Dans les papiers de Jeanne, il y avait… (2e partie)

Dans un numéro de la Revue Populaire de 1947, un article avait pour titre La Châtelaine de Manderley. On rapportait une entrevue avec une romancière anglaise très à la mode. Il s’agissait de Daphné du Maurier, dont plusieurs romans ont été mis à l’écran. Cette auteure née en 1907 et décédée en 1989, était fille et petite-fille d’écrivains. On la nommait « la Châtelaine de Manderley », en référence au roman intitulé Rebecca, paru en1938, et dont Alfred Hitchcock a fait un film célèbre.

789985Le manoir que Daphné du Maurier décrit ainsi, justement dans Rebecca : « C’était Manderley, notre Manderley secret et silencieux comme toujours avec ses pierres grises luisant au clair de lune de mon rêve, les petits carreaux des fenêtres reflétant les pelouses vertes et la terrasse »; cette magnifique demeure, donc, est sise en Cornouailles et s’appelle Menabilly. C’était à l’époque la propriété de l’auteure, où elle vivait avec son mari le Major Frederick Browning et ses trois enfants.

Daphné du Maurier a écrit plusieurs romans entre 1931 et 1955, des livres que ma mère et moi avons aimés et que plus tard, à son tour, ma fille a lus et appréciés, tels l’Auberge de la Jamaïque, Rebecca, Ma cousine Rachel. Des romans tellement bien écrits, indémodables… Ils font partie de ces livres qu’on relit avec toujours le même plaisir.

IMG_20160210_0002Parlant d’auteurs, dans une revue de 1955, ma mère avait conservé cet article : « Il y a un an mourait Colette. » En effet, cette écrivaine, dont on nous défendait la lecture dans mes années d’étudiante, est décédée le 9 août 1954, à l’âge de 81 ans. Son premier roman à succès écrit au début des années 1900, avait pour titre Claudine à l’école. Par la suite, Claudine a été le personnage principal de plusieurs romans. En 1955 je ne connaissais pas encore Colette. J’ai vu le film Gigi, tourné à cette époque, et j’ai ensuite lu le roman du même nom. C’est l’histoire d’une très jeune fille, que sa grand-mère, sa tante et sa mère veulent « placer », chez un monsieur fortuné. Gigi constatant qu’elle vit dans une famille de célibataires, a cette réplique : « Je comprends que dans notre famille, on ne se marie pas », phrase à laquelle sa grand-mère répond ceci : « Non, pas exactement, seulement, au lieu de se marier « déjà », il arrive qu’on se marie «  enfin »! J’ai aimé l’écriture de Colette, son esprit pétillant, son sens de l’humour. Ses mœurs légères ne choqueraient plus grand monde aujourd’hui… et son style d’écriture serait toujours à la mode!

IMG_20160209_0005Enfin, dans un numéro de 1951, on apprend que « La femme doit sa liberté à la machine à écrire. » Je vous fais un résumé de la page consacrée à cet article. Les premières machines à écrire auraient été à l’usage des aveugles. Au cours des années 1800, un premier brevet a été accordé à William Burt de Detroit. Plus tard, Xavier Progin de Marseille, inventa une « Machine Krypthographique ». En 1867, la presse commence à s’intéresser à une machine inventée par John Pratt. La même année, un imprimeur, Christopher Scholes, commença des expériences qui devaient rendre célèbre dans le monde entier le nom de Remington. En 1882, on lit qu’il ne se vendait pas plus de 1500 Remington par an. C’est alors que l’Association des Jeunes Femmes Chrétiennes (Y.W.C.A.) lança en Angleterre des cours de dactylographie pour femmes. Les hommes d’affaires assez audacieux pour employer ces dames rédactrices furent enchantés des résultats. On dut se rendre à l’évidence que la lettre tapée était non seulement plus facile à lire, mais plus digne que la meilleure calligraphie du meilleur clerc. Depuis ce temps, il va sans dire, la machine à écrire s’est imposée. Il est certain que dans les pays occidentaux, c’est la machine à écrire qui la première donna aux femmes la possibilité d’entrer dans la vie active.

Je termine ce deuxième volet des « extraits des papiers de Jeanne » par une anecdote juridique, parue dans une revue de 1938. « Au cours d’un récent procès à Londres, une femme qui avait un peu cassé la figure de son mari présente sa défense en ces termes : mon enfant de six ans a battu le chat; ma fille de quatorze ans tapa sa petite sœur parce qu’elle avait battu le chat et mon mari donna ensuite la volée à ma fille de quatorze ans parce qu’elle avait frappé sa petite sœur. Alors, naturellement, moi j’ai donné la volée à mon homme pour avoir battu ma fille. »

Je vous reviens prochainement avec encore quelques vieilles histoires…

© Madeleine Genest Bouillé, 10 février 2016