Un livre qui a quelque chose à dire…

Il y a des moments dans la vie où l’on a besoin de se plonger dans un livre qui a quelque chose d’important à nous dire. Ce qui est le cas ces jours-ci. Je cherchais… et je me suis rappelé ce petit livre d’Éric-Emmanuel Schmitt, Oscar et la dame rose. J’ai lu plusieurs livres de cet auteur qui nous fait voyager avec des personnages très différents les uns des autres, dans différents pays, à différentes époques. Le moins qu’on puisse dire est que c’est un excellent auteur, dont les œuvres ne peuvent laisser personne indifférent. Parmi les auteurs contemporains, Eric-Emmanuel Schmitt est l’un de ceux que je préfère avec ses histoires pas comme celles de tout le monde, je cite entre autres : La part de l’autre, L’enfant de Noé, Ma vie avec Mozart ou encore Concerto à la mémoire d’un ange. La première fois que j’avais lu Oscar et la dame rose, il m’avait été prêté par une amie, une fille « pas comme tout le monde », elle non plus.

Au départ, le sujet du livre ne m’attirait pas du tout. Je n’aime pas les histoires de personnes atteintes de maladie incurable et justement, Oscar est atteint de leucémie en phase terminale, alors, non, ce n’est vraiment pas « ma tasse de thé »!

J’avais donc au départ une opinion défavorable. Mais le livre m’avais été offert avec un si gentil sourire : « Tu vas voir, ce n’est pas ce que tu penses. » Je l’ai lu, en trois fins de soirée, plus longtemps le dernier soir, car je relisais certaines pages plus touchantes, la boîte de kleenex pas loin… Et oui, j’assume mon prénom!

Je n’ai jamais lu de livre aussi plein de vie, d’espoir. Je le conseille à tout le monde : malades ou bien portants, jeunes et moins jeunes, croyants ou non. Si on ne l’a pas à votre bibliothèque, demandez-le, on se le procurera, ou bien achetez-le, on le trouve dans toutes les librairies et c’est un livre  que vous ne lirez pas qu’une seule fois!

IMG_20160711_0001Oscar et la dame rose, c’est un livre qui fait du bien. C’est doux comme la première neige ou comme l’herbe tendre du printemps, selon ce que vous préférez. Mais aussi c’est fort, ça vous bouscule comme le vent de nordet dans les hautes mers du printemps. C’est vif et ensoleillé, et c’est serein… comme un beau clair de lune sur le fleuve en été.  Parfois, vous riez… et vous avez en même temps les yeux pleins d’eau. Je vous le redis : lisez Oscar et la dame rose… Vous m’en donnerez des nouvelles!

Je vous laisse avec quelques réflexions d’Oscar :

« La plupart des gens sont sans curiosité.  Ils s’accrochent à ce qu’ils ont, comme le pou dans l’oreille d’un chauve. »

« Les gens craignent de mourir parce qu’ils redoutent l’inconnu. »

« Il n’y a pas de solution à la vie sinon vivre. »

« La vie c’est un drôle de cadeau. Au départ on le surestime : on croit avoir reçu la vie éternelle. Après, on le sous-estime, on le trouve pourri, trop court. Enfin on se rend compte que ce n’était pas un cadeau mais juste un prêt.  Alors on essaie de le mériter. »

Et cette réplique de la « dame rose » : « Chaque fois que tu croiras en Dieu, il existera un peu plus. Si tu persistes, il existera complètement. Alors il te fera du bien. »

 Bonne lecture!

© Madeleine Genest Bouillé, 11 juillet 2016

L’automne, saison d’espérance

Réflexion.

L’automne, saison d’espérance? Une saison qui débute en nous offrant ses plus riches trésors, ses plus belles couleurs, pour nous laisser ensuite dans la grisaille et le dénuement le plus complet. J’aurai du mal à vous faire admettre que cette saison-là parle d’espérance.

138Et pourtant, oui, je persiste et je dis que l’automne est une saison d’espérance. Comme l’automne, l’espérance, ma vertu préférée, passe par toutes les nuances. Du rouge d’un beau matin qui nous fait croire que tout est possible, au désolant crépuscule ennuagé, en passant par le morne jour gris où l’on ferme les rideaux plus tôt, pour ne pas voir dehors. L’espérance, comme la température automnale, n’est pas toujours au beau fixe. C’est un mélange de rouge et de noir, de hauts et de bas. L’espérance?… il faut en avoir trop pour être sûr d’en avoir assez!

