
Moi et deux fillettes du voisinage, Nicole Paquin et Anita Marchand, devant la maison de M. Laplante.
Oui mes amis, il y en avait de la neige, dans mon jeune temps! Quand j’allais à l’école, les bancs de neige étaient deux fois plus hauts que moi! Sans mentir, je vous l’assure. Mais je dois ajouter que j’étais haute comme trois pommes, alors bien entendu, les « bordages » montaient vraiment plus haut que ma petite personne. C’est souvent comme ça, les souvenirs! Quand on était petit, tout était plus gros, plus grand, plus haut… les hivers étaient plus longs, plus froids, les tempêtes étaient plus… « tempétueuses »! Ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, je viens de le fabriquer, car je ne trouvais pas de mot pour décrire les superbes tempêtes qui duraient parfois deux ou trois jours. L’électricité était coupée, le téléphone aussi… nous, les enfants, trouvions amusant de veiller à la lueur de la lampe à l’huile et comme on avait tous un poêle à bois et aussi pour la plupart, une fournaise dans la cave, les températures froides des lendemains de tempête ne nous dérangeaient absolument pas!
Si on se réfère aux statistiques, les hivers étaient généralement plus neigeux que maintenant. Dans les « fenêtres à six vitres », comme il en existait dans la plupart de nos vieilles maisons, il était fréquent que la neige atteigne les deux carreaux du milieu. Je regardais des photos d’enfance, prise en 1946 ou 47, près de la maison de M. Lauréat Laplante – aujourd’hui le 215 sur le Chemin du Roy; il faut admettre que le banc de neige en avant de la maison est assez impressionnant. On jouait sur le terrain voisin, du côté ouest de la maison, et parfois on se rendait jusqu’au « champ du curé », à l’endroit où s’élève le H.L.M et les Jardins du Cap Lauzon. Sur ce terrain, il y avait un très vieux pin qui se dressait tout seul, au beau milieu du champ, seul témoin d’un siècle où l’on comptait sans doute plus d’arbres que d’habitants dans notre patelin! Comme je le trouvais beau, ce grand arbre fier et solitaire!

Juste à côté de la maison de Lauréat, le chemin du Roy enneigé (on voit à l’arrière-plan, la maison qui abrite aujourd’hui le magasin d’antiquités).
Les premières années où j’allais à l’école, je me hâtais toujours car j’avais tellement peur de rencontrer la charrue ou la souffleuse. J’en avais une peur bleue! On m’avait raconté qu’à Montréal, une fillette ayant été happée par la souffleuse, le conducteur ne s’était aperçu de l’accident que lorsqu’il avait vu sortir la neige rougie par la cheminée de l’engin. Pendant longtemps, en me couchant le soir, je voyais cette image dans ma tête et j’y pensais chaque jour en me rendant au couvent. On nous contait ces histoires d’horreur dans le but de nous apprendre la prudence. Évidemment, les grandes personnes étaient remplies de bonnes intentions et ne pouvaient pas imaginer que cela pouvait avoir aussi un effet négatif. J’ai traîné pendant plusieurs hivers cette peur des machines à déneiger. Dès que j’entendais le bruit d’un gros moteur, je courais à perdre haleine, ne ralentissant que lorsque j’avais tourné le coin de la « maison du notaire », ayant enfin atteint la rue de l’Église.
Heureusement, les inconvénients de l’enfance passent très vite! On grandit, et alors, le monde extérieur nous semble moins imposant, moins intimidant. Les bancs de neige sont moins hauts… On ne sent plus le besoin de courir dès qu’on entend venir le chasse-neige. Le chemin de l’école est devenu plus court et moins ardu! On aime toujours l’hiver, mais on joue moins dans la neige. Et le soir, on s’endort paisiblement, car il n’y a plus d’images épeurantes pour troubler notre sommeil et hanter nos rêves! Un penseur a dit : « On ne se guérit pas de son enfance ». C’est vrai, mais les souvenirs qu’on en garde ont cessé de nous faire trembler.
© Madeleine Genest Bouillé, 9 janvier 2016
Toujours aussi intéressant de te lire Madeleine. Merci pour ton dévouement.
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