J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur…

Dans ma tendre jeunesse, on effeuillait la marguerite en récitant : « J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur ». Évidemment, nous souhaitions que le dernier pétale tombe à la première option, même si au besoin on devait tricher un peu pour y arriver!

Religieuse au couvent de Deschambault, dans les années 40.

Religieuse au couvent, dans les années 40.

La jeune fille du temps passé avait trois choix de vie. Soit elle se mariait et élevait une famille, soit elle entrait en religion pour y exercer le métier d’enseignante ou d’infirmière, ou encore, et ce n’était pas vraiment un choix, elle demeurait célibataire. Souvent, la « fille de la maison » se retrouvait à s’occuper de ses parents vieillissants, après que les autres membres de la famille soient partis chacun de leur côté. Jusque dans les années soixante, je dirais, les filles étaient élevées en fonction de cette vocation de femme au foyer et de mère de famille. Même pour celles qui avaient étudié, soit pour devenir enseignante ou infirmière, ou qui avaient suivi le cours de sténo-dactylo pour devenir secrétaire, en général, on travaillait « en attendant ».

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Aussitôt les études terminées, et même avant, on commençait à préparer notre trousseau. Dans les demeures où l’on possédait un métier à tisser, les filles apprenaient à fabriquer linges de vaisselle, couvertures et catalognes. Même si toutes n’avaient pas de coffre d’espérance en cèdre, chacune avait à cœur d’arriver au mariage avec un trousseau bien garni. À mon époque, la plupart des futures mariées avaient un emploi, ce qui leur laissait moins de temps pour tisser, tricoter ou broder. On offrait donc sur le marché un trousseau de base pour un certain montant à défrayer chaque mois. C’est ce que j’ai fait car je n’avais pas vraiment de talent pour les travaux délicats. Pour ce qui était de la cuisine, on l’apprenait à la maison, à moins d’avoir suivi le cours d’Enseignement ménager. Les écoles ménagères préparaient aussi aux professions de couturière, cuisinière et plus tard, de diététicienne.

Modern Bride Magazine, 1964.

Modern Bride Magazine, 1964.

Le mariage étant une chose sérieuse, on se devait d’être bien informé sur tous les aspects de cette nouvelle voie dans laquelle on s’engageait. Car, voyez-vous, on se mariait pour la vie! Les futurs mariés étaient fortement incités à suivre le cours de préparation au mariage qui était donné dans chaque paroisse par le curé ou le vicaire, assisté d’autres personnes qualifiées selon le sujet du cours. Comme mon fiancé travaillait sur les bateaux, nous avions choisi le cours par correspondance, c’était pas mal plus simple ainsi. Pour les préparatifs matériels (cérémonie, vêtements, noces), il y avait un incontournable, la revue Mon Mariage, qui traitait de tout, absolument tout! J’avais acheté ce magazine et aussi une revue américaine, Modern Bride; j’ai conservé cette dernière qui date du printemps 1964.

Photo de mariés datant de 1951.

Photo de mariés datant de 1951.

L’étiquette du mariage était pas mal plus compliquée que maintenant, où chacun porte ce qui lui plaît, peu importe le style de la cérémonie. Par exemple, jusque dans les années cinquante, quand une jeune fille se mariait passé vingt-cinq ans, il était d’usage qu’elle porte une robe de couleur, de longueur normale, avec chapeau assorti, tel que vous pouvez voir sur la photo qui date de 1951. Je précise que cette mariée portait une robe et des accessoires de couleur turquoise. La robe longue, blanche, avec voile et traîne plus ou moins « traînante », était réservée à celles qui n’avaient pas « coiffé Sainte-Catherine ». Remarquez, il y a avait déjà des demoiselles qui se fichaient pas mal de ces diktats, c’est d’ailleurs pourquoi ils sont petit à petit tombés en désuétude.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Au cours des années cinquante, on a trouvé un compromis pour la longueur des robes de mariées qui n’étaient ni courtes, ni longues, on appelait ça 7/8. La robe pouvait être de couleur pastel; celle de ma sœur était blanche, comme vous pouvez voir sur la photo de septembre 1957. C’était le premier mariage dans la famille et puisqu’on parle de mode, cet automne-là, le chic était la robe bleu Dior, autant que possible en velours! Aux noces de ma sœur, il y avait sept ou huit invitées vêtues de robe de cette couleur.

Vous vous demandez ce qu’on mangeait au cours des noces? J’ai assisté à une noce pour la première fois en 1951, il y a eu ensuite le mariage de ma sœur en 1957 et par la suite, j’ai assisté à plusieurs noces – on se mariait beaucoup à l’époque! La plupart du temps, on servait en entrée un jus de légumes, quelques crudités et ensuite des sandwiches, lesquelles variaient selon le coût du repas. Le tout était couronné par le gâteau de noces qu’on servait habituellement après que les mariés aient endossé leur costume de voyage de noces, juste avant le départ… alors que les nouveaux mariés faisaient le tour des invités pour remercier chacun et chacune, avec, évidemment, quelques larmes en prime!