027 (2)L’automne qui débute avec la rentrée scolaire, me semble le parfait symbole de l’espérance. Qu’il s’agisse des petits qui prennent le chemin de l’école pour la première fois ou des plus grands qui s’orientent vers des études qui engageront leur vie, ils auront besoin d’une forte dose d’espérance pour résister aux tentations de la facilité, de la contestation ou du décrochage.

C’est aussi en automne qu’on retrouve les joies du foyer. Au cours de l’été, on a déserté notre chez-soi, que ce soit pour les voyages de vacances, le chalet, ou simplement pour vivre dehors. Voici qu’un jour on prend plaisir à réintégrer la maison. On la fait revivre, on fait le ménage, on vérifie l’isolation des fenêtres – si on habite une vieille maison, on change les doubles fenêtres – et on met le chauffage, on allume les lumières pour chasser l’obscurité qui a commencé à tomber plus tôt. C’est qu’on la veut accueillante, notre demeure! L’hiver peut venir, parée pour les longs mois de froidure, la maison sera confortable. Tout ça, vous en conviendrez, ce sont des gestes d’espérance !

photos 8janv.2015 098C’est de Charles Péguy qu’on tient ces paroles : « L’espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. » Les paysages dépouillés de fin d’automne nous révèlent des perspectives plus larges, plus nettes : les feuillages ne cachant plus la vue, on pense aussi plus loin… plus profondément. D’une certaine façon, les soirées plus longues invitent à l’intériorité. Ce n’est pas un hasard si on a placé le mois des morts en novembre. La saison qui glisse inexorablement vers l’hiver nous rappelle que nous ne sommes pas immortels, cependant, comme la nature qui renaîtra au printemps, nous connaîtrons aussi un jour, une autre vie… en tout cas, moi j’y crois! De même, le souvenir des personnes qui nous ont quittés pour un autre monde nous parle aussi d’espérance.

photos 8janv.2015 122Pour terminer sur une note poétique, voici une belle phrase que j’ai conservée dans mon vieux carnet de pensées; je ne connais malheureusement pas l’auteur : «  Quand le rayon de soleil s’est posé sur la dernière fleur qui pointait sous la première neige, j’ai entendu un ange souffler : ESPÈRE! »

© Madeleine Genest Bouillé, novembre 2014

« M’man, j’sais pas quoi faire! »

Le mois d’août s’achevait tranquillement, pas vite, avec des soirées de moins en moins longues. Déjà les hirondelles avaient fait leurs adieux, juchées sur les fils électriques en rangs serrés, prêtes pour le départ. Pendant ce temps, à la maison, mes jeunes frères se traînaient d’une chaise à l’autre en clamant sur tous les tons : « M’man, j’sais pas quoi faire! » Il n’y avait pourtant pas si longtemps qu’ils avaient garroché leur sac d’école au fond d’un placard par un bel après-midi de juin en hurlant de joie : « Hourra! L’école est finie! »

Mon frère Fernand, en vélo dans la rue Saint-Joseph,1958.

Mon frère Fernand, en vélo dans la rue Saint-Joseph,1958.

