Le fleuve nous a joué un tour!

hiver 2008 006Habituellement, à ce temps-ci, notre cher Saint-Laurent porte encore son manteau d’hiver. Et on guette les signes annonciateurs de sa libération! Que j’aime ce moment où la glace casse, soit par petites plaques, ou encore par larges bandes, et que le courant charrie ces vestiges d’hiver, lesquels se fracassent dans un bruit de tonnerre. Mais, on dirait bien que cet hiver qui a si curieusement commencé, va finir en queue de poisson, enfin, pour ce qui est du fleuve, car pour le reste, rien n’est encore définitif : aurons-nous encore des grands froids? Doit-on attendre encore plusieurs bordées de neige? Et le temps des sucres? Certains disent qu’il va être très court, Pâques étant à la fin de mars; d’autres disent qu’il va commencer très bientôt et qu’il durera aussi longtemps que d’habitude. Tout ça, ce sont des pronostics. On ne sait rien, sinon qu’on ne peut plus se fier sur le fleuve pour décréter que le printemps est arrivé!

IMG_6162Il faut dire que depuis que la navigation se poursuit tout l’hiver, le chenal étant libre, la glace « prend » beaucoup plus tard. Mais généralement, sur les battures et jusqu’au large, une bonne épaisseur de glace recouvre le fleuve jusqu’au printemps. En mars, normalement, survient la débâcle. C’est un spectacle que je ne veux jamais manquer! Fréquemment, je jette un coup d’œil par la fenêtre; tout à coup la glace se déciderait à partir. Disons que c’est le début du début du printemps… Et ça me donne le goût de chanter ce beau chant pascal : « Quand se fendront les embâcles, sous la force des ruisseaux… et que les rochers de glace laisseront jaillir les eaux… » Cette année, je n’aurai donc pas ce plaisir. Eh bien, tant pis! Même si le fleuve n’a pas de glace à charrier, on va le chanter quand même, notre beau cantique!

373Dans ce même chant qui s’intitule Pâques, printemps de Dieu, un autre couplet nous dit : « Quand reviendront les oies blanches de leur terre d’émigrés ». Si on ne peut pas se fier sur le fleuve, j’espère au moins que les oies blanches seront au rendez-vous. Le retour des oies, c’est un spectacle unique! Quand elles reviennent de leur grand voyage, on les entend bien avant de les voir. Ce cri semble venir de tous les côtés à la fois; c’est un appel à venir saluer le printemps! Puis on commence à entrevoir des points tantôt blancs, tantôt argentés, très haut dans le ciel. Et enfin on distingue les grands « V » qui remplissent l’azur en jacassant de plus en plus fort. Les oies arrivent par centaines, que dis-je, par milliers, puis se jettent dans le fleuve, sur les berges, dans les champs encore inondés par la fonte des neiges. Elles ont besoin de refaire leur plein d’énergie, le voyage a été long et difficile… J’aime écouter leur concert. Comme la chorale à la messe de Pâques, elles chantent : « Victoire! Célébrons la gloire de Jésus Sauveur! »

photos jacmado 080806 046Toujours dans le même chant pascal, il y a aussi ce couplet qui nous promet le vrai printemps : « Quand renaîtront sur les branches, les bourgeons inespérés… Nous fêterons la revanche du présent sur le passé ». On a tellement hâte aux premiers bourgeons, si minuscules soient-ils. Les anciens avaient un dicton qui disait comme ça que, si on cueille une branche de pommier ou d’un autre arbre fruitier le dimanche de la Passion – qui est maintenant le cinquième dimanche du Carême –, cette branche qu’on aura gardée dans l’eau, fleurira le jour de Pâques. J’ai plusieurs fois fait l’expérience; il est arrivé que la branche fleurisse, d’autres fois, non. Je ne crois pas que ce soit un vrai miracle. C’est plutôt dû d’une part à la température et d’autre part, à la date où a lieu la fête de Pâques, qui comme on le sait varie entre la fin de mars et la fin d’avril.

IMG_6170Cette année, le fleuve nous a joué un tour… Bon, je ne lui en veux pas; il est mon ami depuis toujours et encore plus depuis que j’habite juste en face. Quarante-quatre ans, c’est tout un bail! Enfin, quoi qu’il arrive, mars aura trente et un jours, comme d’habitude; nous fêterons Pâques le 27 de ce mois, et nous aurons un printemps, avec des bourgeons, des oies blanches et de la tire d’érable, même si ces derniers mots ne sont pas écrits dans le chant pascal!

