Les recettes de cuisine d’autrefois

DomesticNos recettes du temps des Fêtes nous viennent le plus souvent de notre mère, qui elle les tenait de sa mère; de sorte que nous cuisinons des mets qui sont dans la famille depuis parfois trois ou même quatre générations. Bien sûr, certains ingrédients ont changé. Ainsi, nous utilisons de plus en plus des huiles végétales ou de la margarine, là où nos mères n’avaient que la « graisse pur lard », de marque « Domestic », si je me rappelle bien. Il demeure que même si nos mets sont allégés en gras, nous avons conservé pour nos menus du temps des Fêtes, beaucoup des recettes de la bonne cuisine d’autrefois.

Quand on parle repas des Fêtes, on pense aussitôt aux tourtières ou pâtés à la viande. Qu’ils soient faits uniquement de viande de porc, ou qu’on y mêle du bœuf ou du veau, aux Fêtes, dans toutes les familles, on sert des pâtés à la viande! Qu’il s’agisse du buffet du réveillon ou du dîner du Jour de l’An, il manquerait quelque chose s’il n’y avait pas ces fameux pâtés; grands ou petits, qu’on les nomme tourtières ou pâtés, c’est indiscutable!

IMG_20151211_0002Et que dire des desserts! Là encore, on utilise les recettes de nos aïeules. Vous aurez beau avoir une grande variété de tartes et de biscuits, si vous n’avez pas de beignes, votre grand-mère vous regardera du haut du ciel avec une grosse déception. Vous ne voudriez quand même pas décevoir votre grand-mère! Alors, on se lance! On sort le rouleau, la planche, le coupe-beigne, la friteuse… et on y va pour les beignes. On roule, on découpe et on fait cuire. Une recette normale donne trois ou quatre douzaines de beignes. De quoi passer les Fêtes… Et se rappeler grand-maman!

IMG_20151211_0003Je vous ai sorti de mes archives personnelles quelques recettes qui ont un âge certain! Tout d’abord, deux mets qui datent de 1943, dans le temps de la guerre, où tout était « à la ration », ce qui veut dire qu’il ne fallait pas que ça coûte cher! Il s’agit du « roulé aux œufs », lequel se mange froid pour un repas estival, ou chaud pour un gros déjeuner hivernal ou un brunch. De toute façon, c’est consistant et c’est excellent! Quant aux « brioches », quand j’étais écolière, c’était ma collation préférée. Pour ce qui est du gâteau aux fruits, cette recette date de 1950. C’était celui que cuisinait Aurore – je vous ai parlé d’Aurore dans l’un de mes premiers grain de sel. Elle n’allait pas jusqu’à faire la décoration qu’on voit sur l’image, elle trouvait ça trop « fancy »! Mais, même sans cette garniture, son gâteau était délicieux. Dans mon enfance, Noël n’aurait pas été Noël sans le traditionnel gâteau aux fruits.

Pour terminer, je vous ai recopié une recette qui date, parait-il, des années 1800. Je l’ai écrite en conservant rigoureusement l’orthographe. Voici les « galettes au sirop » :

1 louche de mélase
1 louche de castonade
2 zeux tu choisira lé plus gros du poulayer
1 petite culière de soda
Tu comencera par mettre une petite afaire de farine, pi ten rajoutera pour fére une pate mole. Tu lé coupera de la groceur du verre à gin de ton mari. Tu donera une bonne atisé pour que ton four soye a 375. Cuir 25 minute.

Bonne cuisine des Fêtes!IMG_20151211_0004

© Madeleine Genest Bouillé, décembre 2015

Congés d’école

Classe de Mère Sainte Flavie, au couvent, 1961.

Classe de Mère Sainte-Flavie, au couvent, 1961.

Je regardais le calendrier scolaire de mes petits-enfants qui sont à l’école primaire ou secondaire et je remarque que les « congés d’école », comme on disait dans mon jeune temps, n’ont rien de commun avec ceux qui nous étaient alloués. Les étudiants d’aujourd’hui ont des journées pédagogiques ou encore des journées prévues pour d’éventuelles tempêtes, qui certains hivers, deviennent finalement des congés tout court, faute de tempêtes! Et puis, il y a aussi des congés de grève… de mon temps, la seule grève qu’on connaissait était celle qui s’étend sur le bord du fleuve et où on allait jouer par les beaux jours d’été! Ils ont évidemment des congés à l’occasion de toutes les fêtes du calendrier. L’année scolaire est ainsi découpée d’une façon assez régulière. Si on ajoute à cela la semaine de relâche, nos jeunes sont, selon moi, assez choyés.

Église Saint-Joseph, le jour de la Toussaint 1963.

Église Saint-Joseph, le jour de la Toussaint 1963.

Dans les années 50, mes belles années d’étudiante, la plupart des congés étaient distribués selon le calendrier des fêtes religieuses. Tout d’abord, je dois dire que l’année scolaire ne commençait jamais avant la fête du Travail; il aurait été impensable d’aller à l’école avant le mois de septembre! Le congé de l’Action de Grâces a été décrété seulement en 1957, soit au cours de ma dernière année au couvent. Auparavant, nous n’avions donc pas de congé avant celui de la Toussaint, le 1er novembre, qui était suivi du Jour des Morts, le 2 novembre. Selon les jours de la semaine où tombaient ces fêtes, nous avions donc deux ou trois jours de congé. On ne fêtait pas l’Halloween, c’était une fête pour nos voisins Américains. On en entendait parler, on découpait les masques imprimés au dos des boites de Corn Flakes, mais on fêtait plutôt la Sainte-Catherine le 25 novembre, où la coutume était de déguster de la tire à la mélasse… friandise qu’on étire et qu’on étire et qui était fort appréciée des grands autant que des petits!

École de rang, près du #106, 2e Rang de Deschambault (coll. CARP).

École de rang, près du #106, 2e Rang de Deschambault (coll. CARP).

