Histoire pour le temps du Carême

Mado 1951Voici une petite histoire que je n’ai jamais oubliée. J’étais en 5e année. De cela je suis sûre parce que je portais le ruban rose. Bon, vous allez vous demander quel rapport avec l’histoire? Les souvenirs sont rattachés à notre mémoire par toutes sortes de petits détails. Ainsi, du temps où le costume des filles qui étudiaient au couvent était la robe noire, nous avions au cou un ruban qui identifiait la classe dont nous faisions partie. Dans la classe de Mère Sainte-Flavie, les 1êre, 2e et 3e années, le ruban était rouge. En 4e et 5e, le ruban était rose. Les classes de 6e et 7e ainsi que l’Académie des grandes de 8e à 12e, portaient le ruban bleu des Enfants de Marie.

IMG_20160305_0003L’année 1950 avait été proclamée « Année Sainte » par le Pape Pie XII. Évidemment il y avait profusion d’images pieuses à l’effigie de ce Pape, qu’on disait « Pape de la Paix ». Jusqu’en 1953, ou même 54, j’ai reçu plusieurs de ces images avec l’inscription « Annus Sanctus 1950 ». Les religieuses n’étaient pas avares de récompenses et d’encouragement, des images, on en recevait! Images du Sacré-Cœur, de Marie, avec ou sans son enfant Jésus, des anges gardiens et tous les saints du ciel… J’en ai une belle collection! C’était surtout en français que j’en récoltais le plus. Détail qui a son importance, il y avait plusieurs formats d’images, les plus grandes étant environ de 4 pouces par 6 pouces.

IMG_20160305_0002Un jour, je venais justement de recevoir une image du Pape, une « grand format », cette fois. La cloche avait sonné, nous descendions l’escalier qui menait au vestiaire. Il fallait se dépêcher, on allait à la prière du Carême. Je portais mon image comme un trophée… à neuf ans, on n’a besoin de peu de chose pour être heureux! Je déposai l’image sur mon sac d’école, le temps d’endosser manteau, bonnet et bottes. Je n’étais pas la plus rapide… Quelques compagnes, qui n’étaient pas vraiment des amies, se moquaient de moi en disant : « C’est rien qu’une image, on en a des centaines!… des bien plus belles à part ça. Mets-là dans ton sac, grouille-toi, on attend après toi ». Je rétorquai : « Moi aussi, j’en ai en masse, des images. » Mais elles continuaient; les enfants sont parfois méchants… mais sans mauvaise intention, ils font ça juste « pour voir ». De fil en aiguille, espérant me débarrasser de mes tortionnaires, et aussi pour démontrer que j’étais plus indépendante que j’en avais l’air, je déchirai l’image en question, disant que je n’y tenais pas du tout, ce qui était faux bien entendu! Je gardais précieusement mes images dans une boite. Je les ai encore! Devant ce geste, dont je n’étais pas très fière je dois dire, les deux fillettes, l’air scandalisé, s’empressèrent de dire : « Qu’est-ce que t’as fait là? On va le dire à Mère. C’est péché de déchirer une image ». J’étais consternée, vous pensez bien! Je suis donc allée avec les autres assister à la prière du Carême à l’église; j’avais le cœur gros… je ne voulais surtout pas pleurer. Je croyais vraiment avoir fait quelque chose d’impardonnable. Cette sombre journée est toujours restée dans un recoin de ma mémoire, un petit coin où je ne vais pas souvent.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l'album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l’album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Comme je m’y attendais, l’histoire a fait le tour du couvent. Mon professeur m’avait envoyée au bureau de Mère Supérieure, laquelle m’avait demandé pourquoi j’avais commis cette faute; comme je ne savais pas quoi répondre, elle me fit un sermon dont j’ai retenu surtout que j’étais irrespectueuse. En plein Carême, faire une chose aussi odieuse, je devrais m’en confesser, etc., etc. Je ne savais pas quoi inventer pour me défendre, j’avais beau dire que c’était la faute à celle-ci et celle-là, rien n’y faisait. Je ne retenais qu’une chose; on ne déchire pas une image pieuse! Cette année-là, je n’en reçu aucune autre jusqu’à la fin de l’année. Et pourtant, je continuais à avoir de bonnes notes en Français, en Histoire et en Géographie…

La religieuse qui nous enseignait connaissait assez bien ses élèves; elle avait sans doute deviné que ce geste de défi dont je n’étais pas coutumière était le résultat de ce qu’on appellerait aujourd’hui de l’intimidation! Heureusement, l’enfance a ceci de bien que le temps atténue les mauvais souvenirs. On ne les oublie pas, mais ils ne font plus mal!

Pâques peut venir… ma confession est faite!

© Madeleine Genest Bouillé, 9 mars 2016

La mémoire est une bibliothèque

Ce beau mot n’est pas de moi. Je l’ai trouvé dans un livre. Mais j’ai aimé cette expression et je l’ai retournée dans ma tête comme j’ai l’habitude de faire quand j’aime un mot ou une expression. Tenez, comme quand j’étais enfant et que j’avais entendu parler d’un « coffre d’espérance ».

Mado avec chienJe vois très bien la première bibliothèque, toute petite avec seulement les quelques livres d’images que contient la mémoire d’un enfant. Dans ces livres, on voit des jouets, des personnes… un chat, un chien, très laid, mais gentil avec un bon regard. Je vois aussi un tricycle en bois rouge et bleu. La mémoire est aussi auditive; une musique se fait entendre, la petite valse, sur laquelle l’enfant dansait toute seule dans le salon. Un peu plus tard, s’ajoutent une maison, une chambre… des rideaux fleuris. Il y a aussi des odeurs : une tarte aux framboises qui cuit dans le four, un bouquet de muguet, des pommes dans un plateau rose. Peu à peu, l’enfant grandit, la bibliothèque se garnit de toutes sortes de documents pêle-mêle. Il y a encore des photos, mais elles sont mélangées avec les cahiers de devoirs, les livres de classe, des feuilles éparses annotées, tout ce qui rappelle la vie étudiante. Parmi ces souvenirs pas toujours joyeux, se glissent des dessins, des poupées de papier, un view-master. Puis, graduellement, la gardienne de la mémoire fait le ménage; elle ne veut garder que ce qu’elle considère comme de beaux souvenirs. Elle tente de faire disparaître la chambre aux rideaux tirés parce que le soleil pourrait blesser les yeux d’une jeune malade, le lit dans lequel il faut rester couché pendant plusieurs jours à cause de la rougeole. On préfère garder l’image d’un piano, des cahiers de la Bonne Chanson, puis cette chanson que l’enfant aimait beaucoup: « Le rêve bleu, léger, mystérieux… comme un oiseau, vole autour des berceaux… »