À bientôt pour jaser des fêtes de Pâques du temps passé.

© Madeleine Genest Bouillé, 4 mars 2016

Il y en avait de la neige!

Moi et deux fillettes du voisinage, Nicole Paquin et Anita Marchand, devant la maison de M. Laplante.

Moi et deux fillettes du voisinage, Nicole Paquin et Anita Marchand, devant la maison de M. Laplante.

Oui mes amis, il y en avait de la neige, dans mon jeune temps! Quand j’allais à l’école, les bancs de neige étaient deux fois plus hauts que moi! Sans mentir, je vous l’assure. Mais je dois ajouter que j’étais haute comme trois pommes, alors bien entendu, les « bordages » montaient vraiment plus haut que ma petite personne. C’est souvent comme ça, les souvenirs! Quand on était petit, tout était plus gros, plus grand, plus haut… les hivers étaient plus longs, plus froids, les tempêtes étaient plus… « tempétueuses »! Ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, je viens de le fabriquer, car je ne trouvais pas de mot pour décrire les superbes tempêtes qui duraient parfois deux ou trois jours. L’électricité était coupée, le téléphone aussi… nous, les enfants, trouvions amusant de veiller à la lueur de la lampe à l’huile et comme on avait tous un poêle à bois et aussi pour la plupart, une fournaise dans la cave, les températures froides des lendemains de tempête ne nous dérangeaient absolument pas!

Moi et Marie-Paule Laplante, devant la maison de son père Lauréat (#215, chemin du Roy).

Moi et Marie-Paule Laplante, devant la maison de son père.

Si on se réfère aux statistiques, les hivers étaient généralement plus neigeux que maintenant. Dans les « fenêtres à six vitres », comme il en existait dans la plupart de nos vieilles maisons, il était fréquent que la neige atteigne les deux carreaux du milieu. Je regardais des photos d’enfance, prise en 1946 ou 47, près de la maison de M. Lauréat Laplante – aujourd’hui le 215 sur le Chemin du Roy; il faut admettre que le banc de neige en avant de la maison est assez impressionnant. On jouait sur le terrain voisin, du côté ouest de la maison, et parfois on se rendait jusqu’au « champ du curé », à l’endroit où s’élève le H.L.M et les Jardins du Cap Lauzon. Sur ce terrain, il y avait un très vieux pin qui se dressait tout seul, au beau milieu du champ, seul témoin d’un siècle où l’on comptait sans doute plus d’arbres que d’habitants dans notre patelin! Comme je le trouvais beau, ce grand arbre fier et solitaire!

Juste à côté de la maison de Lauréat, le chemin du Roy enneigé (on voit à l'arrière-plan, la maison qui abrite aujourd'hui le magasin d'antiquités).

Juste à côté de la maison de Lauréat, le chemin du Roy enneigé (on voit à l’arrière-plan, la maison qui abrite aujourd’hui le magasin d’antiquités).

Les premières années où j’allais à l’école, je me hâtais toujours car j’avais tellement peur de rencontrer la charrue ou la souffleuse. J’en avais une peur bleue! On m’avait raconté qu’à Montréal, une fillette ayant été happée par la souffleuse, le conducteur ne s’était aperçu de l’accident que lorsqu’il avait vu sortir la neige rougie par la cheminée de l’engin. Pendant longtemps, en me couchant le soir, je voyais cette image dans ma tête et j’y pensais chaque jour en me rendant au couvent. On nous contait ces histoires d’horreur dans le but de nous apprendre la prudence. Évidemment, les grandes personnes étaient remplies de bonnes intentions et ne pouvaient pas imaginer que cela pouvait avoir aussi un effet négatif. J’ai traîné pendant plusieurs hivers cette peur des machines à déneiger. Dès que j’entendais le bruit d’un gros moteur, je courais à perdre haleine, ne ralentissant que lorsque j’avais tourné le coin de la « maison du notaire », ayant enfin atteint la rue de l’Église.

