Une page de mon agenda…

Dans mon agenda 2020, à la page du jeudi 12 mars, en avant-midi, j’ai écrit ceci : « Que c’est beau le verglas au soleil! » C’était la troisième journée que la nature comme par hasard, se parait de fleurs de cristal… ce fut la dernière. À 10 heures, je suis allée chez ma coiffeuse. Je ne savais pas alors que je n’y retournerais pas avant un bon bout de temps! Un peu plus tard, mon petit frère Roger est passé faire un tour. Qui nous aurait dit alors qu’on ne se reverrait que deux mois plus tard, entre deux portes, et seulement pour une « commission »!

Mais je continue de lire la page du 12 mars : « Comme il fait beau, ça sent le printemps! » Pâques n’est que le 12 avril, mais comme j’ai toujours hâte de décorer la maison à chaque fête, je décide donc d’aller fouiller dans mes boîtes étiquetées « Pâques ». J’y passe un certain temps quand voici tout à coup que mon fils aîné et sa fille nous arrivent : panne d’électricité à Portneuf! Évidemment, on les garde à souper, mais ils ne repartent pas tard – on est jeudi, demain ce n’est pas congé. À la télévision, on attire notre attention sur le nouveau virus appelé justement Coronavirus, qui est en train de contaminer toute la planète. On en avait bien entendu parler quelque peu, mais il semble que ce virus, devenu pandémie, est rendu chez nous, au Québec!

On s’inquiète quand même un peu, puis un peu plus… Et voilà qu’on annonce la fermeture des commerces, des différents services. Dans le courant de la soirée, on apprend que la Bibliothèque doit fermer ses portes, jusqu’au 30 mars au moins, peut-être plus. Ce fut évidemment pas mal plus long! Et notre souper-spaghetti qui devait avoir lieu le 21 mars?  Reporté… à on ne sait pas quand! Cette activité qui est notre principale levée de fonds et qui rassemble toujours une bonne centaine de convives va nous manquer.

Le soleil est couché, les arbres chargés de verglas n’attirent plus le regard. On n’y pense même plus. On est rivés devant la télé… on trouve ça quand même inquiétant. Et voici que le Premier Ministre M. Legault, dans un point de presse qui doit rejoindre le Québec en entier, annonce que toutes les églises seront fermées pour le culte. Plus de messes, ni de funérailles, encore moins de mariages et de baptêmes; jusqu’à quand? Personne ne le sait… On ne doit pas sortir de la maison sauf pour quelque chose d’important, et encore, on doit porter un masque. 

À la fin de la page, j’ai écrit : « À la télé on ne parle plus que de ça, le Coronavirus! On finit par avoir peur… Je n’aime pas ça du tout. Oui, j’ai peur pour mes enfants, mes petits-enfants. Je n’ai pas mangé grand’chose aujourd’hui, ça m’a coupé l’appétit! »

C’était la page du 12 mars de mon agenda 2020.

© Madeleine Genest Bouillé, 12 mars 2021

Les paroles s’envolent…

Quand j’étais étudiante, on nous répétait souvent cette maxime : « Les paroles s’envolent, mais les écrits restent ».  On devait donc surveiller nos écrits, y penser à deux fois avant d’affirmer quelque chose. En ce sens, il fallait se demander si dans un an ou dix ans, on aurait encore la même opinion. Il y avait de quoi freiner les élans poétiques, dramatiques ou même comiques des apprentis écrivains. On ne savait pas alors qu’il existerait un jour un réseau de correspondance par Internet, un fil d’actualités qui offre à ses abonnés ce qu’il y a de plus éphémère. On y trouve des écrits qui s’envolent du jour au lendemain, quand ce n’est pas quelques heures plus tard. À moins qu’on « partage » la nouvelle, tout passe… les accidents, les propos drôles ou haineux, les phénomènes météorologiques, les recettes de cuisine, je le répète, tout passe! Le scoop de l’avion qui est tombé récemment quelque part en Ukraine, aussi bien que la pire niaiserie : « flushé »!  Cette correspondance », si je peux nommer cela ainsi, met tout dans le même panier. Le panier s’emplit parce que tout le monde partage et la nouvelle, quelle que soit son importance, se ramasse dans le fond. Voilà!  Ça s’appelle Facebook.

Certains ont des tas d’amis sur Facebook. Parfois des amis qu’ils connaissent pour vrai, mais plus souvent, de parfaits inconnus. Pour ceux qui ont des « amis » qui se comptent par milliers, je crois que ce n’est pas la relation qui compte, c’est le nombre! J’avoue qu’il arrive en effet qu’on s’adonne sur plusieurs sujets avec de parfaits étrangers. Ainsi, j’ai une amie Facebook qui, bien qu’elle me soit inconnue, porte le même nom que moi tout en n’ayant aucun lien de parenté ou sinon, un lien très lointain. Comme par hasard, nous aimons souvent les mêmes auteurs, les mêmes œuvres d’art, les mêmes chansons. Et nos opinions sur les sujets épineux, comme la politique, se rejoignent. Mais des amis inconnus comme ça, ce n’est pas comme les feuilles mortes : on ne les ramasse pas à la pelle!

Facebook a ceci de bon qu’on y retrouve parfois d’anciens compagnons et compagnes de classe aussi bien que des gens qui ont vécu dans notre village avant de s’établir ailleurs. C’est agréable! Nos racines nous rapprochent. On a connu les mêmes personnes, on se rappelle qui habitait telle maison. En vieillissant, je constate combien on attache d’importance à ces personnes que nous avons connues dans notre jeunesse et qui, tout comme nous, ont vieilli quelque peu : l’un d’eux ressemble au Père Noël tandis qu’une autre est plus blonde que dans mon souvenir…  mais on se reconnaît et c’est un plaisir de renouer des liens.