Avec toute la bonne volonté du monde, maman disait : « Les autres p’tits gars, qu’est-ce qu’ils font? D’habitude, vous jouez ensemble… » Il s’en trouvait toujours un pour répondre : « On n’a plus rien à faire! » Alors maman suggérait des choses  comme aller corder du bois tandis qu’il fait beau : « On en a cordé hier, en masse! »… Ramasser les patates dans le jardin : « Ah non! Pas ça! »… Aller se baigner, pendant qu’il fait encore assez chaud : « La mer est trop basse, ça adonne pas. » Ah oui! Vraiment, on était rendus à la fin d’août! Les jeux qui semblaient inépuisables au début des vacances n’intéressaient plus personne. On avait joué à la balle des soirées entières, on avait même cassé une vitre dans la fenêtre du hangar… moins grave que si ç’avait été une fenêtre de la maison. On avait joué aux « Quatre-Coins », au « Cinquante »; à ces jeux-là, les plus petits pouvaient jouer, ce qui finissait par ennuyer les plus grands. On avait joué à « En bas de la ville », dans la côte près du gros orme; on avait tellement de plaisir à ce jeu! Mais il y en avait toujours un qui déboulait en bas de la côte ou qui se faisait mal et qui « chialait », alors il fallait arrêter. Cet été-là, on avait surtout joué aux cow-boys et aux Indiens. Fernand avait pris des photos des combats avec le kodak qu’il avait eu à sa fête et c’était comme si on tournait de vrais films, pareil comme dans The Lone Ranger. On s’était fabriqué des fusils en bois, des arcs, des flèches – pas des vraies, voyons donc! Ceux qui jouaient les rôles des Indiens enlevaient leur chemise – maman aimait pas ça, elle disait qu’ils allaient attraper des coups de soleil – et ils se barbouillaient pour faire plus vrai. Fernand avait tourné au moins trois films. Si on compte qu’il y avait douze photos par film (en noir et blanc), ça donnait trente-six photos. Ça finissait par coûter cher!

On a épuisé tous les jeux, y compris ceux des jours de pluie : le Monopoly, les dames, le jeu de pichenotte, les jeux de construction, même les fameux scrapbooks que maman nous faisait confectionner avec de vieux cahiers et des images découpées un peu partout. Jusqu’aux plus jeunes qui avaient leurs cahiers de collage, dans lesquels ils mettaient n’importe quoi, n’importe comment. Juste pour vous donner un aperçu, dans un des scrapbooks, il y avait une image de Jésus qui était collée au-dessus d’un bol de soupe aux légumes Campbell… ce pauvre Jésus, il avait les pieds dans le plat! On l’a bien ri celle-là! On a lu tous les « petits comiques », pas rien qu’une fois… il y en a qui sont pas mal maganés, d’autres qui ont perdu des feuilles. On s’est promenés en bicycle, on a été aux framboises, aux bleuets et aux mûres. Les « môsusses » de mûriers! On en porte encore les égratignures! « Pour de vrai m’man, on sait plus quoi faire! » C’est comme si l’été n’était plus tout à fait l’été. Dire qu’au début on avait tellement hâte; on allait dans le jardin voir si les légumes poussaient… on trouvait que ça n’allait pas vite. Tout était amusant! On passait nos journées dehors quand il faisait beau, on rentrait juste pour les repas et pour aller se coucher.

On s'amuse au quai, août 1950.

On s’amuse au quai, août 1950.

Qu’est-ce donc qui s’est passé? C’est pourtant encore le mois d’août, les journées sont belles, moins chaudes un peu, mais on est bien dehors. Il y a plein de bons légumes dans le jardin, surtout du blé d’Inde. On en mange tant qu’on peut. Que peut-on désirer de plus! Les soirées sont superbes, même si le soleil se couche plus tôt. Les grands sortent le tourne-disque sur la galerie et on fait jouer les disques de rock’n’roll; on écoute Elvis Presley, Paul Anka, Dean Martin et tout plein de chanteurs à la mode. Mais, c’est plus pareil… Il y a quelque chose dans l’air qui est différent; c’est peut-être le « cri-cri » des criquets qui a remplacé le chant des oiseaux qui sont déjà partis.

Peut-être qu’on est rendus au temps où l’on commence à penser à l’école qui va débuter bientôt. Faudrait bien sortir les sacs, faire l’inventaire de ce qui est encore utilisable. « Ça va me prendre des crayons neufs, des effaces, certain. J’espère que je vais avoir une boîte de Prismacolor cette année… depuis le temps que j’en veux. Bon, demain on va voir à ça, demain… » Mais en attendant : « M’man, j’sais pas quoi faire! »

© Madeleine Genest Bouillé, août 2015

L'école Centrale (école du Phare), peu de temps après sa construction (début des années 50).

L’école Centrale (école du Phare), peu de temps après sa construction au début des années 50.

Y a t-y quelqu’un qui court après toi?…

La "course au drapeau" passe devant chez moi, à la Saint-Jean-Baptiste de 1988...