Dès le début de décembre, nous rêvions déjà aux vacances de Noël! Deux semaines de congé, ça mérite le nom de vacances. La longueur de ce congé était sensiblement la même que maintenant, sauf que comme la fête des Rois, le 6 janvier, était « fête d’obligation », c’était considéré comme un dimanche. Alors l’école ne recommençait jamais avant le 7 janvier. Tout comme pour les écoliers d’aujourd’hui, on trouvait que le congé des Fêtes était bien trop court. Lors des Jours Gras, il n’y avait pas de congé, mais le Mardi Gras, on se costumait après l’école et on allait chez les voisins faire cueillette de bonbons. Mais c’était surtout les adultes qui, en soirée, fêtaient le Mardi-Gras, costumés et déguisés… fête qui devait cesser à minuit tapant, puisque le lendemain c’était le mercredi des Cendres! Avec le Carême, nous entrions dans la plus longue période de l’année sans congé. Les congés de tempête étant inexistants, nul besoin de dire que l’hiver était long, long, long! Qu’est-ce qui se passait d’après vous quand il y avait une tempête? Les professeurs des écoles, avaient, soit un logement dans l’école même, ou encore ils demeuraient dans le voisinage de l’école. Les religieuses vivaient dans leur couvent. Les jours de mauvais temps, les professeurs enseignaient avec les élèves qui étaient présents, en évitant de donner des travaux importants, ce qui aurait eu pour effet de pénaliser les absents. Pour fermer une école, ça prenait toute une tempête!

Ma Profession de foi en mai 1952.

Ma Profession de foi en mai 1952, au couvent.

La fête de Pâques, la seule fête fixée selon le cycle lunaire, peut avoir lieu aussi tôt que le 24 mars et aussi tard que le 25 avril. Les années où Pâques arrivait à la fin d’avril, inutile de préciser que c’était le congé le plus attendu de l’année! Nous n’avions jamais moins que cinq jours, les jeudi, vendredi et samedi avant Pâques étant des « jours saints », avec office à l’église, de même que le jour de Pâques. Quarante jours après Pâques, c’était la fête de l’Ascension, toujours un jeudi, ce qui nous valait un congé de quatre jours. Très souvent, c’était lors de cette fête qu’avait lieu la Profession de Foi des élèves de 6e année. Et on finissait ainsi par arriver à la fin de l’année, qui se terminait le 20 ou le 21 juin, selon le jour de la semaine.

Nous avions aussi des congés en surplus, toujours tellement bienvenus! Dans toutes les écoles, lors de la visite de monsieur l’Inspecteur, celui-ci donnait congé de devoirs et de leçons et souvent une demi-journée ou une journée complète à prendre le jour même ou le lendemain, comme il convenait à l’instituteur ou l’institutrice. Au couvent, nous étions choyés, car nous avions en plus les visites des Supérieures provinciale et générale, qui nous valaient un congé à ajouter, soit à Pâques ou à l’Ascension. On acceptait ces congés-là comme de véritables cadeaux!

De tout temps, les « congés d’école » ont toujours été bien accueillis… Preuve que les écoliers n’ont pas changé tant que ça au fil des années!

© Madeleine Genest Bouillé, novembre 2015

Le temps des jeux

EnfantsjouantComme je l’ai déjà mentionné, notre famille comptait dix enfants. À l’époque où se situe cet épisode, il y avait « les grands » et « les plus jeunes », c’est-à-dire, les six derniers, dont je faisais partie, nés entre 1940 et 1947. Imaginez : cinq gamins, débordant d’énergie et d’imagination, qui s’amusaient avec tout ce qu’ils trouvaient, aussi bien au-dedans qu’au dehors de la maison. Il m’arrivait de participer à leurs jeux auxquels se joignait notre chien, Bruno, lequel se laissait habiller et photographier, sans broncher et sans rouspéter.

scenecombatTout ce que notre vieille maison recelait, y compris le hangar aussi vétuste, était utilisable pour les jeux des enfants. Tenez, jusqu’au gros tas de bois contre la maison, qu’on n’avait jamais fini de corder, et qui devenait un fort, d’où l’on pouvait surveiller au loin, c’est-à-dire au-delà de la grange, l’arrivée des Sioux. Les champs, délimités par des clôtures de perches dont il manquait des bouts, étaient à plusieurs endroits bordés de bosquets, composés surtout de cerisiers sauvages, de cenelliers et de trembles. Ils étaient de plus parsemés de grosses roches qui témoignaient que dans des temps immémoriaux, il y avait sans doute eu à cet endroit un lac ou un étang, comme en témoigne aussi la légère dépression du sol à cet endroit. Mais ce merveilleux décor était, vous en conviendrez, l’idéal pour les expéditions guerrières des pionniers contre les Sioux!

CowboysSiouxMon frère, le huitième, possédait un petit appareil photo, qu’il maniait avec déjà beaucoup d’adresse; et c’est grâce à ses albums que j’ai pu retracer maintes aventures de l’enfance et de l’adolescence de mes frères et de leurs amis. Les images où l’on voit d’abord les échanges commerciaux entre les « Visages pâles » et les Indiens, se changent très vite en scène de guerre, saisissantes de vérité! Les garçons qui participaient à ces jeux prenaient leur rôle très au sérieux, comme on peut le constater. Costumes plus ou moins typiques – on portait ce qu’on avait, bandeau garni de plumes, peintures de guerre… tout y était. Pour rendre plus réels les gestes et les expressions de leurs personnages, ils s’étaient inspirés des épisodes de la série télévisée The Lone Ranger, que mes frères allaient regarder chez leurs amis qui possédaient déjà un appareil, les chanceux! À l’époque, il était considéré comme normal que les garçons s’amusent avec des pistolets « à cap » comme on disait, pour désigner ces petits rouleaux de pétards qui « pétaient » comme une vraie arme à feu. Ces jeunes qui se tuaient mutuellement à longueur de journée durant les vacances, étaient les meilleurs amis du monde et sont devenus des adultes tout à fait pacifiques. Quelle que soit l’époque, les jeunes ont toujours aimé reproduire les gestes de leurs héros.