Mon époux et moi, nous sommes mariés le 24 juin 1964. La mode des énormes crinolines était en perte de vitesse, aussi j’avais choisi de faire coudre ma robe dans un satin peau de soie que je trouvais plus sobre. Pour faire changement, nous avions commandé un repas chaud… Malheureusement, il faisait très chaud et humide ce jour-là. Tant pis! Nous n’avons tout de même que de beaux souvenirs, tant du mariage que de la noce, sans oublier le trajet après le mariage en Lincoln décapotable de l’année!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

D’une époque à l’autre, de pique-nique en festin…

Souper communautaire lors du 300e anniversaire de Deschambault, 29 juin 2013.

Souper communautaire lors du 300e anniversaire de Deschambault, 29 juin 2013.

Existe-t-il une rencontre de famille, une fête, un évènement quelconque qui rassemble plusieurs personnes sans qu’il y ait un repas? Du déjeuner au 5 à 7, jusqu’au souper ou au réveillon, en passant par le brunch ou le pique-nique, quand on se réunit, on mange!

Pique-nique dans les années 40...

Pique-nique dans les années 40…

Curieusement, en faisant le tri de mes photos, je me suis demandée pourquoi on ne prend jamais de photo du réveillon de Noël. Car c’est un fait, je n’ai pas de photo de belle table de réveillon. Peut-être que, après la messe de Minuit, on a faim et on se « garroche » sur le festin au plus vite; on en oublie les photos! J’ai constaté aussi que les photos de tables bien garnies sont souvent mises de côté. Cela n’est pas joli, car on y voit évidemment des personnes qui mangent, des mains tendues vers la salière ou la corbeille à pain, quand ce n’est pas la bouteille de ketchup Heinz! Il y a aussi des assiettes à moitié vides et d’autres à moitié pleines. Et c’est ainsi que nos albums de photos manquent de réalisme…

30e anniversaire de mariage de mes parents.

30e anniversaire de mariage de mes parents.

Jour de l'An 1965 dans la famille Bouillé.

Jour de l’An 1965 dans la famille Bouillé.

Dans mes photos plus anciennes, il y a peu de photos où l’on mange. Il est vrai que les anciennes caméras exigeaient un temps d’exposition avant le déclic. Très malcommode au cours d’un repas. J’ai choisi quelques photos de pique-nique, dans les années quarante, où l’on remarque surtout l’emballage. Évidemment, il n’y avait pas de glacière, ni de contenants en plastique. On enveloppait la nourriture dans du papier ou des linges propres. On apportait une bouteille de thé froid, des verres, et on rangeait le tout dans des boîtes en carton. Ça faisait l’affaire!

80e anniversaire de Germaine St-Amant, ma belle-mère.

80e anniversaire de Germaine St-Amant, ma belle-mère.

25e anniversaire de mariage de ma sœur Élyane et son mari Odilon.

25e anniversaire de mariage de ma sœur Élyane et son mari Odilon.

Dans nos familles, tout est occasion de festoyer. Mariage, anniversaire de naissance ou de mariage, repas du temps des Fêtes. Ces souvenirs de belles tablées ont une place de choix dans les albums de photos, telle cette image, qui rappelle le 30e anniversaire de mariage de mes parents en 1962. Si je n’ai pas de photo de réveillon, voici une photo du souper du Jour de l’An en 1965 dans la famille Bouillé. On faisait tout d’abord manger les enfants et les adultes s’attablaient ensuite. Parce que, comme on sait, les grandes personnes, ça mange longtemps, étant donné que ça parle autant que ça mange! Et se succèdent les photos prises au Vieux Presbytère où ont eu lieu maintes fêtes de famille. On y trouve les Bouillé en 1981, pour les quatre-vingt ans de Germaine, la mère de cette grande et belle famille. En 1982, nous fêtions le vingt-cinquième anniversaire de mariage de ma grande sœur Élyane et son mari Odilon; toute une fête! C’était en août, et je me rappelle le soleil qui se levait quand nous sommes rentrés à la maison! Il y aurait un plein album de photos des rassemblements de la famille Genest au Vieux Presbytère dans le temps des Fêtes, avec des tables qui croulent sous les victuailles. Car on ne fait pas que souper; il doit rester assez de boustifaille pour le petit lunch de fin de soirée!

On m’a demandé l’an dernier, au cours d’un jeu de devinettes, quel était mon menu préféré. Je ne savais vraiment pas quoi choisir; en fait, l’important ce sont les personnes qui sont autour de la table. Je peux manger presque n’importe quoi avec plaisir si je suis en présence des gens que j’aime! Mais j’avoue que les épluchettes de blé d’Inde ont toujours eu pour moi un certain charme. Ça se passe généralement à la Fête du Travail; on célèbre donc la fin des vacances pour les uns et la reprise de l’école ou des multiples activités pour les autres. Et surtout, c’est le temps du blé d’Inde! On l’attend si longtemps ce légume dont la dégustation est une véritable fête! Voilà ce qui a guidé mon choix pour la dernière photo, prise en 2009, à la maison Genest.

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Souper des Genest, en 2009, à la maison familiale dans la rue Johnson.

Souper des Genest, en 2009, à la maison familiale dans la rue Johnson.

Gaspésie

Cap plus Rocher v2

 

Ancrée au bout de la terre…
Inclinée comme la voile face au vent,
Tu t’élances dans la mer
Qui t’accueille, t’enlace et te prend.

Tes falaises au matin rougeoyant
Montrent leurs flancs blessés
Pendant qu’à leurs pieds les Fous de Bassan
Chantent leurs amours retrouvées.