MadoJacLes jours, les mois passent… voici que le temps file à toute allure. Le Présent prend toute la place; il prépare l’Avenir et n’a que faire des souvenirs! Pauvre bibliothèque! On la délaisse; pourtant, elle aurait besoin de rangement. Des jeunes dansent sur les airs entraînants diffusés par un juke-box. Les images défilent à toute allure : des robes à crinoline qui virevoltent… des bouteilles de coca-cola, des cornets de frites jonchent les petites tables carrées d’un restaurant. Les odeurs de friture et de cigarette masquent le parfum des fleurs. C’est l’été! Puis, quelque chose se passe… une figure s’impose et fait reculer toutes les autres dans l’ombre. C’est celle d’un garçon. On ne voit que lui! Le Présent, c’est lui! Même s’il ne le sait pas encore, il sera aussi l’Avenir…

enfants2Les années ont passé. Des figures nouvelles sont apparues, des bébés qui ont grandi si vite! La bibliothèque a dû être agrandie. On y voit les photos de deux maisons, une chaloupe, puis une autre et une autre encore. Des murs peints en jaune, puis en vert… Des bouts de papier peint, un piano, des livres, des bandes dessinées. Il y a tout plein de jouets éparpillés, un chat, puis un autre et encore un autre; vraiment une collection de chats! Plus tard enfin, on voit de mignons vêtements roses, des poupées, des toutous, des petites pouliches. On s’attarde sur les albums de photos des fêtes de famille, des Noëls tout illuminés. Comme il y en a! Des autos, plusieurs. Des étés, des voyages en Gaspésie, des automnes, des hivers, et des printemps avec l’amélanchier en fleurs, le parfum des lilas… Et d’autres étés, et encore la Gaspésie!

La famille Genest, en 1956.

Avec le temps, notre bibliothèque a atteint sa pleine capacité, elle travaille jour et nuit, pour choisir ce qui vaut la peine d’être conservé. Des photos en noir et blanc défilent… les images de ceux et celles qui ne sont plus dans le monde des vivants. Pauvre mémoire! En vieillissant, nous lui donnons du fil à retordre… Alors parfois, elle joue à la cachette; elle transmet le mauvais mot, une image différente de ce qu’on voudrait. On dit que la mémoire est capricieuse, ainsi s’il lui arrive d’embellir l’histoire, parfois elle refuse de rappeler certains faits. C’est peut-être mieux ainsi. Elle sait ce qui est bon pour nous et ce qui peut nous faire mal; il y a des choses qu’il est préférable d’oublier. Je termine cette réflexion avec ces paroles d’une chanson qui dit comme ça :

« C’est incroyable, la mémoire, comme ça déforme la vue.
Ça vous raconte une autre histoire, que celle qu’on a vécue. »

Comme c’est vrai!

© Madeleine Genest Bouillé, 24 février 2016

Mes amis, les livres! (2e partie)

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Pour parler de livres, un texte, ça ne suffit pas! Tout d’abord, j’aimerais vous partager les livres préférés de ma mère, et puis, pourquoi pas aussi les miens. Ces beaux romans d’amour qu’elle lisait et relisait… les auteurs s’appelaient Magali, Claude Jaunière; il y en avait d’autres aussi dont j’ai oublié les noms. Je me souviens de quelques titres: Pourquoi lui?, Romance à Grenade, J’aimais un vagabond. Le roman qu’elle préférait entre tous était Le collier brisé de Concordia Merrel. Quelque temps après le décès de maman, j’ai eu envie de lire l’histoire de ce fameux « collier brisé ». C’est un beau livre, bien écrit, un vrai roman d’amour compliqué à souhait, mais qui finit bien! Pour maman, c’était important que l’histoire finisse bien.

L'auteure Blanche Lamontagne-Beauregard, 1889-1958.

L’auteure Blanche Lamontagne-Beauregard, 1889-1958.

Ma mère aimait aussi la poésie, elle découpait des poèmes dans les journaux et les revues et elle aimait particulièrement Blanche Lamontagne-Beauregard, l’une des premières femmes journalistes au Québec. Lors d’un voyage en Gaspésie, il y a plusieurs années, j’ai acheté un recueil de poèmes choisis parmi les livres qu’a publiés cette écrivaine que je ne connaissais que peu. Je vous ai dit dans une autre « grain de sel », combien ma mère aimait les paysages champêtres. Eh bien voilà! La poésie de Blanche Lamontagne-Beauregard, c’est une suite de paysages campagnards, en toutes saisons. Tantôt on longe le fleuve, à d’autres moments on marche dans le bois, on gravit une colline… on cueille des fleurs ou des fruits dans les champs : « Viens dans les champs fleuris, la nature t’appelle… la plaine est souriante et les bois sont joyeux. » Les poèmes sur l’automne et l’hiver sont plus nostalgiques… mais tellement beaux, tels Le Noroît : « Le noroît siffle dans les branches… Il fait bien noir, il fait bien froid… Et la nuit jette son effroi… » C’est là que j’ai découvert que j’aimais la poésie!

EmmanuelMa mère privilégiait les œuvres de Germaine Guèvremont, Gabrielle Roy, Françoise Gaudet-Smet et Antonine Maillet. De cette dernière, elle aimait surtout Emmanuel à Joseph à Davit. Ce livre est un conte de Noël. L’auteure nous raconte la venue d’un enfant, dont les parents en voyage ont dû se réfugier dans une cabane de pêcheurs au pays de la Sagouine. J’aime les livres d’Antonine Maillet et comme maman, je préfère aussi ce merveilleux conte, l’un des moins connus parmi les livres de cette auteure.

bois-d-ebene-de-frank-g-slaughter-977591816_MLAyant commencé à lire très jeune, je lisais tout ce qui me tombait sous la main, parfois même des livres qui ne portaient pas le Nihil Obstat de l’Évêché. Quand j’ai commencé à travailler au central du téléphone, j’achetais des livres de la collection Marabout Mademoiselle, au  « petit magasin vert », (magasin de Corinne Paris qui fut plus tard repris par sa nièce, Yvette Loranger – aujourd’hui la boulangerie Au Soleil levain). Si j’en ai lu de ces petits livres! Ils ne coûtaient vraiment pas chers, alors je ne m’en privais pas. La « Chef-opératrice », comme on l’appelait, était aussi une fervente lectrice et elle laissait souvent quelques livres au central, pour la semaine « de nuit ». Étant plus âgée que moi, elle me conseillait sur ce qui me convenait ou pas. C’est ainsi que j’ai découvert les romans de l’auteur américain Frank Slaughter. Il s’agissait de traductions évidemment, mais tellement bien écrits! L’auteur était médecin, alors les principaux personnages de ses livres étaient invariablement des médecins. Les histoires variaient entre le roman biblique, dont David, qui raconte la vie du roi d’Israël, ou le roman de cape et d’épée, tel Bois d’ébène, roman d’aventures de l’époque des marchands d’esclaves. J’ai conservé plusieurs de ces romans; j’en ai relu un l’été dernier… malgré le style un peu compassé, c’est encore bien beau!

