Viens chanter avec nous…

J’étais très jeune quand on a commencé à m’emmener à l’église, mais déjà ce qui m’intéressait, c’était d’entendre la chorale. Mon rêve était de faire un jour partie du chœur de chant. Mes premières expériences de chant choral, je les ai cependant vécues au couvent. Nous préparions chaque année des récitals pour Noël et la fin de l’année. Dans mes dernières années d’étudiante, je suis allée une ou deux fois chanter la messe de Minuit au couvent, avec quelques-unes de mes compagnes. J’en garde un souvenir ému. Dans la chapelle joliment décorée de fleurs et de cierges, les cantiques anciens qu’on y chantait me semblaient plus pieux. Après cette messe, nous nous rendions à l’église, où nous chantions avec la chorale les chants traditionnels de la messe de l’Aurore. Je réalisais un de mes rêves d’enfant, quel bonheur!

Le Chœur Vive la Canadienne.

Le Chœur Vive la Canadienne.

En 1963, en prévision des festivités du 250e anniversaire de notre paroisse, un chœur à quatre voix mixtes a été créé. Cette chorale portait le nom de Chœur Vive la Canadienne. Nous étions une quarantaine de choristes, de quatorze à soixante ans et plus, et pour la plupart, nous étions novices en ce domaine. Autant pour l’apprentissage musical que pour la discipline, notre directrice, Odile Naud, n’a pas eu la tâche facile. Mais nous étions tellement heureux de faire partie de la chorale; chaque répétition était une fête! Pour plusieurs d’entre nous, c’est de cette époque que date notre goût immodéré pour le chant choral.

Qui dit chorale, dit concert de Noël! Alors que l’automne en est encore à ses toutes premières couleurs et que la température a gardé une tiédeur de fin d’été, il n’y a rien que j’aime autant que de retrouver mes amis choristes et de répéter Petit Papa Noël ou Noël blanc! Parlant de chant de Noël, jamais je n’oublierai le premier Noël du Chœur Vive la Canadienne ! Dans le cadre d’une émission où on invitait des chorales à l’occasion du temps des Fêtes, nous avions été à Trois-Rivières présenter des pièces de notre répertoire au studio de télévision. Ce fut très bref! Nous avons chanté un refrain et un couplet du cantique Nouvelle agréable… le temps d’un intermède! Finalement, ce voyage de groupe fut une vraie partie de plaisir! Parmi les nombreux chants de Noël que j’ai chantés en chœur depuis ce temps, je garde une préférence pour le beau chant composé, dit-on, par saint Alphonse de Liguori, Les Cieux ravis.

Chorale du Vieux Presbytère, dirigée à l'époque par Louise Montambault (extrême droite, première rangée).

Chorale du Vieux Presbytère, dirigée à l’époque par Louise Montambault (extrême droite, première rangée).

Le Chœur Vive la Canadienne n’a pas eu la vie longue! Notre directrice, travaillant à l’extérieur, a dû nous quitter. Comme c’est souvent le cas quand un chef de chœur est compétent et très apprécié de ses choristes, on n’a trouvé personne pour la remplacer. Ce problème a marqué le déclin de toutes les chorales dont j’ai fait partie. Il s’est écoulé dix années avant que soit créée la Chorale du Vieux Presbytère. À cette époque, nous présentions chaque printemps des « Soirées chantantes », dans l’une ou l’autre municipalité de la région. Plusieurs chorales participaient à ces concerts conjoints qui réunissaient plusieurs centaines de choristes, et attiraient évidemment une nombreuse assistance. Quels magnifiques concerts furent donnés dans ces églises, qui sont comme on sait, les meilleures salles de concert qui soient.

Chœur des Retrouvailles, en spectacle à l'église en 1988, pour le 275e anniversaire de Deschambault.

Chœur des Retrouvailles, en spectacle à l’église en 1988, pour le 275e anniversaire de Deschambault.

En 1988, la paroisse allait célébrer son 275e anniversaire… Il fallait une chorale! Pour diriger le Chœur des Retrouvailles, on fit appel à un ancien choriste, Gaston Bilodeau, qui, bien que demeurant à l’extérieur, consentit à prendre en mains la nouvelle chorale. Après deux années, Gaston n’étant plus disponible, certains choristes se sont joints à la chorale de Saint-Casimir, laquelle comptait déjà dans ses rangs des personnes de plusieurs municipalités voisines. Si bien qu’en 1992, ces adeptes de chant choral formèrent le chœur La Mosaïque, qui regroupait des choristes de plusieurs endroits dans la région de Portneuf. Fait inusité, ce chœur était dirigé par trois chefs. Malgré certains inconvénients, je dirais que pour la plupart des membres de cette chorale, ce fut une belle aventure!

