Halloween ou Toussaint?

Dans mon enfance, on ne fêtait pas l’Halloween. Les célébrations de la Toussaint et du Jour des Morts prenaient tellement de place, il n’en restait plus pour cette antique fête païenne, dont on se gardait bien de nous expliquer l’origine.

Nous avions congé d’école les deux premiers jours de novembre, d’abord parce qu’il y avait la messe. La fête de la Toussaint, comme son nom l’indique, était la fête de tous les Saints, tandis que le Jour des Morts, les prières et les chants liturgiques avaient pour but de rappeler à notre souvenir tous les ancêtres, non seulement de la famille, mais aussi de toute la paroisse. Il n’y avait pas grand place pour une quelconque réjouissance en ces jours où l’on se promenait de l’église au cimetière. Certaines bonnes dames se vêtaient de noir de la tête aux pieds pour l’occasion, et elles passaient de longs moments en prière avant et après les offices. Pour les personnes qui ne demeuraient pas trop loin de l’église, il était d’usage d’y faire de courtes visites, autant de fois qu’on le pouvait, ce qui paraît-il, était censé rapporter des indulgences plénières. Comment vous expliquer ces indulgences? Disons que c’était comme des coupons-rabais qu’on échange au Métro ou chez Canadian Tire; on nous assurait que les indulgences étaient comptabilisées au ciel pour nous valoir des bons points afin de faciliter notre entrée au paradis. Alors, vous comprenez, on ne prenait pas de chance!

Novembre, c’était aussi le mois des histoires de peur! Chaque famille avait la sienne. Dans la famille de ma mère, je crois qu’on avait une collection de ces histoires qui nous venaient surtout du côté de ma grand-mère Blanche. Peut-être que je vous ai déjà raconté celle qui suit, mais bon, une fois par année… c’est pas trop! La voici donc :

« C’était un soir de Toussaint… la noirceur vient vite en novembre! Donc, en ce premier soir du mois des morts, après souper, Nérée et sa famille venaient justement de s’agenouiller pour la prière, quand tout à coup on entendit des gémissements qui semblaient provenir du jardin à l’arrière de la maison. Au même instant, on entendit les cloches de l’église qui sonnaient le glas, comme chaque soir durant ce mois. Cette coïncidence ne laissait aucun doute : il s’agissait d’âmes errantes qui demandaient des prières!

Nérée et sa femme étaient de bons catholiques, aussi se mirent-ils à égrener chapelet sur chapelet, ne s’arrêtant que pour réciter les invocations pour la délivrance des âmes du purgatoire. On entendait toujours les gémissements, parfois plus fort; à d’autres moments, ça ressemblait à des sanglots… Ça donnait froid dans le dos! Alors, on redoublait d’ardeur. Toute la sainte soirée se passa en prières. Les plus jeunes dormaient à genoux! Vint le moment où il fallut bien aller se coucher, malgré les gémissements qui persistaient, quoique s’affaiblissant d’heure en heure… Au matin, quelle ne fut pas la consternation de notre pieux paysan quand il trouva une de ses vaches morte, la tête prise dans la clôture. Nérée, c’était du bon monde, et surtout, il avait cette qualité très utile qu’on appelle le gros bon sens. Il rassura ses enfants en leur disant que leurs prières serviraient certainement pour le repos d’une âme abandonnée. Pour ce qui était de la vache, il s’agissait de la vieille Mariette, qui ne donnait presque plus de lait et qui était promise à l’abattoir. »

Il y avait aussi des chansons épeurantes, surtout dans les cahiers de La Bonne Chanson. Je me souviens quand maman nous chantait Le Grand Lustucru. Le Lustucru faisait partie d’une ribambelle de  personnages dont on nous menaçait quand venait le temps d’aller dormir et qu’on aurait préféré veiller encore un peu. Personnellement en plus de cet affreux bonhomme, j’ai entendu parler du « Bonhomme Sept-Heures », de « Poil-au-Plume » et d’autres dont j’ai oublié les noms.