BrunotoutouNotre photographe avait aussi un sens de l’humour très particulier, c’est pourquoi il prenait souvent des photos de Bruno, le chien, habillé et coiffé d’un vieux chapeau de paille et posant soit avec nous ou encore avec les vieux toutous qui faisaient partie de la famille. Quelques années plus tard, il prit plaisir à créer des scènes navales qu’il photographiait sur le bord du fleuve avec des modèles réduits de bateaux qu’il avait fabriqués avec grand soin et beaucoup de patience.

orchestreAvec les années, les jeux ont évolué… Fini les films de cow-boys! Elvis Presley est arrivé et avec lui, l’époque du rock’n’roll. Combien de jeunes garçons ont alors commencé à jouer de la guitare en s’exerçant à reproduire les gestes et les mimiques de ce fameux chanteur américain! Mes jeunes frères n’ont pas échappé à cette influence et c’est alors que parmi les anciens cow-boys et Indiens, quelques-uns se sont retrouvés dans un orchestre rock! Pas très longtemps, car malheureusement, les études ont dispersés les copains et l’orchestre a manqué de musiciens!

glaceQuelquefois, les gars se retrouvaient pour faire des prouesses… qui resteront dans la mémoire, grâce aux photos. Ainsi, au printemps, quoi de plus amusant qu’une promenade en chaloupe au travers des glaces flottantes, c’est pourquoi une photo les montre, juchés sur une plaque de glace, pour le plaisir… parce que déjà, on a le goût de voyager sur le fleuve et, qui sait, y gagner sa vie! Au cours de l’été, avec les amis retrouvés, on faisait encore des ballades sur le fleuve et au vieux phare de l’îlot Richelieu. Était-ce juste par fanfaronnade ou dans le but de faire une belle photo ? Mais sur une des photos, on voit trois joyeux lurons qui posent fièrement sur l’une des bouées qui balisent le chenal des bateaux. Même en noir et blanc, vous admettrez que ça fait une belle image! C’était « Le temps des jeux », immortalisé dans quatre albums de photos, et qui s’étale de 1956 à 1963.

© Madeleine Genest Bouillé, octobre 2015 (Photos de © Fernand Genest)

guitare

Mon frère, Fernand, à qui revient le crédit de toutes ces images.

« Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école? »

Vous rappelez-vous cette chanson? La réponse était dans le refrain: « C’est ce sacré Charlemagne! » C’est qu’il avait de drôles d’idées, ce Charlemagne, mais il faut avouer que la fois où il a imaginé l’école – si tant il est vrai que c’est à lui qu’on doit cette invention – c’en était une bonne!

Mon frère André, en 1949.

Mon frère André, en 1949.

Les études coûtaient cher autrefois… Dans les familles nombreuses comme la nôtre, on ne pouvait pas songer à faire de longues études. Mais nos parents tenaient à ce qu’on termine au moins des études équivalentes à ce qu’on appelle aujourd’hui le niveau secondaire. Parmi les plus jeunes, quelques-uns se sont rendus plus loin. Tous, nous avons donc été encouragés à étudier; les devoirs et les leçons ne devaient pas être négligés, les bulletins étaient soigneusement examinés et signés. Charlemagne serait content, nous avons tous été à l’école!

Notre mère en a passé du temps devant sa machine à coudre à défaire des vêtements ayant appartenu à mon père, pour en faire des habits pour ses nombreux garçons! Elle en a confectionné des chemises, elle en a rallongé des pantalons! Pour les filles, c’était plus facile; au couvent, nous portions la robe noire, inusable, à laquelle on avait d’abord fait un large bord pour pouvoir la rallonger l’année suivante! Elle a souvent du racler les fonds de tiroirs pour chausser tout ce petit monde et acheter les fournitures scolaires… Comme beaucoup de mères à cette époque, maman faisait des miracles parce qu’elle n’avait pas le choix. Vraiment, Charlemagne n’aurait rien à redire!

Ancienne école. L'actuelle école Du Phare a été construite juste à l'arrière en 1950-51.

Ancienne école. L’actuelle école Du Phare a été construite juste à l’arrière en 1950-51.

Mes grands frères ont connu la vieille école en pierre qui était située un peu en avant de l’école actuelle. Cette bâtisse était divisée en deux classes, la classe des petits, garçons et filles, et la classe des grands, les garçons de la 7e à la 10e année. En 1951, on construisit une école neuve; les plus jeunes de la famille y ont tous étudié. Cette école a été agrandie par la suite lors de la réforme scolaire, en même temps qu’on inaugurait le transport par autobus. Ça, je crois que Charlemagne ne l’avait pas prévu!

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Couvent de Deschambault, autour de 1950

Depuis que le système scolaire qu’on connait existe, le retour à l’école a toujours été un moment important pour les jeunes, qu’il s’agisse des petits qui commençaient leur vie d’écolier ou des plus grands qui changeaient de classe et aussi de professeur. Quand nous étions jeunes, que ce soit à l’école du village, dans les écoles des rangs ou au couvent, la rentrée n’avait jamais lieu avant la Fête du Travail. Le mois d’août, ce n’était pas fait pour aller à l’école! Un bon matin au début de septembre, tout le monde prenait le chemin pour l’un ou l’autre établissement scolaire, où nous attendait l’une des « maîtresse d’école » ou encore, pour les grands, le professeur, Côme Houde. Au couvent, les plus jeunes étaient reçus par Mère Sainte-Flavie et les autres, par une autre religieuse, je me souviens des titulaires de chacune des classes où j’ai étudié : Mère Saint-Joseph-Omer, Mère Sainte Reine-Odette, Mère Saint Jean-du-Saint-Sacrement et Mère Saint-Gérard. Des saintes femmes, comme leur nom l’indiquaient… bien que pas toutes rendues au même stade de la sainteté! Enseigner, ça peut conduire à la sainteté, ou vous en éloigner à jamais, n’est-ce-pas, Sire Charlemagne?

Moi, étudiante au couvent, en 1951...

Moi, étudiante au couvent, en 1951…

On se lamentait bien un peu, pour la forme; on disait qu’on n’avait pas envie de retourner à l’école, que c’était plate, etc… Mais au fond, on avait tout de même un peu hâte de savoir s’il y aurait des « nouveaux », des « nouvelles ». Et puis, comme on avait forcément une année de plus, ça faisait plaisir de se sentir plus grand… on regardait de haut les « petits » en oubliant qu’on était à leur place il n’y avait pas si longtemps! Le retour à l’école comportait certaines autres petites joies, par exemple, quand on pouvait exhiber un nouveau sac d’école ou faute de mieux, un coffre à crayons tout neuf. Une boite de crayons Prismacolor, ça faisait aussi son petit effet. On retrouvait des amis qu’on n’avait pas vus durant l’été et, ce qui n’était pas négligeable, on allait apprendre tout plein de choses nouvelles, selon la matière qu’on préférait. Avouons-le, qu’aurait-on fait, douze mois par année, si l’école n’avait pas été inventée? C’était une drôle d’idée, mais à bien y penser, c’en était une bonne. Merci Charlemagne!