Quand j’ai commencé ce texte, j’avais imaginé tout plein de choses à dire à ce propos : « Les paroles s’envolent, et les écrits restent ». Je dois avouer que j’étais un peu mélancolique : le temps des Fêtes qui passe toujours trop vite, la température froide, les journées où le soleil se montre parcimonieusement… tout cela ne m’inspirait rien de bien réjouissant. Juste avant de commencer à écrire, je suis tombée sur une petite phrase qui dit comme ça : « Du haut en bas de l’échelle, l’espoir circule gaiement. Car notre part la plus belle, est toujours celle qu’on attend. »  Et comme on sait, l’attente est toujours plus aisée quand on sait s’occuper… en attendant!  Et c’est ainsi que le moral a grimpé quelques barreaux de l’échelle. Allons! Plus qu’une semaine dans ce premier mois de 2020.

© Madeleine Genest Bouillé, 22 janvier 2020

Jeux d’hiver 2

 Même s’il a commencé tôt,  j’ai bien l’impression que  cet hiver n’a pas envie de lâcher prise, il faudra  s’y résigner! Je me rappelle, quand on était jeunes, on ne la trouvait jamais trop longue cette saison! On s’amusait avec peu de choses. Notre vieille route, qui s’appelait encore «  la route à Morin »,  longeait un côteau, pas bien gros, juste assez pour qu’on y glisse avec tout ce qui nous tombait sous la main.  C’était cette même côte, à l’ombre du gros orme où, en été, on jouait à «  En bas de la ville »… Elle n’existe plus, on a rempli le champ marécageux  où parfois, les soirs d’hiver,  quand on ne se couchait pas à «  l’heure des poules », on pouvait voir rôder furtivement un renard; si je me souviens  bien, quelqu’un dans le coin possédait un poulailler… Enfin, un bon jour, le propriétaire de ce terrain inutile y a construit quelques maisons.

Mon frère Roger et son petit traîneau…

On avait une belle variété de «  jeux d’hiver ». Pendant que les grandes personnes faisaient du ski de fond dans les champs ou qu’elles évoluaient sur la patinoire du village, nous on glissait sur les pentes de notre côteau. Traînes sauvages, traîneaux, cartons, tout était bon; c’était bien avant les « crazy carpets ». Mes grands frères  avaient aussi  confectionné des «  traînes-fesses », qu’on appelait aussi «  branle-cul » Ce bolide était fabriqué  à partir d’un vieux ski coupé sur lequel on avait cloué une  bûche d’environ 2 pieds  de hauteur et sur cette bûche on avait fixé  une planche faisant office de siège. Ça marchait, ou plutôt, ça glissait! Cet engin n’était pas exempt de risques; la moindre bosse dans la côte nous faisait basculer, alors que le «  traîne-fesse » poursuivait sa route! Mais comme pour tous les sports, il y avait des «  pros » qui ne tombaient jamais ou presque jamais. Pour les plus jeunes, il y avait le petit traîneau sur lequel on avait cloué solidement une «  boîte à beurre » en bois. Un plus grand était alors désigné pour  faire la promenade. Même s’il manquait d’élégance, ce traîneau était solide et il devait sûrement être confortable puisque mon petit frère ne s’en plaignait jamais.  Il n’y a pas à dire, on était inventif à cette époque!

La rue Johnson enneigée en 1961 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Quand la neige était «  mottante », comme on disait dans le temps, aucun plaisir n’égalait celui  de construire un beau bonhomme de neige. Sauf peut-être celui de faire une bataille de «  mottes » de neige… Même si parfois ça tournait mal; mais ça, généralement, c’était quand les grands s’en mêlaient.  On avait construit un fort qu’on retapait à chaque bordée de neige; rendu au mois de mars, il était impressionnant! Mais voilà! La bagarre prenait entre ceux qui étaient à l’intérieur du fort – les plus jeunes – et ceux qui voulaient y entrer – les «  grands ». Habituellement, les jeux cessaient quand on se faisait rappeler que les devoirs n’étaient pas faits. Même si on tentait de négocier encore quelques minutes, ça ne marchait jamais!

Avec Colette et Madeleine, 1948 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Parlons de la pêche sur le fleuve! Quand la glace était prise solidement, aux environs du quai il y avait parfois une bonne quinzaine de cabanes, peut-être plus. Et ça pêchait! Quand on partait pour «  faire la marée », il fallait d’abord être  chaudement vêtu, surtout pour la marée de nuit; sur le fleuve, le vent vient de loin!  Le traîneau était chargé : du bois de poêle,  du foie pour appâter les lignes,  et plein d’autres accessoires, surtout un bon lunch et un «  petit remontant », quand même, dans la cabane à pêche, dès qu’on était un peu loin du poêle, c’était pas chaud!  Je n’oublierai jamais les froides nuits de pleine lune, quand on revenait, le traîneau  chargé cette fois, de  «  petites morues », comme on appelait alors  le  petit poisson des chenaux.  Il y avait quelque chose   de fantastique dans cette  randonnée sous le ciel étoilé,  avec  la glace qui craquait sous l’effet de la marée.    Vraiment, c’est quelque chose d’inoubliable!

