Ça se passait de même dans le bon vieux temps – 2e partie

Ah! la mode! On affiche notre âge à la façon dont on s’habille! Après mûre réflexion, j’en suis venue à la conclusion que l’automne est maintenant une saison qu’on hésite à accueillir. On dirait qu’on ne l’aime pas… Je remarque qu’on porte maintenant nos vêtements d’été tant qu’on ne gèle pas tout rond! Alors, parce qu’on ne peut pas faire autrement, on se décide à porter des vêtements qui couvre plus, qui sont plus chauds, plus adaptés à la saison. Mais on mélange tout; tenez, en fin septembre, quand les jours ont enfin commencé à rafraîchir, j’ai vu des jeunes filles et des moins jeunes, portant encore un pantalon court avec  un gros chandail, des bas de laine et des chaussures sport. Et le pire – c’est pas croyable! –, la mode a ramené les immortelles chaussettes de laine grise avec des rayures rouges… Des bas de bûcherons que les filles portent fièrement! J’en reviens toujours pas! Ah! oui, vraiment, autre temps, autres mœurs!

« Ça se passait pas de même dans le bon vieux temps! » Oh non! Au milieu d’août, on rangeait les chapeaux d’été, les souliers blancs, les robes-soleil; la mode le voulait ainsi.  Quand mon frère s’est marié, le 8 août en 1964, il faisait chaud comme c’est souvent le cas à cette date. Mais toutes les femmes présentes au mariage portaient un chapeau en velours noir ou en plumes d’une couleur assortie à la robe de soie brochée, de velours ou de lainage. Évidemment, on avait rangé les souliers blancs et les sandales… ça faisait « colon » ou « habitant »; les femmes de la ville disaient « ça fait campagne ». En matière de mode, ces mots ne faisaient pas référence à nos valeureux ancêtres, ça signifiait seulement qu’on n’était pas au courant de ce qui devait se porter pour être « up to date »! Impensable, puisque dans presque toutes les familles, on recevait les catalogues de chez Eaton, Simpson’s ou Dupuis Frères; on n’avait aucune excuse à ne pas suivre le courant, donc on le suivait.

Si je retourne en arrière, mais là, très en arrière… quand j’étais enfant, on n’était pas riche, mais notre mère avait à cœur que ses enfants ne soient pas « habillés comme la chienne à Jacques ». Tout d’abord, la robe noire que je portais tout au long de l’année scolaire me donnait le goût de me vêtir autrement à la maison, surtout le dimanche.  Même si bien souvent je portais des vêtements qui avaient appartenus à ma sœur, maman les avait patiemment refaits et ajustés à ma taille. La plupart du temps, pour les robes, habituellement cousues à la maison, on faisait un bord assez large pour rallonger le vêtement une ou deux fois. Quand on ne le pouvait plus, on posait un « rossignol », c’est-à-dire, une bande d’étoffe qu’on insérait entre la taille et le corsage. La robe était bonne pour une saison de plus. Les garçons qui grandissaient trop vite se retrouvaient bientôt avec « les culottes à mer haute ». Ils n’aimaient pas bien ça, car ils se faisaient étriver par les plus grands qui leur demandaient : « Y a t-y de l’eau dans la cave chez vous? ».  

« Ça se passait de même dans le temps… » et aussi dans la cuisine! Jadis, cuisiner était le travail qui prenait la plus grande partie du temps des ménagères. Il n’existait pas de cuisine rapide, pas de surgelés, pas d’autres conserves que celles qui étaient faites à la maison. Sitôt la vaisselle du  déjeuner lavée et essuyée, on partait la soupe pour le dîner. Et ça n’arrêtait pas! Les recettes de nos mères avaient leur franc-parler!  De la « soupe à l’ivrogne », au « bœuf du rang 3 », en passant par le « jambon du nordet » et les « œufs dans le purgatoire », on avait « la truite de la visite des États », qui n’était pas piquée des vers, et les indispensables binnes, plôrines, cipâtes et gibelottes, sans oublier les cochonnailles qui se faisaient en décembre quand on tuait le cochon et qu’on préparait la boustifaille des Fêtes. Ah! la popote du temps des Fêtes! Rien qu’à l’évoquer, on en a l’eau à la bouche: ragoût de pattes, tourtières, tartes à la « farlouche », au sucre ou aux pommes, beignes et croquignoles… Sans oublier les petites douceurs : le sucre à la crème, le fudge à l’érable et surtout le gâteau froid, fait avec des biscuits Village écrasés, du sucre en poudre, du cacao et des cerises confites. C’était ma friandise préférée.

Ma grand-mère qui avait toujours des appellations pas comme tout le monde, faisait un dessert qu’elle appelait des « poulets à la rhubarbe »; c’était un dessert d’été bien entendu, mais dans mon souvenir c’était quelque chose d’extraordinaire! J’ai su plus tard que ce qu’elle nommait ainsi était tout simplement des « grands-pères ». Mais j’étais très jeune alors et j’étais persuadée de manger des petits poulets, cuits avec de la rhubarbe. Évidemment, après les Fêtes et les Jours-Gras, venait le Carême dont j’ai parlé dans la première partie de ce « Grain de sel ».  À l’époque, ils étaient nombreux les jours « sans viande ». Il n’y avait pas que chez Séraphin Poudrier qu’on mangeait des galettes de sarrazin. Dans le même genre, on avait les galettes aux patates, qu’on mangeait toutes chaudes avec du beurre, puis ensuite avec de la mélasse ou du sirop d’érable. Une chose était certaine, il était inutile de « farfiner », et de lever le nez sur l’un ou l’autre plat, la consigne était « tu manges ce qu’il y a dans ton assiette, ou tu vas te coucher ». Maman n’était pas une mère sévère… finalement, plutôt que de laisser un enfant aller dormir le ventre vide, elle passait en douce une « beurrée de beurre de pinottes » au jeune récalcitrant!

Les ménagères cuisinaient de manière à ne pas « jeter les choux gras ». Gaspiller la nourriture, ça ne se faisait pas.  Par exemple, les restes du rôti de bœuf du dimanche midi servis sous forme de ragoût, de hachis ou de pâté, agrémentés de légumes, surtout de patates et d’oignons, nourriraient la famille pour plusieurs repas. Ah! les patates et les oignons! Qu’aurait-on fait sans eux? Le vendredi étant un jour maigre, c’est-à-dire sans viande, le poisson était à l’honneur. Durant la saison de la pêche aux petits poissons sur le fleuve, quand on avait fait « une bonne marée », on se régalait de cette manne qui ne durait qu’un temps! Ensuite? Eh bien, on mangeait des crêpes, une omelette ou un « chiard blanc », fait de patates et d’oignons fricassés dans une sauce blanche. Une expression en usage disait que le vendredi c’est « le jour où le ventre nous retire ». 

Enfin, d’une saison à l’autre, « ça se passait de même dans le bon vieux temps »!

©Madeleine Genest Bouillé, 20 octobre 2018

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