Et si on parlait d’autre chose…

Pour ma part, c’est depuis le vendredi 13 mars que je suis tombée dans ce sujet : le coronavirus ou, de son nom de maladie, la COVID-19. Le comité de direction de la bibliothèque municipale était placé devant un choix – à cette date, nous avions encore le choix –, est-ce qu’on peut tenir notre souper spaghetti ou est-ce qu’on le reporte, ou encore, on l’annule? Et par la même occasion, doit-on fermer la bibliothèque ? Comme on l’a appris par la suite, tout fermait partout, on nous conseillait de rester chez nous autant que possible. Le virus en question pouvait causer la mort… et vous connaissez la suite. Pour ma part, j’aime mieux changer de sujet de conversation.

À ce temps-ci de l’année, que peut-il bien y avoir d’intéressant? Surtout pas la température! Alors, si on parlait des érables? Encore dépouillés de leur feuillage, ils ne se distinguent pas tellement des autres arbres, sauf s’ils sont plantés dans une érablière et qu’ils ont chacun une chaudière accrochée à leur tronc. Sinon lorsque le ciel est nuageux, ils se fondent dans le paysage parmi les autres arbres gris, debout sur un tapis de neige vraiment plus grise que blanche. Comme ils semblent loin les paysages verdoyants, avec des fleurs de toutes les couleurs. Et encore plus, les érables parés de leur flamboyante parure d’automne! Nos saisons sont tellement différentes qu’on a l’impression de changer de planète quand on passe de l’une à l’autre.

En regardant les trois érables que mon époux a entaillés il y a quelques jours, il m’est venu une réflexion que j’ai eu l’idée de vous partager… histoire de parler d’autre chose! Pour qui n’a pas l’œil exercé d’un spécialiste des arbres de la forêt tempérée, comme on nous apprenait à l’école, ces jours-ci, les érables ne sont reconnaissables que si, justement, ils sont parés pour le temps des sucres. Sinon, on ne les remarque même pas. L’érable, à la fin de l’hiver est humble, sobre, ordinaire. Discret, il prépare en secret ce qui constitue une de nos principales richesses naturelles, cet or sucré qu’on recherche partout dans le monde.

Ce n’est pas à l’automne, quand l’érable étale ses couleurs les plus somptueuses, qu’il est le plus utile, le plus précieux, même si on vient de loin admirer sa parure. Non, la gloire des érables, c’est au printemps qu’elle éclate. Au  printemps, l’érable est vraiment le roi de nos bois, on compte sur lui pour une part importante de notre économie. Au printemps, quand il est tout gris, tout ordinaire, c’est là qu’il nous devient indispensable.

Ainsi en est-il des humains. Ce qui fait la valeur d’une personne, ce n’est pas ce qui est le plus apparent. Malheureusement, on vit dans une époque où c’est l’apparence qui compte. On a besoin d’images pour se forger une opinion sur les gens et les choses. La télévision, les réseaux sociaux, le téléphone qu’on dit « intelligent » nous parlent avec des images, toujours. Quand j’étais étudiante, on nous vantait les vertus d’humilité et de modestie. Ça faisait partie de l’apanage d’une jeune fille bien élevée… Comme le disait une chanson ancienne : « Ah! oui, c’est loin, c’est loin tout ça! »  Maintenant,  on sous-estime, on méprise même parfois les gens qui ne savent pas se mettre en valeur. Ce qui compte de nos jours, c’est ce qui se VOIT.  « Dis-moi comment tu parais, je te dirai qui tu es. »  N’est-ce pas plutôt « ce que tu veux être »?…

Les qualités de cœur telles l’honnêteté, la générosité, la sincérité, si elles sont appréciées, ne sont pas des choses dont on cause… enfin pas en société. Pourtant, les personnes qui sont le plus utiles dans leur milieu, leur famille, pour leurs amis, leurs collègues de travail, ce ne sont pas nécessairement celles qui paraissent le mieux ou qui ont le discours le plus éloquent. Les personnes sur lesquelles on peut vraiment compter, ce sont celles vers qui on se tourne quand on a un service à demander, une cause à faire valoir. Ce sont surtout celles qu’on appelle quand ça va mal, et que tout est gris comme un jour de mars très laid; celles qui disent « oui »  du fond du cœur, celles qui tendent la main, qui écoutent sans juger.

Comme les érables au printemps, ce qui fait notre gloire, ce n’est pas la beauté, la renommée, ni même la fortune. La seule gloire qui vaille la peine d’être recherchée, c’est d’être utile autour de nous, tout simplement. De cette gloire, on peut être fier même si cela ne nous mérite ni trophée, ni médaille!

