Histoire de Héro… ou d’Héroïne

J’aime beaucoup le thème choisi pour la Fête nationale de cette année : « Histoire de Héro ». Moi, j’ai ajouté « Héroïne », parce que, justement, j’avais envie de parler de l’héroïne de mes jeunes années. Je ne me souviens pas de l’âge que j’avais, mais c’était certainement la première année où nous avions un cours d’Histoire du Canada – on ne parlait pas d’histoire du Québec à l’époque, en fait, nous étions des « Canadiens-Français », vivant en Nouvelle-France. Vous comprendrez que je viens de reculer d’une bonne soixantaine d’années!

Donc, nous avions commencé à apprendre l’histoire de notre pays, celui qui s’étend « d’un océan à l’autre », quoique, dans les premières années, on s’attardait surtout à cette partie nommée « Nouvelle France ». On apprenait tout d’abord les noms des découvreurs, de Jacques Cartier à Paul Chomedey de Maisonneuve. On s’attardait plus longuement sur Samuel de Champlain, le fondateur de Québec, dont j’admirais le portrait dans le manuel d’histoire, quoique, je lui préférais le comte de Frontenac, qui m’avait vraiment accrochée avec sa réponse aux Anglais : « Dites à votre maître que je lui répondrai par la bouche de mes canons ». J’admirais déjà les belles répliques! Par la suite, arrivaient les missionnaires, prêtres et religieuses, dont on nous parlait longuement. Beaucoup de pères, Récollets et Jésuites et, enfin, des femmes :  Marguerite Bourgeois, Jeanne Mance, Mère Marie de l’Incarnation et, ma préférée, une toute jeune fille, comme le dit une chanson du répertoire de La Bonne Chanson Madeleine, Madelon : « S’appelait la Madeleine, de son petit nom – Jeune, quatorze ans à peine, la petite Canadienne… »

L’Histoire raconte que le matin du 22 octobre1692, alors que le Sieur de Verchères était à Québec et son épouse Marie Perrot, à Montréal, leur fille Marie-Madeleine, âgée de quatorze ans, travaillait aux champs quand une troupe d’Iroquois jaillit du bois et se saisirent des quelques vingt personnes qui travaillaient hors du fort. Madeleine, ne faisant ni une, ni deux, se glissa dans le fort et donna l’alerte. Avec ses frères, elle employa une ruse pour faire croire à l’ennemi que le fort était bien gardé, en tirant des coups de fusils de différents endroits de l’enceinte. On ajoute que Madeleine réussit à tenir le fort jusqu’à l’arrivée des renforts de Montréal, au bout de huit jours. Des sceptiques soutiennent que l’héroïne, elle-même, a embelli son épopée, en se rajeunissant de quelques années et que le siège a duré moins longtemps… Que nous importe! L’exploit est véridique et c’est l’essentiel.

J’avais alors peut-être dix ans, guère plus lors de ce cours d’Histoire du Canada et ce récit est demeurée pour moi aussi merveilleux sinon plus que les contes de fées et de sorcières qu’on me racontait dans ma petite enfance. Madeleine était et resterait à jamais, mon héroïne préférée! De plus, en feuilletant les cahiers de La Bonne Chanson, que je lisais comme des livres d’histoire, je suis tombée sur une autre chanson Madeleine de Verchères. Près du titre écrit en grosses lettres, on voit Madeleine, la tête fièrement levée, armée de son fusil. Les paroles, grandiloquentes, embellissent l’histoire autant qu’il est possible de le faire.  Je vous en cite le premier et le dernier couplet :

« S’il est un nom dont la mémoire est chère… c’est l’immortel, le beau nom de Verchères, la terreur des Indiens! Il est porté par une jeune fille au cœur vaillant et fort, qui pour sauver son pays, sa famille, osa braver la mort!

« Ton souvenir, Madelon de Verchères, ne nous a pas quittés. S’il le fallait, pour défendre sa race, sa langue et sa foi. Sans hésiter, la Canadienne suivrait ta trace et vaincrait comme toi! » Que de belles et nobles paroles!