Heureusement, les inconvénients de l’enfance passent très vite! On grandit, et alors, le monde extérieur nous semble moins imposant, moins intimidant. Les bancs de neige sont moins hauts… On ne sent plus le besoin de courir dès qu’on entend venir le chasse-neige. Le chemin de l’école est devenu plus court et moins ardu! On aime toujours l’hiver, mais on joue moins dans la neige. Et le soir, on s’endort paisiblement, car il n’y a plus d’images épeurantes pour troubler notre sommeil et hanter nos rêves! Un penseur a dit : « On ne se guérit pas de son enfance ». C’est vrai, mais les souvenirs qu’on en garde ont cessé de nous faire trembler.

© Madeleine Genest Bouillé, 9 janvier 2016

Tombe la neige

Poème

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Tombe la neige, sur le temps joyeux de notre enfance,
Où nous vivions du printemps l’innocence,
Alors que tout nous paraissait possible,
Nous étions alors invincibles!

Tombe la neige, sur le temps heureux de notre jeunesse,
Où nous voguions sur une mer d’allégresse,
Vers des pays où tout nous était promis.
L’avenir nous appartenait, c’était l’été de la vie!

Tombe la neige, sur le temps fertile des labeurs
Que nous vivions sans souci et sans peur!
L’automne rayonnait des couleurs de l’espérance
Nous étions alors remplis de confiance.

Tombe la neige, sur le temps paisible de notre hiver.
Encore une fois, Noël nous est donné
Avec ses chants, sa joie, ses lumières…
Qu’il nous apporte la Paix, la Santé, la Prospérité!

© Madeleine Genest Bouillé, décembre 2015

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« Mais où sont passées les neiges d’antan? »

(Paroles tirées de Ballade des Dames du temps jadis, de François Villon)

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Le champ entre notre maison et celle de notre voisin, la demeure ancestrale de la famille Bouillé, en 1986 (soit l’année précédant la construction de la maison de notre neveu Germain).

Oui je m’ennuie de la neige! Je l’avoue sans honte, même avec une certaine fierté. Je suis une vraie québécoise, native d’un pays où il y a quatre saisons, dont l’une, l’hiver, qui empiète habituellement sur celle qui la précède et pas mal aussi sur celle qui la suit. Mais voilà : aujourd’hui, 2 décembre, c’est comme si on était en novembre. C’est gris, c’est laid… même la musique de Noël que je fais jouer pendant que mon homme s’affaire aux pâtés à la viande pour la Vente de Pâtisseries des Lions, et même cette bonne odeur de fête ne parviennent pas à me faire oublier qu’il pleut à boire debout. Pas du verglas, non, de la pluie, de l’eau!

pate_viande_recetteJ’ai quand même de quoi m’occuper et sinon, quelqu’un à admirer. Car, qu’y a-t-il de plus réconfortant, je vous le demande, que de voir un brave cuisinier mélanger avec application les viandes avec les oignons et les épices, et cuire tout ça dans un grand chaudron? Tandis que la ménagère de service, en l’occurrence moi, vaque à des occupations routinières : ménage, lavage, avec séchage à l’intérieur, forcément! Donc, notre cuisinier prépare ensuite sa pâte et la roule avec un tel acharnement sur le rouleau, on jurerait qu’il se défoule sur cette pauvre pâte molle, qui ne lui a pourtant jamais rien fait! Dommage, je n’ai pas de photos de mon cuisinier, vous auriez aimé voir cette ardeur au travail… avec pas loin, un petit verre de scotch qui attend. Le scotch est au cuisinier ce que l’essence est à l’auto! Quand les pâtés vont dorer au four, il s’en dégagera un tel arôme, je vous le dis, c’est quasi céleste! Au fait, croyez-vous qu’il soit possible qu’au Paradis on retrouve tout ce qu’on a aimé sur terre, senteurs et saveurs incluses ? Moi, j’aimerais bien. Ceci me fait penser à cette pensée un peu légère: «  Si au ciel on ne peut pas rire, moi, je préfère ne pas y aller ! »

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Le cap Lauzon enneigé, début des années ’90.

Concernant cet hiver qui tarde, quelqu’un va sûrement me rétorquer : « ben voyons donc, c’est la faute aux changements climatiques! » D’autres diront: « c’est le phénomène El Nîno. » Je veux rien savoir! Je veux de la NEIGE! Après mon opération au genou, et tout au long de ma convalescence, je disais pour m’encourager : « j’ai hâte à l’hiver, j’ai hâte à Noël! Sûrement qu’alors, ça va aller comme sur des roulettes». Décembre est là, les décorations dans la maison ont l’air aussi incongrues que si on était en juillet et dehors, les boucles de ruban rouge pendent tristement… elles n’aiment pas la pluie, ça ne leur va pas au teint. Les gourous de la météo prédisent qu’on aura l’hiver à la mi-janvier… pas possible! Devrons-nous subir ce désolant paysage encore plus d’un mois?