Chorale La Mosaïque, formée de choristes de plusieurs municipalités de la région portneuvoise.

Chorale La Mosaïque, formée de choristes de plusieurs municipalités de la région portneuvoise.

À l’automne 1995, renaissait la Chorale du Vieux Presbytère, dirigée cette fois par une ancienne accompagnatrice, Jacinthe Montambault, alors directrice de l’École de Musique du couvent de Deschambault (aujourd’hui l’École de Musique Denys Arcand). Malgré quelques éclipses, dues à la naissance des bébés de la directrice, le groupe a connu de belles saisons de chant. Toutefois, il faut bien convenir que, chez nous du moins, les chorales ont une durée de vie plutôt brève! Au cours des années 2000, une autre chorale prit la relève. La Chorale des Jeunes de Cœur, dirigée par Manon Chénard-Marcotte, était composée de personnes du troisième âge et offrait des pièces de tout genre et de toutes époques.

En 2012, le 300e anniversaire de Deschambault s’annonçait. Impossible de célébrer sans chorale! Jacinthe reprit donc les rênes d’une chorale qui allait évidemment porter le nom de Chœur d’Eschambault. Un 300e anniversaire, ça exige du panache! Le concert du 30 juin 2013 fut mémorable, autant par le choix des pièces que par leur interprétation, le tout rehaussé d’accompagnement non seulement au piano, mais aussi à la flûte traversière et au violoncelle, avec support technique pour le son et les effets de lumière. C’était féérique! Une choriste, Linda Martel, avait pour l’occasion composé une chanson, harmonisée par Jacinthe, en hommage à la paroisse tricentenaire : « Grande Dame tricentenaire, Deschambault de toi on est fiers… Belle d’autrefois, belle à jamais! » Cliquez ici pour visionner le chant.

Nous étions aussi très fiers de notre chorale, si bien que nous avons continué une deuxième année. Comme nous n’avons pas dit « adieu », j’en conclus que nous sommes présentement « en pause »…

© Madeleine Genest Bouillé, juin 2015

 

L’école est finie!

 

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l'album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l’album souvenir du centenaire du couvent en 1961).

« Qui a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école?… C’est ce sacré Charlemagne. » Et depuis ce sacré Charlemagne, les étudiants de tout âge lancent à chaque fin d’année ces quatre mots : « L’école est finie! »

Au temps où j’étudiais au vénérable couvent des Sœurs de la Charité de Québec à Deschambault, la fin de l’année scolaire était marquée par la traditionnelle « distribution des prix ». L’évènement avait lieu le dernier après-midi d’école aux alentours du 20 juin. Quelques semaines auparavant, dans chaque classe, on avait commencé à répéter des chansons, des saynètes et quelques déclamations, lesquelles seraient présentées par les meilleurs élèves en français. Les élèves qui étudiaient le piano préparaient aussi des pièces qui seraient intercalées entre les numéros de chant ou de théâtre.

La grande salle, qui était en même temps la salle de récréation des filles pensionnaires, n’étaient séparée de la classe de musique que par deux grandes portes, qu’on ouvrait lors des fêtes et des évènements spéciaux, comme justement, la distribution des prix. Mère Saint-Jean de la Charité, la « sœur de musique », s’occupait des répétitions de chant et de théâtre et ce, en plus des exercices préparatoires aux examens de musique de ses élèves. À l’époque, on faisait beaucoup avec presque rien! Ainsi, pour la décoration de la salle et du théâtre, l’infatigable sœur composait des bouquets, faisait des banderoles et des guirlandes avec du papier crépon et tout ce qui lui tombait sous la main. Elle décorait aussi les tables sur lesquelles seraient déposées les piles de livres destinés aux élèves méritants. En plus d’être une excellente musicienne, cette religieuse avait des doigts de fée.

