Mes Jeux Olympiques à moi

Non, je n’ai jamais assisté aux Jeux Olympiques! Dans ma jeunesse, ces jeux se tenaient toujours très loin, de « l’autre bord », comme on disait, jusqu’en 1976, où nous avons eu les Jeux d’été à Montréal. On se souvient que la reine de ces jeux était la jeune Nadia Comaneci, gymnaste roumaine. Nous avions attiré l’attention sur Montréal avec l’Expo universelle en 1967, il fallait bien que ça continue! Mais depuis les Jeux de 1976, on dirait que les grands manitous de l’olympisme boudent le Québec.  Pourtant, il me semble que nous avons tout ce qu’il faut pour la tenue des Jeux d’hiver! Pour ce qui est des Jeux tenus ailleurs au Canada, en 1988, Calgary recevait les Jeux d’hiver; j’ai justement une photo, prise en début décembre 1987, du porteur de la flamme Olympique qui passait devant chez nous, courant tranquillement vers l’ouest! Les dernier Jeux d’hiver tenus dans notre pays sont les Jeux de Vancouver en 2010; on se souvient surtout de la dernière présentation de la patineuse, Joannie Rochette, qui a remporté la médaille de bronze, alors que sa mère était décédée le matin même.

Nos voisins américains ont été plus chanceux que nous. Si on regarde la liste des Jeux olympiques, on constate qu’ils ont été gâtés nos voisins! Pour ce qui est des Jeux d’été, les premiers Jeux ont été tenus à St-Louis en1904, tandis que Los Angeles a été la ville hôte en 1984 et Atlanta, en 1986. Les premiers Jeux d’hiver aux USA furent tenus à Lake Placid en 1932. Squaw Valley a été l’hôte de ces mêmes Jeux en 1960, on a fait un retour à Lake Placid en 1980 et les derniers Jeux à être tenus en sol américain se sont déroulés à Salt Lake City, en 2002.

Mais voilà, comme j’en ai l’habitude, je retourne dans mes jeunes années. Comme nous n’avions pas encore la télévision, quand il y avait des Jeux olympiques quelque part, on n’en savait que ce que les journaux et magazines nous montraient. Pour dire le vrai, ce n’était pas grand-chose : des articles et parfois quelques photos, en noir et blanc! On s’y intéressait surtout lorsqu’il y avait des champions canadiens; il y avait alors plus de photos et on en parlait à la radio. Je me souviens que mon père qui aimait beaucoup le patinage artistique, nous parlait de la championne olympique canadienne, Barbara Ann Scott, médaillée d’or aux Jeux d’hiver de 1948, à Saint-Moritz, en Suisse. C’était notre championne! Je me rappelle qu’il y avait des poupées et aussi des cahiers à découper à l’effigie de Barbara Ann. Quelques années plus tard à mon anniversaire, j’ai justement reçu un de ces cahiers à découper. C’était l’un de mes jouets préférés, alors vous imaginez, quel beau cadeau c’était!

Mes Jeux olympiques à moi, ce furent les spectacles des Ice Capades et des Ice Follies auxquels j’ai assisté au Forum de Montréal, avec ma sœur et mon beau-frère, Odilon.  Une fois, je me souviens que papa nous accompagnait. C’était en 1960, avant son accident. Les Ice Capades avaient lieu en novembre, tandis que les Ice Follies étaient toujours tenus en février. Plus tard, ces spectacles ont été présentés au Colisée de Québec.

J’ai conservé le programme des Ice Follies de 1963. Je travaillais au Central du téléphone et j’avais pris ma fin de semaine de congé pour « monter » à Montréal. Le spectacle avait lieu le samedi soir, 8 février. Le livret, dont je vous fais voir quelques photos, coûtait 50 cents. Je ne me souviens pas du coût du billet et ce n’est évidemment pas inscrit sur le programme.  On indique cependant qu’on en était à la 27e édition des Ice Follies, intitulé « Le Spectacle des Champions ». Plusieurs médaillés des Jeux olympiques de 1960 participaient au spectacle, où évoluaient plus d’une centaine de patineuses et patineurs professionnels. Évidemment, tous les numéros étaient accompagnés de musique et il y en avait pour tous les goûts; des valses de Strauss aux airs de Cha-Cha ou de Rock’n’Roll! Il y a de cela 55 ans, et j’en garde encore un merveilleux souvenir!