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Chansonnier anglais que j’ai reçu en cadeau en 1951, publié par la compagnie Loneys…

J’enfile l’une derrière l’autre toutes les chansons d’hiver que je connais : C’est la première neige, jolie chanson de mon enfance… Noël blanc : je n’y peux rien, les paroles me font pleurer! Le sentier de neige, j’ai toujours aimé cette chanson des Classels, ça donne envie de cheminer le soir, sous une petite neige douce… Le bonhomme de neige, La promenade en traîneau : on n’irait pas loin aujourd’hui! Même en anglais, la neige est belle : Let it snow, Winter wonderland, Deck the Halls. Que de belles chansons, dont plusieurs qui nous rappellent des fêtes de Noël ou du Jour de l’An, des rencontres en famille ou entre amis! On a chacun notre petit air préféré pour le temps des Fêtes, celui qui bourdonne à nos oreilles à tout moment… même et surtout quand c’est pas le temps!

Si comme moi, cette température vous rend morose, écoutez les chansons du temps des Fêtes que vous aimez, chantez-les en même temps et si vous faussez quelque peu, personne ne vous en tiendra rigueur! Et puis, espérons, le grand Boss de la température aura peut-être un peu pitié de nous et nous enverra quelques pouces de belle neige, avec assez de froid pour que le tapis résiste jusqu’à la première vraie bordée…

© Madeleine Genest Bouillé, 2 décembre 2015

L’automne, saison d’espérance

Réflexion.

L’automne, saison d’espérance? Une saison qui débute en nous offrant ses plus riches trésors, ses plus belles couleurs, pour nous laisser ensuite dans la grisaille et le dénuement le plus complet. J’aurai du mal à vous faire admettre que cette saison-là parle d’espérance.

138Et pourtant, oui, je persiste et je dis que l’automne est une saison d’espérance. Comme l’automne, l’espérance, ma vertu préférée, passe par toutes les nuances. Du rouge d’un beau matin qui nous fait croire que tout est possible, au désolant crépuscule ennuagé, en passant par le morne jour gris où l’on ferme les rideaux plus tôt, pour ne pas voir dehors. L’espérance, comme la température automnale, n’est pas toujours au beau fixe. C’est un mélange de rouge et de noir, de hauts et de bas. L’espérance?… il faut en avoir trop pour être sûr d’en avoir assez!

027 (2)L’automne qui débute avec la rentrée scolaire, me semble le parfait symbole de l’espérance. Qu’il s’agisse des petits qui prennent le chemin de l’école pour la première fois ou des plus grands qui s’orientent vers des études qui engageront leur vie, ils auront besoin d’une forte dose d’espérance pour résister aux tentations de la facilité, de la contestation ou du décrochage.

C’est aussi en automne qu’on retrouve les joies du foyer. Au cours de l’été, on a déserté notre chez-soi, que ce soit pour les voyages de vacances, le chalet, ou simplement pour vivre dehors. Voici qu’un jour on prend plaisir à réintégrer la maison. On la fait revivre, on fait le ménage, on vérifie l’isolation des fenêtres – si on habite une vieille maison, on change les doubles fenêtres – et on met le chauffage, on allume les lumières pour chasser l’obscurité qui a commencé à tomber plus tôt. C’est qu’on la veut accueillante, notre demeure! L’hiver peut venir, parée pour les longs mois de froidure, la maison sera confortable. Tout ça, vous en conviendrez, ce sont des gestes d’espérance !

photos 8janv.2015 098C’est de Charles Péguy qu’on tient ces paroles : « L’espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. » Les paysages dépouillés de fin d’automne nous révèlent des perspectives plus larges, plus nettes : les feuillages ne cachant plus la vue, on pense aussi plus loin… plus profondément. D’une certaine façon, les soirées plus longues invitent à l’intériorité. Ce n’est pas un hasard si on a placé le mois des morts en novembre. La saison qui glisse inexorablement vers l’hiver nous rappelle que nous ne sommes pas immortels, cependant, comme la nature qui renaîtra au printemps, nous connaîtrons aussi un jour, une autre vie… en tout cas, moi j’y crois! De même, le souvenir des personnes qui nous ont quittés pour un autre monde nous parle aussi d’espérance.