Plus tard, en 1706, Marie-Madeleine épousa Pierre-Thomas Tarieu de la Naudière, sieur de la Pérade. L’Histoire ajoute que Madeleine a eu l’occasion de sauver la vie de son mari à deux reprises lors d’attaques des Iroquois. On est une héroïne ou bien on l’est pas!

Les gens qui choisissent un thème pour la Fête Nationale, ne font pas ce choix au hasard. Nous n’avons pas vraiment besoin de fouiller dans les livres d’Histoire pour nommer nos héros.  Regardons autour de nous, il y a des héros et des héroïnes de tous âges et de toute condition. Qu’il s’agisse de jeunes écoliers ou encore de personnes d’un certain âge sinon d’un âge certain, tous les jours nous avons la chance de découvrir des héros dans notre entourage. Des gens qui se dépassent et qui se surpassent pour venir en aide aux plus mal pris que soi, des gens qui dénoncent l’injustice, la maltraitance ou le saccage de notre environnement… ou tout simplement des gens qui nous aide à découvrir et à mettre en valeur ce qu’il y a de beau et de bon autour de nous. Le 24 juin fêtons nos Héroïnes et nos Héros et disons-leur « Merci »!

© Madeleine Genest Bouillé, 22 juin 2018

Ces pauvres iris!

On est en juin; malgré la température plutôt fraîche – du moins jusqu’à aujourd’hui – mes iris ont commencé à fleurir. J’aime beaucoup ces fleurs, surtout que nous en avons  beaucoup.  Tellement, qu’à chaque année à l’automne, mon mari en enlève, les replante ailleurs ou il en donne à qui en veut, quand il ne sait plus où les mettre!

Voilà qu’avec la nouvelle lune, nous arrivent des jours moroses, accompagnée de vents violents, Dame Nature est de plus en plus portée sur les débordements.  Ça fait partie des changements climatiques… on ne peut plus se le cacher! Quoi qu’il en soit, on doit se compter chanceux, nous n’avons quand même pas d’inondations, de cyclones, de tornades ou de tremblements de terre dévastateurs.

Mais les pauvres iris! Dès que le vent les secoue un peu fort, qu’importe le côté d’où il vient, mes iris se couchent… et ne se relèvent plus! La tige est pliée, il n’y a rien à faire. Il ne nous reste plus qu’à couper les malheureuses fleurs qui n’ont pas su rester debout. Parfois, elles ne sont même pas encore en pleine floraison, c’est dommage. Chaque fois, ça me désole!

Ce phénomène m’a inspirée une réflexion que je vous livre. Quand il arrive un coup dur, n’est-ce pas qu’il serait tentant de se coucher et de ne plus se relever? Ne plus lutter, ne plus souffrir, avoir la sainte paix!  Quand on n’offre plus de résistance, que peut-il arriver de pire que de rester à terre? Certains le font… c’est aussi ce que font les iris. Au premier gros vent qui les assaille, ils cèdent. Remarquez, je me disais aussi que si Jésus était resté à terre à sa première chute, peut-être qu’on l’aurait laissé tranquille, mais non, il s’est relevé, trois fois, alors on s’est acharné sur lui, et on a fini par le crucifier. Oui je sais bien, il était écrit qu’il fallait que ça se passe ainsi. Il fallait qu’il se relève, pour continuer son chemin vers le Calvaire. Il devait aussi se relever pour nous enseigner à faire de même…

La saison des iris passe très vite… c’est sûrement mieux ainsi. La tentation de tout laisser tomber quand ça va mal, il ne faut pas que ça dure. C’est normal, c’est humain et comme le disait Charles Péguy : « Seigneur, vous nous avez pétri de cette terre, ne vous étonnez pas de nous trouver terreux! »

© Madeleine Genest Bouillé, juin 2009

L’école avant les polyvalentes et les cégeps

Je reviens souvent sur le temps où j’étais étudiante. Mais je me rends compte, comme ça en passant, qu’il y a maintenant plus de cinquante ans que la centralisation des écoles a bouleversé les villages en y introduisant des autobus scolaires, et en y construisant les écoles les plus affreuses de tous les temps! Il y a aussi 50 ans et plus que les polyvalentes et les cégeps ont été créés. Le temps passe… et les polyvalentes ont eu le temps de devenir des écoles secondaires et les premiers diplômés des cégeps sont maintenant à la retraite!