Je suis retournée une dernière fois voir les Ice Follies, en 1965. Je n’oublierai jamais ce voyage; mon frère, André, m’accompagnait et comme d’habitude, nous avions pris l’autobus de la Provincial Transport pour nous rendre à Montréal. J’ajoute que j’étais enceinte de sept mois. Il n’y avait pas d’autoroute, l’autobus faisait donc « la run de lait », comme on dit parfois. Et à ce temps de l’année la route était passablement cahoteuse. Je m’en souviens comme si c’était hier; à chaque cahot, André, bien calmement me demandait : « Vas-tu accoucher? » Je lui répondais : « Non, ça va. » Nous nous sommes rendus, sains et saufs; le spectacle devait être magnifique, comme toujours!  Au fil des années, j’ai égaré le programme… mes petits gars l’ont peut-être trop regardé, avec leurs menottes pas toujours très délicates! Peu importe, quelque part dans ma mémoire, je conserve ces belles images de mes Olympiques à moi!

© Madeleine Genest Bouillé, 24 février 2018

Un mois qui n’en finit plus

Février n’a que 28 jours, une fois seulement tous les quatre ans, il en a 29. C’est un petit mois tout court! Pouvez-vous m’expliquer pourquoi on le trouve si long? Cet hiver surtout, j’ai l’impression qu’il s’étire à n’en plus finir!

Et là, pour « rallonger la sauce », la température a refroidi, après un doux temps où ça fondait comme au printemps. Et alors, qu’est-ce qui arrive? C’est devenu glissant partout.  Le petit chemin – dix ou quinze pas – pour me rendre à la route en avant de la maison, est tout glacé… je dois m’accrocher aux bancs de neige de chaque côté. Vous êtes-vous déjà accroché à un banc de neige?  C’est ce que j’ai fait hier soir en revenant chez nous. Il n’y avait heureusement personne pour me prendre en photo.  Ce matin, quand je suis sortie pour me rendre à l’auto, une chance mon cher époux avait rapproché le véhicule tant qu’il a pu, si bien qu’on aurait presque pu y monter de la dernière marche de l’escalier. Encore là, c’est en dansant qu’on fait ces quelques pas, en essayant de ne pas se tordre le dos. Ciel! mon dos!

Mais on est chanceux quand même, autour de nous, tout le monde a une grippe :  musculaire, intestinale, rhumatismale, quand ce n’est pas tout simplement l’influenza. On touche du bois; à date, on est « tannés », mais pas malades! Vivement qu’il s’en aille, ce mois de février! Avec tout ça, savez-vous bien qu’on est rendus au Carême! Heureusement, ce n’est plus comme quand nous étions jeunes; dans le temps, le Carême, c’était quelque chose de sérieux. Si ma mère était encore de ce monde, elle me dirait d’offrir mes problèmes de marche sur surface raboteuse et glacée « pour la conversion des pécheurs et la délivrance des âmes abandonnées du purgatoire »!

La religion prenait une place importante dans la vie de nos gens. Tout était prétexte à nous faire gagner notre ciel. Nous étions en contact avec les réseaux célestes constamment.  Nous commencions et finissions notre journée par un signe de croix… et tout au long du jour, maintes fois, il nous était donné d’offrir notre travail, nos peines et nos joies au Seigneur. Nos contacts avec le ciel étaient aussi réels que le sont aujourd’hui ceux qu’on a avec le monde entier grâce aux téléphones intelligents.

Selon nos parents et nos professeurs, rien n’arrivait pour rien dans la vie; il n’y avait rien d’inutile, car tout était comptabilisé pour notre vie future. Il me revient un vieux cantique qui m’impressionnait beaucoup, et pour cause, il s’intitule Le ciel en est le prix.  Je vous cite quelques phrases de ce chant sublime :

« Le ciel en est le prix,  Mon âme, prends courage!
Ici-bas, je gémis, le ciel en est le prix »

« Le ciel en est le prix, amusement frivole,
De grand cœur, je t’immole, au pied du Crucifix. »

« Le ciel en est le prix, conservons l’innocence
Ou par la pénitence, sauvons-en les débris »

« Le ciel en est le prix, dans l’éternel empire
Qu’il sera doux de dire : tous nos maux sont finis! »