De tout temps, il y a eu des jeux d’hiver  pour les adultes autant que pour les enfants.  Sur la patinoire de l’O.T.J. il y avait des joutes  de hockey et vers la fin des années 50, on a découvert le ballon-balai.  En plus des équipes de gars, il y avait aussi des équipes de filles. Parmi celles-ci  on retrouvait d’excellentes joueuses; entre autres, ma tante Gisèle, qui jouait à la défense. Quand elle était sur la glace, personne ne passait!  Ce sport avait l’avantage  de ne pas être dispendieux, du moins au début.  On faisait le tour du voisinage pour ramasser tous les vieux balais qu’on pouvait trouver; après les avoir coupés, on les enroulait de «  tape à hockey » et comme on dit : «  Ça faisait la job! »  Au début, garçons et filles jouaient chaussés de bottes d’hiver ou de « claques ». Ensuite, on eut l’idée de coller des morceaux de «  styrofoam » en dessous de simples espadrilles. Enfin ce sport devint lui aussi «  organisé », les joueurs et joueuses étaient alors .équipés de chaussures adaptées et de casques protecteurs, car ça peut frapper fort un ballon gelé!

Ballon-balai fin des années 60 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Évidemment l’O.T.J., comme tous les organismes bénévoles, devait faire des activités de financement. Chaque hiver, il y avait donc un carnaval, avec des duchesses commanditées par l’une ou l’autre entreprise locale.  Chaque  duchesse avait un lot de billets à vendre et le soir du couronnement, la demoiselle qui avait vendu le plus de billets devenait pour   une fin de semaine, la Reine du Carnaval!  Pour faire une belle histoire, j’ajoute ceci; une certaine  année, un   intendant  eut le coup de foudre pour sa duchesse.  Ce sont des choses qui arrivent! Comme dans les contes de fées, celle-ci fut élue reine! Après le carnaval ils ont continué de se fréquenter …si bien qu’après  quelque temps, ils se sont mariés!

Vraiment, les jeux d’hiver du temps de ma jeunesse n’avaient rien à envier aux jeux d’été!

© Madeleine Genest Bouillé, 19 février 2019

Cabanes à pêche sur le fleuve, 1977 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Ah! Que l’hiver tarde à passer…

On est déjà rendus en février! Février, étant le plus court, est un peu jaloux de ses frères, surtout de Janvier qui a l’honneur d’étrenner l’année nouvelle. Je ne sais pas pourquoi, mais quand les décorations du temps des Fêtes sont enlevées et rangées pour jusqu’au prochain Noël, la maison me paraît démunie. Aurais-je dû les garder plus longtemps? Mais voilà, je n’aime pas étirer les fêtes. Pour moi, ce serait comme vouloir porter la « robe du dimanche » jusqu’au vendredi. Je me rappelle maman qui n’était jamais pressée pour défaire l’arbre de Noël, même s’il perdait ses aiguilles, et je me cherche des bonnes raisons pour revenir au « temps ordinaire », même si je n’aime pas cette expression. Du temps ordinaire, il y en a toujours trop.

J’admets que cette année, la messe anniversaire du décès de mon frère Fernand arrivant le premier dimanche de février, nous avons donc eu un début de mois pas ordinaire. De quoi resserrer les liens, à la pensée de celui qui n’est plus. Mais, bon, comme on dit parfois, marmotte ou pas marmotte, il reste encore un grand bout d’hiver à passer. Alors autant l’occuper! J’ai donc décidé de faire du ménage dans mes paperasses, ma bibliothèque, sans oublier le coffre à jouets des petits qui grandissent, hélas, bien trop vite! Il n’y a maintenant que le plus jeune, Zachary, âgé de 5 ans, qui parfois délaisse son frère et son cousin – des « grands » de 8 ans – pour jouer avec les soldats, les animaux ou les petites autos. Encore une étape qui s’achève… Oh! Nostalgie, quand tu nous tiens!

Je me suis donc plongée dans le ménage de mon classeur… ménage jamais fini et sans cesse recommencé. Cette fois, je fais le tri des chansons. J’ai tout plein de paroles de vieilles chansons que j’ai copiées de mémoire afin de ne pas les oublier et d’autres, trouvées sur Internet. J’ai de la difficulté à jeter des chansons. Tenez, aujourd’hui, je suis tombée sur une belle mélodie de Stéphane Venne qui a pour titre Lorsque nous serons vieux. C’était chanté par Renée Claude qui avait belle voix douce. J’aime toujours les paroles de cette chanson; c’est un peu comme un credo que jadis, je me récitais pour plus tard…

« Plus tard » est venu, un peu trop vite évidemment. Ainsi, les paroles de la chanson prennent tout leur sens. Les voici :

« Quand nous serons au bout de notre route,
Mèches d’argent et rides sur le front
Que nos enfants seront mariés, sans doute
Dis mon ami, seront-nous plus heureux?
Dis mon ami, lorsque nous serons vieux.

Quand nous serons au bout de notre plage
Sable doré prendra couleur de gris
Ne vivant plus que pour le temps de l’âge
Dis mon ami, seront-nous plus heureux?
Dis mon ami, lorsque nous serons vieux.