© Madeleine Genest Bouillé, septembre 2015

Pour en savoir davantage sur les écoles à Deschambault, je vous invite à consulter le Musée virtuel du 300e, créé en 2013 par Culture et patrimoine Deschambault-Grondines.

« M’man, j’sais pas quoi faire! »

Le mois d’août s’achevait tranquillement, pas vite, avec des soirées de moins en moins longues. Déjà les hirondelles avaient fait leurs adieux, juchées sur les fils électriques en rangs serrés, prêtes pour le départ. Pendant ce temps, à la maison, mes jeunes frères se traînaient d’une chaise à l’autre en clamant sur tous les tons : « M’man, j’sais pas quoi faire! » Il n’y avait pourtant pas si longtemps qu’ils avaient garroché leur sac d’école au fond d’un placard par un bel après-midi de juin en hurlant de joie : « Hourra! L’école est finie! »

Mon frère Fernand, en vélo dans la rue Saint-Joseph,1958.

Mon frère Fernand, en vélo dans la rue Saint-Joseph,1958.

Avec toute la bonne volonté du monde, maman disait : « Les autres p’tits gars, qu’est-ce qu’ils font? D’habitude, vous jouez ensemble… » Il s’en trouvait toujours un pour répondre : « On n’a plus rien à faire! » Alors maman suggérait des choses  comme aller corder du bois tandis qu’il fait beau : « On en a cordé hier, en masse! »… Ramasser les patates dans le jardin : « Ah non! Pas ça! »… Aller se baigner, pendant qu’il fait encore assez chaud : « La mer est trop basse, ça adonne pas. » Ah oui! Vraiment, on était rendus à la fin d’août! Les jeux qui semblaient inépuisables au début des vacances n’intéressaient plus personne. On avait joué à la balle des soirées entières, on avait même cassé une vitre dans la fenêtre du hangar… moins grave que si ç’avait été une fenêtre de la maison. On avait joué aux « Quatre-Coins », au « Cinquante »; à ces jeux-là, les plus petits pouvaient jouer, ce qui finissait par ennuyer les plus grands. On avait joué à « En bas de la ville », dans la côte près du gros orme; on avait tellement de plaisir à ce jeu! Mais il y en avait toujours un qui déboulait en bas de la côte ou qui se faisait mal et qui « chialait », alors il fallait arrêter. Cet été-là, on avait surtout joué aux cow-boys et aux Indiens. Fernand avait pris des photos des combats avec le kodak qu’il avait eu à sa fête et c’était comme si on tournait de vrais films, pareil comme dans The Lone Ranger. On s’était fabriqué des fusils en bois, des arcs, des flèches – pas des vraies, voyons donc! Ceux qui jouaient les rôles des Indiens enlevaient leur chemise – maman aimait pas ça, elle disait qu’ils allaient attraper des coups de soleil – et ils se barbouillaient pour faire plus vrai. Fernand avait tourné au moins trois films. Si on compte qu’il y avait douze photos par film (en noir et blanc), ça donnait trente-six photos. Ça finissait par coûter cher!

On a épuisé tous les jeux, y compris ceux des jours de pluie : le Monopoly, les dames, le jeu de pichenotte, les jeux de construction, même les fameux scrapbooks que maman nous faisait confectionner avec de vieux cahiers et des images découpées un peu partout. Jusqu’aux plus jeunes qui avaient leurs cahiers de collage, dans lesquels ils mettaient n’importe quoi, n’importe comment. Juste pour vous donner un aperçu, dans un des scrapbooks, il y avait une image de Jésus qui était collée au-dessus d’un bol de soupe aux légumes Campbell… ce pauvre Jésus, il avait les pieds dans le plat! On l’a bien ri celle-là! On a lu tous les « petits comiques », pas rien qu’une fois… il y en a qui sont pas mal maganés, d’autres qui ont perdu des feuilles. On s’est promenés en bicycle, on a été aux framboises, aux bleuets et aux mûres. Les « môsusses » de mûriers! On en porte encore les égratignures! « Pour de vrai m’man, on sait plus quoi faire! » C’est comme si l’été n’était plus tout à fait l’été. Dire qu’au début on avait tellement hâte; on allait dans le jardin voir si les légumes poussaient… on trouvait que ça n’allait pas vite. Tout était amusant! On passait nos journées dehors quand il faisait beau, on rentrait juste pour les repas et pour aller se coucher.

On s'amuse au quai, août 1950.

On s’amuse au quai, août 1950.

Qu’est-ce donc qui s’est passé? C’est pourtant encore le mois d’août, les journées sont belles, moins chaudes un peu, mais on est bien dehors. Il y a plein de bons légumes dans le jardin, surtout du blé d’Inde. On en mange tant qu’on peut. Que peut-on désirer de plus! Les soirées sont superbes, même si le soleil se couche plus tôt. Les grands sortent le tourne-disque sur la galerie et on fait jouer les disques de rock’n’roll; on écoute Elvis Presley, Paul Anka, Dean Martin et tout plein de chanteurs à la mode. Mais, c’est plus pareil… Il y a quelque chose dans l’air qui est différent; c’est peut-être le « cri-cri » des criquets qui a remplacé le chant des oiseaux qui sont déjà partis.

Peut-être qu’on est rendus au temps où l’on commence à penser à l’école qui va débuter bientôt. Faudrait bien sortir les sacs, faire l’inventaire de ce qui est encore utilisable. « Ça va me prendre des crayons neufs, des effaces, certain. J’espère que je vais avoir une boîte de Prismacolor cette année… depuis le temps que j’en veux. Bon, demain on va voir à ça, demain… » Mais en attendant : « M’man, j’sais pas quoi faire! »

© Madeleine Genest Bouillé, août 2015

L'école Centrale (école du Phare), peu de temps après sa construction (début des années 50).

L’école Centrale (école du Phare), peu de temps après sa construction au début des années 50.

La vie était belle… dans les années 30

Mon père, Julien, à 21 ans.

Mon père, Julien, à 21 ans.