photos 8janv.2015 122Pour terminer sur une note poétique, voici une belle phrase que j’ai conservée dans mon vieux carnet de pensées; je ne connais malheureusement pas l’auteur : «  Quand le rayon de soleil s’est posé sur la dernière fleur qui pointait sous la première neige, j’ai entendu un ange souffler : ESPÈRE! »

© Madeleine Genest Bouillé, novembre 2014

Pas déjà l’automne!

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C’est pas déjà l’automne!

Sur le calendrier,

Il reste encore deux semaines d’été…

 

Aujourd’hui, l’air sentait la pomme,

Quand je suis allée marcher.

Je vais faire ma confiture d’automne,

Pommes, poires, pêches et prunes sucrées.

 

confitures_c_thinkstockC’est pas vraiment l’automne!

J’ai bien regardé,

Il reste deux bonnes semaines d’été…

 

J’ai rangé ma petite robe en rayonne

Et plusieurs vêtements trop légers.

Si c’est pas l’automne, c’est tout comme!

Aujourd’hui les fenêtres sont demeurées fermées.

 

Voyons donc! Pas déjà l’automne?

À bien y penser,

L’été vient à peine de commencer…

 

On sent passer un petit vent qui frissonne

Et nous donne le goût de s’encabaner.

Comme ça serait bon, une tarte aux pommes,

Toute chaude avec de la crème glacée!

 

Ne me dites pas que c’est l’automne!

Certain, on s’est pas trompé?

Hier encore, c’était l’été.

 

IMG_20150907_0001Sors les « châssis doubles », mon homme!

Puis oublie pas de les calfeutrer.

Le chat fait des manchons et il ronronne

Ça sera pas long qu’il va y avoir une gelée!

 

Vraiment, il est bien là, l’automne!

C’est seulement sur le calendrier

Qu’on est encore en été…

 

© Madeleine Genest Bouillé, 8 septembre 2014

Ma mère et les framboises

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Ma mère, Jeanne, et moi (été 1959).

Que serait l’été sans les petits fruits? Les fraises, framboises, bleuets et mûres… ce sont des cadeaux du ciel. C’est délicieux, c’est beau et ça sent bon! L’odeur que je préfère est celle des framboises; c’est l’odeur même de l’été. Et surtout, ce petit fuit aussi succulent qu’odorant me rappelle ma mère.

Maman est née un 20 juillet, justement au temps des framboises, petit fruit qu’elle aimait par-dessus tout. Maintenant, on trouve sur le marché tous les fruits et légumes à l’année longue. À l’époque où ma mère a élevé sa famille, on cueillait les fruits chacun en son temps, les fraises fin juin ou début juillet, les framboises vers la fin de juillet et les bleuets et les mûres, plus ou moins tôt en août, dépendamment de la température. Il en allait de même pour les récoltes du potager. On cueillait d’abord laitue et radis, ensuite les fèves puis les concombres, ensuite venaient les tomates et les cerises de terre, ce drôle de fruit caché dans un petit sac. Plus tard, on récoltait les légumes racines : carottes, betteraves et enfin, les patates. Tout au long de l’été, nous regardions pousser le maïs, nous l’espérions ardemment… on avait tellement hâte d’en manger! Les étés moins chauds ou pluvieux, on devait parfois attendre les derniers jours du mois d’août pour cueillir enfin les premiers épis. Du maïs, du pain, du beurre, ça nous faisait un repas, et quel repas!

Maman n’était pas gourmande, mais elle avait tout de même ses préférences, dont les framboises. Ayant élevé dix enfants, elle avait l’habitude de se servir en dernier, surtout quand il s’agissait du dessert. Il y avait toujours un jeune affamé qui réclamait : « Je peux en avoir encore un peu maman? » C’était le cas quand un dessert était particulièrement apprécié; alors maman se privait en disant qu’elle n’avait plus faim. Les petits goinfres autour de la table ne s’apercevaient de rien! Nous ne portions pas attention au fait que maman finissait son repas avec seulement une tasse de thé.

Ma mère et mon père (été 1955).

