Les cloches de Pâques

J’ai rêvé que c’était le dimanche de Pâques. J’entendais les cloches qui sonnaient là-haut dans le ciel, elles revenaient de Rome où elles étaient parties depuis le Jeudi-Saint. D’innombrables volées d’oies blanches les accompagnaient en cacassant… C’était de toute beauté! Dans ce lumineux matin d’avril, les cloches chantaient : « Alleluia!  Alleluia! Jésus est ressuscité, le Seigneur est vivant! » Elles volaient tellement haut; on aurait dit des oiseaux, n’étaient le fait qu’elles carillonnaient à toute volée! Et les oiseaux, tout le monde sait ça, ne carillonnent pas.

Dans mon enfance, avec mes frères plus jeunes, nous avions souvent guetté le vol des cloches dans le ciel,  pendant les Jours-Saints. Les « Jours-Saints », comme l’expression l’indique, ce sont des journées où on a l’impression qu’il peut arriver toutes sortes de choses plus ou moins réelles. C’est comme si la terre se tournait vers le ciel et qu’elle en attendait quelque miracle. Du moins, c’est que nous, les enfants, nous croyions. C’est ainsi que, dans la forme des nuages, on imaginait presque les cloches aventurières qui revenaient de leur long voyage… on croyait même les entendre! On ne les avait pas vues partir; personne ne les voyait jamais. C’était un mystère, comme tant d’autres choses inexpliquées. Mais, on était tellement heureux le matin de Pâques, de les retrouver chacune à leur place dans le clocher.

Donc ce matin-là, pour la première fois, moi, qui n’étais plus une enfant, moi, qui étais maintenant une femme d’un âge certain, raisonnable et sensée – du moins c’est ce que je croyais – voilà qu’enfin je voyais revenir les cloches de leur grand voyage annuel, et ces cloches sonnaient et chantaient avec tellement d’ardeur leur louange au Christ ressuscité… que finalement je me suis réveillée!

Un peu abasourdie, j’ai réalisé que j’entendais effectivement des cloches. Comme dans mon rêve, elles sonnaient pour inviter les fidèles à venir célébrer la Résurrection de Jésus. Seulement, ces cloches dont j’entendais le chant victorieux, étaient celles de l’église de Lotbinière, en face de chez nous, de l’autre côté du fleuve! Et les oies blanches qui  cacassaient, étaient elles aussi bien réelles!

 © Madeleine Genest Bouillé, 12 avril 2017