Et malgré le virus, on peut profiter du temps des sucres… à condition de ne pas trop se rapprocher les uns des autres!

© Madeleine Genest Bouillé, 19 mars 2020 (à partir d’un grain de sel du 16 mars 2016, La gloire des érables)

C’est la faute de la Lune!

Comment se fait-il  qu’il y ait autant de neige, à la fin de mars?  Il en est tombé beaucoup, c’est vrai.  Et l’hiver nous est tombé dessus très tôt,  ça aussi  c’est vrai.  Étant donné que, depuis mon jeune âge, j’ai toujours entendu les «  vieux » ( 50 ans et plus ), parler de lune en retard, de lune du matin et de celle du soir … Bref, j’ai cru comprendre que la lune  pourtant  toujours accrochée  à son perchoir,  est responsable de bien des choses, surtout des dérangements de la température. Donc, comme ce sujet m’intéresse, j’ai cherché un peu partout des réponses à mes questions, car je n’ai  malheureusement pas fait d’études en cette matière.

À l’époque –  celle de  mon enfance –  on entendait  régulièrement les anciens parler de la lune, comme d’une personne  bien connue, on disait :   la lune  a les cornes longues, il va faire froid… la lune a les cornes par en bas, on va avoir de la pluie… la lune est brouillée, elle est cachée, et quoi encore! La lune faisait partie de la famille. Si bien  que j’entendais parfois  des  femmes adultes  parler de  Dame Lune  comme d’une espèce de sorcière  qui réglait  des  détails  d’un domaine uniquement féminin,  comme si elle en était la responsable.  Ce à quoi je ne comprenais évidemment rien de rien!

J’ai grandi avec cette  parente lointaine  qu’on ne voyait pas toujours  mais dont  l’influence sur  la température, la santé, le moral aussi parfois, était incontestable. Est-ce qu’on vous a déjà dit que vous étiez «  mal luné »?  Voici donc l’essentiel de mon propos : si le printemps est en retard, c’est que la lune est aussi en retard.  Voilà!  Tout est dit… Non?  Ah oui!  Comment la lune peut-elle être en retard?  J’avoue qu’il m’en manque un bout…  Ah! si mon frère Florent était encore de ce monde, il m’expliquerait tout ça!   Je vais donc essayer de faire du mieux que je peux.

Partant du principe qu’il y a un certain nombre de lunaisons  dans une année  et que  les mois du calendrier ne tiennent pas compte  des caprices de Dame Lune, ça complique un peu les choses. Tenez, le calendrier de 2002 est exactement pareil à  celui de cette année, et pourtant, Pâques était le 31 mars… la lune ne devait donc pas être en retard!  Si vous avez un calendrier où sont inscrites les phases de la lune – le meilleur est celui de Notre-Dame du Cap – il  comporte aussi les noms des saints,  mais  surtout vous avez les phases de la lune.  Vous voyez la lune noire avec les lettres  NL  pour nouvelle lune; il y a même l’heure où elle se lève.  La nouvelle lune  est aussi appelée  la lune noire, car elle est tellement nouvelle qu’on ne la voit pas!  Elle est souvent au début du mois, mais  comme  la lunaison n’a pas toujours le même nombre de jours que le mois du calendrier,  pendant un certain temps  la Nouvelle Lune  arrive au début du  mois en cours mais comme vous pourrez le remarquer en juillet de cette année, la lune «  noire » arrivera le 1er et elle reviendra le 31.  Par la suite elle sera au poste à la fin du mois jusqu’en décembre  où elle  tombe pile le 26… donc retenez ceci : il n’y aura pas  de clair de lune  la nuit de Noël!

Environ une semaine après la Nouvelle Lune,  c’est le P.Q. –  Premier Quartier, et par les beaux soirs,  la lune commence à se montrer.  Une autre semaine, un peu plus ou un peu moins, et c’est enfin  la Pleine Lune – P.L. Si le beau temps s’y met  on aura de belles soirées au clair de lune. Hélas, une semaine, c’est vite passé!  Et le Dernier Quartier   D.Q.  qui n’a  pas grand-chose à exhiber  tentera quand même de nous  charmer avant d’aller se coucher!