La « course au drapeau » passe devant chez moi, à la Saint-Jean-Baptiste de 1988…

Je suis présentement – et pour un certain temps – ce qu’il est convenu d’appeler « une personne à mobilité réduite ». Heureusement, quand il fait beau, je déambule sur mon balcon avec une marchette. Quelle idée de génie avons-nous eue de rallonger la galerie en avant de la maison! C’est mon avenue, mon boulevard, mon agora, ma terrasse… je m’y assois quand le genou rafistolé commence à rouspéter, et je contemple mon merveilleux décor, généralement animé de la circulation inlassable des autos, motos et autres véhicules. C’est qu’il en passe, du monde! Parmi ce flot ininterrompu défilent les cyclistes, joggeurs, marcheurs, avec ou sans chien, avec aussi parfois une poussette dans laquelle un bébé stoïque s’initie sans le savoir à la science du « conditionnement physique ».

Un essai à la balle molle, été 1962.

Un essai à la balle molle, été 1962.

Dans ma jeunesse, comme tous les enfants, nous courions pour jouer. Jouer à la balle, aux « quatre-coins », au badminton. Au couvent, les religieuses tenaient à ce qu’on coure pendant la récréation afin de nous dégourdir les jambes, ce qui devait nous rendre plus réceptives ensuite pour suivre les cours : « Mens sana in corpore sano », comme le disait je ne sais plus qui (une âme saine dans un corps sain). En grandissant par contre, les cours de bienséance nous enseignaient qu’une « demoiselle » ne se garrochait pas, la jupe au vent, toute échevelée, à propos de rien. Voir si ça avait de l’allure! On courait si on était en retard, si on se faisait prendre par la pluie ou autre bonne raison du même genre. Sinon on marchait posément, à pas mesurés.

Les promenades à pied étaient considérées comme un loisir. L’hiver, on faisait des « marches de santé », ça coûtait moins cher que les skis et les patins et c’était très sain. En été, je n’irais pas jusqu’à dire que nos sorties en groupe le long des trottoirs et des rues du village, surtout le soir, étaient motivées par la santé. C’était surtout un de nos plaisirs de vacances favoris. On allait ainsi se restaurer à l’une ou l’autre roulotte « à patates frites », soit au Garage des Autobus Gauthier ou près du Garage Audet. Pour .25 cents, on avait une frite et un coke. Évidemment, nos petites marches nous menaient souvent au terrain de l’O.T.J. pour les parties de balle molle en été et de ballon-balai en hiver. On riait de tout et de rien, on chantait, on se bousculait même un peu… surtout si on avait la chance d’avoir des spectateurs. Ces promenades étaient un de nos amusements préférés. Les vacances ne coûtaient pas cher.

Une course à la Saint-Jean-Baptiste de 1981.

Une course à la Saint-Jean-Baptiste de 1981.

Au temps d’hier, marcher, se promener, pédaler, tout ça faisait partie des activités normales. Courir, pour les enfants, c’était correct; il fallait bien qu’ils dépensent leur énergie. Pour les grandes personnes, ça n’était pas d’usage. Pourquoi aurait-on couru? Une grande majorité de personnes gagnaient leur vie avec un travail manuel et autant que possible, les déplacements se faisaient à pied. Quand mon petit frère Georges a commencé à courir, il s’arrêtait chez notre mère et celle-ci, en plaisantant, lui demandait : «  Pourquoi tu cours comme ça ? Y a t-y quelqu’un qui court après toi? » Il n’y avait pas encore beaucoup de joggeurs et maman trouvait cela absurde. Ce qui l’amusait aussi c’était la tenue quasi imposée – chaussures et vêtements – qu’il fallait porter pour ces courses qu’elle n’aurait jamais qualifiées de sport.

Chère maman! Il m’arrive souvent de rêver qu’elle est assise avec moi sur ma galerie… on jase de tout, de rien. Je lui parle des médailles que mes petits-enfants gagnent, pas seulement dans les matières scolaires, ce dont elle serait très fière, mais aussi pour des activités sportives. Tu vois, maman, c’est comme ça aujourd’hui, même si personne ne nous court après, on part, on court… on calcule temps et vitesse, et c’est devenu aussi important que de savoir « en quelle année a eu lieu le massacre de Lachine »!