Solitaire, comme un navire démâté
Qui ne peut plus naviguer
Ton rocher transpercé reste amarré
À la côte qu’il ne pourra jamais quitter.

Tout au long des rives mouvantes
De ta Baie des Chaleurs
Des hameaux se nichent au creux de tes anses
Ou se perchent sur des caps aux mille couleurs.

Verdoyante en été, blanche en hiver,
Bordant le lac, longeant la rivière,
Matapédia, belle vallée!
Chez toi, il fait bon se reposer.

Gaspésie, pays immense et indompté,
Te découvrir, c’est t’adopter!
Loin de toi, je garde l’espoir
D’un jour enfin te revoir!

© Madeleine Genest Bouillé, 12 juillet 2013

Rocher Percé v2

Images d’été

IMG_20150714_0001Mon premier été… j’avais huit ou neuf mois, on m’avait assise dans l’herbe haute, comme on peut le constater. Nous n’avions pas de tondeuse à gazon et pas de gazon non plus, juste de l’herbe, ou du foin si vous préférez. Ça ne nous empêchait pas d’être heureux, loin de là! La photo a été prise en avant de la maison sise au 249, Chemin du Roy. C’est dans la partie est de cette maison qui a été rallongée que les six derniers enfants de la famille Genest sont nés. À l’époque, il y avait des arbres devant la maison, une clôture et assez de terrain pour jouer.

Numériser0007Une image que j’aime bien, c’est cette photo avec mon petit bicycle tout en bois! J’étais alors chez Lauréat et Aurore Laplante. Lauréat, qui était menuisier, m’avait fabriqué ce petit véhicule peint en rouge et bleu, avec lequel je m’amusais bien sagement dans la cour. Je n’allais pas encore à l’école, mais je ne m’ennuyais jamais. Il y avait le chien, Buster, un chat, quelques chèvres dans un petit enclos. J’en avais un peu peur, mais j’aimais quand même aller les regarder et leur donner à manger. J’ai eu une belle enfance, du moins c’est ce dont je me souviens… N’est-ce pas l’essentiel?

IMG_20150714_0006Cette photo prise vers 1960 me rappelle les étés où je rendais visite à ma sœur et sa famille à Longueuil; le samedi, quand il faisait beau, nous allions pique-niquer au Parc Roman, quelque part au bord du Richelieu. Je ne me souviens pas dans quelle municipalité était situé ce parc. C’était comme dans la chanson : « Sur la route de Longueuil, de Longueuil à Chambly »… Il y avait de beaux endroits ombragés avec des bancs de pierre que j’imaginais très vieux… peut-être ne l’étaient-ils pas. Parfois, au retour, nous arrêtions dans un ciné-parc pour regarder un film, mes deux petits neveux faisant dodo à l’arrière de la camionnette de mon beau-frère. Quand je travaillais au Central du téléphone, c’était mon voyage de vacances!

IMG_20150714_0005Une photo prise « aux trois roches », sur la grève, où nous allions nous baigner. Je l’ai choisie parce qu’on y voit notre chien Bruno. En fait, nous avons eu Bruno I et Bruno II, deux chiens identiques, des bâtards d’épagneul, pour le peu que j’en sais. Je me souviens moins bien du deuxième; il est entré dans la famille après mon mariage… pour lui, je n’étais pas quelqu’un de la maison! Sur cette photo, il s’agit de Bruno I; il se tient tranquille parce qu’il est avec papa. Notre père était un homme calme, souriant, il ne parlait pas fort; Bruno devait se trouver bien avec lui… comme nous d’ailleurs. Et ça me rappelle aussi les trois roches, où nous allions toujours pour nous baigner et pour pique-niquer… Une image qui représente tellement bien les plaisirs de nos étés.

IMG_20150714_0007Puis un jour, un marin d’eau douce est entré dans ma vie… pour n’en plus sortir! Cette photo date de 1962. Le bateau devait être à quai quelque part à Québec ou à Lanoraie, ou bien mon marin avait décidé de prendre une petite vacance et il me faisait la surprise d’une visite inattendue. Cette photo est une image de bonheur; elle est donc essentielle dans l’histoire de mes étés.

IMG_20150714_0019Nos pique-niques! Quelques membres de ma famille ont eu au cours des années 60 jusqu’en 92, une maison ou un chalet près du fleuve. Imaginez si on en faisait des pique-niques! Voici une de ces images d’été, une parmi tant d’autres. J’ai choisi celle-ci parce que souvent sur ce genre de photos, on voit plus de dos que de figures ou encore les personnes sont éparpillées un peu partout. Cette photo date du début des années 70. Au fil des années, les enfants grandissent, il en arrive d’autres, de nouveaux conjoints s’ajoutent, le décor change un peu, les modes aussi… Mais c’est l’image même des petits bonheurs de nos étés. Ces petits bonheurs qui, s’ajoutant les uns aux autres, forment la trame du bonheur tout court!