Bon, nous avons appris les phases de la lune. C’est déjà ça de pris. Pour ce qui est du  retard des saisons, ça se complique. Je citerai mon grand-père qui,  en véritable oracle, disait: «  Pâques tombe toujours dans le décours de la lune de mars.».  Vous avez  saisi, j’imagine,  que le «  décours »  veut dire le «  décroissant ». Ceci explique cela : le mois prochain, la pleine lune tombera le 19 avril et le 21 ce sera le dimanche de Pâques.  Donc, pour finaliser tout ce beau verbiage,  je constate sur mon calendrier que la Nouvelle Lune de mars  est le 6  avril… j’en déduis donc que effectivement le printemps est en retard!  N’ayant personne pour m’enseigner cette partie  de la science  des saisons vs  les lunes, je vais me fier à mon grand-père qui est parti rejoindre ses amis pour en discuter depuis 1955!  Chose certaine, je vais continuer de croire que les saisons peuvent être en retard et que nous n’y pouvons rien!

Joyeux printemps!

© Madeleine Genest Bouillé, 24 mars 2019

« Au printemps… p’tites feuilles! »

Quand ma fille était petite, je regardais « Passe-Partout » chaque jour avec elle. Pour dire vrai, c’est moi qui aimait le plus cette émission! J’apprenais les chansons, je riais des blagues de Passe-Montagne, et comme bien des mères, mon préféré était évidemment Fardoche! J’aimais particulièrement la comptine :

Au printemps, p’tites feuilles
En été grandes feuilles
En automne, plein de feuilles
En hiver, pus de feuilles!

Et malgré la température un peu froide, on est enfin dans ce bout de printemps que j’adore : celui des « p’tites feuilles ». Les crocus sont passés, on a encore quelques jacinthes, quoique, dimanche dernier, mon petit Pierrot m’a demandé la permission de cueillir trois fleurs pour sa maman, deux jacinthes, une bleue et une blanche, et une petite tulipe en deux couleurs. Je ne pouvais quand même pas lui dire non! Surtout que c’était la fête des Mères. Quand j’étais jeune, autant à la maison qu’au couvent, on nous disait qu’un sacrifice était toujours récompensé; tenez, ce matin, une tulipe jaune est éclose! Et les autres sont sur le point de faire la même chose; comme on dit parfois, l’exemple entraîne!

Ce n’est pas la première fois que je le dis et que je l’écris : nous voici enfin rendus à ma saison préférée! J’aime tous les signes de renouveau, l’herbe tendre, les plantes vivaces qui se montrent le bout du nez, même les pissenlits, et surtout les myosotis qui poussent un peu partout. Vous connaissez leur nom en anglais? Ces petites fleurs bleues s’appellent « Forget-me-not »; n’est-ce pas charmant! Les feuilles de muguet sortent timidement de terre; je n’en ai pas beaucoup, ces fleurs dont j’aime tellement le parfum poussent bien humblement le long du solage de la maison, du côté ouest. Et bientôt ce sera le tour des lilas; comme le dit la chanson : « Quand les lilas refleuriront, au vent, les capuchons de laine… nos robes rouges, nous mettrons, quand les lilas refleuriront… Sur le tapis vert de la plaine, nous reviendrons danser en rond… Quand les lilas refleuriront, allez dire au printemps qu’il vienne! » Au temps des lilas, quel que soit notre âge, il nous arrive tout à coup une bouffée de nos 20 ans qui surgit soit un beau matin, quand on met le nez dehors, ou bien à la tombée du jour, à l’heure où les fleurs embaument si généreusement et où les grenouilles nous régalent de leur sérénade!

Célébrer l’arrivée du printemps, c’est aussi descendre sur la grève, en face de chez nous pour aller écouter la chanson des vagues, à la marée montante. Avec un peu de chance, il peut y avoir un rassemblement d’oies blanches, alors je me tiens sagement sur le balcon du chalet pour ne pas les effaroucher, quoique j’ai plutôt l’impression qu’elles se fichent pas mal de ma présence. Parfois un ou deux bateaux passent et font de belles vagues qui ne dérangent nullement les oies, lesquelles continuent leur bavardage. Après les grosses marées des dernières semaines, la grève est toute propre comme si on avait passé l’aspirateur! Non, mais que peut-il y avoir de plus beau que ce petit coin de pays, qui est le nôtre! Bien sûr, il y a la route devant ma porte, la 138. Il en passe des autos, des motos, et il va en passer encore plus dans quelques mois. On s’habitue! Et on profite des bons moments, soit tôt le matin ou tard le soir quand tout redevient calme…Voici qu’une autre chanson me vient à la mémoire : « Comme le dit un vieil adage, rien n’est si beau que son pays. Et de le chanter, c’est l’usage, le mien je chante à mes amis. »

Ai-je besoin de dire que mon souhait le plus cher est de finir mes jours chez moi? En ce sens, je rêve du jour où on mettra sur pied des services à domicile permettant aux personnes âgées relativement en bonne santé de demeurer dans leur foyer le plus longtemps possible! Je suis persuadée qu’on vieillit moins vite, quand on vieillit chez nous!