L'un de mes livres préférés: Les Quatre Saisons, de Jean Provencher.

L’un de mes livres préférés: Les Quatre Saisons, de Jean Provencher.

Il fut un temps où j’étais abonnée à un club de lecture, « Les Éditions Rencontre ». J’ai ainsi lu certains classiques : Émile Zola, Alexandre Dumas et combien d’autres. Puis j’ai fait des choix très variés. Entre Pierre Daninos, Marcel Pagnol, Daphné Du Maurier, Saint-Exupéry, Agatha Christie… et j’en passe! Je lis encore un peu de tout; étant bénévole à la bibliothèque municipale, j’ai le loisir de connaître de nouveaux auteurs, d’essayer de nouveaux genres. Récemment, ma petite-fille Marie-Claire  m’a même fait découvrir le roman fantastique avec son premier livre Le trône d’Irysie… j’ai hâte de lire la suite! Les livres que je me plais à relire sont encore mes vieux romans de Pearl Buck, Daphné Du Maurier, Gabrielle Roy; et plus que tout, Jean Provencher et ses Saisons dans la Vallée du Saint-Laurent (c’est mon livre d’Histoire!), Jean O’Neil, (lui, c’est ma Géographie)… Sans oublier mes beaux livres d’images, ceux de la collection Aux limites de la mémoire ainsi que les volumes d’Henri Dorion et Pierre Lahoud, des merveilles! Je le redis, on ne s’ennuie jamais dans une maison où il y a des livres!

© Madeleine Genest Bouillé. 29 janvier 2016

Mes amis, les livres!

IMG_20160125_0004Quand j’étais enfant, je regardais les bandes dessinées dans les journaux, surtout Philomène, ma préférée! Comme j’avais hâte d’apprendre à lire, justement pour faire connaissance avec tous ces personnages des bandes dessinées du journal L’Action Catholique! On était tellement fier quand on pouvait enfin lire un vrai livre « avec pas d’images ». Cela faisait sans doute travailler notre imagination; on se forgeait nos propres images. Quand je me rappelle mes premières lectures, je revois les volumes de l’Encyclopédie de la Jeunesse, que mon père avait achetés pour nous. Les images étaient rares; elles servaient principalement à illustrer les pages où l’on décrivait les oiseaux, les fleurs et les papillons entre autres, et sur lesquelles on se penchait longuement – ces pages ont d’ailleurs été usées plus vite que les autres! Les histoires étaient illustrées de dessins en noir et blanc au début ou à la fin des chapitres; j’ai souvenir surtout des images qui ornaient l’histoire extravagante d’Alice au Pays des Merveilles. Pendant les vacances, les treize volumes de l’encyclopédie remplissaient les moments creux des jours de pluie, ou même ceux où il faisait soleil mais où rien d’autre nous tentait que lire… et encore lire! Maman s’entêtait à nous exhorter d’aller dehors, afin de profiter du beau temps; invariablement, nous disions : « Oui… j’achève ce chapitre. Après ça, j’y vais. »

Il y en avait des livres, chez nous. Un peu partout… et un peu de tout. Nous avons commencé à lire très tôt, encouragés en cela par nos parents, surtout notre mère qui avait toujours une revue ou un roman qui attendait ses rares moments libres. Je revois très bien mes frères, Florent ou André, dans quelque recoin de la maison, de préférence dans l’embrasure d’une des larges et profondes fenêtres de notre vieille maison de pierre, un livre à la main… c’étaient nos petits salons de lecture!

IMG_20160125_0001D’après mes souvenirs, mes premiers livres ont été les volumes de la série Perrine et Charlot, de Marie-Claire Daveluy. J’ai conservé un volume de cette série qui nous transportait à l’époque de la colonisation de la Nouvelle-France, le titre est très évocateur : Charlot à la Mission des Martyrs; on y retrouvait des personnages de notre manuel d’Histoire du Canada. Parmi mes vieux trésors, il y a cet autre livre, un de mes préférés, qui a pour titre Autour de la Maison, l’auteur était Michelle Le Normand. J’avais aussi reçu en prix de fin d’année Contes et propos divers ainsi que Chez Nous, d’Adjutor Rivard, des livres de récits… j’aimais ces histoires courtes. Je me souviens du premier texte, La Maison, qui commençait ainsi : « Il y en avait de plus grandes, il n’y en avait pas de plus hospitalières… » Plus loin, l’auteur écrit : « Je ferme les yeux, et je la revois encore, la maison de nos gens, blanche dans la lumière, sur le chemin du roi ». Coïncidence, sûrement, j’ai toujours habité des vieilles maisons, elles n’étaient pas toutes blanches, mais celle où nous vivons depuis bientôt quarante-cinq ans est située sur le chemin du Roy et elle est devenue blanche depuis les années quatre-vingt!

Autour de la maison, de Michelle LeNormand, L'un de mes livres préférés...

Autour de la maison, de Michelle LeNormand, l’un de mes livres préférés…

Avec André, j’ai connu ensuite les romans scouts, deux titres me reviennent Le Prince Éric et la suite, Le bracelet de vermeil. Comme nous aimions ces histoires où l’amitié était synonyme de courage et d’honnêteté. Au couvent, nous avions le loisir de puiser dans une bibliothèque bien garnie. Comme la plupart des filles de ma génération, j’ai fait connaissance avec Berthe Bernage, auteure française, dont la série la plus connue est sans aucun doute celle des Brigitte. De cette écrivaine, j’ai quand même préféré les six volumes du Roman d’Élisabeth, que j’ai relu cinq ou six fois. À la maison, nous avions aussi des bandes dessinées, dont le premier héros fut Tintin. Mais ça se lit très vite une B.D.! Alors qu’avec un livre, on plonge, pour n’en ressortir que longtemps après, un peu abasourdi, comme après un décalage horaire, en se frottant les yeux… Quand nous étions en compagnie de nos amis les livres, il fallait nous appeler plusieurs fois pour l’heure des repas, et plus encore, pour l’heure du coucher.

