Les préjugés

Octobre s’achève. Il nous a fait des accroires, avec des températures qui parfois frôlaient le zéro, même que quelques matins, on s’est retrouvé en bas de ce foutu zéro. Les vents ont joué à qui se déchaînerait le plus… Les feuilles avaient beau essayer de résister, elles tombaient en virevoltant. À certains moments, on aurait dit un beau ballet bien orchestré. Mais qu’on le veuille ou non, voici novembre avec son gros balai; il vient nettoyer la place pour l’hiver.  Et ça me fait penser qu’on devrait aussi donner un grand coup de balai dans nos vieilles idées arrêtées, nos préjugés, pour faire de la place aux idées nouvelles, aux idées des autres. C’est pas toujours facile, j’en conviens. Dans vingt-quatre heures, on se sera donné un nouveau gouvernement… pour le meilleur? Espérons que ce ne soit pas pour le pire! Dans tous les beaux discours qu’on a entendus depuis le début de la campagne électorale, il s’est souvent glissé quelques préjugés, quelques idées préconçues; évidemment, quand on parlait des adversaires! Mais comme on dit, c’est de bonne guerre!

Dans mon vieux dictionnaire, un préjugé, c’est « ce qui a été jugé auparavant, une idée préconçue ». J’ai lu quelque part que les préjugés sont les « chaînes forgées par l’ignorance pour séparer les hommes (et les femmes aussi) ». Ailleurs j’ai lu cette phrase qui va plus loin: « Au lieu de se débarrasser de leur préjugés, la plupart d’entre nous les camouflent et les font passer pour des principes. »  Plus poétiquement, Félix Leclerc nous donne sa définition d’un préjugé : « C’est une petite branche d’arbre qui empêche de voir la mer. »  Ma définition à moi, c’est  ceci : « Un préjugé c’est ce que tout le monde prétend ne pas avoir, mais que tous, on possède, à des degrés divers. »

Si seulement on savait pourquoi on a des préjugés, ce qui les engendre; quand on va à la source d’un mal on peut plus facilement le guérir ensuite. Au départ, je crois que les préjugés sont engendrés par l’ignorance; on craint toujours un peu ce qu’on ne connaît pas, on se méfie. C’est vrai aussi qu’on essaie souvent de faire passer nos préjugés pour des principes; on n’aime pas remettre nos valeurs en question. C’est dérangeant. C’est comme quand on veut changer les meubles de place dans une pièce, et que  finalement, après cinq ou six essais, chacune des pièces du mobilier se retrouve exactement où elle était avant.  C’est rassurant! Ça veut dire qu’on avait raison. Avoir raison! Y a-t-il quelque chose de plus réconfortant?

Il faut bien l’avouer, notre vue sur le monde et les gens qui nous entourent est trop souvent bouchée par une forêt de préjugés! Novembre est là… c’est le temps du grand ménage, ça ne ferait pas de tort de balayer aussi nos préjugés!

Madeleine Genest Bouillé, 20 octobre 2019

(À partir d’un texte original de 1979).

Quand on aime la Bonne Chanson

J’ai parlé déjà des soirées « Bonne Chanson » qui avaient lieu au Vieux Presbytère, au cours des années 90.  Lors des soirées musicales, il y avait toujours un moment, généralement vers la fin, où entraînés par la musique, quelqu’un entonnait une chanson, puis une autre! Alors on finissait par chanter en chœur et souvent le concert improvisé se prolongeait… Quand on se quittait, c’était en disant : « On devrait donc en faire plus souvent, des soirées comme ça! » Je dirais que c’est sans doute de ces fins de veillées que sont nées les « Soirées Bonne Chanson ». Elles ont cessé pour je ne sais plus quelles raisons; chose certaine, le répertoire n’était pas encore épuisé.