© Madeleine Genest Bouillé, 15 mai 2018

Printemps

Un rayon de soleil entre chez moi
Et voilà qu’il fait plus chaud,
Et voilà que tout s’éclaire.
J’oublie soudain qu’hier
La vie me semblait un fardeau
Si lourd… trop lourd :  une croix.

Un tout petit rayon de soleil
Et ma joie de vivre s’éveille.
Sur les arbres encore nus
Des oiseaux déjà, sont revenus
Peupler l’espace de chants joyeux,
Vibrants d’espoir dans le ciel bleu!

Rien qu’un rayon de soleil,
Et voilà que tout a changé!
L’air ne sent déjà plus pareil,
Il y flotte un parfum nouveau
Qui monte du sol encore gelé
Et va rejoindre ormes et bouleaux.

…Juste un rayon de soleil!
Et voilà qu’éclate le printemps
Dans le cri victorieux des corneilles.
Le fleuve brisant son manteau de glace
Me crie d’en faire autant,
Qu’en mon cœur, l’hiver, enfin s’efface!

 

© Madeleine Genest Bouillé, mars 1983

Patience et longueur de temps

« Patience et longueur de temps font plus que force et que rage. » Quand nous étions enfants, l’avons-nous assez entendu, cette maxime du temps passé! La patience n’étant pas l’apanage de la jeunesse, on se faisait régulièrement sermonner par les adultes, surtout les personnes plus âgées, lesquelles avaient eu toute leur vie pour apprendre et pratiquer la patience. Une bonne dame de ma connaissance avait une bien belle expression pour nous conseiller cette vertu, elle disait : « Prends vent! Tu vas durer plus longtemps! » Cette hâte qui nous porte à courir vers demain ne peut que nous empêcher de profiter du moment présent. On gâche ainsi des heures précieuses qui ne reviendront pas!

Le départ des glaces… (Photo: Jacques Bouillé)

On dit que la patience, c’est l’art d’espérer. Dans un précédent Grain de sel, j’ai écrit que « l’automne est saison d’espérance ». Je dirais donc que si l’automne nous parle d’espérance, le printemps, pour sa part, nous incite à la patience. Dans son livre Andante, écrit en 1944, Félix Leclerc parle du début du printemps qu’il nomme « Les matins noirs ». Il écrit ceci : « Ces sortes de matins d’avril où on dirait que la nuit continue, qu’il n’y aura pas de lever. Et il pleut, et la neige fond; il y a de l’eau partout! » Il faut avoir l’espérance bien accrochée pour croire que tout ce paysage sale et boueux va devenir vert et fleuri, que ces arbres aux longs bras décharnés vont se couvrir d’un épais feuillage. Le pire, c’est quand, comme cette année, on a un hiver tout croche. En février, on se croyait au printemps et maintenant, au milieu de mars, la froidure reprend « du poil de la bête » et on n’a jamais eu autant de neige que depuis le 15 mars! Mais enfin, les glaces sont parties et si les oies tardent un peu, c’est sûrement à cause du froid; ça se comprend! Bientôt nous en serons au temps des sucres, la première fête du printemps! Mais si vous avez déjà assisté au processus de transformation de l’eau d’érable en sirop, ensuite en tire, et enfin en sucre, vous n’ignorez pas que ça prend une bonne dose de patience pour faire tout ce travail… « patience et longueur de temps », on n’y échappe pas!

Photo: Jacques Bouillé.

Après le temps des sucres, on n’en est encore qu’au tout début du printemps. Les bourgeons commencent à poindre. Des buttes de neige sale s’élèvent encore aux endroits moins ensoleillés. Pour passer le temps, qui passe de toute façon, disons donc plutôt « pour occuper le temps », on peut toujours visiter les quincailleries et les centres jardins, qui nous offrent déjà tout ce dont nous aurons besoin bientôt, très bientôt! Des outils au mobilier de parterre ou de patio, en passant par les graines de semences de fleurs et de légumes, tout contribue à nous aider à patienter en attendant le vrai printemps.

La renaissance de la nature, c’est long, et c’est parfois difficile. En avril il n’est pas rare de passer quelques jours d’affilée à frôler le zéro, même si le temps d’ensoleillement allonge chaque jour. Notre patience est très limitée, nous ne sommes après tout que des humains! On a tellement hâte de ranger les vêtements et tous les accessoires qui rappellent l’hiver. On résiste difficilement à l’envie de porter la petite veste légère qu’on vient d’acheter… Mais il est préférable d’attendre! Un autre dicton dit aussi: « En avril ne te découvre pas d’un fil! », et c’est vraiment mieux de prendre ça au sérieux. On n’a pas de temps à perdre avec un rhume de printemps.  Ce sont souvent les pires.

