En avril, je vous ai raconté La surprise de Pâques. J’avais déjà en tête ce « grain de sel » que je vous présente maintenant, et qu’il aurait été plus juste d’appeler : La surprise d’entre Noël et le Jour de l’An. Voici donc cette histoire qui s’est passée au début des années 60.
Il était une fois une jeune fille qui avait un peu la tête dans les nuages. Comme la plupart des filles de son âge, elle rêvait au Prince Charmant, sans toutefois mettre un visage connu sur ce personnage de rêve. Dans ses temps libres, elle lisait, dessinait, écoutait de la musique. Parfois avec des amis, elle assistait aux soirées récréatives organisées par l’une ou l’autre des associations locales. Elle adorait aller au cinéma; mais elle ne pouvait pas toujours se le permettre, étant donné qu’elle travaillait en soirée une semaine sur deux. Cet hiver-là, on montait une pièce de théâtre qui avait pour titre L’Absolution; avec un tel titre, on comprend qu’il s’agissait d’un drame. La jeune fille se vit offrir un des rôles principaux, celui d’une femme d’ivrogne, qui vivait misérablement avec ses enfants. C’était la première fois qu’on lui confiait un tel rôle, aussi elle accepta avec joie. Le metteur en scène avait un frère plus jeune… elle le connaissait, l’ayant vu à plusieurs reprises, soit en été lors des parties de balle-molle ou en hiver, lors des parties de ballon-balai. Mais cet hiver-là, il venait souvent aux répétitions où il savait se rendre utile, soit pour les décors, l’éclairage ou autre chose. Il semblait s’intéresser beaucoup au théâtre…
Au printemps, comme plusieurs garçons de ce village situé au bord du fleuve, il partit naviguer. La saison finie, il revint dans son patelin. Après les Fêtes, une autre pièce de théâtre était en préparation. Cette fois, il s’agissait d’une comédie, dont le titre était Bichette. La jeune fille faisait encore partie de la distribution et le frère du metteur en scène, dans ses temps libres, reprit tout naturellement son rôle de « technicien ». Au printemps, il lui fallut retourner sur son bateau! Mais cette fois, il prit le temps d’aller saluer la jeune fille au Central du téléphone où elle travaillait. Celle-ci le reçut gentiment, elle lui dit « au revoir »… mais sans plus! À cette époque, les jeunes filles bien élevées ne devaient pas se « garrocher » à la tête du premier venu. Il était de bon ton de laisser le soupirant… soupirer un peu!
J’en viens à l’essentiel de mon propos. Nous voici en novembre 1961. Depuis le départ du marin, celui-ci est de plus en plus souvent au centre des pensées de la jeune fille… À vingt ans, il est permis de changer d’idée entre le printemps et l’automne, n’est-ce pas? De son côté, à chaque fois que le jeune homme est de passage chez lui, il profite de l’occasion pour dire quelques mots à la demoiselle du Central. Sa mère l’a même remarqué. Sauf qu’elle ne sait pas laquelle des téléphonistes accapare ainsi son fils… Ainsi, en cette fin de semaine du 12 novembre, entre deux appels, le jeune homme apprend qu’il y a le lendemain une « soirée de cartes », qu’on appelait alors un « Euchre ». La demoiselle laisse entendre qu’elle y sera… Il ne promet rien, mais comme par hasard, ils se retrouvent à cette soirée, où elle découvre que c’est justement son anniversaire! Elle lui annonce alors qu’elle est aussi née en novembre. Comme il a une excellente mémoire, et qu’il ne néglige aucun détail, le soir du 28 novembre, le bateau étant à quai, il lui téléphone.
Quelques semaines plus tard, l’hiver arrivé plutôt brusquement a mis fin à la saison de navigation et le marin revient au village. Nos deux jeunes qu’on ne peut pas encore qualifier de tourtereaux, vivent une certaine ambiguïté. ELLE aimerait bien l’inviter au réveillon de Noël, mais elle aurait l’air de quémander un cadeau… LUI, aimerait bien lui signifier qu’il désire la fréquenter « pour le bon motif », comme on disait alors, mais il aurait l’air de vouloir se faire inviter au réveillon. Quel dilemme! En ce temps-là, entre Noël et le Jour de l’An, il y avait toujours à la salle paroissiale une soirée musicale où des amateurs pouvaient exécuter divers numéros. La jeune fille participait volontiers à ces soirées où elle chantait ses plus belles chansons. Nos deux jeunes « pas encore tourtereaux » se rencontrèrent donc à la soirée du 28 décembre.
Le lendemain, vers la fin de l’après-midi, le jeune homme revenant de la patinoire, s’arrêta au Central. Il faut dire qu’il était un excellent patineur, et pas seulement sur la glace! Il complimenta la demoiselle sur sa performance lors de la soirée… et pour lui démontrer son appréciation, il lui offrit un cadeau « d’entre Noël et le Jour de l’An ». Il s’agissait d’une superbe parure en pierres « aurore boréale », bijoux qui étaient très à la mode dans les années 60. Elle fut surprise et en même temps charmée. Quelle délicatesse! Elle l’invita donc à venir veiller à la maison, si cela l’intéressait comme de raison! Il répondit qu’il était effectivement intéressé. Et c’est ainsi que débutèrent les fréquentations qui les menèrent au mariage le 24 juin 1964. Ils vivent encore, heureux, et se sont enrichis de quatre enfants et de neuf petits-enfants!
© Madeleine Genest Bouillé, décembre 2015
Votre histoire d’amour fait rêver.
J’aimeJ’aime