J’ai neuf petits-enfants. Les trois derniers ne lisent pas encore… mais ils se font raconter des histoires par leurs parents ou par les grandes sœurs, il arrive que la même histoire soit redemandée trois ou quatre fois! Les cinq autres, âgés de neuf à presque vingt ans aiment tous la lecture. La deuxième de mes petites-filles vient de publier le premier volet d’un roman fantastique qui en comptera trois. Ai-je besoin de vous dire que j’en suis très fière?

Il y a quelques années, pour l’anniversaire de notre bibliothèque municipale, nous avons fait imprimer un signet qui porte cette phrase de Jacques Folch-Ribas : « Quand tu sauras lire, tu ne seras jamais plus seul. » Les livres sont des amis discrets, qui révèlent leurs secrets lentement au fil des pages qu’on tourne une à une… C’est vrai qu’on ne s’ennuie jamais dans une maison où il y a des livres!

© Madeleine Genest Bouillé, 25 janvier 2016

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Congés d’école

Classe de Mère Sainte Flavie, au couvent, 1961.

Classe de Mère Sainte-Flavie, au couvent, 1961.

Je regardais le calendrier scolaire de mes petits-enfants qui sont à l’école primaire ou secondaire et je remarque que les « congés d’école », comme on disait dans mon jeune temps, n’ont rien de commun avec ceux qui nous étaient alloués. Les étudiants d’aujourd’hui ont des journées pédagogiques ou encore des journées prévues pour d’éventuelles tempêtes, qui certains hivers, deviennent finalement des congés tout court, faute de tempêtes! Et puis, il y a aussi des congés de grève… de mon temps, la seule grève qu’on connaissait était celle qui s’étend sur le bord du fleuve et où on allait jouer par les beaux jours d’été! Ils ont évidemment des congés à l’occasion de toutes les fêtes du calendrier. L’année scolaire est ainsi découpée d’une façon assez régulière. Si on ajoute à cela la semaine de relâche, nos jeunes sont, selon moi, assez choyés.

Église Saint-Joseph, le jour de la Toussaint 1963.

Église Saint-Joseph, le jour de la Toussaint 1963.

Dans les années 50, mes belles années d’étudiante, la plupart des congés étaient distribués selon le calendrier des fêtes religieuses. Tout d’abord, je dois dire que l’année scolaire ne commençait jamais avant la fête du Travail; il aurait été impensable d’aller à l’école avant le mois de septembre! Le congé de l’Action de Grâces a été décrété seulement en 1957, soit au cours de ma dernière année au couvent. Auparavant, nous n’avions donc pas de congé avant celui de la Toussaint, le 1er novembre, qui était suivi du Jour des Morts, le 2 novembre. Selon les jours de la semaine où tombaient ces fêtes, nous avions donc deux ou trois jours de congé. On ne fêtait pas l’Halloween, c’était une fête pour nos voisins Américains. On en entendait parler, on découpait les masques imprimés au dos des boites de Corn Flakes, mais on fêtait plutôt la Sainte-Catherine le 25 novembre, où la coutume était de déguster de la tire à la mélasse… friandise qu’on étire et qu’on étire et qui était fort appréciée des grands autant que des petits!

École de rang, près du #106, 2e Rang de Deschambault (coll. CARP).

École de rang, près du #106, 2e Rang de Deschambault (coll. CARP).

Dès le début de décembre, nous rêvions déjà aux vacances de Noël! Deux semaines de congé, ça mérite le nom de vacances. La longueur de ce congé était sensiblement la même que maintenant, sauf que comme la fête des Rois, le 6 janvier, était « fête d’obligation », c’était considéré comme un dimanche. Alors l’école ne recommençait jamais avant le 7 janvier. Tout comme pour les écoliers d’aujourd’hui, on trouvait que le congé des Fêtes était bien trop court. Lors des Jours Gras, il n’y avait pas de congé, mais le Mardi Gras, on se costumait après l’école et on allait chez les voisins faire cueillette de bonbons. Mais c’était surtout les adultes qui, en soirée, fêtaient le Mardi-Gras, costumés et déguisés… fête qui devait cesser à minuit tapant, puisque le lendemain c’était le mercredi des Cendres! Avec le Carême, nous entrions dans la plus longue période de l’année sans congé. Les congés de tempête étant inexistants, nul besoin de dire que l’hiver était long, long, long! Qu’est-ce qui se passait d’après vous quand il y avait une tempête? Les professeurs des écoles, avaient, soit un logement dans l’école même, ou encore ils demeuraient dans le voisinage de l’école. Les religieuses vivaient dans leur couvent. Les jours de mauvais temps, les professeurs enseignaient avec les élèves qui étaient présents, en évitant de donner des travaux importants, ce qui aurait eu pour effet de pénaliser les absents. Pour fermer une école, ça prenait toute une tempête!

Ma Profession de foi en mai 1952.

Ma Profession de foi en mai 1952, au couvent.

La fête de Pâques, la seule fête fixée selon le cycle lunaire, peut avoir lieu aussi tôt que le 24 mars et aussi tard que le 25 avril. Les années où Pâques arrivait à la fin d’avril, inutile de préciser que c’était le congé le plus attendu de l’année! Nous n’avions jamais moins que cinq jours, les jeudi, vendredi et samedi avant Pâques étant des « jours saints », avec office à l’église, de même que le jour de Pâques. Quarante jours après Pâques, c’était la fête de l’Ascension, toujours un jeudi, ce qui nous valait un congé de quatre jours. Très souvent, c’était lors de cette fête qu’avait lieu la Profession de Foi des élèves de 6e année. Et on finissait ainsi par arriver à la fin de l’année, qui se terminait le 20 ou le 21 juin, selon le jour de la semaine.

Nous avions aussi des congés en surplus, toujours tellement bienvenus! Dans toutes les écoles, lors de la visite de monsieur l’Inspecteur, celui-ci donnait congé de devoirs et de leçons et souvent une demi-journée ou une journée complète à prendre le jour même ou le lendemain, comme il convenait à l’instituteur ou l’institutrice. Au couvent, nous étions choyés, car nous avions en plus les visites des Supérieures provinciale et générale, qui nous valaient un congé à ajouter, soit à Pâques ou à l’Ascension. On acceptait ces congés-là comme de véritables cadeaux!