IMG_20150115_0004L’été ça passe vite. Un beau matin, sans qu’on sache comment c’est arrivé, c’est le mois d’août! Cette photo de mes grands-parents Blanche et Tom Petit a certainement été prise au mois d’août. D’abord, je dois préciser que la rue Saint-Joseph, qu’autrefois on nommait tout bonnement « la petite route », était et est toujours de par sa situation géographique, une espèce d’Eden où l’on trouve les plus beaux potagers du village! Tout particulièrement, le jardin de ma grand-mère Blanche, qui est devenu par la suite le jardin de ses filles, était sans contredit LE plus beau jardin. Sur cette photo, prise après le souper – le « serein » tombe vite en août –, mes grands-parents sont l’image même des gens heureux. Après une grosse journée (y en avait-il de petites?), Blanche se repose en mangeant un épi de blé d’Inde, pendant que Tom fume une pipée de tabac canadien, qu’il a sans doute récolté dans son jardin. Ils ont l’air si bien! C’est l’une de mes photos préférées, une image apaisante, qui me fait aimer le mois d’août.

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

La famille de ma mère: les Paquin et les Petit

Photo de mariage d'Edmond et Blanche (la photo "double" était à la mode à cette époque).

Photo de mariage d’Edmond et Blanche (la photo « double » était à la mode à cette époque).

Il me fait grand plaisir de vous présenter maintenant les parents de ma mère, Blanche Amaryllis Paquin, et Edmond Petit, lors de leur mariage le 5 mai 1903. Coïncidence, nos grands-parents Genest et Petit ont convolé le même mois de la même année. Vous remarquerez la photo double qui devait être alors très à la mode. Mes grands-parents maternels étaient cousins germains, Blanche étant la fille d’Amaryllis Boissonnault et de Grégoire Paquin et Edmond – qu’on a toujours appelé Tom, le fils d’Angèle Paquin, la sœur de Grégoire, et de Nérée Petit. Les parents de Grégoire et Angèle, Léon Paquin et Julie Proulx, demeuraient dans une maison qui a été incendiée en 1918; cette demeure était située au même endroit que la maison Montambault, au 338, sur le Chemin du Roy. Grégoire et Amaryllis ont eu dix enfants, dont quatre décédés en bas âge. Eugène, Georges, Alfred, Ernestine, Eugénie et Blanche se sont mariés et ont eu des enfants. Les Paquin de ma branche maternelle sont issus de Nicolas Paquin, l’ancêtre de tous les Paquin, et de sa deuxième épouse, Thérèse Grosleau.

Les oncles Petit avec le cousin Georges Paquin.

Les oncles Petit avec le cousin Georges Paquin.

Pour ce qui est de la famille Petit, le premier de notre lignée était Charles, marié à une Fille du Roy, Jeanne Rossignol. Charles est décédé très jeune; il laissait pour perpétuer son nom deux garçons : Jacques et Nicolas. Ce dernier se marie en 1700 à Neuville tandis que son fils, Jean-François, épouse à Cap-Santé Françoise Matte en 1725. C’est avec Augustin de la quatrième génération qu’on voit les Petit établis à Deschambault à partir de 1774. La généalogie nous apprend que Nicolas, le fils d’Augustin, marié à Angélique Marcotte, acquiert une terre au village de Deschambault sur le lot 54 en 1800. En 1809, il déménagera sur le lot 24 à l’ouest de la terre des Delisle. Sur les papiers officiels, David, fils de Nicolas, qui a épousé Flavie Gauthier en 1827, a été identifié comme cultivateur. Nérée, mon arrière-grand-père, l’époux d’Angèle Paquin, est lui aussi cultivateur et d’après ce que je sais, ses cinq fils n’ont pas repris le métier de leur père. Quatre d’entre eux, Ulderic, Jean, Alfred et Victor, ont vécu à Grand-Mère. Cependant, l’oncle Alfred est revenu vivre à Deschambault après son mariage. Les deux maisons qu’il a construites ont toutes les deux la particularité d’être bâties dans une côte (la maison au coin de la rue Johnson et la maison Vézina). Nérée et Angèle ont eu aussi cinq filles : Caroline, Hélène, Joséphine, Rose et Louise. Seul mon grand-père, Tom, a passé sa vie à Deschambault où il a exercé le métier de cordonnier. Sur la photo des frères Petit, on voit aussi le cousin Georges Paquin. Les deux familles étaient très liées, Paquin autant que Petit aimant rire, avoir du plaisir et festoyer.

Les tantes Petit: Rose, Hélène et Joséphine.

Rose, Hélène et Joséphine Petit.

Mes grands-parents Petit ont eu dix enfants, dont trois sont décédés en bas âge; il s’agissait des deux premiers, Guillaume et Jeanne, ainsi que Pierrette, qui était la septième. Parmi les survivants, l’aînée Thérèse était mariée à Adrien Létourneau, avec qui elle a eu quatre enfants. Tante Thérèse est décédée à quarante-deux ans. Venait ensuite Jeanne, ma mère, qui a épousé Julien Genest le 30 août 1932; Jean-Paul, marié à Bernadette Mottard, a eu quatre enfants; Alice, qui a épousé Léo, un des frères de mon père, n’a eu qu’un fils. Irma et Gisèle sont demeurées célibataires et Rollande, mariée à Roméo Hamelin, a eu cinq enfants. Tante Rollande est notre seule tante encore vivante. Notre grand-mère Blanche est décédée en 1951 et son mari, « le Père Tom » l’a suivie en 1955.