« La vie était belle,

Au temps joyeux des balalaïkas…

Dans l’air flottait un parfum de lilas

Que c’est loin tout ça »

Mon père ne jouait pas de la balalaïka, mais plutôt de la guitare, de la guitare hawaïenne, pour être plus précis. C’était très à la mode en ces années-là. Un soir, j’ai eu le plaisir d’entendre cette chanson, au cours d’un spectacle présenté par le regretté Yves Cantin, au Théâtre du Lac Beauport. Très rythmée, cette mélodie enlevante donne envie de remonter le cours du temps, de revivre cette époque où « la vie était belle ».

Hôtel de la Ferme en 1980.

Hôtel de la Ferme (Station de recherches agricoles, actuellement le CRSAD) en 1980.

En 1930, mon père avait vingt ans. Avec ses frères Léo et Maurice, il était arrivé à Deschambault et selon les dires de ma mère, ils pensionnaient à l’hôtel de la Ferme-école provinciale où ils avaient obtenu un emploi. Comment ces trois jeunes hommes en étaient-ils venus à se retrouver dans notre village, je l’ignore. Orphelins depuis leur jeune âge, ils avaient déjà pas mal bourlingué, chacun de leur côté tout comme les trois autres garçons de la famille Genest, Georges, Laurent et Gérard.

Mon père Julien, avec son frère Jean-Paul et un ami, 1930.

Mon père Julien, avec Jean-Paul et un ami, 1930.

Mon père était affable et il aimait la compagnie. Le frère de maman, Jean-Paul, travaillait lui aussi à la Ferme. Mon oncle a donc invité Julien et ses frères à venir veiller à la maison de mon grand-père où il y avait six filles, dont trois en âge de rencontrer un prétendant. C’était une maison très vivante que celle de mes grands-parents, une maison où il y avait de la musique et de la bonne humeur! Construite sur le haut de la côte en bordure du fleuve, cette maison défie depuis plus d’un siècle, le vent de nordet qui dans cette petite rue se déchaîne comme s’il voulait tout jeter par terre! Le vent de nordet? Et quoi encore! Maman racontait que, dans son enfance, la foudre était tombée dans la maison, entrée par une fenêtre pour ressortir par une autre. C’est tout ce que je sais de cette anecdote et je serais bien incapable de l’expliquer. Toujours est-il que mes grands-parents n’étaient pas des peureux! D’ailleurs ma grand-mère avait tout ce qu’il fallait pour contrer le mauvais sort : la croix de tempérance, les cierges de la Chandeleur, les rameaux bénits, l’eau de Pâques et cela, sans compter les images du Sacré-Cœur et de la Bonne Sainte-Anne. Mon grand-père, un homme qui ne s’énervait pas pour rien, travaillait dans sa boutique, tranquillement pas vite, en fumant sa pipe et en fredonnant une petite chanson à l’occasion. Tous ceux qui venaient dans la maison des Petit étaient bien accueillis, sans cérémonie comme c’était la coutume à cette époque!

Rangée du bas: une amie, tante Alice, ma mère Jeanne; rangée du haut: Jean-Paul, Léo et Julien.

Rangée du bas: une amie, tante Alice, ma mère Jeanne; rangée du haut: Jean-Paul, Léo et Julien.

Mon père et mes oncles ont ainsi fait leur entrée dans la maison du cordonnier. Léo a bien vite jeté son dévolu sur Alice, la plus jeune des trois filles  « en âge de se marier ». Maurice, de son côté, avait rencontré une jeune fille de Portneuf, Marguerite Couture, qui se trouvait être la nièce du curé; mon oncle Jean-Paul destinait donc son nouvel ami Julien à ma tante Thérèse, qui était joviale et qui aimait rire et danser. Mais comme on le sait, le petit dieu malin qu’on appelle Cupidon s’amuse parfois à déjouer les plans des humains. Julien, un garçon qui aimait les livres et qui écrivait des poèmes, s’aperçut qu’il avait plus d’affinités avec Jeanne, qui aimait aussi la lecture, la musique et la poésie. Jeanne ne dansait pas, mais elle jouait du piano et chantait. Elle avait aussi du talent pour le dessin. Jeune fille accomplie, elle était de plus excellente couturière. Comme elle avait eu son diplôme au couvent, elle avait « fait l’école » quelques années avant de travailler quelque temps au Central du téléphone

Mariage Julien JeanneDurant la belle saison, par les bons soirs, Julien allait voir Jeanne à bicyclette. En hiver, il se trouvait sans doute un bon samaritain avec un cheval et une voiture pour le conduire au village. Après le décès de notre père, nous avons retrouvé des cahiers où il avait conservé des bribes de poèmes qu’il composait pour sa bien-aimée au cours de leurs fréquentations, avec les réponses de Jeanne, en poésie comme il se doit. Quelle belle histoire! Enfin, Jeanne et Julien se sont mariés le 30 août 1932.

Quand Je regarde les photos qui illustrent le présent texte, j’entends dans ma tête ce refrain d’autrefois et je me dis que vraiment, « La vie était belle… au temps joyeux des balalaïkas ».

© Madeleine Genest Bouillé, août 2015

Beau, bon… pas cher!

IMG_20150731_0001Quand j’étais jeune, beaucoup de nouveaux produits de consommation étaient offerts sur le marché. De sorte que les ménagères possédaient tout plein d’appareils pour alléger leurs tâches quotidiennes, sans compter que tous ces produits étaient de plus en plus diversifiés. Si on ajoute à cela les aliments préparés dont la popularité ne cessait d’augmenter, on peut dire que le travail des maîtresses de maison devenait un peu plus aisé. Tout prenait moins de temps et comme on le sait, « le temps c’est de l’argent »!

IMG_20150730_0005La cuisine moderne 1940 que vous pouvez voir sur l’image ci-contre a certainement dû prendre quelques années avant de s’installer dans nos foyers campagnards. J’imagine mal ce concept très américain dans une de nos vieilles maisons. Le linoleum, les armoires, l’évier et le comptoir – qu’on appelait « pantry » – ont vite été adoptés dans nos cuisines, mais on a longtemps gardé le poêle à bois et la grande table au centre de la pièce, entourée d’autant de chaises qu’il y avait de personnes à asseoir. Une chose est sûre, le modernisme avait mis un pied dans la porte et il allait envahir le quotidien des familles québécoises.