De tout temps, les « congés d’école » ont toujours été bien accueillis… Preuve que les écoliers n’ont pas changé tant que ça au fil des années!

© Madeleine Genest Bouillé, novembre 2015

« Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école? »

Vous rappelez-vous cette chanson? La réponse était dans le refrain: « C’est ce sacré Charlemagne! » C’est qu’il avait de drôles d’idées, ce Charlemagne, mais il faut avouer que la fois où il a imaginé l’école – si tant il est vrai que c’est à lui qu’on doit cette invention – c’en était une bonne!

Mon frère André, en 1949.

Mon frère André, en 1949.

Les études coûtaient cher autrefois… Dans les familles nombreuses comme la nôtre, on ne pouvait pas songer à faire de longues études. Mais nos parents tenaient à ce qu’on termine au moins des études équivalentes à ce qu’on appelle aujourd’hui le niveau secondaire. Parmi les plus jeunes, quelques-uns se sont rendus plus loin. Tous, nous avons donc été encouragés à étudier; les devoirs et les leçons ne devaient pas être négligés, les bulletins étaient soigneusement examinés et signés. Charlemagne serait content, nous avons tous été à l’école!

Notre mère en a passé du temps devant sa machine à coudre à défaire des vêtements ayant appartenu à mon père, pour en faire des habits pour ses nombreux garçons! Elle en a confectionné des chemises, elle en a rallongé des pantalons! Pour les filles, c’était plus facile; au couvent, nous portions la robe noire, inusable, à laquelle on avait d’abord fait un large bord pour pouvoir la rallonger l’année suivante! Elle a souvent du racler les fonds de tiroirs pour chausser tout ce petit monde et acheter les fournitures scolaires… Comme beaucoup de mères à cette époque, maman faisait des miracles parce qu’elle n’avait pas le choix. Vraiment, Charlemagne n’aurait rien à redire!

Ancienne école. L'actuelle école Du Phare a été construite juste à l'arrière en 1950-51.

Ancienne école. L’actuelle école Du Phare a été construite juste à l’arrière en 1950-51.

Mes grands frères ont connu la vieille école en pierre qui était située un peu en avant de l’école actuelle. Cette bâtisse était divisée en deux classes, la classe des petits, garçons et filles, et la classe des grands, les garçons de la 7e à la 10e année. En 1951, on construisit une école neuve; les plus jeunes de la famille y ont tous étudié. Cette école a été agrandie par la suite lors de la réforme scolaire, en même temps qu’on inaugurait le transport par autobus. Ça, je crois que Charlemagne ne l’avait pas prévu!

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Depuis que le système scolaire qu’on connait existe, le retour à l’école a toujours été un moment important pour les jeunes, qu’il s’agisse des petits qui commençaient leur vie d’écolier ou des plus grands qui changeaient de classe et aussi de professeur. Quand nous étions jeunes, que ce soit à l’école du village, dans les écoles des rangs ou au couvent, la rentrée n’avait jamais lieu avant la Fête du Travail. Le mois d’août, ce n’était pas fait pour aller à l’école! Un bon matin au début de septembre, tout le monde prenait le chemin pour l’un ou l’autre établissement scolaire, où nous attendait l’une des « maîtresse d’école » ou encore, pour les grands, le professeur, Côme Houde. Au couvent, les plus jeunes étaient reçus par Mère Sainte-Flavie et les autres, par une autre religieuse, je me souviens des titulaires de chacune des classes où j’ai étudié : Mère Saint-Joseph-Omer, Mère Sainte Reine-Odette, Mère Saint Jean-du-Saint-Sacrement et Mère Saint-Gérard. Des saintes femmes, comme leur nom l’indiquaient… bien que pas toutes rendues au même stade de la sainteté! Enseigner, ça peut conduire à la sainteté, ou vous en éloigner à jamais, n’est-ce-pas, Sire Charlemagne?

Moi, étudiante au couvent, en 1951...

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

On se lamentait bien un peu, pour la forme; on disait qu’on n’avait pas envie de retourner à l’école, que c’était plate, etc… Mais au fond, on avait tout de même un peu hâte de savoir s’il y aurait des « nouveaux », des « nouvelles ». Et puis, comme on avait forcément une année de plus, ça faisait plaisir de se sentir plus grand… on regardait de haut les « petits » en oubliant qu’on était à leur place il n’y avait pas si longtemps! Le retour à l’école comportait certaines autres petites joies, par exemple, quand on pouvait exhiber un nouveau sac d’école ou faute de mieux, un coffre à crayons tout neuf. Une boite de crayons Prismacolor, ça faisait aussi son petit effet. On retrouvait des amis qu’on n’avait pas vus durant l’été et, ce qui n’était pas négligeable, on allait apprendre tout plein de choses nouvelles, selon la matière qu’on préférait. Avouons-le, qu’aurait-on fait, douze mois par année, si l’école n’avait pas été inventée? C’était une drôle d’idée, mais à bien y penser, c’en était une bonne. Merci Charlemagne!

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Pour en savoir davantage sur les écoles à Deschambault, je vous invite à consulter le Musée virtuel du 300e, créé en 2013 par Culture et patrimoine Deschambault-Grondines.

Que sont mes amis devenus?…

Réflexion sur l’amitié.

J’ai rencontré ces derniers jours une amie que je n’avais pas vue depuis longtemps, elle m’a abordée ainsi : « Comme ça fait longtemps! Qu’es-tu donc devenue? » Ces mots m’ont rappelé les paroles d’une vieille chanson. Elle avait été reprise par Nana Mouskouri dans les années 80. Sur un petit air tristounet, ça dit entre autres choses : « Que sont mes amis devenus, que j’avais de si près tenus, et tant aimés… Ce sont amis que vent emporte, et il ventait devant ma porte, les emporta. »

Une amie qui venait de loin, Lucienne, en 1946.

Une amie qui venait de loin, Lucienne, en 1946.