Nos grands-parents tant Genest que Petit ont eu chacun de leur côté vingt-quatre petits-enfants. Une autre génération a essaimé du Canada aux États-Unis en passant par le Grand Nord… et peut-être ailleurs, qui sait, nous nous sommes perdus de vue depuis déjà bien longtemps!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Maison de Grégoire Paquin (à l'emplacement actuel du 338 Chemin du Roy).

Maison de Grégoire Paquin (à l’emplacement actuel du 338 Chemin du Roy).

Mes ancêtres Genest, ces inconnus…

Alvine et Joseph Genest, en 1903.

Alvine et Joseph Genest, en 1903.

J’ai l’honneur de vous présenter mes grands-parents paternels, Joseph Genest et Alvina Frédénia Pelletier. Cette photo est celle de leur mariage le 15 mai 1903, en la paroisse de Saint-Sauveur. Leur histoire est très courte et somme toute, assez triste. Mariée à 29 ans, Alvina a donné naissance à six garçons. En 1913, elle est décédée d’une méningite, nous a-t-on dit, à l’âge de 39 ans. Joseph, un homme grand, fort et en santé, a succombé à la grippe espagnole en 1918; il était dans la quarantaine. Mon père n’avait pas quatre ans lors du décès de sa mère et à la mort de son père, il avait à peine huit ans. Donc, pas vraiment de souvenirs d’enfance en famille!

J’interroge parfois cette photo pour tenter de saisir qui étaient ces grands-parents dont la vie n’a été qu’un bref passage en ce monde. Les photographies de cette époque ne révélaient pas grand-chose des personnages qui devaient demeurer immobiles de longues minutes en attendant le déclic du photographe. Grand-Mère, comment te nommait-on? Alvina ou Frédénia? Je préfère Alvine… c’est moins cérémonieux que Frédénia. D’ailleurs, à ma naissance, on m’a donné le prénom d’Alvine en plus de celui de mon autre grand-mère Blanche, qui se trouve aussi être celui de ma marraine, Blanche Petit-Paris. J’ai été gâtée, vraiment!

La généalogie de la famille de mon père nous apprend que le premier Genest de notre lignée se nommait Géraud, il avait épousé en 1670 Marie Lacoste et, à leur arrivée en Nouvelle-France, ils venaient de Toulouse. Toulouse dans le Midi de la France, au pays du soleil! Pourquoi ont-ils choisi de s’expatrier? Et comment ont-ils pu demeurer en ce pays sauvage après y avoir passé un hiver? Ils étaient peut-être des gens remplis d’espoir en l’avenir ou bien ce qu’ils laissaient derrière eux étaient pire que ce qu’ils allaient connaître.

À la cinquième génération Genest, on fait connaissance avec Jacques, qui a épousé en 1800 Madeleine Chrétien; ils vont s’établir à Saint-Raymond. C’était dans les débuts de cette toute nouvelle paroisse. Jacques a eu trois enfants, tous établis à Saint-Raymond. Madeleine, mariée à Laurent Bédard en 1851, Joseph, marié à Caroline Gauvin en 1857 et Michel, mon arrière-grand-père, marié à Marie-Délima Gagné en 1864. Michel et Marie-Délima ont eu trois filles et deux fils : Edmond, mon grand-oncle, qui a vécu à Ottawa et Joseph, mon grand-père.

Parallèlement, à la même époque, on rencontre la famille d’Édouard Pelletier, également établie à Saint-Raymond. Edouard, marié en premières noces à Marie Morasse, a deux enfants, Lorenzo et Alvina Frédénia. On peut supposer que ces deux familles se connaissaient déjà puisqu’on les retrouve à Québec en 1903, alors que Joseph Genest épouse Alvina Frédénia Pelletier.

Rangée du haut: oncle Gérard Genest, tante Alice Paquet et oncle Léo Genest; rangée du bas: maman, papa et tante Alice Petit (1961).

Rangée du haut: oncle Gérard Genest, tante Alice Paquet et oncle Léo Genest; rangée du bas: maman, papa et tante Alice Petit (1961).

Quand on lit l’histoire de Saint-Raymond, on apprend qu’en 1899, un incendie a détruit une quarantaine de maisons. Serait-ce à la suite de cet incendie que les Genest tout comme les Pelletier ont décidé de déménager à Québec ? C’est fort possible. Papa nous disait qu’il était né « au pied de la Pente Douce », sur la rue Hermine. Après le décès de Joseph, les garçons ont été éparpillés. Le bébé, Gérard, a vécu aux États-Unis chez son tuteur l’oncle Lorenzo Pelletier jusqu’à l’adolescence. Georges a été élevé à Ottawa, chez l’oncle Edmond; il a fait carrière dans la Gendarmerie Royale du Canada et a épousé une anglophone du Nouveau Brunswick, avec qui il a eu un fils. Je ne sais pas grand-chose de Laurent, sauf qu’il ne s’est pas marié. Les parrains n’avaient pas tous la possibilité de s’occuper de leurs filleuls, aussi Léo, Julien et Maurice ont connu la vie dans les orphelinats. En dernier lieu, mon père a été à l’orphelinat de Saint-Césaire, où il avait appris le métier de jardinier. C’est également à cet endroit qu’il a rencontré le Frère André qui demeurait dans cette institution; papa a toujours eu une grande dévotion au Frère André. Au cours des années 1920, mon père et mes oncles sont arrivés à Deschambault pour travailler à la Ferme-École du gouvernement provincial. Maurice a épousé une jeune fille de Portneuf, Marguerite Couture, avec laquelle il a eu deux enfants. Marguerite décédée très tôt, Maurice s’est remarié avec Yvette Germain, qui travaillait à l’Hôtel Maple Leaf à Deschambault (actuellement le 398 chemin du Roy). Ils ont eu dix enfants. Léo a épousé tante Alice, sœur de maman; ils ont eu un fils, Michel, décédé tragiquement sur un bateau à l’âge de vingt ans. Julien a rencontré Jeanne, notre mère, et ils se sont épousés le 30 août 1932… Et c’est ainsi que commence mon histoire, celle de mes frères et de ma sœur, et la vôtre, chers enfants et petits-enfants! Une histoire avec beaucoup de points d’interrogation!