Enfin, on arrive au mois de mai! S’il est un mois qui a été chanté sur tous les tons et de toutes les manières, c’est bien celui-ci.  De l’Hymne au printemps de Félix Leclerc, au vieux cantique de notre enfance C’est le mois de Marie, en passant par Le temps du muguet ou C’est dans le mois de mai, vous connaissez certainement aussi bien que moi plusieurs chansons qui célèbrent ce si joli mois. Quand il fait beau au mois de mai, on oublie les rigueurs de l’hiver, la noirceur des jours de pluie; comme la nature on reprend vie… tant il est vrai que le beau printemps, celui de l’herbe vert tendre et des arbres en fleurs, c’est bien ce dernier mois avant l’été! N’est-ce pas que ça valait la peine de patienter!

La rue Saint-Antoine en mai, vue du clocher de l’église (photo: Jacques Bouillé).

Je termine avec cette prière que j’ai trouvée par hasard un jour où je devais en avoir grand besoin : « Seigneur aide-moi à apprendre et à aimer la patience. Lorsque je suis tendue par toutes les choses qui me préoccupent, arrête mes pas et tranquillise mes pensées. Donne-moi le courage de supporter les contrariétés qui m’assaillent. Je sais que lorsque je suis impatiente avec les autres, c’est avec Toi que je le suis, Seigneur. Enseigne-moi la patience, enseigne-moi la sérénité, enseigne-moi la paix.  Amen »

© Madeleine Genest Bouillé, 17 mars 2017

Vent de printemps

photos jacmado 080806 108Dans notre beau village, c’est bien simple, il vente tout le temps! Du plus loin que je me souvienne, le matin, quand on regarde dehors, ce n’est pas pour demander « Est-ce qu’il vente ?», mais bien plutôt, « De quel côté est le vent? ». Et le printemps étant par définition, tout comme l’automne, une saison de transition, de changement, le vent en est  l’élément essentiel.

Inondations de juin 2015.

Inondations de juin 2015.

J’aime le vent, quand il s’amuse avec le fleuve, lui donnant du mouvement, du relief, de la couleur. Ses eaux passent du gris clair au bleu foncé, en passant par le turquoise, avec des vagues crêtées de blanc. Je ne me lasse pas de contempler ce spectacle… Mais il arrive que le vent devienne méchant. Par exemple, quand il se déchaîne et qu’il est accompagné de pluies torrentielles, comme ce que nous avons connu en juin de l’année dernière. Nous ne pouvons alors rien faire de plus qu’attendre et espérer que cette tempête ne dure pas trop longtemps, et surtout que les dommages ne soient pas trop graves. Depuis des siècles, les humains ont voulu dompter la nature et la soumettre à leurs lois; ils ont tellement bouleversé la terre et l’atmosphère, il était inévitable qu’un jour, les éléments se rebellent et, en quelque sorte, se vengent. On nous dit qu’il est encore temps de limiter les dégâts… Ça va prendre plus que de la bonne volonté!

En temps normal, j’aime le vent du printemps; c’est la nature qui fait son grand ménage. Elle balaie les feuilles mortes oubliées, les aiguilles de l’arbre de Noël qui parsèment la cour depuis la fonte des neiges, émaillées ici et là de quelques glaçons argentés qui brillent au soleil. Dame Nature, munie de son super aspirateur, ramasse toutes les traîneries : « cocottes » de pins, branchettes, plumes d’oiseaux, débris de nids tombés des arbres, bouts de papier, un bouton… une clé perdue un soir d’automne où il faisait un grand vent froid et qu’on avait les doigts gelés!

216Il est parfois un peu trop frais, ce vent du printemps, soit qu’il nous vienne du nordet –  ma mère disait ironiquement : « Le vent de nordet, de quelque côté qu’il vienne, il apporte toujours du mauvais temps! » ou qu’il vienne du nord et charrie des restes d’hiver. Mais c’est un bon vent, dérangeant à certains moments, bruyant, mais sain. Comme on dit, « il brasse  la cage »!  Il remet les choses (et les gens) à l’endroit. Comme un vrai grand ménage printanier.

photos jacmado 080806 112 (2)J’ai souvent dit – à chaque printemps, je crois – combien j’aime cette saison. Le printemps, c’est le seul politicien qui tient ses promesses; il nous promet qu’on s’en va vers le beau temps, le soleil, l’été, et voyez : beau temps, mauvais temps, les bourgeons ferons des feuilles, les fleurs et les plantes de toutes sortes pousseront, les oiseaux resteront avec nous tant que ne sera pas venu le moment prévu pour le départ. Le printemps porte en lui tous les espoirs; même s’il nous décoiffe un peu, vivons chacun des jours qu’il nous offre comme un cadeau du ciel!