Ma mère et mon père (été 1955).

Mis à part l’orange et la pomme des bas de Noël et plus tard, l’ananas et la noix de coco – ces fruits que papa nous apportait de Montréal pour Pâques et qui étaient pour nous le comble de l’exotisme, la façon la plus courante de consommer les fruits en hiver, c’était sous forme de confitures. Ainsi, quand nous allions cueillir des petits fruits, la plus grande part de notre cueillette était donc destinée à être mise en pots. Quand je regardais les pots de confitures et de marinades alignés dans la dépense, j’avais l’impression que c’était un peu du soleil de l’été que nous conservions ainsi… Encore aujourd’hui, ça me fait toujours le même effet! Avec les fruits tout frais cueillis, maman faisait aussi des tartes, même s’il fallait pour cela chauffer le poêle à bois par les jours de grande chaleur, mais cela en valait largement la peine. Les années où les récoltes étaient très abondantes, on se permettait quelques bols de fruits nature, avec du sucre et un peu de crème, qu’on prélevait sur le dessus de la pinte de lait, un pur délice! Évidemment, l’anniversaire de maman était l’occasion idéale pour savourer des framboises, d’une manière ou d’une autre. C’était une des rares gourmandises que nous lui connaissions. Et c’est ainsi que, dans mon souvenir, les framboises sont restées associées à ma mère.

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l'été 1994, deux ans avant que maman nous quitte...

Lors de notre 30e anniversaire de mariage à l’été 1994, deux ans avant que maman nous quitte…

Plus tard, après que la marmaille eut tour à tour, quitté la maison, le jour de la fête de maman, nous ne manquions pas de lui apporter un contenant de framboises qu’elle pouvait déguster à sa guise, sans se sentir obligée d’en laisser pour les autres. Quand on lui souhaitait « Bonne Fête » » avec des framboises à chaque 20 juillet, sa joie faisait tellement plaisir à voir! En 1996, elle était très affaiblie, son cœur trouvait qu’il avait assez travaillé. Elle était presque toujours alitée et ne mangeait que très peu, mais le jour de sa fête, quelqu’un lui a quand même apporté un petit contenant de ses fruits préférés. Elle avait tenu à se lever, pour recevoir sa famille et je la revois, toute menue, dans sa chaise près du poêle. Quand elle a reçu ses framboises, elle nous a offert son plus beau sourire, elle a goûté quelques fruits… et elle s’est recouchée après avoir salué chacun des membres de sa famille. Maman nous a quittés deux semaines plus tard, tout doucement, sans bruit… comme elle avait vécu.

© Madeleine Genest Bouillé, février 2015

La plus belle heure de la journée

Certains disent que la plus belle heure de la journée, c’est l’aube, quand le jour est tout neuf et qu’il n’a point encore été utilisé. Quand la nature se réveille, c’est chaque jour LE premier jour!

Crédit photo: Jacques Bouillé.

Crédit photo: Jacques Bouillé.

D’autres préfèrent la plénitude du milieu du jour. Comme dans le conte de Barbe-Bleue, à l’heure où « le soleil poudroie et l’herbe verdoie ». Les couleurs éclatent, on dirait un décor fraîchement peint. Il ne manque qu’une affiche « peinture fraîche ».

Il y a bien sûr les amoureux de la nuit. Pas de soleil pour eux. Que des étoiles… et la lune quand elle daigne se montrer, petit à petit, car elle est pudique. Elle se dévoile par croissant… et enfin, elle se montre dans toute sa rondeur pour ensuite retourner se cacher pour un mois, en prenant son temps. Quand on aime la nuit, on l’aime sous tous ses aspects. Nuit d’été, d’automne ou d’hiver… Nuit noire, nuit bleue, nuit blanche… Nuit remplie de chuchotements, de bruissements, de soupirs… « O Nuit! Viens apporter à la terre, le calme enchantement de ton mystère. »

Crédit photo: Jacques Bouillé.

Crédit photo: Jacques Bouillé.