Quand nous seront au bout de notre histoire
Comme un poème à son dernier quatrain
Sera-t-il dit que nous pourrons y croire
Dis mon ami, serons-nous plus heureux?
Dis mon ami, lorsque nous serons vieux,
Je crois que si, au moins, nous serons deux! »

Heureusement, oui, nous sommes deux et notre histoire n’est pas encore terminée! Il y a bien les désagréments de l’âge, et ils sont nombreux. La mécanique a des ratés; les chaleurs de l’été sont difficiles à supporter et les grands froids, comme cet hiver surtout, nous laissent transis. Ce qu’on peut être gauche quand on a les doigts gelés! Mais nous avons tout plein d’activités qui nous occupent tout en nous persuadant qu’on est encore utiles. Vraiment, je crois qu’on ne se sent pas vieillir, puisqu’on s’étonne quand on s’aperçoit qu’on est fatigué pour presque rien ou qu’on remet à demain ce qu’on devait faire aujourd’hui! On se cherche des bonnes raisons : « Je n’ai pas dormi assez… j’avais fait une trop grosse journée hier… »  Mais malgré tout, je crois qu’on vieillit moins vite quand on vit chez nous, dans nos affaires; même si ça nous prend un peu plus de temps pour faire « l’ordinaire » de la maison, comme disaient les anciens. Sommes-nous plus heureux? Je ne sais pas… Nous avons besoin de moins de choses, nous ne formons pas de projets à long terme. Et surtout, nous avons une belle famille, c’est notre plus grande richesse! Alors je crois, oui, que nous sommes aussi heureux, sinon plus!

© Madeleine Genest Bouillé, 4 février 2019

La Bonne Chanson, une mine d’or!

J’ai grandi avec les cahiers de La Bonne Chanson de l’abbé Gadbois. On a dit que la publication de ces cahiers de chants avait pour but de contrer l’invasion massive de la chanson américaine qui devenait de plus en plus présente à la radio. Je ne pourrais pas dire si cette assertion est vraie ou non. Chose certaine, ces recueils de chants offraient un répertoire très varié, allant de la chanson patriotique aux chansons à répondre, en passant par les balades sentimentales, les airs d’opérette et les cantiques populaires, comme les Ave Maria et les chants de Noël.

La Bonne Chanson existait alors en France, diffusée surtout par le chanteur breton Théodore Botrel ­(1868-1925). Botrel a fait connaître ses chansons chez nous, lors de ces voyages au Québec en 1903 et en 1922. C’est sans doute ce qui fait qu’on retrouve plusieurs pièces de son répertoire dans les cahiers de l’abbé Charles-Émile Gadbois, qui a fondé La Bonne Chanson au Québec en 1937.

La Bonne Chanson, c’est 566 chansons pour toutes les occasions et pour chaque saison. J’ai évidemment mes préférences, lesquelles seraient longues à énumérer. Plusieurs de ces mélodies me rappellent mon enfance ou celle de mes enfants. Il m’est venu l’envie de faire une chronique sur ce thème de La Bonne Chanson. Ainsi, pour cette première fois, j’ai choisi deux chansons qui parlent d’hiver, une autre – justement de Botrel – qui raconte une légende de Noël, et une dernière, que tout le monde connaît et qu’on aime tant fredonner!

Ma première chanson d’hiver est une composition de Joseph Beaulieu, un Canadien-français, né en Ontario (1895-1965). On retrouve beaucoup de chants de cet auteur dans le répertoire de la Bonne Chanson. Celui que j’ai choisi a pour titre simplement Il neige. Mon fils aîné l’avait appris à l’école en première ou en deuxième année… je ne suis pas certaine qu’il s’en rappelle. Le voici :

Refrain :

« Il neige, il neige, de gros flocons blancs.
Il neige, il neige pour tous les enfants.

Couplets :

« La molle tenture blanchit les balcons
Les champs, les toitures, les arbres, les monts. »

 « L’hiver nous arrive, la neige le dit.
La joie est bien vive, chez tous les petits. »

 « La neige en silence, blanchit les côteaux
Allons! On s’élance, joyeux, en traîneau! »

Ma deuxième chanson d’hiver est une chanson qu’on entendait souvent dans ma jeunesse. Il est écrit « auteur inconnu »; par contre, une note au bas de la feuille dit que « cette chanson a été recueillie dans la Beauce, par l’honorable Omer Côté ». Pour en savoir plus long, je me suis renseignée sur cet honorable Monsieur et voici ce que j’ai appris : Omer Côté, né en 1905, a été député à l’Assemblée Législative de Québec de 1944 à 1956, où il a été de plus, secrétaire. Plusieurs parmi vous se rappelleront de L’hiver a chassé l’hirondelle :

Refrain :

« L’hiver a chassé l’hirondelle, l’hiver a chassé les beaux jours.
Mais de notre cœur, ô ma belle, l’hiver ne peut chasser l’amour. »

Couplets :

« Le dur hiver s’avance, adieu les belles nuits
D’amour et d’espérance, les beaux jours nous ont fuit.
Nous n’irons plus, mignonne, dans les sentiers fleuris
Car les feuilles frissonnent, dans nos rosiers jolis. »

« Adieu, tapis de mousse, petit ruisseau, adieu!
Votre plainte si douce, remonte vers les cieux.
Et vous, charmant bocage, où nous allions causer
Car votre gai feuillage, cachait nos doux baisers. »

J’en viens à la très belle légende de Noël de Théodore Botrel, qui a pour titre : La dernière bûche. Je vous la résume, car cette chanson est composée de six couplets de neuf lignes chacun. C’est ce qu’on appelle un « duo mimé ». Les deux personnages se nomment Jean le Gueux et Jean Misère. La chanson commence ainsi :

« Qui frappe à la chaumière du pauvre Jean Le Gueux : Pitié! C’est Jean Misère, plus que toi, malheureux. » Jean Le Gueux accueille cet homme pitoyable entre tous, et lui dit : « Il me reste une bûche, une dernière bûche, viens t’y chauffer un peu ». Dans le troisième couplet, on apprend que Jean Misère a les mains ensanglantées, que tous l’abandonnent, et toujours, Jean Le Gueux invite Jean Misère à se chauffer à sa dernière bûche… Au quatrième couplet, coup de théâtre! « Soudain la flamme est claire… Jean Le Gueux pousse un cri. Il a, dans Jean Misère, reconnut Jésus-Christ » Jean Misère poursuit en disant : « Vite, mets ta capuche, aujourd’hui c’est Noël! Pour te payer ta bûche, ta dernière bûche, viens te chauffer au ciel ! » J’ai appris cette chanson alors que j’étais très jeune et je me souviens combien j’étais impressionnée par les paroles de cette histoire ainsi que par la musique dont le tempo est Andantino religioso… j’en avais les larmes aux yeux; encore maintenant, la belle musique m’émeut facilement!