Enfin, le jour tant attendu était là! D’un étage à l’autre, élèves et professeurs étaient gagnés par une fébrilité qui allait croissant à mesure qu’approchait le moment pour lequel on travaillait depuis plusieurs semaines. De surcroit, pour les étudiants, s’ajoutait la hâte de savoir si on repartirait avec un, deux ou une dizaine de prix. Bien avant l’heure prévue, arrivaient les parents venus autant pour assister au spectacle que pour partager la fierté de leurs enfants… ou encore pour les soutenir si les récompenses s’avéraient moins généreuses qu’on l’aurait souhaité. Le curé, le vicaire et les notables de la paroisse faisaient ensuite leur entrée et prenaient place dans les premières rangées, avec les supérieures provinciale et générale, arrivées de Québec pour l’occasion. Enfin, les élèves des petites classes, accompagnés de leurs professeurs respectifs, s’installaient en faisant le moins de bruit possible sur les chaises placées le long du corridor; les « grandes » étant les dernières à s’asseoir avant le début de la cérémonie.

Une élève de douzième année était désignée pour souhaiter la bienvenue aux dignitaires et remercier les parents d’être venus en aussi grand nombre. Le fait est que la salle était toujours remplie à chaque fois qu’il y avait une fête, et plus encore si possible lors de la distribution des prix. Comme prévu, chaque classe présentait son numéro, le tout étant entrecoupé de pièces de musique au piano et de récitations. On nous avait inculqué l’importance d’avoir une belle présentation. Le salut était primordial : les pieds rapprochés, le droit légèrement en avant du gauche, les mains l’une dans l’autre, on pliait le buste, tout en gardant la tête levée de façon à regarder les gens. Je me souviendrai toujours de la fois où une jeune élève qui devait réciter Perrette et le pot au lait, avait amusé toute l’assistance… ou presque, et cela sans l’avoir cherché. C’était sa première prestation et elle était très nerveuse. Parvenue à la fin de la fable et ne voulant pas rater son salut, elle lança les derniers mots : « … Adieu veau, vache, cochon, couvée! » en saluant chacun des augustes personnages de la première rangée. Soulagée, elle se retira vivement sans plus attendre, sous les rires de l’assistance. Heureusement, elle n’eut pas à subir les remontrances de son professeur… c’était la fin de l’année!

Classe de musique du couvent (photo: Centre d'archives régional de Portneuf).

Classe de musique du couvent (photo: Centre d’archives régional de Portneuf).

Les chants, déclamations, pièces de musique, tous aussi bien exécutés soient-ils, devaient bien finir par faire place au moment crucial de cette journée, soit la remise des prix de fin d’année. Et commençait alors le défilé des prix prestigieux pour les premiers de classe, dans chacune des matières principales tout d’abord et ensuite, les prix honorifiques, souvent décernés par les associations locales comme la Société Saint-Jean-Baptiste, de qui j’avais reçu en 1954, le livre Contes et propos divers d’Adjutor Rivard, pour « applications à l’étude du Français », tel qu’inscrit sur la page de garde du bouquin. Plus on avançait en grade, plus les prix étaient nombreux. La table des finissantes de douzième année était imposante. Il aurait quasiment fallu leur offrir une petite brouette pour transporter leurs prix! Tant il est vrai qu’on préfère les beaux souvenirs aux mauvais, il me semble qu’au couvent, aucun élève ne repartait les mains vides lors de la distribution des prix… Peut-être que ma mémoire me joue des tours, mais je préfère croire qu’il y avait quelques prix de consolation!

Je termine sur ces mots qu’une très ancienne élève avait tracés dans l’album du Centenaire du couvent en 1961 :  « Cher vieux couvent de mon cœur, à travers les réminiscences de nos jours de formation, de nos espiègleries d’enfance, que tu nous apparais toujours beau et auréolé de perpétuelle jeunesse! »

Moi, étudiante au couvent, en 1951...

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

© Madeleine Genest Bouillé, mai 2015

La « grotte » et le Mois de Marie

Monument à la Vierge érigé en 1954 (photo datant de 1955).  © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

Monument à la Vierge, appelé communément la « grotte » (photo datant de 1955). © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

La « grotte » sur le cap Lauzon a été érigée en 1954, à l’occasion de l’Année Mariale. Le curé de l’époque, l’abbé Paul-Émile Laliberté, avait une grande dévotion à Marie et il tenait à l’édification de ce monument dédié à la Vierge Marie. Quand la température le permettait, certaines célébrations, comme la fête de l’Assomption, le 15 août, et parfois le Mois de Marie, se tenaient en ce lieu magnifique, face au fleuve.

