avons gardé les accents des diverses régions d’où sont partis nos ancêtres, nous avons aussi intégré des expressions et des mots anglais qui nous ont été rapportés par les voyageurs autant que par ceux qui s’exilaient aux « États », comme on disait. Ces parents qu’on ne voyait pas souvent prenaient plaisir, quand ils revenaient au pays, à émailler leur français de mots anglais, qu’on répétait ensuite, fièrement, mais plus souvent qu’autrement, tout de travers! Comme on le sait, au fil des ans, l’anglais est devenu couramment utilisé dans les domaines commercial et industriel. Évidemment, pour les commerces qui s’adressaient à la clientèle touristique, il était important de s’afficher en anglais. À Deschambault, les touristes anglophones qui voyageaient de Québec à Montréal ou l’inverse, étaient très bien reçus! Ils pouvaient s’arrêter soit au Winterstage – l’ancien relais de poste, ou au Maple Leaf; cet hôtel annonçait qu’on pouvait y louer des « log-cabins » sur le bord du fleuve. Chaque été, ces petits chalets accueillaient régulièrement leur lot de touristes. Une de ces cabines est encore debout… si elle parlait, elle aurait certes beaucoup de choses à nous raconter!

« Log-cabin » de l’auberge Maple Leaf, près du fleuve à la hauteur du calvaire Naud (photo: J. Bouillé).

Plusieurs établissements aux noms bien français arboraient fièrement une affiche qui disait « Ici on parle anglais ». Notre petite localité était fort bien pourvue pour ce qui concerne les établissements hôteliers. Citons le Manoir du Boulevard et à l’entrée du village, l’Hôtel Deschambault – devenu l’Oasis Belle-Vie. L’Hôtel le Vieux Bardeau, qu’on appelait autrefois l’Hôtel Bellevue, a une longue histoire; cet endroit étant jadis très fréquenté en raison de sa proximité avec la traverse Deschambault-Lotbinière. Plus haut, dans le rang du même nom, l’Auberge de La Chevrotière, située en face de la gare du Canadien Pacifique, accueillait les voyageurs qui descendaient du train. À l’extrémité ouest de Deschambault, de l’autre côté du pont de la rivière La Chevrotière, M. Lauréat Paquet louait des cabines pour les touristes; il n’y a pas si longtemps, une clientèle régulière y venaient encore chaque été pour quelques jours ou quelques semaines.

Manoir du Boulevard, à l’est de Deschambault (ancienne carte postale, coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Hôtel Bellevue, maintenant Hôtel Au Vieux Bardeau, avec ses « cabines » (ancienne carte postale, coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Qu’il s’agisse des hôtels et des garages ou encore des petits magasins de souvenirs comme celui de M. Roland Goudreault, lequel était situé tout près de la voie ferrée, en bas du village, les touristes anglophones étaient servis en anglais! Dans ces étalages, en bordure du chemin, en plus des cartes postales représentant le plus souvent le Château Frontenac, on pouvait se procurer différents objets tels porte-clés, tasses et assiettes décorées, arborant pour la plupart l’étiquette « made in Japan ». Heureusement, les dames qui tenaient ces petits commerces, en profitaient pour vendre leurs propres travaux d’artisanat, catalognes, couvertures, tricots ou broderies; tous ces ouvrages étaient d’une qualité qui dépassait largement le coût demandé. On vendait en anglais… mais on vendait!

À la maison aussi, la langue anglaise s’est glissée tout doucement, sans faire de bruit… et s’est installée de la cave au grenier! La cuisine était équipée d’une « pantry » et d’un « sink »; et comme on était fier de notre « toaster » électrique! L’été on mettait des « screens » dans les fenêtres pour empêcher les mouches d’entrer; en hiver, cependant on remettait les châssis doubles. Quand on entrait dans la maison, on était accueilli par le sifflement du « boiler » sur le poêle. On gardait toujours du thé dans le « teapot » sur l’arrière du poêle; quand il arrivait quelqu’un du voisinage, on l’accueillait ainsi : Ben le bonjour!  Assisez-vous donc une minute… vous prendrez ben une tasse de thé, avec un petit « cookie », je viens juste de les sortir du four! Tout le monde connaissait depuis longtemps les « bines », mais personne n’aurait utilisé le terme de « fèves blanches au lard », non, ça n’aurait pas eu le même goût! De même, quand on servait un « rosbif », on y ajoutait du « grévé » c’était tellement meilleur ! L’anglais ne s’est pas invité qu’à la cuisine; indiscret, il est allé jusqu’aux « closets » où il a testé la chaîne pour « flusher ». Ensuite il est passé au salon où il s’est extasié sur le nouveau « chesterfield » ainsi que le beau « rug » qui recouvrait le plancher, sans oublier le « pick-up », avec sa pile de disques! Curieux, en sortant de la maison, il est allé voir dans la « shed »; j’aurais de la difficulté à nommer tous les outils, mais il y avait sûrement une « chainsaw », une « drill », un « jack » et combien d’autres.