Pour terminer, vous aurez tous envie de fredonner cette mélodie, car il s’agit de Mon beau sapin, une très vieille chanson, dont le titre original, en allemand, est O tannenbaum. Il existe plusieurs versions; celle qu’on connaît date, dit-on, de 1824, mais une première version remonterait parait-il à 1550. Vous vous souvenez des couplets?   Alors chantez-les avec moi :

« Mon beau sapin, roi des forêts, que j’aime ta parure.
 Quand par l’hiver, bois et guérets, sont dépouillés de leurs attraits.
 Mon beau sapin, roi des forêts, tu gardes ta parure. »

« Toi que Noël planta chez nous, au saint anniversaire.
 Joli sapin, comme ils sont doux, et tes bonbons, et tes joujoux.
Toi que Noël planta chez-nous, par les mains de ma mère. »

« Mon beau sapin, tes verts sommets, et leur fidèle ombrage.
 De la foi qui ne ment jamais, de la constance et de la paix.
Mon beau sapin, tes verts sommets, m’offrent la douce image. »

Je vous rappelle en terminant que le mot d’ordre de La Bonne Chanson était : « Un foyer où l’on chante est un foyer heureux. » À la prochaine fois et, en attendant, chantez ce que vous voulez, sur tous les tons, mais chantez!

© Madeleine Genest Bouillé, 16 novembre 2017

Les beaux glaçons!

C’est une belle journée de février. J’écris en regardant miroiter le soleil sur le fleuve gelé. Le fleuve gelé? Ah oui! C’est vrai, cet hiver il n’est pas gelé partout. Je vous explique ce phénomène; passé l’embouchure de la rivière Belle-Isle jusque dans le haut du village, quelques petites iles émergent du fleuve à marée basse, et en hiver, ces ilots retiennent les glaces. Ce qui nous donne la chance d’avoir une large bande de glace, pour nous rappeler le temps où le fleuve « prenait » jusqu’au « chenail » selon l’expression en usage autrefois. Maintenant, avec les gros bateaux qui sillonnent la « route d’eau » tout l’hiver, les glaces ne résistent pas.

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé)

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé)

À cette période-ci de l’hiver, alors que le soleil et le froid jouent à cache-cache, la façade de notre vieille maison est ornée d’un rideau de glaçons; on dirait qu’ils ont été posés là pour remplacer les décorations du temps des Fêtes! Vous allez rire, mais quand je sors pour aller chercher le courrier ou pour une promenade, je ne peux m’empêcher de me décrocher un beau glaçon, en prenant bien soin de ne pas le briser. C’était un jeu quand nous étions enfants – j’ajoute que mes grands enfants le font encore parfois, quand ils viennent à la maison.

Lorsque nous étions jeunes, je me souviens du plaisir que nous avions à décrocher les glaçons qui pendaient du toit, le but étant de ne pas les briser. C’était à qui aurait le plus beau! On s’amusait ensuite à les planter dans les murailles des forts que les garçons avaient construits. Pendant que nous, les filles, décorions les édifices de neige avec ces ornements glacés, les gars, pour faire les « fins », bombardaient nos fragiles sculptures. Bien entendu, nous ripostions et alors, c’était la guerre! Je revois les rangées de « boulets » de neige, alignés sur le rebord de la forteresse… ça prenait peu de choses pour déclencher les hostilités! Quand les gars lançaient leurs cris de Sioux sur le sentier de la guerre, nous répondions avec des cris aussi vigoureux, quoique plus aigus! Quand j’y pense… Nous nous amusions simplement et avec peu de choses, en ce temps-là. Peu de choses? À vrai dire, non, puisque notre terrain de jeux était vaste et variait selon les saisons. On savait utiliser ce que justement, chacune des saisons nous offrait : la neige et la glace, en hiver, les rigoles au printemps, les champs et la grève en été, puis en automne, les feuilles mortes.  Il me semble qu’on ne s’ennuyait jamais… Mémoire, qu’en dis-tu?

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé).

Crédit photo: Jacques Bouillé (©coll. Madeleine Genest Bouillé).

Je reviens à ce beau jour de février… À chaque hiver, je me décroche au moins une fois un beau glaçon que je plante sur un banc de neige, même s’il n’y reste pas longtemps. Ça peut paraître enfantin, mais pour moi, c’est un geste qui a une signification. Je dirais que c’est un retour aux sources, comme quand, durant l’été, on ramasse des coquillages et des roches sur la grève. Quand je fais le ménage, il n’est pas rare que je retrouve une boite où sont entassés ces trésors venus de la grève; parfois il y a une date écrite sur la boite, parfois non. Ce besoin de décrocher des glaçons, c’est aussi comme quand, à l’automne, on ramasse quelques belles feuilles qui jonchent la pelouse. Ces feuillages qu’on place ensuite entre les pages d’un livre et qu’on oublie jusqu’à ce que, par hasard, lors d’une froide journée d’hiver, on ouvre un livre d’images et on y trouve une feuille d’érable ou de chêne, toute belle, comme si on venait de la cueillir. Malheureusement, pour ce qui est des glaçons, on ne peut pas les conserver! À moins de les avoir pris en photos…  comme vous pouvez le constater!

