Dans les années 50 – 60, fin mai, début juin, les associations paroissiales terminaient leur année d’activités. Il y aurait beaucoup à dire sur ce chapitre, les associations bénévoles étant florissantes à l’époque! J’ai donc choisi de vous parler cette fois des Cercles Lacordaire et Sainte Jeanne d’Arc. Ce mouvement d’Action Catholique célébrait chaque année l’anniversaire de sa fondation dans notre paroisse à la fin de mai.
Mais, commençons par le commencement… qu’est-ce que c’était que cette association qui faisait campagne pour l’abstinence totale de boissons alcooliques ? On connaissait depuis déjà longtemps la Société de Tempérance, dont la grande croix noire se retrouvait dans la plupart des foyers québécois. Dans la foulée des nombreux mouvements d’Action catholique préconisés par le clergé, qui était omniprésent dans la vie sociale aussi bien que religieuse, un Dominicain, le Père Joseph Jacquemet, fonda en 1911 à Fall River, Massachusetts, le Mouvement Lacordaire. Cette organisation visait à contrer l’abus des boissons « enivrantes » qui était devenu un vrai fléau dans les familles à revenu modeste, surtout depuis la fin de la Prohibition. Au Québec, le premier cercle a été fondé en 1915 à Saint-Ours. En 1939, 3 000 membres Lacordaire étaient répartis dans 48 cercles… En 1955, on comptait 138 000 membres, hommes et femmes, celles-ci militant sous le nom de Cercle Sainte Jeanne d’Arc. Je n’ai pas la date exacte de la fondation du mouvement à Deschambault, mais je crois que c’était vers la fin des années 40. On pouvait faire partie du Cercle Lacordaire dès l’âge de seize ans. Eh oui! Les jeunes qui n’avaient pas encore « senti le bouchon » étaient sollicités! Pour la même raison qu’aujourd’hui, on leur dit : « Ne commencez donc pas à fumer si vous ne voulez pas avoir le trouble d’arrêter! » Pour nous, les jeunes – je suis entrée chez les Jeanne d’Arc à 17 ans –, une réunion du Cercle Lacordaire, c’était une sortie et une occasion de rencontres; plusieurs couples de Deschambault s’y sont d’ailleurs connus et fréquentés. Lors des réunions, il y avait toujours une partie récréative avec, parfois, présentation d’amateurs, musiciens, chanteurs. Et pour la soirée d’anniversaire, on montait une pièce de théâtre. Ces réjouissances ne se terminaient jamais sans un abondant buffet froid…. sans alcool, il va sans dire!
L’anniversaire du Cercle Lacordaire, c’était tout une fête! En plus des dignitaires locaux, on invitait ceux des paroisses voisines ainsi que les présidents régional et provincial du mouvement. À ce propos, je tiens à rappeler ici une tragédie qui a secoué tout le Québec à cette époque. Le Pape Pie XII avait décrété 1950, Année Sainte. À cette occasion, plusieurs pèlerinages à Rome étaient organisés. Au Québec, un groupe de pèlerins, s’étaient envolés vers la Ville Sainte, dans un avion Curtiss-Reid, appelé « Le Pèlerin Canadien ». Le 13 novembre, au retour vers Montréal, une tempête hivernale faisant rage, l’avion s’est écrasé sur le mont Obiou, dans les Alpes Françaises. Environ 58 personnes sont décédées dans cet accident qui n’a laissé aucun survivant. Pourquoi « environ »? C’est que, officiellement, sept places étaient restées libres dans l’appareil. On n’a jamais su si ces places avaient finalement été occupées. Dans la liste des personnalités qui faisaient partie du voyage, en plus de plusieurs prêtres et religieux, on peut lire le nom du Président national du Mouvement Lacordaire, M. Roger Ellyson. Plusieurs membres Lacordaire faisaient partie des pèlerins de l’Obiou, dont deux personnes de notre région, M. Arthur Lavallée de St-Ubalde et Mlle Eva Guilbault de Grondines.
Je reviens à la fête anniversaire. Un franco-américain du nom de Victor Vekeman, membre Lacordaire à Fall-River, avait écrit entre 1923 et 1950 un recueil de pièces de théâtre qui comportait des comédies et aussi des tragédies… évidemment causées par l’alcoolisme! On sait que Deschambault a une longue tradition de théâtre. Ainsi, il s’est donc formé parmi les membres Lacordaire et Jeanne d’Arc des débuts du mouvement, un bon noyau de comédiens amateurs. Plusieurs pièces de Vekeman ont été jouées au cours de ces années et certaines ont été reprises dans les débuts de la troupe Les Fous du Roy. Mentionnons les comédies Heure de Folie, Une fille un peu bébête, Un oncle et une jolie fille. La première pièce que j’ai jouée en 1961 était justement un drame sur l’alcoolisme intitulé L’Absolution, de ce même auteur. Je jouais le rôle d’une femme d’ivrogne, vraiment « maganée ». On n’oublie jamais qu’on est mort sur scène!
Au début des années 70, le Mouvement Lacordaire avait perdu de sa popularité, conséquence normale de la Révolution tranquille… Mais justement cette époque verra naître d’autres formes de bénévolat qui sont encore très actives, telles la Biblio du Bord de l’eau, le Club de l’âge d’Or (devenu la Fadoq), la Société du Vieux Presbytère et la Corporation du Moulin de La Chevrotière qui ont fusionné pour devenir Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines. Les années 80 seront marquées par la création des Clubs Lions et Optimiste, des associations internationales de services qui viendront prendre leur part dans la vie sociale de notre patelin.
On s’en reparle…
© Madeleine Genest Bouillé, 29 mai 2016