Le moment de la journée que moi, je préfère, c’est la dernière heure avant la nuit. Quand la nature, lasse des bruits du jour, se repose avant de commencer son travail nocturne. Le vent tombe, les oiseaux se taisent. On se croirait au théâtre avant le lever du rideau. Les spectateurs sont installés; ils ont rangé leurs gants, leur programme, sorti leur mouchoir au cas où… Pas un bruit. La lumière change : on fait des essais d’éclairage. Le soleil baisse, il demande un nuage. Pas celui-ci, il est trop lourd… En voici un plus léger, teinté de rose. Puis il demande qu’on éteigne un peu le vert des feuillages et celui de l’herbe. Le bleu à l’horizon est très atténué. Sur le fleuve, pas une ride. Pour l’effet dramatique, c’est parfait! On baisse encore un peu la lumière… Un ultime rayon vient balayer les roses, avivant leur couleur. Elles ont gardé toute la chaleur du jour, elles resplendissent! On ne regarde qu’elles. Les secondes s’écoulent, deviennent des minutes… Pendant ce temps, lentement, solennellement, le soleil s’est éteint. Il ne reste à l’horizon qu’une traînée rose, comme un voile pour un fond de scène. Chacun retient son souffle… Dans le lointain, on entend des voix d’enfants qui chantent : « O Nuit! O laisse encore à la terre, le calme enchantement de ton mystère. »

© Madeleine Genest Bouillé, juillet 2014

Cet été je ferai un jardin

Papa qui joue au fermier... sur la faucheuse du voisin.

Papa qui joue au fermier… sur la faucheuse du voisin.

Avant d’aller plus loin, je dois vous avouer que je n’ai pas le pouce vert, alors là, pas du tout! Chez mes parents, c’était surtout mon père qui s’occupait du jardinage. Orphelin très jeune, il avait séjourné dans plusieurs institutions où, entre autres choses, il avait appris le métier de jardinier. Pour un enfant qui a manqué de « chez-soi », posséder un bout de terrain pour y faire pousser des légumes ou des fleurs, ça doit être encore plus significatif. Je crois que cela le rendait vraiment heureux. Plus tard, quand ses problèmes de santé l’ont rendu incapable de s’occuper du jardin, c’est un de mes frères, ayant hérité de ce talent, qui prit la relève. Parfois j’aidais ma mère à cueillir les laitues, radis, concombres et autres légumes ainsi que les fines herbes quand venait le temps de la récolte. C’est tellement bon les légumes qu’on ramasse chez soi!

Il y a une quarantaine d’années, nous avons emménagé dans la maison que nous occupons toujours. On pouvait encore distinguer les contours d’un ancien potager au fond de la cour et, visiblement, il y avait déjà eu des plates-bandes en avant et sur le côté est de la maison, comme l’attestaient quelques plantes vivaces, encore présentes et même envahissantes. Cela allait de soi qu’on restaure ces espaces afin d’y planter fleurs et légumes. Je n’y connaissais pas grand-chose, les enfants étaient trop jeunes, aussi ce travail fut tout naturellement dévolu à l’homme de la maison. N’allez pas croire que le jardinage me laisse indifférente, au contraire! De temps à autre, j’aime aller sarcler. Toutefois, j’attends que les plantes atteignent une certaine hauteur pour être sûre de les reconnaître et voici pourquoi. Un des premiers étés où nous habitions chez nous, voulant faire preuve de bonne volonté, j’avais consciencieusement arraché toutes les petites pousses de carottes, croyant que c’était des mauvaises herbes! Heureusement, il était assez tôt dans la saison et on avait pu semer d’autres graines, de sorte que nous avons récolté quand même des carottes, seulement un peu plus tard. Chaque printemps, je ne résiste pas non plus à l’envie d’acheter des petites enveloppes de graines de fleurs que la plupart du temps je ne connais même pas; du moment que ce sont des graines à semer en pleine terre, ça me va. Remplie d’espoir, je sème mes petites graines comme ça vient, sans trop de méthode, et je suis toujours agréablement surprise quand ça lève. Pour moi, c’est à chaque fois un miracle!

Le résultat de nos efforts!

Le résultat de nos efforts!