© Madeleine Genest Bouillé, 29 juin 2015

Ma saison et ma fleur préférées, 1955 et 2015…

Mars 1955, 10e année

Une photo de moi, à l'été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

Une photo de moi, à l’été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

« Ce n’est pas l’été; parce qu’en été la chaleur est torride et il y a souvent des orages. Ce n’est pas l’hiver parce qu’en hiver il y a des tempêtes et il fait froid; quand on pense que tant de malheureux en souffrent! Ce n’est pas non plus l’automne parce qu’en automne le soleil est absent et le temps est pluvieux. Voilà! Ma saison préférée, c’est le printemps, au réveil de la nature, quand les oiseaux reviennent de leur long voyage dans le sud, pour nous égayer de leurs chants, quand les feuilles commencent à pointer leurs petits bourgeons verts aux branches. Car voyez-vous, quand on est au printemps de la vie, comment ne pas aimer le printemps de l’année!

Maintenant j’en viens à ma fleur préférée : ce n’est pas la rose malgré sa beauté; parce que pour la cueillir on s’écorche les mains sur ses épines. Ce n’est pas la violette non plus parce que je n’aime pas le violet qui est une couleur de deuil. Ce n’est pas le muguet parce qu’il se fane trop vite. Voilà! Ma fleur préférée est le lilas, avec son parfum doux et léger, il embaume l’atmosphère; et j’aime le lilas parce que c’est une des premières fleurs du printemps et que le printemps est ma saison préférée! »

Avril 2015

Le très vieux cahier d’écolière dans lequel j’ai retrouvé des rédactions faites en dixième année, révèle une écriture inégale et peu soignée, mais au moins, je n’y trouve pas de fautes de grammaire, ni d’orthographe. Je me souviens très bien de ce texte, car j’en aimais le sujet. Cette rédaction étant datée de mars, bien évidemment, ma saison préférée était le printemps. Si le même devoir avait été donné en novembre, je me demande ce que j’aurais écrit…

Ma saison préférée est toujours le printemps, bien que je ne sois plus au printemps de la vie. L’espérance qui m’habite, même dans les heures les plus sombres, est fille du printemps. Pour ce qui est des autres saisons, disons qu’en novembre, j’ai hâte à l’hiver, parce que les jours gris de ce mois de mon anniversaire me font l’humeur chagrine et que j’ai hâte à Noël, comme les enfants et toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, croient encore au Père Noël! Après le temps des Fêtes, je trouve l’hiver très beau pendant un mois ou deux. Par la fenêtre, je me plais à regarder tempêter la neige, rugir le vent et tourbillonner la poudrerie. Sans doute est-ce un effet de l’âge, mais de plus en plus tôt en mars et souvent même en février, j’ai hâte au printemps. Cette saison est celle des nuances. On passe du blanc sale, au gris, puis au noir et timidement le vert fait son apparition, sur le sol et dans les arbres, du vert tendre jusqu’au vert le plus éclatant. Toute cette verdure semble avoir été mise en place pour préparer la venue du roi Été qui s’amène chargé de fleurs, dans toute sa gloire! Comment de pas l’aimer! C’est le temps des vacances, des promenades sur la terre et sur l’eau; cette saison a des splendeurs de carte postale. On est bien dehors à l’ombre, on ne s’en lasse pas et on voudrait que le temps s’arrête. Par contre j’avoue que je n’aime pas les chaleurs lourdes où on n’a plus envie de bouger. Heureusement, dans notre coin de pays au bord du fleuve, si la température est plus humide, elle est tempérée par le vent toujours plus ou moins présent. Puis les jours raccourcissent, les oiseaux font déjà leurs bagages, et voici l’automne, le magnifique, incontestablement le plus beau, avec ses couleurs qu’aucun peintre ne peut rendre avec justesse. Ses journées sont d’une douceur qu’on ne retrouve pas en été. Magnanime, il nous offre un assortiment de fruits et de légumes, pour se faire pardonner de devoir partir si vite. Mais voilà! L’automne, c’est la fin d’une histoire et je n’aime pas les choses qui finissent. C’est pourquoi je préfère le printemps et sa beauté qu’on devine à peine au début et qui se révèle petit à petit. Chaque jour fait éclore une nouvelle feuille, une fleur, tandis que dans un arbre, chante un oiseau qui n’était pas là hier. Printemps, saison de renaissance… ma saison préférée!