Si quelques grand-mères continuaient de faire leur savon domestique au printemps, ce n’était plus que du folklore! Les jeunes femmes n’utilisaient ce savon que pour des grosses tâches comme le lavage des planchers. Pour la toilette, on achetait du « savon d’odeur », vendu en barres blanches ou de teintes pastel et enveloppées d’un beau papier. Pour la vaisselle et la lessive, il y avait le savon en paillettes qui était offert dans des boites de différents formats. On retrouvait tous ces produits au magasin général, en plus des brosses et des balais, de la peinture et des pinceaux, et tout plein d’objets hétéroclites. On y achetait évidemment de la nourriture, soit des conserves, des marchandises sèches, vendues en vrac ou en paquet ainsi que les denrées périssables qui étaient conservées dans la glacière.

IMG_20150730_0003Les grands magasins vendaient des vêtements à bas prix, si bien que ça coûtait quasiment moins cher que de les confectionner. Même chose pour le linge de maison : nappes, serviettes, linges de vaisselle qui se vendaient à la douzaine. Les ménagères étaient fières de garnir leurs étagères de ces piles de beau linge de couleurs variées… même si ces nouvelles acquisitions se révélaient par la suite pas mal moins durables que les linges tissés au métier! Les grosses chaînes de produits de nettoyage aussi bien qu’alimentaires rivalisaient de publicité et d’offres alléchantes. C’est ainsi que sont arrivées les « boîtes à surprise »! Quand on achetait une boîte de savon à vaisselle ou à lessive, on y trouvait en prime une serviette de différente grandeur selon le format de la boîte. Il arrivait qu’on offre aussi des pièces de vaisselle, soit une tasse, une soucoupe ou une assiette. Avec le temps, on pouvait se monter un trousseau! Certains aliments se vendaient dans des contenants réutilisables, tels les célèbres verres à moutarde Schwartz décorés de cœurs, piques, trèfles et carreaux. Plusieurs familles en possèdent encore… sinon on peut en trouver chez les antiquaires.

IMG_20150730_0004Pour inciter les cuisinières à acheter les nouvelles préparations alimentaires, les magazines présentaient des recettes préparées avec différents ingrédients, le tout illustré d’images alléchantes, telle celle-ci : « Qui dit RITZ dit chic! » En collation ou en entrée, c’était tellement pratique de servir ces petites biscottes avec à peu près n’importe quoi. Tout le monde les aimait, des tout-petits jusqu’aux grands-parents. Cette invention qui date d’environ soixante ans est toujours populaire même si, depuis, on a inventé tout plein d’autres biscottes de toutes formes et de différentes saveurs. Mais il faut avouer que les Ritz sont toujours de mode!

IMG_20150730_0001Est-il possible que vous n’ayez aucun produit de marque Heinz dans votre garde-manger? Cela serait surprenant. Les premières publicités de cette compagnie mentionnaient toujours le fameux chiffre 57… pour les 57 variétés Heinz! Comme il fallait vendre ces nombreux produits, on ne lésinait pas sur la publicité. On insistait surtout sur les mets prêts à cuire ou les soupes à réchauffer. On a dit du XXe siècle qu’il était le siècle de la vitesse, ça valait aussi pour la cuisine. Je termine avec cette image qui date de 1956. On y voit une fillette toute fière de servir à son papa un délicieux spaghetti Heinz. Voyez comme les parents sont contents! Une famille heureuse, grâce à une des 57 variétés Heinz! Comme image publicitaire, c’est aussi bien que ce qu’on nous passe à longueur de journée à la télévision. Sauf que ce qui nous semble beau, bon et pas cher, n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes.

© Madeleine Genest Bouillé, août 2015

Destination: voyage de noces!

Bateau l'Étoile.

Bateau l’Étoile.

Le voyage de noces est une coutume qu’on retrouve d’abord en Europe vers le milieu du XIXe siècle et surtout chez les gens faisant partie d’une certaine classe sociale. Chez nous, il fut un temps où seulement les couples fortunés allaient passer leur lune de miel dans un endroit de villégiature, au Québec, aux États-Unis ou plus rarement, en Europe. Je ne sais pas si mes grands-parents, tant paternels que maternels ont fait un voyage après leur mariage, j’en doute. Je sais par contre que, du temps du navire l’Étoile, qui s’arrêtait au quai de Deschambault, plusieurs couples choisissaient ce moyen de transport pour leur voyage de noces. Ils faisaient l’aller-retour jusqu’à Ste-Anne-de-Beaupré, en s’arrêtant à Québec, évidemment. Aurore et Lauréat Laplante, dont je vous ai parlé déjà, sont allés passer quelques jours à Montréal où Aurore avait de la famille, lors de leur voyage de noces en 1915. C’était loin Montréal à l’époque!

Mon père et ma mère, prêts pour leur voyage de noces!

Mon père et ma mère, prêts pour leur voyage de noces!

Très souvent les couples de nouveaux mariés qui avaient de la parenté dans une ville, soit Montréal, Québec ou ailleurs, profitaient de cette opportunité pour faire un voyage pas trop onéreux, puisqu’ils étaient la plupart du temps reçus chez des gens de la famille. D’ailleurs, c’est ce qu’ont fait mes parents, Jeanne et Julien, qui se sont mariés à la fin d’août 1932. Après la noce qui avait lieu chez mes grands-parents, comme c’était la coutume, les mariés ont pris le train pour Ottawa où ils ont passé quelques jours chez l’oncle Edmond Genest. Sur le chemin du retour, ils se sont arrêtés à Montréal, où maman avait plusieurs tantes, toutes très « recevantes »!

Nouveaux mariés en voyage de bnoces, devant l'église de Deschambault, 1944.

Nouveaux mariés en voyage de noces, devant l’église de Deschambault, 1944.

S’il était fréquent de voir des jeunes couples de la campagne faire leur voyage de noces à la ville, l’inverse se produisait aussi parfois. Le couple de jeunes mariés que vous voyez photographiés devant l’église en 1944, demeuraient à Trois-Rivières et ils étaient justement venus chez une tante à Deschambault à l’occasion de leur lune de miel. En contrepartie, ils ne demandaient pas mieux que de faire essayer leur nouvelle auto aux parents et amis de la campagne… Une promenade en auto, ça ne se refuse pas et l’expression en usage dans le temps pour qualifier ce geste, était : « Ils sont ben blod! ». Malheureusement, je ne sais pas à quel mot anglais ceci fait référence, et encore moins comment l’orthographier!