Dans un registre plus léger et pour demeurer dans le thème du Carême, je vous rappelle ce texte d’Adjutor Rivard, extrait de Chez Nous, paru en 1935, et qui a pour titre « Le signe de la Croix ». Je résume; Monsieur le Curé revenait vers son presbytère lorsqu’il rencontre un enfant qui avait commencé à « aller au catéchisme », comme on disait alors, il est accompagné de son père. Le curé demande à l’enfant s’il savait bien faire son signe de la croix. Le petit garçon, très sérieusement, trace sur lui une croix démesurée. Il commence : « Au nom du Père », presque à la nuque; « et du Fils », sa main descend jusqu’aux genoux, il décrit ensuite les deux bras : « et du Saint-Esprit », d’un geste très large jusque derrière ses épaules. Le Curé sourit et dit au père : « C’est bien, ton gars sait son signe de la croix, même s’il le fait un peu grand ».  Le père répond : « Voyez-vous monsieur le Curé, le signe de la croix, par les temps qui courent, ça refoule toujours en vieillissant. »

Avec tout ça, savez-vous bien qu’il ne reste que 11 jours en février… Et puis, quand mars arrive, veut, veut pas, ça finit par sentir le printemps!

À bientôt donc!

© Madeleine Genest Bouillé, 17 février 2018

Une petite douceur au cœur de l’hiver

Je ne sais pas si vous êtes de mon avis, mais je trouve qu’on a un hiver particulièrement rude : il neige presque tous les jours et quand il fait beau soleil, souvent il vente, et  alors  la poudrerie se déchaîne. Chaque saison a ses beautés et rien n’égale la splendeur d’un paysage d’hiver! Tout ce blanc ouaté, avec le bleu du ciel – quand il fait beau évidemment – c’est magnifique! Je ne voudrais pas vivre ailleurs que dans notre beau pays avec ses quatre saisons.  Mais j’avoue que je trouve ça long! Contrairement à ceux qui passent une partie de l’hiver dans le sud, nous vivons la saison froide chez nous, du début à la fin, comme la plupart de ceux et celles qui s’impliquent bénévolement dans leur milieu. Les activités ne cessent pas en hiver, au contraire!

Justement, au cœur de l’hiver, la Saint-Valentin, avec ses petits cœurs et ses cupidons, nous apporte un prétexte pour fêter. Mais qui était donc ce saint qu’on fête avec fleurs, chocolat et mots tendres le 14 février? Valentin de Terni était un prêtre qui vivait au troisième siècle. L’empereur romain Claude II trouvait que les hommes mariés faisaient de piètres soldats, étant donné qu’ils ne voulaient pas abandonner leur famille. Ne reculant devant rien, cet empereur a donc aboli le mariage. L’histoire nous dit que Valentin encouragea alors les jeunes fiancés à venir le trouver en secret pour recevoir la bénédiction du mariage. Il fut donc arrêté et emprisonné. Il mourut martyrisé par les Romains le 14 février de l’an 270.

L’histoire ajoute ceci : pendant qu’il attend son exécution dans sa prison, Valentin se prend d’amitié pour la fille de son geôlier, laquelle était aveugle, et lui redonne la vue. Juste avant d’être décapité, il lui offre des feuilles en forme de cœur avec le message suivant : « De ton Valentin ».

Mais bien avant Valentin, il existait déjà une fête païenne célébrée à la mi-février qu’on appelait « Les Lupercales ». Pendant cette fête romaine, les adolescents devaient se soumettre à un rite d’initiation. Chaque jeune homme pigeait le nom d’une jeune fille qui lui était assignée pour l’année. En 496, le pape interdit cette fête qui était devenue trop licencieuse. Il choisit alors Valentin comme patron des amoureux et décrète le 14 février, jour de fête.

À partir de là, commencent les coutumes qui encore aujourd’hui marquent cette fête des amoureux. Cupidon, qui dans la mythologie romaine représente le dieu de l’amour, est tout désigné pour devenir le représentant de la fête. Pour ce qui est des cartes de vœux affectueux, on dit que la plus ancienne carte connue fut envoyée par Charles, duc d’Orléans alors qu’il était emprisonné à la Tour de Londres. En effet, il envoya à sa femme une carte contenant un poème d’amour. Les fleurs, de par leur beauté et leur fragilité, sont parmi les présents les plus appréciés de même que les chocolats.

Beaucoup de gens trop raisonnables déplorent la commercialisation excessive de cette fête et jugent ces manifestations « quétaines ». Moi je crois plutôt qu’on doit prendre cette journée pour ce qu’elle est : une occasion de faire plaisir, de mettre un peu de chaleur dans notre hiver. Évidemment, quand on aime quelqu’un on n’a pas besoin de date spéciale pour exprimer nos sentiments, mais la Saint-Valentin est une occasion de plus. Ce n’est donc pas négligeable. Et puis, la Saint-Valentin, ce n’est pas que pour les amoureux; quelques mots sur une carte, ça peut aussi apporter un peu de joie à un ou une ami(e) qu’on ne voit pas souvent, à une personne de notre entourage dont on connaît la solitude… Dans la vie, il ne faut pas négliger ces occasions qui apportent une petite douceur au cœur de l’hiver.