Dans ma mémoire ont alors défilé les enfants avec qui je jouais dans mon enfance. Et ces garçons et filles, avec qui j’ai « jeunessé » – j’aime bien ce mot, je trouve qu’il exprime bien ces relations amicales et sans conséquence qui sont le lot de notre adolescence et des débuts de notre vie d’adulte. Puis, plus tard, les personnes que j’ai rencontrées au gré des différentes activités auxquelles j’ai participé. Que sont-ils tous devenus? J’avoue que j’en ai perdu plusieurs de vue, et ce, depuis longtemps. Comme dans la chanson : «  Le vent les a emportés ». Par contre, demeurant dans le village où je suis née, je rencontre quand même souvent d’anciennes compagnes de classe ou des amis que je connais depuis de nombreuses années. En vieillissant, je remarque qu’on se rapproche des gens avec qui on a partagé des tranches de vie, et c’est normal. On a des souvenirs en commun, on a écouté les mêmes chansons, on est allés voir les mêmes films, on a ri ensemble, on a échafaudé des projets d’avenir. Plus tard, nos enfants ont fréquenté la même école. Même si nous n’étions pas des amis intimes auparavant, tout cela a créé des liens. Et ces liens qui nous rattachent les uns aux autres, c’est de la chaleur pour le cœur. Ma mère disait : « En vieillissant, on devient frileux; pour avoir plus chaud, on a besoin de compagnie. » En réalité, qu’est-ce donc que l’amitié? Une autre chanson me revient, elle était chantée par Françoise Hardy : « Beaucoup de mes amis sont venus des nuages… ils ont fait la saison des amitiés sincères, la plus belle saison des quatre de la terre. » Déjà, quand j’étais enfant, j’hésitais toujours un peu avant de dire qu’une autre fillette était mon amie. Je me souviens que j’avais peur de me tromper; j’attendais d’être certaine. Selon moi, l’amitié était comme une maison où l’on est invité; on frappe à la porte, mais on attend pour entrer que quelqu’un vienne ouvrir.

En 1960, avec mes amies du

En 1960, avec mes amies du « Cap Blanc », Nicole et Murielle.

Au cours de mes années d’étudiante, j’ai noué des relations amicales avec plusieurs compagnes, en tenant compte toutefois qu’il était dans l’ordre des choses que nos chemins se séparent à la fin de nos études. Plus tard, au fil des années, j’ai connu des amis que je nomme des « étoiles filantes », des personnes rencontrées dans différents groupes, comme la chorale, le théâtre ou une association quelconque. Des « amis »… en devenir, qui pour une raison ou une autre, n’ont fait que traverser ma vie. Il y a eu des déménagements. On sait ce que c’est, on se promet de demeurer en contact et le cours des choses en décide autrement. Parfois on s’éloigne parce que malgré certaines affinités, on n’est pas sur la même longueur d’ondes, on n’a pas les mêmes valeurs. C’est dommage! Aussi, comme beaucoup de gens de mon âge, je déplore la perte de quelques amis qui sont déjà partie pour l’autre monde. Il y a encore heureusement des personnes qui « font la saison des amitiés sincères ». Ils et elles ne sont pas légion; certains sont des amis depuis très longtemps, d’autres moins, mais tous me sont chers. Que ces amitiés se soient forgées au fil des ans ou au gré des activités qui nous ont rapprochés, j’espère de tout mon cœur que le vent ne les emportera pas! L’amitié, c’est comme le soleil, on n’a pas besoin de le voir tous les jours, mais on s’ennuie quand il se fait trop rare. Pour les vrais amis, l’essentiel c’est que chacun sache qu’il peut compter sur l’autre. En terminant je vous cite deux pensées tirées de mon vieux petit carnet, d’abord celle-ci : « Les vrais amis attendent la réponse quand ils demandent : comment ça va? » Et celle-là : « Un ami, quelqu’un qui sait tout de toi et qui t’aime quand même. »

Madeleine Genest Bouillé, août 2015

L,amie Madeleine et son cousin Jean-Maurice, 1947.

L’amie Madeleine et son cousin Jean-Maurice, 1947.

J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur…

Dans ma tendre jeunesse, on effeuillait la marguerite en récitant : « J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur ». Évidemment, nous souhaitions que le dernier pétale tombe à la première option, même si au besoin on devait tricher un peu pour y arriver!

Religieuse au couvent de Deschambault, dans les années 40.

Religieuse au couvent, dans les années 40.

La jeune fille du temps passé avait trois choix de vie. Soit elle se mariait et élevait une famille, soit elle entrait en religion pour y exercer le métier d’enseignante ou d’infirmière, ou encore, et ce n’était pas vraiment un choix, elle demeurait célibataire. Souvent, la « fille de la maison » se retrouvait à s’occuper de ses parents vieillissants, après que les autres membres de la famille soient partis chacun de leur côté. Jusque dans les années soixante, je dirais, les filles étaient élevées en fonction de cette vocation de femme au foyer et de mère de famille. Même pour celles qui avaient étudié, soit pour devenir enseignante ou infirmière, ou qui avaient suivi le cours de sténo-dactylo pour devenir secrétaire, en général, on travaillait « en attendant ».

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Aussitôt les études terminées, et même avant, on commençait à préparer notre trousseau. Dans les demeures où l’on possédait un métier à tisser, les filles apprenaient à fabriquer linges de vaisselle, couvertures et catalognes. Même si toutes n’avaient pas de coffre d’espérance en cèdre, chacune avait à cœur d’arriver au mariage avec un trousseau bien garni. À mon époque, la plupart des futures mariées avaient un emploi, ce qui leur laissait moins de temps pour tisser, tricoter ou broder. On offrait donc sur le marché un trousseau de base pour un certain montant à défrayer chaque mois. C’est ce que j’ai fait car je n’avais pas vraiment de talent pour les travaux délicats. Pour ce qui était de la cuisine, on l’apprenait à la maison, à moins d’avoir suivi le cours d’Enseignement ménager. Les écoles ménagères préparaient aussi aux professions de couturière, cuisinière et plus tard, de diététicienne.

Modern Bride Magazine, 1964.

Modern Bride Magazine, 1964.

Le mariage étant une chose sérieuse, on se devait d’être bien informé sur tous les aspects de cette nouvelle voie dans laquelle on s’engageait. Car, voyez-vous, on se mariait pour la vie! Les futurs mariés étaient fortement incités à suivre le cours de préparation au mariage qui était donné dans chaque paroisse par le curé ou le vicaire, assisté d’autres personnes qualifiées selon le sujet du cours. Comme mon fiancé travaillait sur les bateaux, nous avions choisi le cours par correspondance, c’était pas mal plus simple ainsi. Pour les préparatifs matériels (cérémonie, vêtements, noces), il y avait un incontournable, la revue Mon Mariage, qui traitait de tout, absolument tout! J’avais acheté ce magazine et aussi une revue américaine, Modern Bride; j’ai conservé cette dernière qui date du printemps 1964.