Le Grand Lustucru est une chanson de Théodore Botrel, ce Breton qui excellait dans les chants de marins perdus en mer et autres tristes couplets. Vous connaissez le Lustucru?  Ça commence ainsi : « Entendez-vous dans la plaine, ce bruit venant jusqu’à nous. On dirait un bruit de chaînes, se traînant sur les cailloux. C’est le Grand Lustucru qui passe, qui repasse et s’en ira. Emportant dans sa besace tous les petits gars qui ne dorment pas. »  Dans le deuxième couplet, ça rempire : « Quelle est cette voix démente qui traverse nos volets? Non, ce n’est pas la tourmente qui joue avec les galets… » Et au troisième couplet, on a envie de se boucher les oreilles : « Qui donc gémit de la sorte, dans l’enclos, tout près d’ici? Faudra-t-il donc que je sorte, pour voir qui soupire ainsi? » Heureusement, à la fin du quatrième couplet, la maman répond : « Allez-vous-en méchant homme, quérir ailleurs vos repas, puisqu’ils font leur petit somme, non, vous n’aurez pas, mes petits gars. ». Inutile de dire qu’on avait toujours hâte au dernier couplet… on ne se serait jamais endormi avant!

Le mois de novembre, c’est vraiment un mois pour les histoires de peur… racontées ou chantées!

© Madeleine Genest Bouillé, 31 octobre 2017

Chanson pour l’automne qui fuit

Je n’avais rien à faire… c’est rare! Pour occuper mes pensées, j’ai commencé à feuilleter mes cahiers de La Bonne Chanson, lesquels sont souvent une source d’inspiration pour mes « grains de sel ». Ce sont de vrais trésors, ces cahiers… je rêve d’un concert qui serait composé uniquement de chansons pigées dans les fameux cahiers de l’abbé Gadbois, dont la devise était : « Un foyer où l’on chante est un foyer heureux ». Je me suis arrêtée sur Chanson d’automne, une mélodie un peu mélancolique qui parle justement de la fin de cette saison, si colorée à ses débuts et qui se termine, hélas, dans la grisaille. Comme je l’ai déjà mentionné, les soirées Bonne Chanson qui avaient lieu au Vieux Presbytère demeurent pour moi parmi mes plus beaux souvenirs. Il me semble entendre encore Louiselle et Joachim Perron qui interprétaient si bien en duo, la Chanson d’automne, au cours d’une veillée en novembre; en rappel, ils nous offraient ensuite L’hiver a chassé l’hirondelle. Cette dernière chanson était accueillie comme un avant-goût de la saison blanche, et à chaque fois, j’anticipais avec plaisir l’approche du joyeux temps des Fêtes en écoutant : « L’hiver a chassé l’hirondelle… mais de notre cœur, ô ma belle, l’hiver ne peut chasser l’amour. »

211Mais je reviens à ma Chanson d’automne. Dans mes photos de fin de saison, je n’ai pas de « treille qui tord ses longs bras maigres », et on ne voit pas non plus « l’hirondelle en sanglotant (qui) disparaît à l’horizon pâle ». J’ai surtout des images du fleuve, avec ou sans la chaloupe délaissée… c’est là mon univers! Mais tout comme dans la chanson,  « Les nuages sont revenus… La brume a terni les blancheurs et cassé les fils de la Vierge.  Et le vol des martins-pêcheurs ne frissonne plus sur la berge ». 

« Les arbres sont rabougris, la chaumière ferme sa porte, et le petit papillon gris a fait place à la feuille morte. »  Ces jours-ci, c’est vraiment ce que la nature nous offre comme paysage. Du gris partout! Gris, les arbres dénudés, auxquels parfois, s’accrochent quelques feuilles sèches, aux couleurs ternes. Grise l’herbe usée, piétinée, qui se confond avec le trottoir et la route. Mais parce que je ne me résigne pas à les jeter, halloween-2016-118parce qu’elles font leur possible pour mettre une touche de couleur et de la gaieté sur ma galerie, j’ai laissé quelques citrouilles aux visages rieurs ou fâchés, vestiges de l’Halloween. Pour la deuxième année, nous avions acheté huit petites citrouilles, sur lesquelles je me suis amusée à dessiner des figures. Certaines arborent un grand sourire, d’autres ont une moustache, une regarde vers le côté tandis qu’une autre a les yeux fermés. J’aime les fêtes, et j’aime les décorations. J’aime tout ce qui me donne l’occasion d’éviter la monotonie. C’est sans doute ce qui fait que je n’aime pas cette fin de saison qui s’étire et qui semble ne pas vouloir partir.

halloween-2016-097La musique du refrain de ma « chanson pour l’automne qui fuit » est écrite pour deux voix qui disent : « Viens cueillir encore un beau jour, en dépit du temps qui nous brise… Et mêlons nos adieux d’amour, aux derniers parfums de la brise. » Il y aura encore de belles journées, elles seront plus froides, mais parfois, elles nous laisseront un répit, dont il faudra profiter pour installer les décorations de Noël en évitant de se geler les mains. S’il est bon de cueillir chaque beau jour qui nous est donné, laissons « le temps qui nous brise » et « les adieux d’amour » s’envoler dans la chanson avec « les derniers parfums de la brise »! 