Bonne Saint-Valentin à chacun et chacune de vous!

Madeleine Genest Bouillé, 14 février 2018

Un voyage dans le temps

Je me lève toujours avec une chanson dans l’oreille. Évidemment, je ne choisis pas et ça peut être n’importe quoi; parfois même un air que je n’aime pas du tout. Ce matin, c’était une vieille chanson qu’on entendait à la radio chaque midi; la chanson-thème de l’émission « Le Réveil Rural ». Cette émission débutait à midi et demie, du lundi au vendredi, et je connaissais par cœur la chanson : « C’est le réveil de la nature, tout va revivre au grand soleil ». C’était presque l’heure de  retourner au couvent pour l’après-midi, les cours recommençant à « une heure moins dix »  comme on disait dans le temps. Alors m’est venu le goût de faire encore une fois un petit voyage à l’époque de mes études au couvent de Deschambault…

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

Jusque dans mes dernières années, chaque matin, sauf le jeudi, nous commencions notre journée de classe au son de la cloche, à 8 heures 20. Mon voyage aura lieu disons, en 1954,  je suis en 8e année. C’est une belle journée de février, comme celle qu’on a connue le lundi 5, pas trop froide et ensoleillée. Je ne marche pas très vite, avec mon gros sac d’école rempli de cahiers et de livres pêle-mêle. Nous portons encore l’ancien uniforme de notre institution; la robe noire, un peu trop grande, car il faut qu’elle puisse faire au moins deux années. Hier on a changé les dentelles qui ornent les poignets et le col de cette tenue austère, car ces modestes ornements doivent être impeccables… surtout qu’on attend la visite de la Mère supérieure provinciale dans le courant de la semaine. Notre professeur tient à être fière de ses filles. On est dans l’Académie quand même!

Comme tous les autres jours, celui-ci débute par la prière qui est suivie d’un cantique. Lundi, on implore le Saint-Esprit; on aura bien besoin de ses lumières! Mardi, c’est le tour de notre ange gardien et le mercredi est consacré à Saint Joseph. Jeudi étant jour de congé, nous nous retrouvons le vendredi matin, à prier le Sacré-Cœur de Jésus, tandis que le samedi est comme de juste, dédié à la Sainte Vierge Marie. Et les cours se succèdent, en commençant par le catéchisme. Ensuite, vient l’arithmétique ou le français, avec entre les deux, la récréation qui est très bienvenue. Ça passe vite quand même, la cloche sonne : il est 11 heures moins dix! On descend à l’externat (aujourd’hui le vestiaire) où on s’habille et on babille, et c’est le retour à la maison. Le temps d’enlever manteau, chapeau, foulard, mitaines et bottes, de rendre compte de mon avant-midi et il est déjà presque 11heures et demie. À la radio j’entends frapper : « Qui est là? »… « Les Joyeux Troubadours! »… « Mais entrez voyons! » La chanson-thème, interprétée par Estelle Caron et Gérard Paradis, commence ainsi : « Durant toute la semaine, les Joyeux Troubadours, ont confiance en leur veine, et rigolent toujours… » L’animateur était Jean-Maurice Bailly, qui était aussi commentateur à la Soirée du Hockey. On dinait à midi, en écoutant « Jeunesse dorée » jusqu’à midi et quart et ensuite « Rue Principale », les radioromans que nos mères, pour la plupart, écoutaient religieusement, tout en s’occupant du dîner.  Elles faisaient régulièrement deux choses à la fois!