Ce vendredi  27 septembre dernier, dans le cadre des Journées de la Culture, la Biblio du Bord de l’eau recevait un pianiste de la région, Ghislain Dubé, lequel nous offrait un spectacle sur les plus beaux thèmes de « la Bonne Chanson ». L’assistance était composée en majorité de personnes plus jeunes de cœur que d’ans!  Des gens, disons, du temps où presque chaque famille possédait les fameux cahiers de l’abbé Charles-Émile Gadbois. Pour rendre la soirée encore plus vivante, les participants était invités à chanter les vieux airs connus. Alors même si tout le monde n’avait pas les paroles, on chantait quand même! Après quelques ritournelles, pour nous donner la chance de souffler un peu, notre invité se permettait une musique un peu plus classique… le temps qu’on reprenne notre souffle, en écoutant de belles mélodies. Et on y allait pour encore quelques chansons dans le genre de : Le petit cordonnier, La Cantinière, Ah! si mon moine voulait danser… et combien d’autres! Quelle belle soirée! Bien trop courte, de l’avis des participants. Heureusement, un goûter composé de délicieux produits locaux, est venu mettre le point final aux commentaires élogieux qui disaient à peu près tous la même chose « Il devrait donc y en avoir plus souvent des soirées comme ça! »Plus ça change, plus c’est pareil!

Et je reviens aux « Soirées Bonne Chanson » du temps jadis. La première fois, je me souviens, c’était en novembre; les soirées plus longues étant tout indiquées pour ce genre de divertissement, nous avions eu une très belle assistance. Comme on ne savait pas  quelle serait la réponse des gens, on avait préparé un programme « au cas où », pour débuter la soirée et réchauffer la salle, en se disant que la suite viendrait tout naturellement, dès lors que les participants proposeraient une chanson, en solo, en duo, ou en chœur. Et c’est ainsi que  les choses se sont déroulées.  Dans la publicité, on avait invité les gens à apporter leurs cahiers de La Bonne Chanson, alors, spontanément, des petits groupes se formaient et on chantait ensemble. Nous avions fait un choix de chansons qui parlent de l’automne. En commençant par La dernière rose de l’été; sur une musique irlandaise, l’auteur nous dit que « Si demain, tu cueilles une rose dont le cœur est déjà fané… dis-toi bien que cette rose est la dernière de l’été ».  Une autre chanson intitulée simplement Chant d’automne, résume à elle seule nos soirées automnales : « Lorsque le vent du soir s’alanguit et pleure, et que tous les enfants sont dans la demeure… ! qu’il fait bon chez soi près du feu pétillant qui chante. En cercle l’on s’assoit loin de la tourmente. » Il y a des titres qui se ressemblent parmi ces chansons, ainsi une autre mélodie s’appelle Chanson d’automne.  Celle-ci est toutefois une chanson d’amour, dont le refrain dit tristement : « Viens cueillir encore un beau jour, en dépit du temps qui nous presse, et mêlons nos adieux d’amour, aux derniers parfums de la brise. »

Certaines chansons revenaient souvent; ainsi en était-il de celles que tout le monde connaît, dont : Partons, la mer est belle. Tout le monde reprenait en chœur le refrain : « Partons, la mer est belle, embarquons-nous pêcheurs. Guidons notre nacelle, ramons avec ardeur… » Et que dire de Mon chapeau de paille, qui raconte l’histoire d’un patriote de la région du Richelieu en 1837 : « À Saint-Denis, près des grands bois, un jour d’orage et de bataille…je mis pour la première fois mon chapeau de paille… Sans égard pour mon beau chapeau, contre l’ennemi, la canaille, nous nous battîmes sans repos… en chapeau de paille ». Comme elles sont belles ces chansons qui racontent l’histoire de nos ancêtres; et elles ne sont  jamais démodées!

À ce que je me rappelle, il n’y a jamais eu de soirée sans l’incontournable Souvenirs d’un vieillard. C’était le plus souvent la chanson de fin de veillée et on reprenait en chœur le refrain : « Dernier amour de ma vieillesse, venez à moi, petits enfants… Je veux de vous une caresse pour oublier mes cheveux blancs. » Vraiment, que de belles heures remplies de musique! Nul doute qu’on devrait en faire encore des soirées comme ça!

© Madeleine Genest Bouillé, 30 septembre 2019