Dernièrement, au cours d’une conversation où l’on parlait un peu de tout, quelqu’un a abordé le sujet des multiples « bobos » d’enfant, et surtout des remèdes qu’on apportait autrefois à ces maladies plus ou moins sérieuses. Pour ce qui est des éraflures et coupures, je crois que le remède qui a subsisté le plus longtemps fut le fameux « mercurochrome ». On badigeonnait les blessures de ce beau liquide rouge, qui, contrairement à la teinture d’iode, ne brûlait pas quand on l’appliquait sur une plaie. Le mercurochrome (merbromine), qu’on appelait « le pansement des héros », a été créé en 1917, le brevet appartenait à la firme Juva Santé. Après plus de 80 ans de commercialisation, on a cessé la fabrication de ce populaire liquide rouge, car il présentait, paraît-il, des risques d’empoisonnement au mercure. Quand nos enfants étaient petits, mon époux avait plutôt l’habitude d’enduire les éraflures de gomme de pin, comme sa mère lui avait appris. Comme quoi, dans ce domaine comme dans bien d’autres, chaque famille avait ses remèdes de prédilection, et dans la plupart des cas, depuis plusieurs générations!
Dans mon enfance, j’ai connu plusieurs remèdes, dont certains plutôt farfelus. Tout d’abord, il y avait une règle que tout le monde observait. Quand on attrapait une des nombreuses maladies infantiles, il fallait absolument administrer au patient une purgation. C’était la panacée. Il semblait important de « nettoyer » l’organisme, alors on nous faisait prendre soit de l’huile de castor (huile de ricin), ou pire encore, du « sel à médecine ». C’était horrible! Comme je ne faisais jamais les choses à moitié, j’ai eu la rougeole et la coqueluche en même temps. J’ai donc dû passer plus d’un mois au lit, le store baissé, car on disait que si la rougeole tombait dans les yeux, on risquait de devenir aveugle. On était au printemps, il faisait chaud dans la petite chambre à l’étage et, quand les grandes personnes étaient occupées en bas, je me risquais à jeter un œil par la fenêtre, en soulevant le store, surtout à l’heure où les autres enfants s’en allaient à l’école. Une minute, pas plus! Ça ne devait pas être si dangereux. Puis vint le jour de la purgation. On avait tenté par tous les moyens de me faire prendre le fameux sel à médecine. Je pleurais, je me débattais « comme un diable dans l’eau bénite », je recrachais l’affreuse potion. J’ai quand même fini par en absorber un peu. Ne me demandez pas si le remède a agi…je ne m’en souviens plus!
Par la suite, je suis restée sujette aux rhumes. Dès qu’il en passait un, je l’attrapais, et ça durait! J’ai essayé tous les sirops, le plus efficace étant évidemment celui qui avait le plus mauvais goût, le sirop Buckley. Presqu’aussi pire que le sel à médecine! Par contre, j’adorais les pastilles Smith, surtout celles à la réglisse, qu’on pouvait se procurer les jours de « magasin » au couvent. Une journée par semaine, les Sœurs tenait un petit éventaire où elles vendaient des cahiers, crayons et aussi des pastilles pour la toux. J’achetais donc presque chaque semaine une boite de pastilles… jusqu’à ce que la religieuse téléphone chez moi pour savoir si j’avais réellement toujours le rhume. Ce fut la fin de ma thérapie de pastilles! Lors d’un autre rhume particulièrement tenace, on m’avait administré une autre potion assez radicale; il s’agissait d’eau très chaude avec du miel et dans laquelle on avait mis quelques gouttes de térébenthine. Je ne me souviens plus du goût, ni non plus du degré d’efficacité!
Et que dire des « mouches de moutarde »! Quand je vous dis que j’ai testé tous les remèdes pour le rhume… Le cataplasme à la moutarde était simplement un morceau de flanelle sur lequel on étendait une pâte faite de moutarde en poudre avec un peu de farine, le tout délayé dans une petite quantité d’eau. On appliquait ce tissu sur la poitrine. Il ne fallait pas garder la « mouche » plus de 15 ou 20 minutes. Quand on l’enlevait, on devait étendre sur la peau de la poudre pour bébé ou du talc, pour éviter la brûlure. Je n’aimais pas non plus cette médecine, car l’odeur de la moutarde me piquait les yeux et me faisait pleurer.
Il existait des médicaments pour tout. Pour le mal de dent, on utilisait de l’huile de clou de girofle. J’en aimais le goût, mais l’effet calmant ne durait pas longtemps. Pour la constipation, on nous faisait prendre du Castoria; ce nom laisse croire qu’il devait bien y avoir de l’huile de castor là-dedans! On frictionnait les foulures et les rhumatismes avec du liniment Minard ou de l’ Antiphlogistine. Pour la digestion, il y avait le lait de magnésie ou tout simplement, un peu de bicarbonate dans un verre d’eau. Comme vous pouvez le constatez, on ne dérangeait pas le docteur pour rien; on avait tout ce qu’il fallait à la maison!
En plus des rhumes, j’avais des saignements de nez intempestifs, fort dérangeants et qui duraient parfois assez longtemps. Quelqu’un avait affirmé que le remède le plus efficace consistait à ramasser au grenier ou à la cave une poignée de fils d’araignée poussiéreux et les appliquer sur le nez du patient ou de la patiente. Quand on a voulu essayer cela avec moi, je me suis évanouie… j’avais – et j’ai toujours – une peur bleue des araignées! Finalement, le meilleur remède est de diluer de l’alun râpé dans un peu d’eau tiède et de le respirer. C’est infaillible! Mais ce que j’ai connu de mieux, c’était quand M. Lauréat Laplante arrêtait le sang. Il arrêtait aussi le mal de dent. Je n’ai jamais rien compris à cela, mais j’ai eu maintes fois l’occasion de bénéficier de ce don particulier. Décédé en 1967, ce brave homme est certainement au paradis… il l’a bien mérité!
© Madeleine Genest Bouillé, 14 septembre 2016