Nouveaux mariés à Niagara Falls en 1951

Nouveaux mariés à Niagara Falls en 1951

À partir des années cinquante, certains endroits de prestige comme le nord de Montréal, les Chutes du Niagara, la Gaspésie et les stations balnéaires de la Nouvelle-Angleterre, telle Old Orchard, commencent à publiciser leurs établissements hôteliers dans les magazines et les journaux avec les forfaits offerts aux nouveaux mariés. Les jeunes couples sont attirés par ces endroits de rêve. Le voyage de noces est prévu dans le budget et souvent, les familles des fiancés ont contribué pour une part plus ou moins importante. Surtout, les futurs mariés ont le désir d’être « enfin seuls », pour vivre leur lune de miel! C’est alors qu’on verra beaucoup moins de nouveaux mariés en visite dans la parenté.

Même mariés que photo précédente, en "costume" de voyage.

Mêmes mariés que photo précédente, en « costume » de voyage.

Les modes changent et c’est parfois pour le mieux. À l’époque où les jeunes époux devaient aller revêtir leurs habits de voyage avant leur départ de la noce, il était important que ce costume soit le plus chic possible. C’est pourquoi on voyait des jeunes femmes vêtues d’un tailleur de lainage rehaussé de fourrure, et portant chapeau de feutre, en plein mois de juin, alors que le couple partait pour les Chutes du Niagara… Heureusement, au premier tournant de la route, rien n’empêchait d’enlever veste, fourrure et chapeau. En fait, ce costume était porté surtout quand les nouveaux mariés revenaient de voyage. À la grand’messe du dimanche suivant le retour, ils étaient le point de mire de l’assemblée… tout le monde pouvait admirer leurs beaux atours et ainsi passer leurs commentaires! Pourquoi croyez-vous qu’on a inventé les perrons d’église, si ce n’est pour se rencontrer, jaser et se raconter les nouvelles, surtout en milieu rural, bien entendu. Cela fait partie des charmes de la campagne!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur…

Dans ma tendre jeunesse, on effeuillait la marguerite en récitant : « J’me marie, j’me marie pas, j’fais une sœur ». Évidemment, nous souhaitions que le dernier pétale tombe à la première option, même si au besoin on devait tricher un peu pour y arriver!

Religieuse au couvent de Deschambault, dans les années 40.

Religieuse au couvent, dans les années 40.

La jeune fille du temps passé avait trois choix de vie. Soit elle se mariait et élevait une famille, soit elle entrait en religion pour y exercer le métier d’enseignante ou d’infirmière, ou encore, et ce n’était pas vraiment un choix, elle demeurait célibataire. Souvent, la « fille de la maison » se retrouvait à s’occuper de ses parents vieillissants, après que les autres membres de la famille soient partis chacun de leur côté. Jusque dans les années soixante, je dirais, les filles étaient élevées en fonction de cette vocation de femme au foyer et de mère de famille. Même pour celles qui avaient étudié, soit pour devenir enseignante ou infirmière, ou qui avaient suivi le cours de sténo-dactylo pour devenir secrétaire, en général, on travaillait « en attendant ».

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Élève du cours de dactylo, au couvent de Deschambault (1948-49).

Aussitôt les études terminées, et même avant, on commençait à préparer notre trousseau. Dans les demeures où l’on possédait un métier à tisser, les filles apprenaient à fabriquer linges de vaisselle, couvertures et catalognes. Même si toutes n’avaient pas de coffre d’espérance en cèdre, chacune avait à cœur d’arriver au mariage avec un trousseau bien garni. À mon époque, la plupart des futures mariées avaient un emploi, ce qui leur laissait moins de temps pour tisser, tricoter ou broder. On offrait donc sur le marché un trousseau de base pour un certain montant à défrayer chaque mois. C’est ce que j’ai fait car je n’avais pas vraiment de talent pour les travaux délicats. Pour ce qui était de la cuisine, on l’apprenait à la maison, à moins d’avoir suivi le cours d’Enseignement ménager. Les écoles ménagères préparaient aussi aux professions de couturière, cuisinière et plus tard, de diététicienne.

Modern Bride Magazine, 1964.

Modern Bride Magazine, 1964.

Le mariage étant une chose sérieuse, on se devait d’être bien informé sur tous les aspects de cette nouvelle voie dans laquelle on s’engageait. Car, voyez-vous, on se mariait pour la vie! Les futurs mariés étaient fortement incités à suivre le cours de préparation au mariage qui était donné dans chaque paroisse par le curé ou le vicaire, assisté d’autres personnes qualifiées selon le sujet du cours. Comme mon fiancé travaillait sur les bateaux, nous avions choisi le cours par correspondance, c’était pas mal plus simple ainsi. Pour les préparatifs matériels (cérémonie, vêtements, noces), il y avait un incontournable, la revue Mon Mariage, qui traitait de tout, absolument tout! J’avais acheté ce magazine et aussi une revue américaine, Modern Bride; j’ai conservé cette dernière qui date du printemps 1964.

Photo de mariés datant de 1951.

Photo de mariés datant de 1951.

L’étiquette du mariage était pas mal plus compliquée que maintenant, où chacun porte ce qui lui plaît, peu importe le style de la cérémonie. Par exemple, jusque dans les années cinquante, quand une jeune fille se mariait passé vingt-cinq ans, il était d’usage qu’elle porte une robe de couleur, de longueur normale, avec chapeau assorti, tel que vous pouvez voir sur la photo qui date de 1951. Je précise que cette mariée portait une robe et des accessoires de couleur turquoise. La robe longue, blanche, avec voile et traîne plus ou moins « traînante », était réservée à celles qui n’avaient pas « coiffé Sainte-Catherine ». Remarquez, il y a avait déjà des demoiselles qui se fichaient pas mal de ces diktats, c’est d’ailleurs pourquoi ils sont petit à petit tombés en désuétude.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Mariage de ma sœur Élyane en 1957.