Je ne sais plus qui a dit ceci : « On ne se guérit pas de son enfance ». Que c’est donc vrai! Et avouez, c’est tant mieux!

© Madeleine Genest Bouillé, 3 février 2017

Vive la tempête!

Dès mon réveil ce matin-là, je sens qu’il y a quelque chose d’inhabituel. Je n’entends passer aucune auto, pas non plus de camions, ni d’autobus. Par la fenêtre, je ne vois que du blanc. Il fait un vent à écorner les bœufs et on ne voit ni ciel, ni terre. C’est la tempête!

Alors je me rappelle les matins semblables du temps où mes enfants allaient à l’école. Tôt levés, ils écoutaient les nouvelles afin de savoir si les écoles seraient ouvertes ou fermées.  Quelle joie quand ils entendaient le nom de notre commission scolaire dans la nomenclature des établissements qui étaient fermés pour la journée! Personne ne retournait se coucher, non, on ne gaspille pas un congé imprévu en restant au lit. C’est qu’ils en trouvaient des choses à faire ce jour-là! Jamais en ces jours de tempête je n’entendais la phrase si décourageante :M’man j’sais pas quoi faire.  Aussitôt le déjeuner avalé, ils enfilaient leurs habits de neige, les bottes, les tuques et les mitaines et disparaissaient dehors pour un bout de temps. J’ai toujours aimé ces congés inattendus.  Je me réjouissais du plaisir de mes enfants… même s’ils ramenaient tout plein de neige avec eux quand ils rentraient et qu’on en avait pour la journée à faire sécher tous ces vêtements mouillés.  Mais que nous importait ces petits désagréments?… C’était congé!

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. ©Madeleine Genest Bouillé

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. ©Madeleine Genest Bouillé

Tout le monde était de bonne humeur, la maison résonnait de jeux et de rires, et comme ils avaient faim ces jeunes ogres! Généralement ces jours-là, on me réclamait pour le dîner une montagne de frites avec des saucisses ou un gros spaghetti. Il n’y avait pas d’horaire : on mangeait plus tôt ou plus tard que d’habitude, pas grave! Au cours de l’après-midi, chacun s’isolait avec un livre ou encore, ensemble, ils s’attablaient devant un jeu de société, comme le Monopoly. On dit que la mémoire embellit les souvenirs heureux, peut-être est-ce vrai, mais selon moi, le rappel de ces jours où la tempête nous gardait tous ensemble à la maison, font partie des pages les plus heureuses de notre histoire familiale.

J’aime toujours autant ces journées où l’hiver se déchaîne et nous envoie avec fracas ses neiges et ses vents en essayant de nous faire peur! S’il y a des rendez-vous, ils sont reportés évidemment. Les commissions vont attendre au lendemain; pas de réunions, ni aucune autre sortie non plus : il fait tempête!  Finalement ces congés forcés sont une halte nécessaire dans notre vie si bien ordonnée et réglée par l’horloge, le calendrier et l’ordinateur!

Vive la tempête qui nous permet de faire l’école buissonnière!

© Madeleine Genest Bouillé, 6 février 2017

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. Madeleine Genest Bouillé.

Crédit photo: Jacques Bouillé, coll. Madeleine Genest Bouillé.

(Texte publié dans mon livre © Propos d’hiver et de Noël, 2012)

Jeux d’hiver

IMG_20160104_0008J’ai tellement parlé des jeux d’été… il faudrait bien que je parle de ceux qui égayaient nos hivers. Surtout maintenant qu’on a de la neige! Quand j’étais jeune, les jeunes filles et les jeunes gens faisaient du ski. À Deschambault, s’il n’y a pas de montagne digne de ce nom, on a bien quelques buttes, et il était toujours possible de faire du ski de fond. Je ne connais pas la jeune fille qui pose pour cette photo, mais elle vivait à Deschambault, dans les années 40.

IMG_20160119_0008Quand on avait des vieux skis cassés, s’ils étaient d’une certaine longueur, on les coupait, on y clouait une bûche – écorcée ou non, et une planche de travers qui servait de banc; et voilà! On avait un « traîne-fesse » ou un « branle-cul », si le mot ne vous offusque pas. C’est dommage, je n’ai malheureusement pas de photo de ce bolide qui amusait une bonne partie des jeunes de mon époque. Chose certaine, on était inventif dans le temps, il n’est que de voir le superbe petit traîneau dans lequel on promenait mon petit frère qui avait à peine deux ans sur la photo; une « boîte à beurre » fixée solidement sur un petit traîneau, ça faisait l’affaire!

IMG_20160119_0004Quand la neige est « mottante », comme on disait dans le temps, il n’y a pas de plaisir qui égale celui de faire un beau bonhomme de neige. Avec mes amies Colette et Madeleine, nous en avions fait un; d’après mes souvenirs, nous y avions mis beaucoup de temps. Il n’était pas rond, comme la plupart de ses pareils, c’était un grand bonhomme élancé, la taille fine… Pour qu’il soit encore plus grand, il avait une chaudière rouge sur la tête. Heureusement, Madeleine était grande, car Colette et moi n’aurions jamais été capables de finir la tête! Cette photo a été immortalisée sur une toile de Colette, qui est peintre; elle y a ajouté un petit chien… comme elle le fait sur presque toutes ses œuvres.

ballon balai 67-70Dans ma jeunesse, le sport d’hiver à la mode était le ballon-balai. C’était nouveau et tout le monde pouvait jouer. Au début, les garçons – et aussi les filles – jouaient chaussés de bottes d’hiver ou de « claques ». Un peu plus tard, on eut l’idée de coller des morceaux de « styrofoam » en dessous de simples espadrilles. Enfin, ce sport devint lui aussi « organisé », les joueurs et joueuses étant alors équipés de chaussures adaptées et de casques protecteurs, car ça peut frapper dur un ballon gelé! La photo qui date je crois de 1967, a été prise lors d’un tournoi à St-Léonard… on peut voir les joueurs de l’équipe gagnante, de Deschambault. L’autre photo date des années 70, les joueurs sont plus jeunes, on y voit quelques membres de la famille Parent et on reconnaît le « coach », le regretté Marc Gariépy, qui ne ménageait pas son temps pour encourager les jeunes dans les sports d’équipe, été comme hiver!