Je comprends pourquoi, quand je parle du temps de mes études au Couvent de Deschambault, j’ai l’air de sortir d’un autre siècle. Je sors effectivement d’un autre siècle! Alors, une fois pour toutes, je vous raconte ce qu’était l’école au temps du « Département de l’Instruction publique de la province de Québec ».

Comme j’en ai souvent fait mention, j’ai fait mes études au Couvent des Sœurs de la Charité de Québec à Deschambault, de la 3e à la 11e année.  J’avais tout d’abord fait une année dans une classe privée, où l’on nous donnait des rudiments de lecture, écriture et arithmétique, sans oublier le catéchisme, ce qui nous permettait de faire notre Petite Communion. Pour la dixième, ou vingtième fois, je le redis : moi, j’avais surtout hâte de pouvoir lire les bandes dessinées dans le journal, surtout « Philomène ». Cette première année a eu pour résultat qu’on m’a classée en 3e année dès mon arrivée au couvent à l’âge de 6 ans. La bonne Mère Sainte-Flavie était ébahie de mon habileté pour la lecture… Si elle avait eu l’idée de tester mes aptitudes pour les chiffres, j’aurais plutôt été placée en 2e année.

Classe de Mère Sainte-Flavie au couvent en 1961.

Pour faire le compte de mon niveau d’instruction, je dois ajouter mes trois mois à l’école Normale de Pont-Rouge. J’ai heureusement été malade, ce qui m’a obligée à faire une pause et m’a aussi donné l’opportunité de réfléchir au fait que la profession d’institutrice, comme on disait dans le temps, n’avait pour moi aucun attrait. Il faut dire qu’à la fin de ma 11e année, je n’avais que 15 ans. La plupart de mes amies s’en allaient étudier à l’école Normale, alors, pourquoi pas moi?  Comme je l’ai déjà mentionné, nous n’avions pas beaucoup d’options. Je rêvais d’être actrice, mais on m’avait prévenue que je devais oublier cette lubie.

Parlons plutôt des établissements scolaires à Deschambault. En plus du Couvent et de l’école du village, il y avait si je me rappelle bien, quatre ou cinq écoles de rang, (je ne me souviens pas s’il y avait une école au 3e Rang). Dans ces écoles, les institutrices donnaient les cours de la 1ère à la 6e ou 7e année. À l’école du village, il y avait deux classes, celle qui regroupait les filles et les garçons de la 1ère à la 6e année et la classe des garçons où l’instituteur donnait les cours jusqu’en 10e année.

Le Couvent était d’abord un pensionnat où on retrouvait des jeunes de toutes les régions du Québec. On y accueillait les filles de la 1ère à la 12e année et les garçons jusqu’à la 6e année. Quatre classes se partageaient les élèves pensionnaires et externes. Au 3e étage, la classe de Mère Sainte-Flavie regroupait les 1ère, 2e et 3e années. Il y avait aussi la classe des 4e et 5e et celle des 6e et 7e années. Au 2e étage, la classe qu’on appelait pompeusement l’Académie, recevait les filles de la 8e à la 12 année jusqu’en 1958, alors qu’on a supprimé la 12e. Cette classe était située derrière la chapelle.

Les finissantes de 11e année avaient accès aux études supérieures, soit à l’école Normale, l’école Ménagère ou à l’Université, quoiqu’à mon époque, la proportion de filles qui se rendaient aux études universitaires était plutôt minime. Les études coûtaient cher, les familles étaient nombreuses et il faut bien avouer que beaucoup de filles comptaient travailler « en attendant » soit le Prince charmant ou l’appel de la vocation religieuse! Je vous rappelle que j’ai terminé mes études en 1957… Heureusement pour moi, quelques mois après mon court séjour à l’École Normale, on avait besoin d’une remplaçante au Central du téléphone. C’est devenu mon métier et après quelques mois, un poste se libérait et j’y ai travaillé jusqu’à mon mariage en juin 1964, alors que le « téléphone à cadran » faisait son entrée à Deschambault en septembre de cette même année.  Heureuse coïncidence!

L’ancien couvent de Deschambault, en cours de restauration (photo: P. Bouillé, mai 2018).

© Madeleine Genest Bouillé, 19 mai 2018