Au cours des années cinquante, on a trouvé un compromis pour la longueur des robes de mariées qui n’étaient ni courtes, ni longues, on appelait ça 7/8. La robe pouvait être de couleur pastel; celle de ma sœur était blanche, comme vous pouvez voir sur la photo de septembre 1957. C’était le premier mariage dans la famille et puisqu’on parle de mode, cet automne-là, le chic était la robe bleu Dior, autant que possible en velours! Aux noces de ma sœur, il y avait sept ou huit invitées vêtues de robe de cette couleur.

Vous vous demandez ce qu’on mangeait au cours des noces? J’ai assisté à une noce pour la première fois en 1951, il y a eu ensuite le mariage de ma sœur en 1957 et par la suite, j’ai assisté à plusieurs noces – on se mariait beaucoup à l’époque! La plupart du temps, on servait en entrée un jus de légumes, quelques crudités et ensuite des sandwiches, lesquelles variaient selon le coût du repas. Le tout était couronné par le gâteau de noces qu’on servait habituellement après que les mariés aient endossé leur costume de voyage de noces, juste avant le départ… alors que les nouveaux mariés faisaient le tour des invités pour remercier chacun et chacune, avec, évidemment, quelques larmes en prime!

Mon époux et moi, nous sommes mariés le 24 juin 1964. La mode des énormes crinolines était en perte de vitesse, aussi j’avais choisi de faire coudre ma robe dans un satin peau de soie que je trouvais plus sobre. Pour faire changement, nous avions commandé un repas chaud… Malheureusement, il faisait très chaud et humide ce jour-là. Tant pis! Nous n’avons tout de même que de beaux souvenirs, tant du mariage que de la noce, sans oublier le trajet après le mariage en Lincoln décapotable de l’année!

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2015

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

Moi et mon époux Jacques, dans la Lincoln (24 juin 1964).

Ma mère et les framboises

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Que serait l’été sans les petits fruits? Les fraises, framboises, bleuets et mûres… ce sont des cadeaux du ciel. C’est délicieux, c’est beau et ça sent bon! L’odeur que je préfère est celle des framboises; c’est l’odeur même de l’été. Et surtout, ce petit fuit aussi succulent qu’odorant me rappelle ma mère.

Maman est née un 20 juillet, justement au temps des framboises, petit fruit qu’elle aimait par-dessus tout. Maintenant, on trouve sur le marché tous les fruits et légumes à l’année longue. À l’époque où ma mère a élevé sa famille, on cueillait les fruits chacun en son temps, les fraises fin juin ou début juillet, les framboises vers la fin de juillet et les bleuets et les mûres, plus ou moins tôt en août, dépendamment de la température. Il en allait de même pour les récoltes du potager. On cueillait d’abord laitue et radis, ensuite les fèves puis les concombres, ensuite venaient les tomates et les cerises de terre, ce drôle de fruit caché dans un petit sac. Plus tard, on récoltait les légumes racines : carottes, betteraves et enfin, les patates. Tout au long de l’été, nous regardions pousser le maïs, nous l’espérions ardemment… on avait tellement hâte d’en manger! Les étés moins chauds ou pluvieux, on devait parfois attendre les derniers jours du mois d’août pour cueillir enfin les premiers épis. Du maïs, du pain, du beurre, ça nous faisait un repas, et quel repas!

Maman n’était pas gourmande, mais elle avait tout de même ses préférences, dont les framboises. Ayant élevé dix enfants, elle avait l’habitude de se servir en dernier, surtout quand il s’agissait du dessert. Il y avait toujours un jeune affamé qui réclamait : « Je peux en avoir encore un peu maman? » C’était le cas quand un dessert était particulièrement apprécié; alors maman se privait en disant qu’elle n’avait plus faim. Les petits goinfres autour de la table ne s’apercevaient de rien! Nous ne portions pas attention au fait que maman finissait son repas avec seulement une tasse de thé.

Ma mère et mon père (été 1955).

Ma mère et mon père (été 1955).

Mis à part l’orange et la pomme des bas de Noël et plus tard, l’ananas et la noix de coco – ces fruits que papa nous apportait de Montréal pour Pâques et qui étaient pour nous le comble de l’exotisme, la façon la plus courante de consommer les fruits en hiver, c’était sous forme de confitures. Ainsi, quand nous allions cueillir des petits fruits, la plus grande part de notre cueillette était donc destinée à être mise en pots. Quand je regardais les pots de confitures et de marinades alignés dans la dépense, j’avais l’impression que c’était un peu du soleil de l’été que nous conservions ainsi… Encore aujourd’hui, ça me fait toujours le même effet! Avec les fruits tout frais cueillis, maman faisait aussi des tartes, même s’il fallait pour cela chauffer le poêle à bois par les jours de grande chaleur, mais cela en valait largement la peine. Les années où les récoltes étaient très abondantes, on se permettait quelques bols de fruits nature, avec du sucre et un peu de crème, qu’on prélevait sur le dessus de la pinte de lait, un pur délice! Évidemment, l’anniversaire de maman était l’occasion idéale pour savourer des framboises, d’une manière ou d’une autre. C’était une des rares gourmandises que nous lui connaissions. Et c’est ainsi que, dans mon souvenir, les framboises sont restées associées à ma mère.

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l'été 1994, deux ans avant que maman nous quitte...

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l’été 1994, deux ans avant que maman nous quitte…

Plus tard, après que la marmaille eut tour à tour, quitté la maison, le jour de la fête de maman, nous ne manquions pas de lui apporter un contenant de framboises qu’elle pouvait déguster à sa guise, sans se sentir obligée d’en laisser pour les autres. Quand on lui souhaitait « Bonne Fête » » avec des framboises à chaque 20 juillet, sa joie faisait tellement plaisir à voir! En 1996, elle était très affaiblie, son cœur trouvait qu’il avait assez travaillé. Elle était presque toujours alitée et ne mangeait que très peu, mais le jour de sa fête, quelqu’un lui a quand même apporté un petit contenant de ses fruits préférés. Elle avait tenu à se lever, pour recevoir sa famille et je la revois, toute menue, dans sa chaise près du poêle. Quand elle a reçu ses framboises, elle nous a offert son plus beau sourire, elle a goûté quelques fruits… et elle s’est recouchée après avoir salué chacun des membres de sa famille. Maman nous a quittés deux semaines plus tard, tout doucement, sans bruit… comme elle avait vécu.

© Madeleine Genest Bouillé, février 2015