L’endroit où notre cours d’anglais accéléré a eu le plus d’élèves assidus, c’est sans contredit dans le domaine de l’automobile! Du « bumper » jusqu’aux « tires », en passant par la « clutch », le « dash », le « windshield » – on disait « wind shire », le « steering » et les « sealbeams », et j’en passe… on s’est rendus aux nouvelles autos « power-break –power-steering », ça c’était du char!  Pour finir, on a appris qu’il nous manquait un « car-port » pour mettre notre auto à l’abri, l’hiver prochain. Parce que dans la « shed », y a pas de place! En terminant plus sérieusement, aujourd’hui, les enfants parlent, lisent et écrivent en anglais dès le cours primaire, mais cela ne les empêche aucunement de posséder un bon français. Il faut seulement leur en donner le goût!

© Madeleine Genest Bouillé, 8 avril 2018

J’aime pas ça !

Non, je n’aime pas certains jours de l’année dont le 26 décembre, le 2 janvier, les 7 ou 8 janvier, le lundi de Pâques, le lendemain de l’Action de Grâces, celui de la Fête du Travail. Disons-le tout net, je n’aime pas les fins de vacances, surtout quand c’est la rentrée scolaire – ce dont je vous ai déjà parlé dans l’histoire de mon vieux sac d’école – et j’aime encore moins les lendemains de fête. Ce matin, après le départ de la dernière invitée, la maison comme chacun de ces lendemains, nous semblait trop tranquille, trop silencieuse, trop froide, comme après le passage d’un ouragan. Ici et là, on retrouve des objets qui ne sont pas à leur place, par exemple, j’ai découvert des petits bonhommes, qui viennent sûrement d’une autre planète, deux avions et deux chars d’assaut derrière les coussins du divan! De plus, particularité du lundi de Pâques, dans les endroits les plus incongrus, des papiers colorés, roulés en petites boules témoignent qu’on a dégusté   plusieurs cocos en chocolat et qu’on n’avait vraiment pas le temps de jeter les emballages à la poubelle! Trois petits gars, dont le plus jeune n’a pas encore 5 ans et les deux autres, âgés de 7 ans, ça fait du monde très occupé! Ça court d’un étage à l’autre et dans tous les sens; ils sont tellement affairés! Ils ont fait une cabane avec des couvertures, au milieu du salon; un peu plus tard, ils ont changé de programme et ont décidé de se déguiser… tout ça avec des pauses pour piger quelques cocos, car tout ce brouhaha, ça creuse l’appétit! Et les « grands enfants », entre 12 et 22 ans, qui meublaient l’après-souper de leurs conversations profondes et comiques en même temps… tous téléphones fermés! Après le ramassage et la vaisselle faite, les parents, mononcles, matantes et grands-parents sont venus élargir le cercle et ont continué à jaser et à rire, de tout, de rien, juste pour le plaisir d’être ensemble! Des moments de grâce, qu’on devrait enregistrer comme un film, pour se les repasser dans les moments où le vide prend trop de place.

Autre problème, qui je le sais, n’en est pas vraiment un; comme disait ma mère, « Remerciez le ciel d’avoir autant de bonnes choses à manger, y plein de monde qui seraient si heureux d’en avoir même seulement la moitié! »  Oui maman, je ne dis plus rien… mais quand même, le frigo est plein de restes, qui étaient délicieux hier, mais qui ne nous tentent vraiment pas aujourd’hui. Passe encore pour le jambon pascal qui se marie avec plein d’autres accompagnements. Les salades, ça ne se conserve pas longtemps, les entrées ne sont bonnes que pour la sortie!  Les délicieuses tartes au sirop d’érable faites par mon cuisinier préféré vont devoir durer encore quelques jours; c’est le genre d’orgie sucrée qu’on ne peut se permettre qu’avec modération! Hier, nous étions 17! Seulement 17, car voyez-vous, ça peut parfois aller jusqu’à 19 et c’est rien ça, mes grandes petites-filles ne nous ont pas encore présenté de « prétendant attitré »!

Cette année, nous avions deux événements en un :  Pâques étant le 1er jour d’avril, c’était aussi le jour du Poisson d’avril!  Il semblerait que cette coïncidence est très rare. Depuis 1879, les années où la fête de Pâques tombait le 1er avril sont, selon mes recherches : 1879, 1888, 1923, 1934, 1945, 1956, et cette année, 2018.  La prochaine fois, ce sera le 1er avril 2029! Ça ne change pas le monde, mais c’est une chose à inscrire à notre agenda : « Hier nous fêtions Pâques en même temps que le Poisson d’avril! » Pour les petits, c’était une occasion de plus de s’amuser et j’ai vu quelques petits poissons découpés à la hâte dans un bout de papier, lesquels décoraient des dos d’adultes, qui, comme il se doit, ne s’étaient aperçu de rien!

Ma fête de Pâques a commencé comme d’habitude par la messe que nous avons chantée avec ardeur et bonheur; ils sont tellement beaux les cantiques qui glorifient le Christ Ressuscité! Plus que toutes les belles et bonnes traditions pascales, il est important de mentionner que Pâques, pour les croyants, est la plus grande fête de l’année liturgique.  C’est pourquoi, tous les dimanches qui vont suivre jusqu’à l’Ascension, quarante jours plus tard, la liturgie nous fera revivre la belle histoire de tous ceux et celles qui ont rencontré er reconnu Jésus après sa résurrection. Cela devrait éclairer quelque peu ces monotones « jours d’après » que je n’aime pas!

© Madeleine Genest Bouillé, 2 avril 2018