À bientôt pour la rencontre avec les familles Petit et Paquin.

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Un voyage autour du monde… à Montréal!

IMG_20150705_0002C’était en 1967. L’année du centenaire de la Confédération. Sous le thème de Terre des Hommes, du 28 avril au 27 octobre, l’Exposition universelle de Montréal a accueilli plus de cinquante millions de visiteurs de tous les coins du globe. Soixante pays participaient à cet évènement pour lequel on avait créé de toutes pièces un site fabuleux, fait de terre et d’eau. J’ai en mémoire la chanson-thème composée par Stéphane Venne :

« Un jour, un jour, quand tu viendras

Nous t’en ferons voir de grands espaces

Un jour, un jour, quand tu viendras

Pour toi nous retiendrons le temps qui passe.

Nous te ferons la Fête

Dans une île inventée

Sortie de notre tête,

Toute aux couleurs de l’été. »

IMG_20150704_0002Dès les premières annonces de l’exposition, mon frère André et moi avions décidé de prendre un passeport afin d’aller visiter cet évènement unique. On offrait des passeports soit pour la saison, pour une semaine ou pour une journée. André naviguait encore à l’époque, il prévoyait donc prendre des vacances, ce qui était relativement facile, surtout pour un célibataire. De mon côté, j’attendais mon deuxième bébé pour mars… Pas de problème! Mon mari était d’accord pour me faire cadeau de ces vacances spéciales; pour le gardiennage et tout ce qui allait avec, on s’arrangerait! Mon deuxième petit garçon, né le 19 mars, était un bon bébé en santé. Je n’avais donc aucune inquiétude pour mes petits gars, qui étaient sous la garde de leur papa. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes! Nous avons donc pris nos passeports pour une semaine.

L'un des deux

L’un des deux « mini-rails », la Balade.

Nous avions choisi de faire notre voyage au cours de la semaine du 17 au 24 juillet. Il était entendu que nous allions demeurer chez notre grande sœur à Longueuil, car nous devions visiter l’exposition ensemble. Nous étions escortés des deux garçons de ma sœur, alors âgés de sept et neuf ans; comme ils n’en étaient pas à leur première visite, ils étaient déjà de très bons guides, sachant repérer les pavillons où il y avait une file moins longue. Nous avions fait le projet de visiter le plus grand nombre de pavillons chaque jour, même si pour certains endroits, il y avait une file d’attente de plusieurs heures. En plus des soixante pays exposants, il y avait plusieurs pavillons thématiques, tels L’Homme dans la Cité, L’Homme et la Mer, L’Homme à l’œuvre, L’Homme interroge l’univers. Les concepteurs du site avaient doublé la superficie de l’Île Sainte-Hélène et ajouté une toute nouvelle île, l’Île Notre-Dame. Pour faciliter les déplacements sur le site, il y avait deux mini-rails, le jaune et le bleu, la Balade et le Vaporetto, car plusieurs canaux reliaient les îles entre elles. Tout était nouveau; on passait d’un pays à l’autre en quelques minutes, il y avait des gens de partout. On entendait parler toutes les langues. Terre des Hommes, c’était un univers où tous les visiteurs se côtoyaient dans un même but : faire connaissance avec le Monde!

La pyramide inversée du Canada, Katimavik.

La pyramide inversée du Canada, Katimavik.

Pour l’édification des pavillons, on pouvait admirer toutes les formes d’architecture. Les États-Unis en mettaient plein la vue avec la grosse boule du concepteur Buckminster Fuller, qui était traversée par un mini-rail. Le Canada n’était pas en reste avec la pyramide inversée « Katimavik ». Le pavillon des Pâtes et Papier présentait une forêt stylisée de conifères. Certains pays offraient plutôt des constructions typiques comme le pavillon de l’Iran avec ses murs incrustés de mosaïque bleue, une merveille! La Thaïlande avec sa pagode dorée, nous transportait dans un autre monde. Pour l’originalité, j’ai retenu entre autres le pavillon des Provinces de l’Ouest qui avait la forme d’une souche géante.

Le pavillon de Trinidad et Tobago.

Le pavillon de Trinidad et Tobago.

Il y avait de la musique, aussi différente selon qu’on abordait un pavillon ou un autre. Par exemple, près de la bâtisse de Trinidad et Tobago, on pouvait entendre un « Steel Band » dans le plus pur style antillais. Ailleurs, une chorale chantait des airs tyroliens. C’était vraiment la Fête! Une fête comme on n’en avait jamais vue de semblable!