Parlant du Mois de Marie… je me rappelle ces moments de prières à l’église quand nous étions jeunes. Chaque soir du mois de mai, la célébration commençait par ce cantique : « C’est le Mois de Marie, c’est le mois le plus beau. À la Vierge chérie, offrons un chant nouveau. » Quand il fait beau au mois de mai, c’est vraiment le mois le plus beau! Je ne sais pas pourquoi, mais ce mois est associé dans mon esprit à mes dernières années d’étudiante. Sans doute parce qu’avec le printemps, venait une certaine liberté. À l’époque, durant l’année scolaire, pour la plupart, nous n’avions pas la permission de flâner dehors le soir. Les devoirs et les leçons prenaient beaucoup de place. En mai, les journées plus longues nous incitaient à passer plus de temps à l’extérieur. Je pouvais donc étudier sur la galerie, en regardant passer les autos, ce qui devait être très efficace, surtout si quelques amies se joignaient à moi. Souvent, nous assistions au Mois de Marie, encouragées en cela par nos parents et par les religieuses du couvent. Sur le chemin du retour, nous prenions plus de temps qu’il n’en fallait, en faisant des détours; nous n’avions évidemment pas hâte de rentrer. Je me souviens qu’on s‘arrêtait parfois pour cueillir des lilas près du vieux presbytère; il y avait pourtant une clôture passablement haute. Je suppose que certains arbustes étaient accessibles. Voilà que mes souvenirs se précisent… nous sortons de l’église, en riant et en chantant; quelques bonnes dames pieuses nous regardent en fronçant les sourcils sous leur chapeau noir. Nous rions plus fort! Il fait merveilleusement beau, le soleil est encore haut et je tiens un bouquet de lilas… Malgré les années, son parfum embaume encore ma mémoire! Que serait la vie sans souvenirs heureux!

La

La « grotte », de nos jours… la structure de pierres tout autour a été ajoutée lors du 250e anniversaire de la paroisse en 1963.

© Madeleine Genest Bouillé, 1er mai 2015

Ma saison et ma fleur préférées, 1955 et 2015…

Mars 1955, 10e année

Une photo de moi, à l'été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

Une photo de moi, à l’été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

« Ce n’est pas l’été; parce qu’en été la chaleur est torride et il y a souvent des orages. Ce n’est pas l’hiver parce qu’en hiver il y a des tempêtes et il fait froid; quand on pense que tant de malheureux en souffrent! Ce n’est pas non plus l’automne parce qu’en automne le soleil est absent et le temps est pluvieux. Voilà! Ma saison préférée, c’est le printemps, au réveil de la nature, quand les oiseaux reviennent de leur long voyage dans le sud, pour nous égayer de leurs chants, quand les feuilles commencent à pointer leurs petits bourgeons verts aux branches. Car voyez-vous, quand on est au printemps de la vie, comment ne pas aimer le printemps de l’année!

Maintenant j’en viens à ma fleur préférée : ce n’est pas la rose malgré sa beauté; parce que pour la cueillir on s’écorche les mains sur ses épines. Ce n’est pas la violette non plus parce que je n’aime pas le violet qui est une couleur de deuil. Ce n’est pas le muguet parce qu’il se fane trop vite. Voilà! Ma fleur préférée est le lilas, avec son parfum doux et léger, il embaume l’atmosphère; et j’aime le lilas parce que c’est une des premières fleurs du printemps et que le printemps est ma saison préférée! »

Avril 2015

Le très vieux cahier d’écolière dans lequel j’ai retrouvé des rédactions faites en dixième année, révèle une écriture inégale et peu soignée, mais au moins, je n’y trouve pas de fautes de grammaire, ni d’orthographe. Je me souviens très bien de ce texte, car j’en aimais le sujet. Cette rédaction étant datée de mars, bien évidemment, ma saison préférée était le printemps. Si le même devoir avait été donné en novembre, je me demande ce que j’aurais écrit…