© Madeleine Genest Bouillé, 3 mai 2016

La gloire des érables

En mars, il y a de ces jours sans soleil, où tout est gris; les arbres s’habillent de tous les tons de gris, même la neige toute sale est grise. Où sont passés nos paysages verdoyants? Les fleurs, le gazon, les potagers bien alignés? Et les érables flamboyants dans leurs atours d’automne? Nos saisons sont tellement différentes qu’on a l’impression de changer de planète quand on passe de l’une à l’autre.

10636550_1078955628814718_6109870604541876372_oJe reviens de prendre ma petite marche de santé… Je regardais les érables. Vous les avez remarqués au début du mois de mars? Peut-être si vous avez une érablière et que vous surveillez les signes imminents de montée de sève. Quoique, ça ne se voit pas à l’œil nu. Disons plutôt que pour le commun des mortels, à ce temps-ci, les érables, dépouillés comme les autres feuillus, ne se distinguent pas des hêtres, merisiers et autres arbres, sauf les conifères. L’érable à la fin de l’hiver est humble, sobre, même pas beau. Discret, il prépare en secret ce qui constitue l’une de nos principales richesses naturelles; cet or sucré recherché partout dans le monde!

Ce n’est pas à l’automne, quand l’érable étale ses couleurs les plus somptueuses, qu’il est le plus utile, le plus précieux, même si on vient de loin admirer sa parure. Non, la gloire des érables, c’est au printemps qu’elle éclate. Au printemps, l’érable est vraiment le roi de nos bois, on compte sur lui pour une part importante de notre économie. Au printemps, oui, quand il est tout gris, tout ordinaire, c’est le moment où il nous est le plus indispensable!

photos 8janv.2015 003Ainsi en est-il des humains. Ce qui fait la valeur d’une personne, ce n’est pas ce qui est le plus apparent. Malheureusement, les médias et tous les faiseurs de mode, cherchent à nous convaincre qu’il faut « flasher », avoir de l’audace, du panache, être drôle, sinon beau. Les mots « humilité » et « modestie » sont tombés en désuétude – on va sûrement finir par les enlever du dictionnaire. Ce ne sont pas des valeurs qu’on enseigne à l’école. Si on en juge par la popularité des photos « selfie », où la popularité se compte sur les réseaux sociaux à coup de « j’aime », ce qui importe, c’est ce qui se VOIT. Montre-moi comment tu parais, je te dirai qui tu es. Ne serait-ce pas plutôt « qui tu VEUX être »?

Les qualités de cœur comme l’honnêteté, la générosité, la sincérité, si elles sont appréciées, ne sont pas des choses dont on cause… enfin, en société. Tout le monde sait pourtant que les personnes qui sont le plus utiles dans leur milieu, leur famille, pour leurs amis, ce ne sont pas nécessairement celles qui paraissent le mieux, qui ont le discours le plus éloquent… ni même celles qui ont le plus « d’amis Facebook ». Les personnes sur qui on peut vraiment compter, ce sont celles vers qui on se tourne quand on a un service à demander, une cause à faire valoir. Celles qu’on appelle quand ça va mal et que tout est gris comme un jour de mars très laid; celles qui tendent la main et qui écoutent sans juger.

Comme les érables au printemps, ce qui fait notre gloire, ce n’est pas la beauté, la renommée, ni même la fortune. La seule gloire qui vaille la peine d’être recherchée, c’est d’être utile aux autres, tout simplement. Cette gloire-là on peut en être fier, même si ça ne nous mérite ni trophée ni médaille.

Profitez du temps des sucres si vous le pouvez!