Il y a de cela quarante-huit ans! Si je vous dis que j’ai mangé ma première pizza et mon premier sous-marin à l’Expo 67, ça signifie que cette expérience est très lointaine, n’est-ce pas? Lointaine certes, mais inoubliable. C’était plus qu’une exposition, Montréal accueillait le Monde et le Monde découvrait Montréal, le Québec et le Canada. Vraiment, un de mes plus beaux souvenirs!

© Madeleine Genest Bouillé, 5 juillet 2015

Ma mère et les framboises

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Que serait l’été sans les petits fruits? Les fraises, framboises, bleuets et mûres… ce sont des cadeaux du ciel. C’est délicieux, c’est beau et ça sent bon! L’odeur que je préfère est celle des framboises; c’est l’odeur même de l’été. Et surtout, ce petit fuit aussi succulent qu’odorant me rappelle ma mère.

Maman est née un 20 juillet, justement au temps des framboises, petit fruit qu’elle aimait par-dessus tout. Maintenant, on trouve sur le marché tous les fruits et légumes à l’année longue. À l’époque où ma mère a élevé sa famille, on cueillait les fruits chacun en son temps, les fraises fin juin ou début juillet, les framboises vers la fin de juillet et les bleuets et les mûres, plus ou moins tôt en août, dépendamment de la température. Il en allait de même pour les récoltes du potager. On cueillait d’abord laitue et radis, ensuite les fèves puis les concombres, ensuite venaient les tomates et les cerises de terre, ce drôle de fruit caché dans un petit sac. Plus tard, on récoltait les légumes racines : carottes, betteraves et enfin, les patates. Tout au long de l’été, nous regardions pousser le maïs, nous l’espérions ardemment… on avait tellement hâte d’en manger! Les étés moins chauds ou pluvieux, on devait parfois attendre les derniers jours du mois d’août pour cueillir enfin les premiers épis. Du maïs, du pain, du beurre, ça nous faisait un repas, et quel repas!

Maman n’était pas gourmande, mais elle avait tout de même ses préférences, dont les framboises. Ayant élevé dix enfants, elle avait l’habitude de se servir en dernier, surtout quand il s’agissait du dessert. Il y avait toujours un jeune affamé qui réclamait : « Je peux en avoir encore un peu maman? » C’était le cas quand un dessert était particulièrement apprécié; alors maman se privait en disant qu’elle n’avait plus faim. Les petits goinfres autour de la table ne s’apercevaient de rien! Nous ne portions pas attention au fait que maman finissait son repas avec seulement une tasse de thé.

Ma mère et mon père (été 1955).

Ma mère et mon père (été 1955).

Mis à part l’orange et la pomme des bas de Noël et plus tard, l’ananas et la noix de coco – ces fruits que papa nous apportait de Montréal pour Pâques et qui étaient pour nous le comble de l’exotisme, la façon la plus courante de consommer les fruits en hiver, c’était sous forme de confitures. Ainsi, quand nous allions cueillir des petits fruits, la plus grande part de notre cueillette était donc destinée à être mise en pots. Quand je regardais les pots de confitures et de marinades alignés dans la dépense, j’avais l’impression que c’était un peu du soleil de l’été que nous conservions ainsi… Encore aujourd’hui, ça me fait toujours le même effet! Avec les fruits tout frais cueillis, maman faisait aussi des tartes, même s’il fallait pour cela chauffer le poêle à bois par les jours de grande chaleur, mais cela en valait largement la peine. Les années où les récoltes étaient très abondantes, on se permettait quelques bols de fruits nature, avec du sucre et un peu de crème, qu’on prélevait sur le dessus de la pinte de lait, un pur délice! Évidemment, l’anniversaire de maman était l’occasion idéale pour savourer des framboises, d’une manière ou d’une autre. C’était une des rares gourmandises que nous lui connaissions. Et c’est ainsi que, dans mon souvenir, les framboises sont restées associées à ma mère.

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l'été 1994, deux ans avant que maman nous quitte...

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l’été 1994, deux ans avant que maman nous quitte…

Plus tard, après que la marmaille eut tour à tour, quitté la maison, le jour de la fête de maman, nous ne manquions pas de lui apporter un contenant de framboises qu’elle pouvait déguster à sa guise, sans se sentir obligée d’en laisser pour les autres. Quand on lui souhaitait « Bonne Fête » » avec des framboises à chaque 20 juillet, sa joie faisait tellement plaisir à voir! En 1996, elle était très affaiblie, son cœur trouvait qu’il avait assez travaillé. Elle était presque toujours alitée et ne mangeait que très peu, mais le jour de sa fête, quelqu’un lui a quand même apporté un petit contenant de ses fruits préférés. Elle avait tenu à se lever, pour recevoir sa famille et je la revois, toute menue, dans sa chaise près du poêle. Quand elle a reçu ses framboises, elle nous a offert son plus beau sourire, elle a goûté quelques fruits… et elle s’est recouchée après avoir salué chacun des membres de sa famille. Maman nous a quittés deux semaines plus tard, tout doucement, sans bruit… comme elle avait vécu.

© Madeleine Genest Bouillé, février 2015

Des vacances « tout inclus », pas chères du tout!