Ma saison préférée est toujours le printemps, bien que je ne sois plus au printemps de la vie. L’espérance qui m’habite, même dans les heures les plus sombres, est fille du printemps. Pour ce qui est des autres saisons, disons qu’en novembre, j’ai hâte à l’hiver, parce que les jours gris de ce mois de mon anniversaire me font l’humeur chagrine et que j’ai hâte à Noël, comme les enfants et toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, croient encore au Père Noël! Après le temps des Fêtes, je trouve l’hiver très beau pendant un mois ou deux. Par la fenêtre, je me plais à regarder tempêter la neige, rugir le vent et tourbillonner la poudrerie. Sans doute est-ce un effet de l’âge, mais de plus en plus tôt en mars et souvent même en février, j’ai hâte au printemps. Cette saison est celle des nuances. On passe du blanc sale, au gris, puis au noir et timidement le vert fait son apparition, sur le sol et dans les arbres, du vert tendre jusqu’au vert le plus éclatant. Toute cette verdure semble avoir été mise en place pour préparer la venue du roi Été qui s’amène chargé de fleurs, dans toute sa gloire! Comment de pas l’aimer! C’est le temps des vacances, des promenades sur la terre et sur l’eau; cette saison a des splendeurs de carte postale. On est bien dehors à l’ombre, on ne s’en lasse pas et on voudrait que le temps s’arrête. Par contre j’avoue que je n’aime pas les chaleurs lourdes où on n’a plus envie de bouger. Heureusement, dans notre coin de pays au bord du fleuve, si la température est plus humide, elle est tempérée par le vent toujours plus ou moins présent. Puis les jours raccourcissent, les oiseaux font déjà leurs bagages, et voici l’automne, le magnifique, incontestablement le plus beau, avec ses couleurs qu’aucun peintre ne peut rendre avec justesse. Ses journées sont d’une douceur qu’on ne retrouve pas en été. Magnanime, il nous offre un assortiment de fruits et de légumes, pour se faire pardonner de devoir partir si vite. Mais voilà! L’automne, c’est la fin d’une histoire et je n’aime pas les choses qui finissent. C’est pourquoi je préfère le printemps et sa beauté qu’on devine à peine au début et qui se révèle petit à petit. Chaque jour fait éclore une nouvelle feuille, une fleur, tandis que dans un arbre, chante un oiseau qui n’était pas là hier. Printemps, saison de renaissance… ma saison préférée!

Le lilas, l'une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Le lilas, l’une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Ma fleur préférée n’est toujours pas la rose, trop parfaite, sans doute. Les pissenlits, même s’ils ne sont pas jolis, méritent notre admiration. Ce sont des fleurs courageuses, on ne les aime pas; mais les tondeuses ont beau les écraser de tout leur poids, les pissenlits se relèvent chaque fois et suivent le cours de leur existence jusqu’à devenir ces petites boules duveteuses dont les enfants – et les grands-mères un peu folles, s’amusent à souffler les graines au vent. Les marguerites se laissent effeuiller sans protester, comme si leur beauté ne devait servir qu’à ça. Évidemment, j’aime toutes les fleurs du printemps, dont les premières, les braves crocus, jacinthes et tulipes. Mais ce ne sont pas là mes préférées. Vraiment, il m’est impossible de choisir entre les muguets odorants, qui me rappellent de si jolies chansons, et les lilas, ces délicates grappes mauves dont le parfum est celui de mes jeunes années. Car voyez-vous, quand on n’est plus au printemps de la vie, on ne cesse jamais d’aimer le printemps de l’année ainsi que les fleurs qu’il nous offre si généreusement!

© Madeleine Genest Bouillé

Une journée dans la classe de Mère Saint-Gérard

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

À huit heures vingt minutes, la cloche sonnait! Nous entrions dans la classe des grandes, qu’on appelait l’Académie, et prenions nos places, en silence. La journée commençait toujours par un cantique. Si on était lundi, c’était la journée consacrée au Saint-Esprit. Pauvre Saint-Esprit! Ce qu’il a dû se boucher les oreilles certains lundis, où, à cause de la mauvaise température, ou simplement parce que c’était lundi, nous chantions d’une voix traînante : « Ô Saint-Esprit venez en nous… » Le mardi était dédié à notre ange gardien, le mercredi à Saint Joseph, le jeudi étant jour de congé, le ciel était donc privé de nos louanges plus ou moins mélodieuses. Le vendredi, nous invoquions le Sacré-Cœur et le samedi, nous chantions un cantique à Marie. Nous y mettions un peu plus d’ardeur étant donné que c’était la fin de la semaine. Dans mes dernières années d’étudiante, nous avions enfin congé le samedi comme tout le monde. Curieusement, je ne me souviens pas du cantique qui devait être chanté le jeudi, peut-être que nous ne chantions plus? Il faut dire qu’en plus du cantique, nous faisions une prière. Après ces préliminaires censés nous rendre réceptives aux choses de l’esprit, il était exactement huit heures trente et Mère Saint-Gérard commençait la leçon de catéchisme.

