Les cloches de Pâques

Dans mon enfance, la fête de Pâques et les Jours Saints qui la précédaient donnaient lieu  à plusieurs croyances et légendes, lesquelles, s’entremêlant dans notre imagination, nous ont laissé des souvenirs indélébiles.

Il y avait tout d’abord la branche de pommier ou de cerisier cueillie le dimanche de la Passion et qui, conservée dans l’eau, devait fleurir le jour de Pâques. Même si ça ne marchait pas toujours, ça valait le coup d’essayer. Et ainsi jusqu’au vendredi saint où l’on nous recommandait de garder autant que possible un silence religieux entre midi et trois heures, en souvenir de la Passion du Christ. Pour les plus petits, le fait d’être moins remuants pendant ces quelques heures, représentait déjà un tour de force! Je me souviens d’un certain vendredi saint, où avec mes frères plus jeunes et Florent, lequel pouvait passer de longs moments à regarder le ciel, nous étions devant la fenêtre de « la chambre à l’ouest », comme disait  maman. On nous avait dit que le vendredi saint, même s’il fait beau, le ciel s’assombrit quand approche l’heure de la crucifixion. Dans mon souvenir, il me semble que cette fois-là, nous sommes demeurés en attente du phénomène pendant plusieurs heures. Tellement, qu’il nous semblait voir toutes sortes de formes dans les nuages qui passaient… les plus fervents ont même vu une croix! Ne riez pas! Des enfants qui croient aux miracles, ça peut voir toutes sortes de choses!

poule-chocolat-640Parmi les coutumes religieuses, s’en glissaient d’autres beaucoup plus « terrestres ». Entre autres choses, il y avait la hâte de savoir si notre grande sœur avait confectionné nos paniers de Pâques… et si les cocos, les poules et les lapins étaient achetés. Et puis, la grande question : où pouvaient-ils bien être cachés? Là, on précisait chacun nos préférences; pour André, c’était les œufs à la crème Bordeaux, moi, j’aimais mieux la crème de fruits et noix. Il y aurait sûrement des œufs à la guimauve, ils coûtaient moins cher. D’un commun accord, on espérait qu’il y ait plusieurs cocos « Oh Henry ». De toute façon, quand on recevait nos paniers, nous comptions les cocos et les petits animaux en chocolat et souvent, on faisait des échanges. Quand nous avions épuisé le sujet, pour tromper notre attente si la température était douce, la tentation était forte d’aller dehors, faire des petits canaux pour que l’eau s’écoule… quitte à rentrer ensuite à la maison  trempés de la tête aux pieds! Mais ça aussi, ça faisait partie des plaisirs du printemps.

Ancienne carte postale de Pâques.

Ancienne carte postale de Pâques.

La plus belle légende de Pâques était sans contredit celle des cloches. On nous avait raconté que le jeudi saint, à l’heure où l’on chante le Gloria, les cloches partent pour Rome, pour ne revenir que le samedi durant la messe, encore au moment du Gloria. À l’époque, les offices de la Semaine Sainte avaient lieu en avant-midi, sauf le vendredi où  depuis très longtemps, la célébration est fixée à trois heures de l’après-midi. Pour en revenir à l’histoire des cloches voyageuses, ça se tenait, étant donné qu’entre le jeudi et le samedi, les cloches se taisent par respect pour la mort de Jésus. On ne les avait pas vues partir, on ne les verrait pas revenir; personne ne les voyait jamais. C’était un mystère comme tant d’autres choses inexpliquées. Quand même, les avons-nous guettées, ces fameuses cloches! On croyait même les entendre parfois. Comme on était heureux, le matin de Pâques, de les retrouver chacune à leur place dans le clocher. Elles sonnaient si joyeusement!

Pâques 1963, un nouveau chapeau!

Pâques 1963, un nouveau chapeau!

Un dimanche de Pâques parfait cela supposait qu’il faisait beau et assez chaud pour porter manteau et chapeau de printemps – pour les filles bien entendu. C’était aussi quand papa avait apporté un « coco de singe » (ainsi appelait-on la noix de coco). C’était surtout  quand on recevait nos paniers confectionnés patiemment par notre grande sœur Élyane, et où chacun avait ses friandises préférées. Moi, je me souviens aussi que parfois, Papa chantait la belle chanson Les Rameaux de Fauré.  C’était peut-être le soir, après souper ou à un autre moment, mais ce chant est demeuré dans ma mémoire avec son refrain  éclatant de la vraie joie pascale : « Hosanna! Gloire au Seigneur! Béni Celui qui vient sauver le monde! »

Joyeuses Pâques et bons cocos!

© Madeleine Genest Bouillé, 23 mars 2016

Clocher nord de l'église Saint-Joseph, avec la statue du saint patron, du réputé sculpteur Louis Jobin (crédit photo: Jacques Bouillé).

Clocher nord de l’église Saint-Joseph, avec la statue du saint patron, œuvre du réputé sculpteur Louis Jobin (crédit photo: Jacques Bouillé).

2 réflexions sur “Les cloches de Pâques

  1. Dans mes souvenir d’enfant de chœur, le retour des cloches coïncide avec le Gloria de la grand-messe de Pâques, aucun office, a fortiori de messe, n’étant célébré le samedi.

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    • C’était l’époque avant le concile de 1965. Les offices du jeudi et du samedi saints avaient lieu en avant-midi, et celui du vendredi avait lieu à 15h comme maintenant. Après 1965, durant quelques années l’office du samedi saint a eu lieu en fin de soirée. Ça se passait comme ça pas mal partout au Québec, je crois bien.

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