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Comme je l’ai mentionné au début de ce texte, « Le Réveil Rural » nous retournait dehors, alors qu’on serait bien demeurés à la maison une autre petite demi-heure, surtout quand il faisait tempête. Les cours de l’après-midi étaient plus variés étant donné que selon le jour de la semaine, on alternait entre les matières moins importantes, tels l’histoire, la géographie, l’anglais, le dessin et l’enseignement ménager, cours qui était parfois donné à la cuisine de Mère Saint-Fortunat. On allait volontiers à ce cours qui se terminait souvent par une dégustation. J’aimais beaucoup moins quand l’enseignement ménager consistait en un cours de tricot ou de broderie, ouvrages dans lesquels je n’ai jamais excellé. L’après-midi était aussi entrecoupé par une récréation. Quand il neigeait, nous passions ce moment dans la « salle des filles » (maintenant le théâtre Élise-Paré). On chantait, on faisait des rondes comme « Trois fois passera la dernière, la dernière y restera »; on riait et on criait beaucoup! Ça faisait du bien de se défouler, car le silence était de rigueur durant les cours. Pendant l’hiver le mercredi, les cours se terminaient plus tôt, car nous allions à l’église pour la prière du Carême. Je n’ai pas de très bons souvenirs de cette sortie; sans doute parce que je n’ai jamais passé un hiver sans tousser quelques semaines, quand ce n’était pas un bon mois! Un rien pouvait déclencher la quinte de toux : la descente du deuxième étage jusqu’à l’externat où l’on s’habillait à la hâte, et ensuite il fallait se dépêcher pour ne pas être en retard à l’église. Était-ce le contraste entre chaud et froid? Bien que petite pour mon âge, j’étais facilement essoufflée, alors, après dix ou quinze minutes de récitation du chapelet à voix haute, je commençais à tousser! Quelqu’un me passait une pastille; la bonne mère qui nous accompagnait se  dérhumait, sans doute pour que j’en fasse autant… Rien n’y faisait! C’était vraiment mon calvaire!

Septembre 1949, les élèves du couvent.

Les autres jours de la semaine, les cours se terminaient à 4 heures moins dix. Pour les élèves qui restaient à l’heure de l’étude, de 4 heures 20 à 5 heures 20, il y avait une période de récréation. Les pensionnaires prenaient leur collation dans le « réfectoire des filles » (la salle du rez-de-chaussée), tandis que les externes avaient le choix, soit de demeurer à l’externat pour prendre leur goûter ou de sortir et aller s’acheter une friandise au magasin de mademoiselle Corinne Paris (où se trouve de nos jours la boulangerie). C’est justement lors d’une de ces sorties à l’heure de la collation que j’avais un jour commis une faute impardonnable! Eh oui! Succombant à la tentation que représentait pour moi une tablette de chocolat Caramilk à 5 sous, j’avais utilisé les quelques sous destinés à la Sainte-Enfance, pour m’acheter cette friandise tant convoitée! Durant le Carême, en plus!

Mais heureusement dans ma vie d’écolière, il n’y avait pas que mes gros rhumes, le Carême et la Sainte-Enfance! Il n’y avait pas non plus que des cours de mathématiques… Et l’hiver passait, pas moins ni plus vite que maintenant. Chaque jour, à midi et demie, j’entendais « Le Réveil Rural » qui me disait : « Ô la minute libre et pure de la campagne à son réveil… autour de toi, l’instant proclame l’amour, la paix, la liberté! » Sur ces   belles paroles, je partais pour une autre demi-journée d’école, avec la belle insouciance de mes 13 ans!

© Madeleine Genest Bouillé, 7 février 2018

Congés d’hier et d’aujourd’hui

Nous voilà enfin en février… petit mois court, mais parfois « rough and tough », si vous me passez l’expression. C’est curieux, dans mon jeune temps, il n’y avait pas grand monde qui pouvait se vanter d’être bilingue, pourtant on assaisonnait notre parler avec tout plein d’expressions anglaises, comme justement ces deux adjectifs, « rough » et « tough », qui étaient presque toujours accolés, sans doute pour leur donner plus de poids.

Soirée de Mardi gras à l’école du village en 1968 (coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Pour en venir aux congés, les étudiants du primaire et du secondaire débutent justement ce mois avec un congé. Quelqu’un me faisait remarquer ceci : « Ils sont toujours en congé!  Et dans un mois, ce sera la semaine de relâche! »  C’est certain que si on compare notre calendrier scolaire avec celui de maintenant, nous avions pas mal plus de jours de scolarité. Tout d’abord, comme je l’ai déjà mentionné, les congés de tempête n’existaient pas.  Pour fermer les écoles, il devait faire un temps « à ne pas mettre un chien dehors », et si la « maîtresse » résidait à l’école, elle pouvait recevoir les enfants qui demeuraient dans le voisinage.  Évidemment, le couvent était toujours ouvert; si parfois, en raison de la température, il n’y avait que peu d’élèves à part les pensionnaires, les religieuses donnaient des cours de rattrapage ou des périodes d’étude. La plupart de nos congés étaient définis par les fêtes religieuses; donc, après les Fêtes de Noël et du Jour de l’An, ça allait aux « Jours Gras », lesquels marquaient la fin des réjouissances hivernales. Il y a quelques jours, j’évoquais justement ces fameux « Jours Gras » devant une jeune femme dans la quarantaine, laquelle, étonnée, m’a demandé : « C’était quoi ça, des Jours Gras? »