Photo de mariés datant de 1951.

Photo de mariés datant de 1951.

L’étiquette du mariage était pas mal plus compliquée que maintenant, où chacun porte ce qui lui plaît, peu importe le style de la cérémonie. Par exemple, jusque dans les années cinquante, quand une jeune fille se mariait passé vingt-cinq ans, il était d’usage qu’elle porte une robe de couleur, de longueur normale, avec chapeau assorti, tel que vous pouvez voir sur la photo qui date de 1951. Je précise que cette mariée portait une robe et des accessoires de couleur turquoise. La robe longue, blanche, avec voile et traîne plus ou moins « traînante », était réservée à celles qui n’avaient pas « coiffé Sainte-Catherine ». Remarquez, il y a avait déjà des demoiselles qui se fichaient pas mal de ces diktats, c’est d’ailleurs pourquoi ils sont petit à petit tombés en désuétude.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Au cours des années cinquante, on a trouvé un compromis pour la longueur des robes de mariées qui n’étaient ni courtes, ni longues, on appelait ça 7/8. La robe pouvait être de couleur pastel; celle de ma sœur était blanche, comme vous pouvez voir sur la photo de septembre 1957. C’était le premier mariage dans la famille et puisqu’on parle de mode, cet automne-là, le chic était la robe bleu Dior, autant que possible en velours! Aux noces de ma sœur, il y avait sept ou huit invitées vêtues de robe de cette couleur.

Vous vous demandez ce qu’on mangeait au cours des noces? J’ai assisté à une noce pour la première fois en 1951, il y a eu ensuite le mariage de ma sœur en 1957 et par la suite, j’ai assisté à plusieurs noces – on se mariait beaucoup à l’époque! La plupart du temps, on servait en entrée un jus de légumes, quelques crudités et ensuite des sandwiches, lesquelles variaient selon le coût du repas. Le tout était couronné par le gâteau de noces qu’on servait habituellement après que les mariés aient endossé leur costume de voyage de noces, juste avant le départ… alors que les nouveaux mariés faisaient le tour des invités pour remercier chacun et chacune, avec, évidemment, quelques larmes en prime!

Mon époux et moi, nous sommes mariés le 24 juin 1964. La mode des énormes crinolines était en perte de vitesse, aussi j’avais choisi de faire coudre ma robe dans un satin peau de soie que je trouvais plus sobre. Pour faire changement, nous avions commandé un repas chaud… Malheureusement, il faisait très chaud et humide ce jour-là. Tant pis! Nous n’avons tout de même que de beaux souvenirs, tant du mariage que de la noce, sans oublier le trajet après le mariage en Lincoln décapotable de l’année!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

Images d’été

IMG_20150714_0001Mon premier été… j’avais huit ou neuf mois, on m’avait assise dans l’herbe haute, comme on peut le constater. Nous n’avions pas de tondeuse à gazon et pas de gazon non plus, juste de l’herbe, ou du foin si vous préférez. Ça ne nous empêchait pas d’être heureux, loin de là! La photo a été prise en avant de la maison sise au 249, Chemin du Roy. C’est dans la partie est de cette maison qui a été rallongée que les six derniers enfants de la famille Genest sont nés. À l’époque, il y avait des arbres devant la maison, une clôture et assez de terrain pour jouer.

Numériser0007Une image que j’aime bien, c’est cette photo avec mon petit bicycle tout en bois! J’étais alors chez Lauréat et Aurore Laplante. Lauréat, qui était menuisier, m’avait fabriqué ce petit véhicule peint en rouge et bleu, avec lequel je m’amusais bien sagement dans la cour. Je n’allais pas encore à l’école, mais je ne m’ennuyais jamais. Il y avait le chien, Buster, un chat, quelques chèvres dans un petit enclos. J’en avais un peu peur, mais j’aimais quand même aller les regarder et leur donner à manger. J’ai eu une belle enfance, du moins c’est ce dont je me souviens… N’est-ce pas l’essentiel?

IMG_20150714_0006Cette photo prise vers 1960 me rappelle les étés où je rendais visite à ma sœur et sa famille à Longueuil; le samedi, quand il faisait beau, nous allions pique-niquer au Parc Roman, quelque part au bord du Richelieu. Je ne me souviens pas dans quelle municipalité était situé ce parc. C’était comme dans la chanson : « Sur la route de Longueuil, de Longueuil à Chambly »… Il y avait de beaux endroits ombragés avec des bancs de pierre que j’imaginais très vieux… peut-être ne l’étaient-ils pas. Parfois, au retour, nous arrêtions dans un ciné-parc pour regarder un film, mes deux petits neveux faisant dodo à l’arrière de la camionnette de mon beau-frère. Quand je travaillais au Central du téléphone, c’était mon voyage de vacances!

IMG_20150714_0005Une photo prise « aux trois roches », sur la grève, où nous allions nous baigner. Je l’ai choisie parce qu’on y voit notre chien Bruno. En fait, nous avons eu Bruno I et Bruno II, deux chiens identiques, des bâtards d’épagneul, pour le peu que j’en sais. Je me souviens moins bien du deuxième; il est entré dans la famille après mon mariage… pour lui, je n’étais pas quelqu’un de la maison! Sur cette photo, il s’agit de Bruno I; il se tient tranquille parce qu’il est avec papa. Notre père était un homme calme, souriant, il ne parlait pas fort; Bruno devait se trouver bien avec lui… comme nous d’ailleurs. Et ça me rappelle aussi les trois roches, où nous allions toujours pour nous baigner et pour pique-niquer… Une image qui représente tellement bien les plaisirs de nos étés.

IMG_20150714_0007Puis un jour, un marin d’eau douce est entré dans ma vie… pour n’en plus sortir! Cette photo date de 1962. Le bateau devait être à quai quelque part à Québec ou à Lanoraie, ou bien mon marin avait décidé de prendre une petite vacance et il me faisait la surprise d’une visite inattendue. Cette photo est une image de bonheur; elle est donc essentielle dans l’histoire de mes étés.