Le lilas, l'une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Le lilas, l’une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Ma fleur préférée n’est toujours pas la rose, trop parfaite, sans doute. Les pissenlits, même s’ils ne sont pas jolis, méritent notre admiration. Ce sont des fleurs courageuses, on ne les aime pas; mais les tondeuses ont beau les écraser de tout leur poids, les pissenlits se relèvent chaque fois et suivent le cours de leur existence jusqu’à devenir ces petites boules duveteuses dont les enfants – et les grands-mères un peu folles, s’amusent à souffler les graines au vent. Les marguerites se laissent effeuiller sans protester, comme si leur beauté ne devait servir qu’à ça. Évidemment, j’aime toutes les fleurs du printemps, dont les premières, les braves crocus, jacinthes et tulipes. Mais ce ne sont pas là mes préférées. Vraiment, il m’est impossible de choisir entre les muguets odorants, qui me rappellent de si jolies chansons, et les lilas, ces délicates grappes mauves dont le parfum est celui de mes jeunes années. Car voyez-vous, quand on n’est plus au printemps de la vie, on ne cesse jamais d’aimer le printemps de l’année ainsi que les fleurs qu’il nous offre si généreusement!

© Madeleine Genest Bouillé

Quand les mots deviennent des images

Quand j’y pense, mon occupation favorite quand j’étais petite fille, c’était d’écouter parler les grandes personnes. Je voyais des images, je forgeais des histoires, je partais en voyage… Je ne m’ennuyais jamais!

Parfois en hiver, quand on parle de quelqu’un qui est allé « dans le sud », je me rappelle la première fois où j’ai entendu cette expression. Ils étaient rares, à l’époque, ceux qui allaient « dans le sud », alors quand on connaissait des personnes qui se payaient cette fantaisie, c’était toute une nouvelle, et ça faisait le tour de la paroisse! C’était donc par un après-midi d’hiver, le soleil commençait à baisser; on était rendu à l’heure du thé et des galettes. Je me souviens de ce moment comme si c’était hier! Autour de moi, les grandes personnes commentaient justement cet événement. J’écoutais les bavardages en croquant distraitement une galette… pensive, je regardais par la fenêtre la côte de Lotbinière. Le « Sud », il était là de l’autre côté du fleuve, en face de chez nous. Je me risquai alors à demander : « Pourquoi ils sont allés dans le sud? » Quelqu’un, je ne me souviens plus qui, m’a répondu : « Ils sont allés où il fait soleil, parce qu’il fait plus chaud, ils peuvent aller sur la plage, se baigner ». Je n’y comprenais rien. Ce que je voyais de la côte sud du fleuve, c’était un endroit couvert de neige, comme par chez nous. J’ai osé rétorquer en pointant la fenêtre du doigt : « Mais, il y a de la neige dans le sud, autant qu’ici. Ils peuvent pas se baigner, la glace est prise, je le sais, on voit Lotbinière, de l’autre côté du fleuve, c’est l’hiver là aussi! ».

Ma réplique a été accueillie par un énorme éclat de rire. Inutile de dire que j’étais très vexée. Moi qui me croyais savante parce que je pouvais situer le nord et le sud, même si je mêlais toujours l’est et l’ouest, quand même, je savais ce qu’il y avait de l’autre côté du fleuve. Je n’avais pas trouvé ça drôle du tout. Un peu plus tard, on m’a expliqué que le « sud » où les gens allaient en vacances, l’hiver, était beaucoup plus loin, au sud du sud si on peut dire. Il s’agissait de pays où il n’y avait pas de neige jamais et où il y avait des palmiers, des singes et des bananes. J’adorais les bananes et j’étais au courant que ces fruits poussaient dans des endroits très, très loin. Dès lors, j’ai commencé à rechercher les revues et les livres où on parlait des pays lointains. Je regardais ces images en rêvant et en m’inventant des histoires. Grâce à Tintin, je suis allée au Congo, puis en Amérique, cette Amérique où Tintin a vécu sa périlleuse aventure avec des bandits de Chicago et aussi avec des Indiens, et qui selon moi, n’était vraiment pas celle où mon pays était situé. Cela ne se pouvait tout simplement pas!