© Madeleine Genest Bouillé, 16 mars 2016

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Image de printemps

Numériser0003La fabrication du savon.
Dans un grain de sel du printemps dernier, où je vous parlais du « grand barda du printemps », j’ai mentionné la fabrication du savon domestique. Sur la photo ci-jointe, on peut voir Madame Élise Proulx-Thibodeau, en train de brasser son savon. Elle avait plus de 80 ans, la photo datant de la fin des années 30; je n’ai malheureusement pas de précision à ce sujet. Madame Thibodeau était la mère d’Aurore Thibodeau, mariée à Lauréat Laplante en 1915, ils demeuraient dans la maison bâtie par les Thibodeau, au 215, Chemin du Roy. Une petite anecdote en passant… Quelques-uns des frères de Madame Thibodeau avaient, comme beaucoup de Québécois de cette époque, émigré aux États-Unis, dans les environs de Boston, à Lowell et Fall-River. Comme on le sait, quand « la visite des États » s’amenait, ils apportaient avec eux des anglicismes qu’ils étaient très fiers de parler devant la parenté. Ainsi, ils avaient anglicisé le nom de leur sœur; Élise était donc devenue Lyser… Et je me souviens, étant enfant, de la façon dont les gens rappelaient cette petite femme, qui avait paraît-il beaucoup de caractère; on la nommait « Memére Liseur ». Ce n’est que beaucoup plus tard que j’ai su son vrai prénom.

fete sucreLe temps des sucres.
La belle jeunesse de Deschambault, en 1944. Cette photo comme plusieurs de la même époque, me vient de Marie-Paule Laplante, fille des précédents, qui a demeuré à Trois-Rivières après son mariage en 1951. La fête avait lieu à la sucrerie de la famille Bouillé, étant donné que Marie-Paule était l’amie de Marie-Claire Bouillé, la deuxième fille de la famille de mon époux. D’ailleurs je reconnais quelques membres de cette famille, ainsi que Rolande Paré, fille de Louis. Quand je cherche une ou l’autre photo ancienne, je m’arrête toujours sur celle-ci. Le photographe qui a croqué cette scène a sans le savoir fixé dans le temps une image qui raconte un moment de vrai plaisir! C’est l’une de mes photos préférées.

IMG_20160313_0004Le printemps est arrivé!
Derrière cette photo, maman avait écrit « Le printemps est arrivé, mars 1950 ». C’était le premier printemps où nous demeurions dans la maison de la rue Johnson. Les deux jeunes, Georges et Fernand, portent encore manteau et chapeau d’hiver, mais il devait y avoir des signes de printemps déjà, car Florent ne porte pas de manteau et il est nu-tête. Florent était le météorologue de la famille. Dans les dernières années où il vivait, je lui avais rappelé cette photo et il m’avait confirmé que le mois de mars de cette année-là était particulièrement doux. Et si Florent l’a dit… c’est parce que c’était vrai!

IMG_20160209_0006Ah! la mode!
La mode a toujours eu de ces extravagances…. dans les magazines, on voit des choses que moi je ne trouve absolument pas portables. Mais il y a 50 ans et plus, la mode nous imposait aussi ses bizarreries. Par exemple, passé le 15 août, on rangeait les chapeaux de paille ainsi que les accessoires blancs, et cela même s’il faisait aussi chaud sinon plus qu’en juin. On sortait les chapeaux de velours ou de feutre et les accessoires noirs ou bruns. Au printemps, on faisait l’inverse. À Pâques, on sortait le tailleur de couleur pastel et un chapeau de paille, autant que possible avec profusion de fleurs, et cela même s’il gelait ou s’il neigeait! Vous voyez sur cette photo une image découpée dans la Revue Populaire d’avril 1946. Aimez-vous le chapeau, style « tarte »? C’était ça, la mode!

IMG_20160313_0005Ce qui arrive quand Pâques tombe en mars…
La photo date de 1955. Elle a été prise le jour de Pâques. Vous voyez ce que ça donne un chapeau de paille avec un manteau d’hiver! J’étrennais ce petit chapeau qui était rose. J’étais supposée le porter avec mon manteau de printemps qui était beige. Pâques tombait comme cette année à la fin de mars. Je sortais d’un de mes interminables rhumes… et maman avait dit : « Non! Tu mets ton manteau d’hiver, il fait pas assez chaud pour sortir ton manteau de printemps. D’ailleurs tout le monde est encore habillé en hiver! » Je boudais et je ne voulais pas que ma sœur prenne la photo. Pour me donner le bon exemple, elle s’était fait photographier avec son manteau gris – celui d’hiver, et son chapeau de paille blanc. Mais moi, je trouvais qu’avec le col en fourrure (du lapin ou je ne sais quoi), le chapeau de paille avait l’air incongru. Un de mes frères, qu’on ne voit pas… tente de me faire rire et je ne veux pas. En plus la photo a été prise après la messe, juste avant dîner; étant ainsi face au soleil, j’ai fermé les yeux… Pour moi, c’est une photo qui parle beaucoup!

On n’a pas fini de parler de Pâques… à bientôt!