IMG_20160119_0006Dans mon livre Propos d’hiver et de Noël, dans le texte Au temps du ballon-balai, j’évoque aussi les carnavals de l’O.T.J. Je n’ai pas de photos de ces activités carnavalesques et des bals avec les duchesses et les intendants, et c’est vraiment dommage; elles avaient beaucoup d’allure nos duchesses vêtues de leur costume de sport ou de leur robe de bal. Dans les années 90, après une éclipse de presque vingt ans, le Club Optimiste a fait revivre pour un temps le carnaval d’hiver. On voit ici une soirée carnavalesque en 1995, les sièges des duchesses sont encore vides… mais on peut voir le maire qui remet les clés de la municipalité au Bonhomme Carnaval, selon la coutume!

fete sucreQuand on aime l’hiver, on en profite jusqu’à la fin! Ainsi comme on peut le voir sur cette photo des années 40, quoi de plus amusant qu’une partie de sucre! Je ne reconnais pas tous les participants à cette belle activité où tout le monde semble très heureux… Ça se passait à Deschambault, je sais que certains sont décédés, d’autres ont aujourd’hui quatre-vingt ans et plus. Ça donne envie de chanter : « En caravane, allons à la cabane, on n’est jamais de trop pour goûter au sirop… au bon sirop d’érable! »

© Madeleine Genest Bouillé, 21 janvier 2016

Il y en avait de la neige!

Moi et deux fillettes du voisinage, Nicole Paquin et Anita Marchand, devant la maison de M. Laplante.

Moi et deux fillettes du voisinage, Nicole Paquin et Anita Marchand, devant la maison de M. Laplante.

Oui mes amis, il y en avait de la neige, dans mon jeune temps! Quand j’allais à l’école, les bancs de neige étaient deux fois plus hauts que moi! Sans mentir, je vous l’assure. Mais je dois ajouter que j’étais haute comme trois pommes, alors bien entendu, les « bordages » montaient vraiment plus haut que ma petite personne. C’est souvent comme ça, les souvenirs! Quand on était petit, tout était plus gros, plus grand, plus haut… les hivers étaient plus longs, plus froids, les tempêtes étaient plus… « tempétueuses »! Ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, je viens de le fabriquer, car je ne trouvais pas de mot pour décrire les superbes tempêtes qui duraient parfois deux ou trois jours. L’électricité était coupée, le téléphone aussi… nous, les enfants, trouvions amusant de veiller à la lueur de la lampe à l’huile et comme on avait tous un poêle à bois et aussi pour la plupart, une fournaise dans la cave, les températures froides des lendemains de tempête ne nous dérangeaient absolument pas!

Moi et Marie-Paule Laplante, devant la maison de son père Lauréat (#215, chemin du Roy).

Moi et Marie-Paule Laplante, devant la maison de son père.

Si on se réfère aux statistiques, les hivers étaient généralement plus neigeux que maintenant. Dans les « fenêtres à six vitres », comme il en existait dans la plupart de nos vieilles maisons, il était fréquent que la neige atteigne les deux carreaux du milieu. Je regardais des photos d’enfance, prise en 1946 ou 47, près de la maison de M. Lauréat Laplante – aujourd’hui le 215 sur le Chemin du Roy; il faut admettre que le banc de neige en avant de la maison est assez impressionnant. On jouait sur le terrain voisin, du côté ouest de la maison, et parfois on se rendait jusqu’au « champ du curé », à l’endroit où s’élève le H.L.M et les Jardins du Cap Lauzon. Sur ce terrain, il y avait un très vieux pin qui se dressait tout seul, au beau milieu du champ, seul témoin d’un siècle où l’on comptait sans doute plus d’arbres que d’habitants dans notre patelin! Comme je le trouvais beau, ce grand arbre fier et solitaire!

Juste à côté de la maison de Lauréat, le chemin du Roy enneigé (on voit à l'arrière-plan, la maison qui abrite aujourd'hui le magasin d'antiquités).

Juste à côté de la maison de Lauréat, le chemin du Roy enneigé (on voit à l’arrière-plan, la maison qui abrite aujourd’hui le magasin d’antiquités).

Les premières années où j’allais à l’école, je me hâtais toujours car j’avais tellement peur de rencontrer la charrue ou la souffleuse. J’en avais une peur bleue! On m’avait raconté qu’à Montréal, une fillette ayant été happée par la souffleuse, le conducteur ne s’était aperçu de l’accident que lorsqu’il avait vu sortir la neige rougie par la cheminée de l’engin. Pendant longtemps, en me couchant le soir, je voyais cette image dans ma tête et j’y pensais chaque jour en me rendant au couvent. On nous contait ces histoires d’horreur dans le but de nous apprendre la prudence. Évidemment, les grandes personnes étaient remplies de bonnes intentions et ne pouvaient pas imaginer que cela pouvait avoir aussi un effet négatif. J’ai traîné pendant plusieurs hivers cette peur des machines à déneiger. Dès que j’entendais le bruit d’un gros moteur, je courais à perdre haleine, ne ralentissant que lorsque j’avais tourné le coin de la « maison du notaire », ayant enfin atteint la rue de l’Église.