Plus tard, j’ai adoré la géographie; si je ne portais pas tellement d’attention aux chiffres concernant les populations et les superficies, de même qu’aux produits spécifiques à chaque région, je retenais aisément les noms des pays, des villes, de même que les rivières et les lacs. Souvent pendant les cours de mathématiques, comme cette matière ne m’intéressait pas, je glissais mon manuel de géographie en dessous du couvercle de mon pupitre et j’allais me promener de temps à autre. Ces voyages me menaient soit en Italie, ce pays qui a la forme d’une botte, ou en France, l’endroit d’où venaient nos ancêtres, ou encore en Angleterre, où je savais qu’il y avait depuis peu une nouvelle reine. On voyait sa photo partout, sur des boîtes de bonbons, des tasses, il y avait même des épinglettes en forme de couronne. Quels beaux voyages je faisais! Jusqu’à ce que la bonne sœur qui nous enseignait me ramène à mes problèmes de mathématiques, en me disant sévèrement : « Encore dans la lune! Après ça, vous direz que vous ne comprenez rien! »

Les chiffres ne m’ont jamais emmenée très loin. De même que les tables de multiplication n’ont jamais évoqué pour moi de voyages dans des pays lointains. Les problèmes avec des trains qui partaient à la même heure et qui arrivaient avec des heures différentes ou encore ceux où il y avait des tartes toutes mangées et d’autres seulement à moitié ou au tiers, sont restés pour moi sans intérêt. J’ai fini par apprendre à compter, assez pour faire la différence entre mes revenus et mes dépenses. Et beaucoup plus tard, j’ai appris mes multiples en aidant mon fils aîné à les mémoriser… Il n’avait pas plus que moi d’attirance pour cette matière pourtant essentielle. À chacun ses talents!

À bientôt pour d’autres mots, d’autres images!

© Madeleine Genest Bouillé 2015

Le coffre d’espérance…

Pourquoi un blogue? Pourquoi pas un blogue.

C’est comme un livre dont les pages se suivent de façon irrégulière, au gré  de l’inspiration de l’auteur, c’est un livre et ce n’en est pas un. Pour débuter, car il faut un début à tout, voici un court texte qui explique ce que les mots représentent pour moi, les images qu’ils font naître dans mon imagination et les histoires qui en découlent. J’ai choisi ce texte en premier lieu, car il contient un des mots que je préfère: ESPÉRANCE!

Le coffre d’espérance

Quand j’étais petite fille, j’aimais écouter jaser les grandes personnes. Même si je ne comprenais pas toujours le sens de ce qu’elles disaient, je m’inventais ensuite des histoires et j’y mettais des mots que j’avais retenus…parce qu’ils me plaisaient. C’est ainsi que j’ai commencé à aimer les mots, qui dans mon imaginaire, devenaient des images.

Un jour, j’entendis l’expression « coffre d’espérance ». On parlait du mariage prochain d’une parente. On s’extasiait sur son coffre d’espérance qui était bien rempli à ce qu’il semblait. Suite à cela, quand on me demandait ce que je voulais faire quand je serais grande, je répondais : « Je vais avoir un coffre d’espérance ». Les grandes personnes riaient… et je me demandais bien pourquoi.

Plus tard, j’ai su ce qu’était un coffre d’espérance. Ce coffre, souvent en cèdre, que la jeune fille du temps passé remplissait de beau linge de maison, la plupart du temps cousu, tissé ou brodé de ses mains… dans l’espérance du jour où elle emménagerait avec un mari tout neuf, dans une maison bien à elle, pour y fonder une famille. Que d’espérance! Et pas seulement dans le coffre!

N’est-ce pas que toute la vie est un « coffre d’espérance »? On y emmagasine nos rêves et nos espoirs au fil des ans. Certains parmi eux ne sortiront jamais du coffre, comme ces belles serviettes d’invités qui n’ont jamais servi : elles étaient trop belles, ou pas assez pratiques. Par contre, on y retrouve encore des pièces du trousseau qui ont été maintes fois utilisées… comme leur propriétaire, elles ont du vécu!

Puissions-nous arriver à la fin de notre vie avec un coffre encore garni d’espérance. Non pas des espoirs frivoles comme ces fragiles dentelles, mais des espérances solides qui nous suivent toute la vie, un peu comme ces couvertures inusables pliées soigneusement au fond du coffre et que nous transmettons à nos descendantes…

© Madeleine Genest Bouillé 2010