Premières images des vacances du temps où j’allais au couvent : d’abord ranger l’uniforme noir et sortir les petites robes de coton de l’été d’avant, robes qu’il fallait bien rallonger parce que j’avais grandi. Ensuite, laisser mes cheveux libres, pas de tresses, pas de rubans que je perdais régulièrement. Déjà, la vie était plus belle!

IMG_20150115_0001

Plaisirs de vacances au bord du fleuve!

À cette époque, les vacances, ça se passait – sauf rare exception – à la maison, dans les champs, près du ruisseau, au bois pour cueillir des petits fruits et au bord du fleuve. Près de la maison entourée de champs, il y avait des buissons de cerisiers sauvages le long des clôtures. Comme mes frères, je grimpais aux arbres, quoiqu’un peu moins haut car ma mère me défendait d’aller plus loin. J’entends déjà la question horrifiée : « Grimper aux arbres? En robe? » Sachez, amis lecteurs, que les sous-vêtements du temps étaient conçus pour décourager tout regard intempestif. Il s’agissait de pantalons bouffants munis d’un élastique sur la cuisse et dont la jambe descendait au moins jusqu’à deux pouces au- dessus du genou. De plus, si j’avais le droit de monter dans les arbres, il ne fallait en aucun cas déchirer ma robe. Ma carrière dans l’escalade n’a donc pas duré longtemps. À vrai dire, je n’aurais quand même pas été loin dans ce domaine, car déjà j’avais le vertige dès que je montais sur une chaise!

C’était les vacances quand maman disait : « Il fait trop chaud pour allumer le poêle, on mange des sandwiches! » C’était la belle vie. On ne s’en lassait pas! Parfois, on étendait une couverture sur l’herbe derrière la maison et nous faisions un pique-nique. Tout était meilleur quand on mangeait dehors! Un autre souvenir délectable me revient : toujours par les journées de grande chaleur, pour ne pas avoir à cuire un dessert pour le dimanche, parfois maman achetait du boulanger un gâteau « trois couleurs ». J’ai toujours la nostalgie de ce gâteau rose, blanc et brun qu’elle découpait en parts rigoureusement égales et qui faisait notre délice.

IMG_20150630_0001

Une partie de la gang au 3e Rang pour l’un de nos pique-niques. On voit l’auto de M. Frenette.

Les pique-niques étaient toujours les bienvenus. Quand on allait se baigner au fleuve, soit avec papa quand il était en vacances, ou encore, sous la bonne garde de notre grande sœur, il arrivait qu’on apporte un goûter qu’on dégustait sur la grève. Chaque été, habituellement en août, nous allions faire un pique-nique sur la terre à bois de mon grand-père au 3e Rang. Pour se rendre, nous prenions le taxi de M. Frenette. Les tantes et les cousins étaient de la partie. Maman m’a raconté que lors d’un des derniers voyage au 3e Rang, nous étions dix-huit. Ne me demandez pas de quelle façon nous nous sommes rendus… Ceci reste pour moi un mystère! Après le dîner, certains des convives s’étendaient sur l’herbe pour une petite sieste avant d’aller cueillir des bleuets. Pour les plus jeunes, les jeux ne manquaient pas, on pouvait même pêcher dans la rivière Belle-Isle qui coulait paisiblement dans la clairière.

La robe que j'étrennais fièrement lors de notre visite  à St-Basile...

La robe que j’étrennais fièrement lors de notre visite à St-Basile…

Un dimanche au cours de l’été était réservé pour la visite chez l’oncle Jean-Paul, le frère de maman, à Saint-Basile. Encore là, ce voyage se faisait avec les tantes, cousins, cousines; aussi, il n’y avait que quelques privilégiés qui étaient de la partie. Vers l’âge de quatorze, quinze ans, j’eus enfin le bonheur d’être admise à ce voyage, où je pouvais rencontrer mes cousines et cousins. Mon oncle Jean-Paul était cordonnier comme son père, mais il pratiquait son métier dans le village de Saint-Basile, d’où son épouse était originaire. Je me souviens que, lors de la rentrée scolaire, notre professeur nous demandait toujours de raconter « notre plus beau voyage de vacances ». Parmi mes compagnes, certaines, plus fortunées, avaient le loisir de relater des voyages de plusieurs jours, de la Gaspésie jusqu’à Old Orchard. Généralement, j’inventais des petits voyages, à Trois-Rivières, à Ste-Anne-de-Beaupré… je ne devais quand même pas exagérer. Je n’avais jamais été bien loin. La dernière année où j’eus à exécuter cette détestable rédaction, j’ai tout simplement raconté mon dimanche à Saint-Basile, j’y ai mis les bons petits plats de tante Bernadette, la belle robe neuve que j’étrennais pour l’occasion, les rires et la musique qui animait toujours nos rencontres avec la famille Petit. J’avais terminé en soulignant le fait que cette journée était la plus belle de toutes mes vacances! J’y avais mis tout le plaisir que cette journée représentait pour nous. Ce n’était pas tellement exotique, mais j’avais cependant récolté une note plus appréciable que quand j’inventais… Nos vacances ne coûtaient vraiment pas cher, mais c’était une suite de petites joies dont nous nous souvenons avec bonheur!

© Madeleine Genest Bouillé, 3 juillet 2015