Cette religieuse était une femme imposante. Grande, très droite, le regard de ses yeux de glace bleue, était tempéré par le petit sourire un peu moqueur qui flottait toujours sur ses lèvres minces. Quand elle ne souriait pas, il était préférable de travailler en silence et de ne pas faire de farces. Après le cours de religion, nous avions généralement le cours de mathématiques, qu’on appelait « arithmétique ». Mère Saint-Gérard excellait dans cette matière. Je n’avais aucune attirance pour ce cours et je n’y comprenais rien jusqu’à ce que cette chère Mère décide qu’il n’y avait pas de raison pour que je coule mes examens de neuvième année, étant donné que j’avais de bons résultats dans les autres matières. J’ai été en retenue plusieurs fois, soit le samedi et durant le congé de l’Ascension, j’ai tempêté, j’ai râlé… mais, oui, j’ai réussi mes examens d’arithmétique!

Heureusement, la récréation venait fort heureusement mettre fin à ce cours dont je me serais bien passée. Nous finissions l’avant-midi soit avec un cours d’histoire, de géographie ou une autre matière, tel l’anglais. La religieuse qui enseignait l’anglais était gentille et je me souviens qu’en décembre, elle nous apprenait un chant de Noël dans cette langue. J’ai encore en mémoire les paroles du premier couplet de Silent Night ainsi que celles du vieux Noël O Little town of Bethleem. À onze heures moins dix, la cloche nous libérait pour l’heure du dîner.

Les externes, dont je faisais partie, retournaient dîner à la maison. Les cours recommençaient à une heure moins dix. La première heure était dévolue au cours de langue française. Nous avions soit une dictée ou un texte à étudier dans notre manuel de Lectures littéraires, avec des questions sur le texte. Quelquefois, nous devions faire une rédaction. J’aimais le français et surtout j’aimais composer des textes, sauf quand il s’agissait de sujets imposés. Après la récréation, il y avait un autre cours qui variait selon les jours de la semaine, c’était le plus souvent un cours de science. Comme nous n’avions pas de laboratoire, nous nous contentions d’apprendre les leçons du manuel, sauf une fois par année, où pour le cours de chimie, nous avions la joie d’ouvrir le petit flacon de mercure, rangé dans une armoire fermée à clé. Après avoir versé par terre le contenu de la petite fiole, nous nous amusions à regarder cette curieuse matière se diviser en petites bulles qui roulaient sur le plancher de bois… Tout un cours de chimie!

Du temps où le congé hebdomadaire était le jeudi, le samedi avant-midi, nous avions le cours « d’enseignement ménager ». J’aimais assez cette matière, sauf s’il fallait broder ou tricoter; j’étais nulle pour ce genre de travaux. J’aimais par contre le cours de cuisine avec Mère Saint-Fortunat. Nous adorions cette religieuse si bonne, toujours souriante. Jamais je n’oublierai la fois où elle nous apprit à faire une sauce Béchamel. Déjà, le mot « Béchamel » sonnait comme quelque chose de velouté… Je n’avais jamais vu, ni goûté une sauce aussi onctueuse! Dans ce même cours, nous avions à étudier « l’économie domestique ». Ce manuel contenait entre autres, la liste de tous les ingrédients à utiliser pour détacher les vêtements, vitres, planchers, enfin tout! Cela ressemblait plutôt à une liste d’épicerie. La partie du livre que j’aimais bien était celle où on décrivait les tâches à exécuter dans la semaine de la maîtresse de maison. Chaque jour était consacré à une tâche différente, mis à part la préparation des repas, et qui ne semblait jamais devoir varier. Ça ne se passait pas vraiment ainsi à ce qu’il me semblait dans la vraie vie…

Pour terminer la semaine, nous avions parfois un cours de dessin… pas assez souvent à mon goût. Que de choses aurais-je encore à raconter sur ce propos! J’ai eu la chance de passer mes dernières années d’étudiante avec Mère Saint-Gérard, la meilleure des enseignantes. Je ne l’oublierai jamais.

© Madeleine Genest Bouillé, avril 2015