IMG_20150714_0019Nos pique-niques! Quelques membres de ma famille ont eu au cours des années 60 jusqu’en 92, une maison ou un chalet près du fleuve. Imaginez si on en faisait des pique-niques! Voici une de ces images d’été, une parmi tant d’autres. J’ai choisi celle-ci parce que souvent sur ce genre de photos, on voit plus de dos que de figures ou encore les personnes sont éparpillées un peu partout. Cette photo date du début des années 70. Au fil des années, les enfants grandissent, il en arrive d’autres, de nouveaux conjoints s’ajoutent, le décor change un peu, les modes aussi… Mais c’est l’image même des petits bonheurs de nos étés. Ces petits bonheurs qui, s’ajoutant les uns aux autres, forment la trame du bonheur tout court!

IMG_20150115_0004L’été ça passe vite. Un beau matin, sans qu’on sache comment c’est arrivé, c’est le mois d’août! Cette photo de mes grands-parents Blanche et Tom Petit a certainement été prise au mois d’août. D’abord, je dois préciser que la rue Saint-Joseph, qu’autrefois on nommait tout bonnement « la petite route », était et est toujours de par sa situation géographique, une espèce d’Eden où l’on trouve les plus beaux potagers du village! Tout particulièrement, le jardin de ma grand-mère Blanche, qui est devenu par la suite le jardin de ses filles, était sans contredit LE plus beau jardin. Sur cette photo, prise après le souper – le « serein » tombe vite en août –, mes grands-parents sont l’image même des gens heureux. Après une grosse journée (y en avait-il de petites?), Blanche se repose en mangeant un épi de blé d’Inde, pendant que Tom fume une pipée de tabac canadien, qu’il a sans doute récolté dans son jardin. Ils ont l’air si bien! C’est l’une de mes photos préférées, une image apaisante, qui me fait aimer le mois d’août.

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

La famille de ma mère: les Paquin et les Petit

Photo de mariage d'Edmond et Blanche (la photo "double" était à la mode à cette époque).

Photo de mariage d’Edmond et Blanche (la photo « double » était à la mode à cette époque).

Il me fait grand plaisir de vous présenter maintenant les parents de ma mère, Blanche Amaryllis Paquin, et Edmond Petit, lors de leur mariage le 5 mai 1903. Coïncidence, nos grands-parents Genest et Petit ont convolé le même mois de la même année. Vous remarquerez la photo double qui devait être alors très à la mode. Mes grands-parents maternels étaient cousins germains, Blanche étant la fille d’Amaryllis Boissonnault et de Grégoire Paquin et Edmond – qu’on a toujours appelé Tom, le fils d’Angèle Paquin, la sœur de Grégoire, et de Nérée Petit. Les parents de Grégoire et Angèle, Léon Paquin et Julie Proulx, demeuraient dans une maison qui a été incendiée en 1918; cette demeure était située au même endroit que la maison Montambault, au 338, sur le Chemin du Roy. Grégoire et Amaryllis ont eu dix enfants, dont quatre décédés en bas âge. Eugène, Georges, Alfred, Ernestine, Eugénie et Blanche se sont mariés et ont eu des enfants. Les Paquin de ma branche maternelle sont issus de Nicolas Paquin, l’ancêtre de tous les Paquin, et de sa deuxième épouse, Thérèse Grosleau.

Les oncles Petit avec le cousin Georges Paquin.

Les oncles Petit avec le cousin Georges Paquin.

Pour ce qui est de la famille Petit, le premier de notre lignée était Charles, marié à une Fille du Roy, Jeanne Rossignol. Charles est décédé très jeune; il laissait pour perpétuer son nom deux garçons : Jacques et Nicolas. Ce dernier se marie en 1700 à Neuville tandis que son fils, Jean-François, épouse à Cap-Santé Françoise Matte en 1725. C’est avec Augustin de la quatrième génération qu’on voit les Petit établis à Deschambault à partir de 1774. La généalogie nous apprend que Nicolas, le fils d’Augustin, marié à Angélique Marcotte, acquiert une terre au village de Deschambault sur le lot 54 en 1800. En 1809, il déménagera sur le lot 24 à l’ouest de la terre des Delisle. Sur les papiers officiels, David, fils de Nicolas, qui a épousé Flavie Gauthier en 1827, a été identifié comme cultivateur. Nérée, mon arrière-grand-père, l’époux d’Angèle Paquin, est lui aussi cultivateur et d’après ce que je sais, ses cinq fils n’ont pas repris le métier de leur père. Quatre d’entre eux, Ulderic, Jean, Alfred et Victor, ont vécu à Grand-Mère. Cependant, l’oncle Alfred est revenu vivre à Deschambault après son mariage. Les deux maisons qu’il a construites ont toutes les deux la particularité d’être bâties dans une côte (la maison au coin de la rue Johnson et la maison Vézina). Nérée et Angèle ont eu aussi cinq filles : Caroline, Hélène, Joséphine, Rose et Louise. Seul mon grand-père, Tom, a passé sa vie à Deschambault où il a exercé le métier de cordonnier. Sur la photo des frères Petit, on voit aussi le cousin Georges Paquin. Les deux familles étaient très liées, Paquin autant que Petit aimant rire, avoir du plaisir et festoyer.

Les tantes Petit: Rose, Hélène et Joséphine.

Rose, Hélène et Joséphine Petit.

Mes grands-parents Petit ont eu dix enfants, dont trois sont décédés en bas âge; il s’agissait des deux premiers, Guillaume et Jeanne, ainsi que Pierrette, qui était la septième. Parmi les survivants, l’aînée Thérèse était mariée à Adrien Létourneau, avec qui elle a eu quatre enfants. Tante Thérèse est décédée à quarante-deux ans. Venait ensuite Jeanne, ma mère, qui a épousé Julien Genest le 30 août 1932; Jean-Paul, marié à Bernadette Mottard, a eu quatre enfants; Alice, qui a épousé Léo, un des frères de mon père, n’a eu qu’un fils. Irma et Gisèle sont demeurées célibataires et Rollande, mariée à Roméo Hamelin, a eu cinq enfants. Tante Rollande est notre seule tante encore vivante. Notre grand-mère Blanche est décédée en 1951 et son mari, « le Père Tom » l’a suivie en 1955.

Nos grands-parents tant Genest que Petit ont eu chacun de leur côté vingt-quatre petits-enfants. Une autre génération a essaimé du Canada aux États-Unis en passant par le Grand Nord… et peut-être ailleurs, qui sait, nous nous sommes perdus de vue depuis déjà bien longtemps!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Maison de Grégoire Paquin (à l'emplacement actuel du 338 Chemin du Roy).

Maison de Grégoire Paquin (à l’emplacement actuel du 338 Chemin du Roy).