La marmite d’or…

La légende de « la marmite d’or » fait aussi partie des histoires de la famille de ma mère.

On était en 1759. Comme l’Histoire nous l’apprend, les Français et les Anglais étaient en guerre, et bien que les colons de la Nouvelle-France auraient préféré ne pas s’en mêler, ils en subissaient les contrecoups. Tous les hommes valides étaient enrôlés dans la milice. On avait eu vent que des villages de la côte du sud avaient été pillés et incendiés. La peur s’était installée partout dans la colonie, une peur que venait alimenter chaque jour des rumeurs de bombardements et de massacres. Justement, dans La Petite Histoire de Deschambault (Luc Delisle, 1963), on lit ceci: « …déjà que le 19 août les Anglais avaient fait une descente en bas du village, ils avaient pillé et incendié la maison du capitaine Perrot. Heureusement personne n’avait été tué. Une quinzaine de cavaliers, à la tête desquels se trouvait le major Belcourt, étaient accourus au galop, chargeant l’arrière-garde anglaise.  Aussi, les Anglais s’empressèrent-ils de rembarquer sur leur bateau, non sans emporter les animaux dérobés dans les pâturages. Ils avaient quand même eu le temps de brûler trois maisons. »

Em placement de la première église et du premier presbytère (source: Musée virtuel de Deschambault, CPDG).

Depuis cette attaque, le va-et-vient de la flotte anglaise sur le fleuve inquiétait de plus en plus les habitants du village. L’automne était arrivé; c’était un dimanche calme et doux, une de ces magnifiques journées de fin de septembre. Comment croire à la guerre quand le ciel est si beau!  Les familles étaient réunies dans l’église pour la messe.  Dans son sermon, le curé Jean Ménage avait exhorté ses paroissiens à ne pas perdre espoir, puis les fidèles agenouillés avaient prié pour que la paix revienne au pays. Mais revenons à ce que nous dit La Petite Histoire : « Pendant ce temps une frégate anglaise remontait le fleuve.  Quand le navire fut rendu à la hauteur de l’église, le bruit du canon se fit entendre et un énorme boulet vint frapper et traverser de part en part le mur de l’église près de la toiture ». 

Tous les habitants se précipitèrent dehors et prirent la fuite en direction du bois. Le curé avait en vain tenté de  rassurer ses ouailles, mais constatant les dégâts causés à son église et croyant à une descente des Anglais, il enveloppa les vases sacrés dans sa chasuble et courut rejoindre les paroissiens éplorés.

Cette photo prise en 1957 montre la butte qu’on appelait les « trois sapins »; d’après ce que j’en sais, cet endroit faisait partie de la terre du curé (photo: coll. privée Madeleine Genest Bouillé).

Quand nos gens se retrouvèrent à l’orée du bois, sur le haut de la côte, d’où l’on pouvait voir le fleuve, ils constatèrent que le navire anglais avait poursuivi sa course. De toute évidence, il s’agissait d’un coup de canon isolé… il n’y aurait donc pas de débarquement aujourd’hui. Le curé qui avait rejoint ses paroissiens leur conseilla de rentrer chacun chez soi et de reprendre leurs occupations sans oublier de remercier Dieu qui les avait épargnés ce jour-là.

Et c’est à ce point du récit que survient l’anecdote de « la marmite d’or »! Dans les jours qui suivirent, le boulet de canon sur l’église était devenu « l’attaque des Anglais » et il va sans dire que cet incident alimentait les conversations. Entre autres choses, il fut dit que l’un des habitants qui avait réintégré sa maison bien après les autres ce fameux dimanche, transportait avec lui au départ, une marmite qui semblait fort lourde. Il s’agissait d’un bonhomme qui vivait seul dans une petite maison au pied de la côte en bas de la « petite route ». Cet homme était peu loquace et on le disait plutôt radin. De là à ce qu’on croit qu’il avait caché un trésor… il n’y avait qu’un pas qui fut vite franchi! À l’époque, quelqu’un a affirmé que la marmite était sûrement enfouie dans le petit bois sur la terre du curé. Un autre a prétendu que c’était en bas du coteau, pas loin de la route qui monte au deuxième rang. Un autre encore déclara savoir de source sûre que la cachette était au pied de la côte, près du fleuve, justement à l’endroit où dans les années quarante, on pouvait encore voir les fondations d’une maison. À différentes époques, plusieurs ont cherché la fameuse marmite supposément remplie d’or… personne ne l’a jamais trouvée! Où est la marmite? Est-elle vraiment pleine de pièces d’or? Le secret est toujours bien gardé. Et c’est ainsi que se font les légendes!

Photo: ©Patrick Bouillé

© Madeleine Genest Bouillé, 19 avril 2017

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