Heureusement, les inconvénients de l’enfance passent très vite! On grandit, et alors, le monde extérieur nous semble moins imposant, moins intimidant. Les bancs de neige sont moins hauts… On ne sent plus le besoin de courir dès qu’on entend venir le chasse-neige. Le chemin de l’école est devenu plus court et moins ardu! On aime toujours l’hiver, mais on joue moins dans la neige. Et le soir, on s’endort paisiblement, car il n’y a plus d’images épeurantes pour troubler notre sommeil et hanter nos rêves! Un penseur a dit : « On ne se guérit pas de son enfance ». C’est vrai, mais les souvenirs qu’on en garde ont cessé de nous faire trembler.

© Madeleine Genest Bouillé, 9 janvier 2016

« Mais où sont passées les neiges d’antan? »

(Paroles tirées de Ballade des Dames du temps jadis, de François Villon)

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Le champ entre notre maison et celle de notre voisin, la demeure ancestrale de la famille Bouillé, en 1986 (soit l’année précédant la construction de la maison de notre neveu Germain).

Oui je m’ennuie de la neige! Je l’avoue sans honte, même avec une certaine fierté. Je suis une vraie québécoise, native d’un pays où il y a quatre saisons, dont l’une, l’hiver, qui empiète habituellement sur celle qui la précède et pas mal aussi sur celle qui la suit. Mais voilà : aujourd’hui, 2 décembre, c’est comme si on était en novembre. C’est gris, c’est laid… même la musique de Noël que je fais jouer pendant que mon homme s’affaire aux pâtés à la viande pour la Vente de Pâtisseries des Lions, et même cette bonne odeur de fête ne parviennent pas à me faire oublier qu’il pleut à boire debout. Pas du verglas, non, de la pluie, de l’eau!

pate_viande_recetteJ’ai quand même de quoi m’occuper et sinon, quelqu’un à admirer. Car, qu’y a-t-il de plus réconfortant, je vous le demande, que de voir un brave cuisinier mélanger avec application les viandes avec les oignons et les épices, et cuire tout ça dans un grand chaudron? Tandis que la ménagère de service, en l’occurrence moi, vaque à des occupations routinières : ménage, lavage, avec séchage à l’intérieur, forcément! Donc, notre cuisinier prépare ensuite sa pâte et la roule avec un tel acharnement sur le rouleau, on jurerait qu’il se défoule sur cette pauvre pâte molle, qui ne lui a pourtant jamais rien fait! Dommage, je n’ai pas de photos de mon cuisinier, vous auriez aimé voir cette ardeur au travail… avec pas loin, un petit verre de scotch qui attend. Le scotch est au cuisinier ce que l’essence est à l’auto! Quand les pâtés vont dorer au four, il s’en dégagera un tel arôme, je vous le dis, c’est quasi céleste! Au fait, croyez-vous qu’il soit possible qu’au Paradis on retrouve tout ce qu’on a aimé sur terre, senteurs et saveurs incluses ? Moi, j’aimerais bien. Ceci me fait penser à cette pensée un peu légère: «  Si au ciel on ne peut pas rire, moi, je préfère ne pas y aller ! »

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Le cap Lauzon enneigé, début des années ’90.

Concernant cet hiver qui tarde, quelqu’un va sûrement me rétorquer : « ben voyons donc, c’est la faute aux changements climatiques! » D’autres diront: « c’est le phénomène El Nîno. » Je veux rien savoir! Je veux de la NEIGE! Après mon opération au genou, et tout au long de ma convalescence, je disais pour m’encourager : « j’ai hâte à l’hiver, j’ai hâte à Noël! Sûrement qu’alors, ça va aller comme sur des roulettes». Décembre est là, les décorations dans la maison ont l’air aussi incongrues que si on était en juillet et dehors, les boucles de ruban rouge pendent tristement… elles n’aiment pas la pluie, ça ne leur va pas au teint. Les gourous de la météo prédisent qu’on aura l’hiver à la mi-janvier… pas possible! Devrons-nous subir ce désolant paysage encore plus d’un mois?

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Chansonnier anglais que j’ai reçu en cadeau en 1951, publié par la compagnie Loneys…

J’enfile l’une derrière l’autre toutes les chansons d’hiver que je connais : C’est la première neige, jolie chanson de mon enfance… Noël blanc : je n’y peux rien, les paroles me font pleurer! Le sentier de neige, j’ai toujours aimé cette chanson des Classels, ça donne envie de cheminer le soir, sous une petite neige douce… Le bonhomme de neige, La promenade en traîneau : on n’irait pas loin aujourd’hui! Même en anglais, la neige est belle : Let it snow, Winter wonderland, Deck the Halls. Que de belles chansons, dont plusieurs qui nous rappellent des fêtes de Noël ou du Jour de l’An, des rencontres en famille ou entre amis! On a chacun notre petit air préféré pour le temps des Fêtes, celui qui bourdonne à nos oreilles à tout moment… même et surtout quand c’est pas le temps!

Si comme moi, cette température vous rend morose, écoutez les chansons du temps des Fêtes que vous aimez, chantez-les en même temps et si vous faussez quelque peu, personne ne vous en tiendra rigueur! Et puis, espérons, le grand Boss de la température aura peut-être un peu pitié de nous et nous enverra quelques pouces de belle neige, avec assez de froid pour que le tapis résiste jusqu’à la première vraie bordée…

© Madeleine Genest Bouillé, 2 décembre 2015