© Madeleine Genest Bouillé, 13 mars 2016

Le fleuve nous a joué un tour!

hiver 2008 006Habituellement, à ce temps-ci, notre cher Saint-Laurent porte encore son manteau d’hiver. Et on guette les signes annonciateurs de sa libération! Que j’aime ce moment où la glace casse, soit par petites plaques, ou encore par larges bandes, et que le courant charrie ces vestiges d’hiver, lesquels se fracassent dans un bruit de tonnerre. Mais, on dirait bien que cet hiver qui a si curieusement commencé, va finir en queue de poisson, enfin, pour ce qui est du fleuve, car pour le reste, rien n’est encore définitif : aurons-nous encore des grands froids? Doit-on attendre encore plusieurs bordées de neige? Et le temps des sucres? Certains disent qu’il va être très court, Pâques étant à la fin de mars; d’autres disent qu’il va commencer très bientôt et qu’il durera aussi longtemps que d’habitude. Tout ça, ce sont des pronostics. On ne sait rien, sinon qu’on ne peut plus se fier sur le fleuve pour décréter que le printemps est arrivé!

IMG_6162Il faut dire que depuis que la navigation se poursuit tout l’hiver, le chenal étant libre, la glace « prend » beaucoup plus tard. Mais généralement, sur les battures et jusqu’au large, une bonne épaisseur de glace recouvre le fleuve jusqu’au printemps. En mars, normalement, survient la débâcle. C’est un spectacle que je ne veux jamais manquer! Fréquemment, je jette un coup d’œil par la fenêtre; tout à coup la glace se déciderait à partir. Disons que c’est le début du début du printemps… Et ça me donne le goût de chanter ce beau chant pascal : « Quand se fendront les embâcles, sous la force des ruisseaux… et que les rochers de glace laisseront jaillir les eaux… » Cette année, je n’aurai donc pas ce plaisir. Eh bien, tant pis! Même si le fleuve n’a pas de glace à charrier, on va le chanter quand même, notre beau cantique!

373Dans ce même chant qui s’intitule Pâques, printemps de Dieu, un autre couplet nous dit : « Quand reviendront les oies blanches de leur terre d’émigrés ». Si on ne peut pas se fier sur le fleuve, j’espère au moins que les oies blanches seront au rendez-vous. Le retour des oies, c’est un spectacle unique! Quand elles reviennent de leur grand voyage, on les entend bien avant de les voir. Ce cri semble venir de tous les côtés à la fois; c’est un appel à venir saluer le printemps! Puis on commence à entrevoir des points tantôt blancs, tantôt argentés, très haut dans le ciel. Et enfin on distingue les grands « V » qui remplissent l’azur en jacassant de plus en plus fort. Les oies arrivent par centaines, que dis-je, par milliers, puis se jettent dans le fleuve, sur les berges, dans les champs encore inondés par la fonte des neiges. Elles ont besoin de refaire leur plein d’énergie, le voyage a été long et difficile… J’aime écouter leur concert. Comme la chorale à la messe de Pâques, elles chantent : « Victoire! Célébrons la gloire de Jésus Sauveur! »

photos jacmado 080806 046Toujours dans le même chant pascal, il y a aussi ce couplet qui nous promet le vrai printemps : « Quand renaîtront sur les branches, les bourgeons inespérés… Nous fêterons la revanche du présent sur le passé ». On a tellement hâte aux premiers bourgeons, si minuscules soient-ils. Les anciens avaient un dicton qui disait comme ça que, si on cueille une branche de pommier ou d’un autre arbre fruitier le dimanche de la Passion – qui est maintenant le cinquième dimanche du Carême –, cette branche qu’on aura gardée dans l’eau, fleurira le jour de Pâques. J’ai plusieurs fois fait l’expérience; il est arrivé que la branche fleurisse, d’autres fois, non. Je ne crois pas que ce soit un vrai miracle. C’est plutôt dû d’une part à la température et d’autre part, à la date où a lieu la fête de Pâques, qui comme on le sait varie entre la fin de mars et la fin d’avril.

IMG_6170Cette année, le fleuve nous a joué un tour… Bon, je ne lui en veux pas; il est mon ami depuis toujours et encore plus depuis que j’habite juste en face. Quarante-quatre ans, c’est tout un bail! Enfin, quoi qu’il arrive, mars aura trente et un jours, comme d’habitude; nous fêterons Pâques le 27 de ce mois, et nous aurons un printemps, avec des bourgeons, des oies blanches et de la tire d’érable, même si ces derniers mots ne sont pas écrits dans le chant pascal!

À bientôt pour jaser des fêtes de Pâques du temps passé.

© Madeleine Genest Bouillé, 4 mars 2016