« Ah qu’il fait bon, bon, prendre un verre de bière
Avec la cuisinière, dans un p’tit coin noir…
…dans l’temps du Jour de l’An! »
J’écoute parfois des reprises de l’émission Soirée canadienne, rediffusées sur Prise 2. Cette émission animée par Louis Bilodeau du début des années 60 jusqu’en 1983 nous a promenés des Cantons de l’Est jusqu’à Lanaudière, en passant par la Beauce, la Mauricie, et aussi loin que Charlevoix et la Gaspésie. 985 soirées ont été ainsi présentées pour le plus grand plaisir des téléspectateurs. Les maires et les curés des villages participants avaient à cœur de mettre en valeur ce qui faisait la fierté de leur patelin. Soirée canadienne, je dirais que ce fut l’ancêtre de La petite séduction, qui durant plusieurs saisons a mis « sur la carte » un bon nombre de villages et villes du Québec, et aussi d’autres provinces canadiennes.
Ce soir, 31 décembre, en attendant la fin de 2018, j’ai revu des bribes de ces soirées, avec à peu près les mêmes chansons à répondre, du genre de celle dont j’ai reproduit quelques lignes au début de ce « grain de sel ». J’ai aussi revu les jeunes danseurs de gigue qui reprenaient les mêmes pas d’un village à l’autre. On était en 1978… les robes d’époque portées par les dames, dans le style « Petite maison dans la prairie » côtoyaient les habits de fortrel alors à la mode pour les messieurs. Je regardais danser les fillettes de 10 – 12 ans et je me suis demandé si ces dames, qui ont maintenant environ 50 ans, regardaient elles aussi leurs prouesses d’il y a 40 ans.
Soirée canadienne s’inspirait des veillées du temps des Fêtes d’une époque révolue. De ces rencontres familiales d’antan, on a gardé les repas où la boustifaille prend presque toute la place. Ce qu’on peut manger dans le temps des Fêtes, c’est pas croyable! C’est à qui ferait les meilleures tourtières, le ragoût de boulettes le plus délicieux et la dinde farcie ou non la plus incroyable! Et que dire des hors d’œuvre qui varient d’une famille à l’autre, en passant par les indispensables « petites saucisses », jusqu’aux petits légumes accompagnant les trempettes… sans compter les merveilleux fromages de par chez nous servis avec du pain fait maison ou qui y ressemble à s’y méprendre Chose certaine, il reste toujours de la place pour les desserts! La traditionnelle bûche, qu’elle soit faite maison ou non, est tout d’abord un régal pour les yeux! Puis, ça continue avec les beignes, le gâteau aux fruits et les diverses pâtisseries. Chaque cuisinière est fière de ses recettes qu’elle tient de sa mère, qui les tenait de la sienne… Beaucoup de nos traditions proviennent des cuisines de nos aïeules! Et c’est le temps des Fêtes qui nous permet de les ressortir!

Une veillée d’autrefois, illustration d’Edmond-J. Massicotte (Bibliothèque et Archives nationales du Canada).
Que ça passe vite le temps des Fêtes, trop vite! Quand j’écris cela, il me revient ce passage d’un livre que j’ai noté il y a longtemps: « Ça passe vite les jours heureux! Mais ils passent sans passer tout à fait. Car l’essence même de ce qui les rendit heureux, demeure, après qu’ils sont effacés du calendrier. » J’ai quand même l’impression que je « tire de l’arrière » comme un vieux cheval. Mais bon, quoi qu’il en soit, j’ai donc délaissé l’écriture pour fêter; c’était quand même le Jour de l’An! Et voilà que nous sommes déjà rendus au 3 janvier. Les calendriers affichent tous de beaux paysages d’hiver. J’en reçu un en cadeau : il s’agit d’un album de photos qui s’étale sur une quarantaine d’années et dont chaque page, sauf une, représente le fleuve à Deschambault. La plupart des pages montre une chaloupe ou un bateau, tout près de nos deux anciens phares. Je vis déjà au bord du fleuve, mais avec ce calendrier, le fleuve, il est dans la maison! Comme j’ai la manie de tout noter sur un calendrier, plusieurs dates entourées d’un trait de crayon, attestent déjà que la vie normale va bientôt reprendre son cours. Les autobus jaunes vont recommencer à sillonner nos routes, remplis de jeunes écoliers. Les activités de toutes sortes vont recommencer, la Fadoq, le Club Lions, les Fermières ont sans doute déjà fixé les dates de leurs réunions et ce, jusqu’en juin. Il y a aussi la chorale de l’École de musique qui illumine les soirées du vendredi! Je serai au poste… si j’ai la chance de ne pas être terrassée par le vilain rhume qui flottait dans l’air le soir du Jour de l’An!
Et c’est comme ça qu’il passe, le temps des Fêtes! Il passe très vite, en laissant des restes dans le frigo, des petits jouets dans les endroits les plus incongrus, quelques moutons sur le dos près de la crèche et le chameau qui a déménagé près de l’église. Mais surtout, il m’a laissé de tendres souvenirs qui mettent de la brume dans mes lunettes et qui vont m’aider à passer l’hiver.
© Madeleine Genest Bouillé, 3 janvier 2019