© Madeleine Genest Bouillé, 18 novembre 2016

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Vous souvenez-vous?

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C’était le jour de l’Action de Grâces. Nous étions rassemblés au Vieux Presbytère avec la famille de mon mari pour notre fête annuelle, quand un vent « à écorner les bœufs », c’est le cas de le dire, s’est levé. La demeure de mon beau-frère Jean-Marie était entourée de beaux grands peupliers… Lorsqu’il est revenu chez lui avec sa famille après la fête, quelle ne fut pas sa surprise quand il s’aperçut que trois des peupliers étaient couchés  au sol, déracinés. Cette année- là, Dame Nature avait fêté trop fort le congé de l’Action de Grâces!

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Le verglas du 3 décembre 1983. Il y en a eu des verglas, mais comme celui-là, je crois que je n’en ai jamais vu. Même pas lors de celui de 1998. Regardez bien la photo, vous remarquerez l’épaisseur de la couche de verglas sur les branches. Nos pauvres arbres  avaient l’air piteux, leurs branches alourdies traînant jusqu’à terre… Les enfants étaient heureux : ils avaient eu congé d’école deux jours si je me souviens bien.

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C’était l’année de « Québec, Mer et Monde ». De nombreux et magnifiques voiliers étaient venus d’un peu partout. Certains avaient remonté le fleuve jusqu’à Montréal. Au Vieux Presbytère, on présentait une exposition sur le fleuve, avec une maquette artisanale représentant le fleuve devant notre village. C’était fabriqué avec les moyens du bord, comme on faisait dans le temps, mais c’était quand même captivant, autant pour les gens d’ici que ceux d’ailleurs qui s’intéressaient à la vie maritime. Ce voilier, installé sur le terre-plein à l’entrée est du village, avait été fabriqué par M. Guy Savard, un marin retraité qui vivait alors à Deschambault.

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Si on prenait aujourd’hui la même photo que celle de ce crépuscule automnal sur le bord de la côte longeant le fleuve, pas loin de chez nous, on chercherait en vain les beaux ormes qui faisait l’orgueil de cette portion du Chemin du Roy. D’autres arbres ont poussé depuis, mais ils n’ont pas la même majesté que ces ormes qui jadis étaient nombreux dans nos campagnes.

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J’aime bien cette photo d’une citrouille d’Halloween décorée d’un chapeau de neige. C’était le premier jour de novembre et on s’était réveillés dans un paysage tout blanc! Pourtant, la veille, un  dimanche, il faisait beau et on avait reçu plusieurs petits monstres.  Cette année-là nous avions fêté l’Halloween le samedi 30 octobre, au Moulin de La Chevrotière… un endroit sans aucun doute visité par les fantômes, enfin c’est ce que nous avions fait croire à ceux qui étaient venus fêter avec nous!

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C’était durant l’été. Les débordements climatiques qu’on vit maintenant, nous inquiètent.  Mais ça fait déjà plusieurs années que la nature a commencé à manifester sa colère par des actions brutales…Vous souvenez-vous des orages et des coups de pluie de l’été 1996? Le 20 juillet, alors qu’au Saguenay c’était le déluge, ici, la tente, plantée sur le cap Lauzon pour le rassemblement des familles Naud avait failli être emportée par le vent. Et ce même été, je ne me rappelle malheureusement plus la date, lors d’un autre orage mémorable, le gros érable sur le bord du cap Lauzon avait été jeté par terre par un fort coup de vent, comme vous pouvez le constater sur cette photo qui a été prise quelques minutes à peine après l’incident.

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Un beau souvenir! Au début d’août 2000, c’était notre tour d’accueillir le traditionnel Festival des Pompiers de la région de Portneuf. Comme plusieurs autres citoyens de Deschambault, nous avions décoré la maison pour l’occasion. Entourés des membres de la famille, nous avions regardé défiler la parade des beaux camions rouges. Je me souviens que la petite dernière, Clémence, qui avait juste un an à cette époque, n’avait pas  bronché, alors que les camions faisaient retentir leurs plus tonitruants klaxons et que les valeureux pompiers jetaient des poignées de bonbons aux enfants. C’était tout une fête!

À bientôt pour d’autres images commentées!

© Madeleine Genest Bouillé, 10 juillet 2016