S’il est un jouet – de filles – qui a traversé les époques, sans se démoder, c’est bien le cahier de découpage. Quand j’étais enfant, ma grande sœur avait plusieurs familles de poupées de papier; comme j’étais encore trop jeune pour jouer avec ces fragiles personnages, elle refusait de me les prêter. J’avais tellement hâte d’en avoir à moi! Ma sœur possède encore ses poupées de papier; sauf que maintenant, ce sont des personnages de collection, des actrices du cinéma muet, des danseuses célèbres, des princesses. Des merveilles, avec une garde-robe qui fait rêver!
Mes premières poupées à découper étaient des fillettes, qui avaient seulement quelques tenues, que je changeais selon l’histoire que je leur inventais. L’avantage avec ces jouets, c’est que s’il est agréable de jouer avec des amies, chacune faisant parler son personnage, on s’amuse aussi bien toute seule. J’ai eu ensuite une famille complète, il me semble qu’il y avait même un chien et un chat. Plus tard, j’ai enfin eu des vraies demoiselles de papier, avec des toilettes superbes. Comme j’avais vu faire ma sœur, je leur confectionnais des robes que je dessinais à partir de modèles que j’avais vus dans les catalogues chez Eaton ou chez Simpson’s. Je me souviens que j’avais eu une danseuse de ballet, dont j’ai oublié le nom; ses costumes étaient ceux du célèbre ballet Giselle. Sans connaître cette musique, je faisais danser ma ballerine en lui chantant les airs qui me passaient par la tête.
Ma première vedette de cinéma était Esther Williams, une nageuse qui aurait pu devenir athlète olympique en 1940. Malheureusement, les Jeux Olympiques ont été annulés à cause de la guerre. Elle est donc devenue actrice à Hollywood. Ses maillots de bain, biens que plus couvrants que ceux d’aujourd’hui, étaient très élégants avec leur garniture de paillettes. J’ai eu aussi Elizabeth Taylor, que je trouvais si jolie avec ses cheveux noirs et ses yeux violets. Quelles robes magnifiques elle possédait! À cette époque, je rêvais de faire du cinéma. Et justement, je reçus ensuite Margaret O’Brien, une fillette à peu près de mon âge et dont les cheveux bruns étaient tressés comme les miens. Si elle pouvait être comédienne… pourquoi pas moi! Mais une religieuse au couvent, à qui j’avais confié mon désir – c’était bien la dernière personne à qui j’aurais dû parler de ça! – m’avait exhortée à oublier ce projet qui allait me rendre malheureuse et m’envoyer tout droit en enfer. J’ai donc enfermé ce rêve dans un tiroir de mon imagination, sans toutefois en perdre la clé! Des années plus tard, j’ai vu des films où la jeune Margaret jouait et chantait avec Judy Garland; elle était vraiment excellente!
Les demoiselles de papier ont aussi agrémenté l’univers de ma fille quand elle était enfant. Elle était déjà grande quand elle reçut de sa tante collectionneuse de découpage, un cahier avec des dames élégamment vêtues de toilettes sorties tout droit du Harper’s Bazar de la fin des années 1800. Elle en prenait grand soin et les rangeait précieusement avec leurs minuscules accessoires. Mais voilà que sont nées une, puis deux, puis trois petites-filles… elles ont grandi bien vite! Les demoiselles de papier avec leurs belles robes de l’époque victorienne ont alors déménagé dans la maison des trois petites filles où elles ont été très bien accueillies! Elles ont vécu à cet endroit jusqu’à ce que, tout dernièrement, elles me reviennent. Peut-être qu’un jour, elles me raconteront leur histoire… je promets de vous en faire part!
© Madeleine Genest Bouillé, juin 2015
Merci,Madeleine,pour tes écrits si rafraîchissants malgré un brin de nostalgie.C’est toujours un réel plaisir de te lire et j’espère pouvoir le faire longtemps.
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