Quand j’étais jeune, beaucoup de nouveaux produits de consommation étaient offerts sur le marché. De sorte que les ménagères possédaient tout plein d’appareils pour alléger leurs tâches quotidiennes, sans compter que tous ces produits étaient de plus en plus diversifiés. Si on ajoute à cela les aliments préparés dont la popularité ne cessait d’augmenter, on peut dire que le travail des maîtresses de maison devenait un peu plus aisé. Tout prenait moins de temps et comme on le sait, « le temps c’est de l’argent »!
La cuisine moderne 1940 que vous pouvez voir sur l’image ci-contre a certainement dû prendre quelques années avant de s’installer dans nos foyers campagnards. J’imagine mal ce concept très américain dans une de nos vieilles maisons. Le linoleum, les armoires, l’évier et le comptoir – qu’on appelait « pantry » – ont vite été adoptés dans nos cuisines, mais on a longtemps gardé le poêle à bois et la grande table au centre de la pièce, entourée d’autant de chaises qu’il y avait de personnes à asseoir. Une chose est sûre, le modernisme avait mis un pied dans la porte et il allait envahir le quotidien des familles québécoises.
Si quelques grand-mères continuaient de faire leur savon domestique au printemps, ce n’était plus que du folklore! Les jeunes femmes n’utilisaient ce savon que pour des grosses tâches comme le lavage des planchers. Pour la toilette, on achetait du « savon d’odeur », vendu en barres blanches ou de teintes pastel et enveloppées d’un beau papier. Pour la vaisselle et la lessive, il y avait le savon en paillettes qui était offert dans des boites de différents formats. On retrouvait tous ces produits au magasin général, en plus des brosses et des balais, de la peinture et des pinceaux, et tout plein d’objets hétéroclites. On y achetait évidemment de la nourriture, soit des conserves, des marchandises sèches, vendues en vrac ou en paquet ainsi que les denrées périssables qui étaient conservées dans la glacière.
Les grands magasins vendaient des vêtements à bas prix, si bien que ça coûtait quasiment moins cher que de les confectionner. Même chose pour le linge de maison : nappes, serviettes, linges de vaisselle qui se vendaient à la douzaine. Les ménagères étaient fières de garnir leurs étagères de ces piles de beau linge de couleurs variées… même si ces nouvelles acquisitions se révélaient par la suite pas mal moins durables que les linges tissés au métier! Les grosses chaînes de produits de nettoyage aussi bien qu’alimentaires rivalisaient de publicité et d’offres alléchantes. C’est ainsi que sont arrivées les « boîtes à surprise »! Quand on achetait une boîte de savon à vaisselle ou à lessive, on y trouvait en prime une serviette de différente grandeur selon le format de la boîte. Il arrivait qu’on offre aussi des pièces de vaisselle, soit une tasse, une soucoupe ou une assiette. Avec le temps, on pouvait se monter un trousseau! Certains aliments se vendaient dans des contenants réutilisables, tels les célèbres verres à moutarde Schwartz décorés de cœurs, piques, trèfles et carreaux. Plusieurs familles en possèdent encore… sinon on peut en trouver chez les antiquaires.
Pour inciter les cuisinières à acheter les nouvelles préparations alimentaires, les magazines présentaient des recettes préparées avec différents ingrédients, le tout illustré d’images alléchantes, telle celle-ci : « Qui dit RITZ dit chic! » En collation ou en entrée, c’était tellement pratique de servir ces petites biscottes avec à peu près n’importe quoi. Tout le monde les aimait, des tout-petits jusqu’aux grands-parents. Cette invention qui date d’environ soixante ans est toujours populaire même si, depuis, on a inventé tout plein d’autres biscottes de toutes formes et de différentes saveurs. Mais il faut avouer que les Ritz sont toujours de mode!
Est-il possible que vous n’ayez aucun produit de marque Heinz dans votre garde-manger? Cela serait surprenant. Les premières publicités de cette compagnie mentionnaient toujours le fameux chiffre 57… pour les 57 variétés Heinz! Comme il fallait vendre ces nombreux produits, on ne lésinait pas sur la publicité. On insistait surtout sur les mets prêts à cuire ou les soupes à réchauffer. On a dit du XXe siècle qu’il était le siècle de la vitesse, ça valait aussi pour la cuisine. Je termine avec cette image qui date de 1956. On y voit une fillette toute fière de servir à son papa un délicieux spaghetti Heinz. Voyez comme les parents sont contents! Une famille heureuse, grâce à une des 57 variétés Heinz! Comme image publicitaire, c’est aussi bien que ce qu’on nous passe à longueur de journée à la télévision. Sauf que ce qui nous semble beau, bon et pas cher, n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes.
© Madeleine Genest Bouillé, août 2015