J’ai déjà abordé ce sujet, mais il me plait d’y revenir… que voulez-vous, en vieillissant, on a tendance à se répéter, surtout que d’une fois à l’autre, il nous revient de nouveaux détails qu’on avait oubliés la fois d’avant. La vie quotidienne des gens d’autrefois était marquée par des fêtes qui étaient toutes inscrites au calendrier. On débutait l’année avec le Jour de l’An et les Rois, le 6 janvier.  Après un temps plus ou moins long selon la date de Pâques, qui varie entre le 24 mars et le 25 avril environ, venaient les fameux Jours Gras : dimanche, lundi et surtout mardi, dernier jour où tout – ou presque – était permis. Boustifaille, boisson – pas trop quand même! – déguisements, danse, la fête, quoi! Le Mardi Gras était beaucoup plus une fête pour les adultes que pour les enfants. Nous nous contentions d’assister à ces visites de personnages barbouillés, vêtus de guenilles, et qui allaient de maison en maison, riant, chantant et, à mesure que la veillée avançait, titubant plus ou moins selon la générosité des hôtes où ils avaient été reçus! Évidemment, nous profitions des friandises et pâtisseries offertes à ces visiteurs qui se comportaient parfois comme de vrais enfants.  Les réjouissances devaient se terminer à minuit tapant! Car il fallait être à jeun depuis minuit pour communier à la messe du Mercredi des Cendres… célébration où le prêtre, plus sérieux que jamais, nous rappelait d’une voix grave que « nous sommes poussière et que nous retournerons en poussière »!

Le Mardi-gras à la campagne, illustration de Edmond-J. Massicotte. Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2895476.

Et alors nous entrions en Carême. Ce temps liturgique qui évoque les 40 jours que Jésus passa dans le désert pour se préparer à sa vie publique, était à l’époque un temps de jeûne et de pénitences. Pénitences… mot évocateur de punitions, de sacrifices, de privations.  Un mot qui n’est plus beaucoup utilisé! Les adultes, à compter de 21 ans, devaient jeûner; le jeûne ne se pratiquait pas toujours de la même façon. Certaines familles plus « à cheval sur les principes » exagéraient, allant parfois jusqu’à peser leur assiette, le poids du repas principal ne devant pas dépasser celui des deux autres repas ensemble. Selon les sermons du curé, lesquels n’avaient pas tous la même notion du mot « sacrifice », et selon les familles où on avait la conscience plus ou moins étroite, on s’imposait des privations qui étaient parfois sévères. Pour nous, les enfants, il était recommandé de faire des sacrifices.  On nous le rappelait assez souvent, merci! On nous exhortait à assister à la messe en semaine, bien entendu si nous demeurions assez près de l’église. Il était conseillé de rendre de petits services à la maison, comme d’aider les plus jeunes frères et sœurs; la corvée de pelletage étant dévolue aux garçons de même que celle de la vaisselle était réservée aux filles! « Chacun son métier », comme disait ce cher Alphonse Daudet à propos de la chèvre de Monsieur Seguin!

Dans les dernières années où ma mère vivait, je passais mes lundis avec elle et elle me racontait les coutumes d’autrefois. À propos des privations du Carême, elle m’avait confié ceci : « Nous n’étions pas riches, aussi je ne vois pas pourquoi j’aurais privé ma famille de nourriture, déjà que nous n’en avions pas trop. » Pour ce qui était des bonbons, nous n’en avions pas à la maison, sauf de temps à autre, les jours de fête ou quand papa venait en congé et qu’il apportait des friandises. Inutile d’ajouter qu’il n’y avait pas de congé d’école durant le Carême. Même au couvent, où quand nous recevions la visite de la Mère Supérieure provinciale ou générale, nous avions droit à un congé qui s’ajoutait quelque part dans le calendrier. Quand ces visites avaient lieu durant l’hiver, le congé viendrait rallonger les vacances de Pâques ou le congé de l’Ascension. Vraiment, il était long l’hiver!  Heureusement qu’il y avait la patinoire, les glissades, les bancs de neige pour faire des forts et… de beaux glaçons à décrocher du bord des toits!

Patinoire Johansen, 1956.

© Madeleine Genest Bouillé, 2 février 2018