Comme le disent les paroles de la chanson : « Cet été je ferai un jardin, si tu veux rester avec moi… il sera petit. » Maintenant que nous sommes la plupart du temps seulement deux à la maison et que les articulations moins souples rendent le travail plus laborieux, c’est certain que le jardin a rapetissé. Malgré tout, à chaque printemps quand mon homme me demande si on fait un jardin cette année, je réponds : « Oui, mais un tout petit ! » Il manquerait quelque chose à mon été sans les couleurs et les odeurs des plates-bandes et du potager. Les résultats ne sont pas toujours aussi bons qu’on le désirerait. Mais qu’importe si les betteraves sont trop petites ou que les plants de tomates n’ont pas donné comme on l’aurait souhaité, et qu’importe si les fleurs de la plate-bande du côté ouest sont plus chétives que celles du côté est – particularité que je n’ai jamais comprise. En vérité, aucune satisfaction n’est comparable à celle que l’on ressent quand on récolte ce qu’on a semé. Un poète l’a dit beaucoup mieux que moi : « Sois satisfait des fleurs, des fruits et même des feuilles. Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles! »

Pour continuer avec la chanson de Clémence Desrochers : « C’est certain, j’en prendrai bien soin… » Oui il faut prendre soin de ce que la nature nous donne si généreusement; on doit y mettre du temps, du travail et de l’amour évidemment. Mais si je me souviens bien, c’est de saint Joseph qu’on tient cette dernière parole : « Seul est libre celui – ou celle – qui sait se servir de ses mains. »

© Madeleine Genest Bouillé, mai 2015

Ma saison et ma fleur préférées, 1955 et 2015…

Mars 1955, 10e année

Une photo de moi, à l'été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

Une photo de moi, à l’été 1955. © Coll. Madeleine Genest Bouillé.

« Ce n’est pas l’été; parce qu’en été la chaleur est torride et il y a souvent des orages. Ce n’est pas l’hiver parce qu’en hiver il y a des tempêtes et il fait froid; quand on pense que tant de malheureux en souffrent! Ce n’est pas non plus l’automne parce qu’en automne le soleil est absent et le temps est pluvieux. Voilà! Ma saison préférée, c’est le printemps, au réveil de la nature, quand les oiseaux reviennent de leur long voyage dans le sud, pour nous égayer de leurs chants, quand les feuilles commencent à pointer leurs petits bourgeons verts aux branches. Car voyez-vous, quand on est au printemps de la vie, comment ne pas aimer le printemps de l’année!

Maintenant j’en viens à ma fleur préférée : ce n’est pas la rose malgré sa beauté; parce que pour la cueillir on s’écorche les mains sur ses épines. Ce n’est pas la violette non plus parce que je n’aime pas le violet qui est une couleur de deuil. Ce n’est pas le muguet parce qu’il se fane trop vite. Voilà! Ma fleur préférée est le lilas, avec son parfum doux et léger, il embaume l’atmosphère; et j’aime le lilas parce que c’est une des premières fleurs du printemps et que le printemps est ma saison préférée! »

Avril 2015

Le très vieux cahier d’écolière dans lequel j’ai retrouvé des rédactions faites en dixième année, révèle une écriture inégale et peu soignée, mais au moins, je n’y trouve pas de fautes de grammaire, ni d’orthographe. Je me souviens très bien de ce texte, car j’en aimais le sujet. Cette rédaction étant datée de mars, bien évidemment, ma saison préférée était le printemps. Si le même devoir avait été donné en novembre, je me demande ce que j’aurais écrit…

Ma saison préférée est toujours le printemps, bien que je ne sois plus au printemps de la vie. L’espérance qui m’habite, même dans les heures les plus sombres, est fille du printemps. Pour ce qui est des autres saisons, disons qu’en novembre, j’ai hâte à l’hiver, parce que les jours gris de ce mois de mon anniversaire me font l’humeur chagrine et que j’ai hâte à Noël, comme les enfants et toutes les personnes qui, d’une façon ou d’une autre, croient encore au Père Noël! Après le temps des Fêtes, je trouve l’hiver très beau pendant un mois ou deux. Par la fenêtre, je me plais à regarder tempêter la neige, rugir le vent et tourbillonner la poudrerie. Sans doute est-ce un effet de l’âge, mais de plus en plus tôt en mars et souvent même en février, j’ai hâte au printemps. Cette saison est celle des nuances. On passe du blanc sale, au gris, puis au noir et timidement le vert fait son apparition, sur le sol et dans les arbres, du vert tendre jusqu’au vert le plus éclatant. Toute cette verdure semble avoir été mise en place pour préparer la venue du roi Été qui s’amène chargé de fleurs, dans toute sa gloire! Comment de pas l’aimer! C’est le temps des vacances, des promenades sur la terre et sur l’eau; cette saison a des splendeurs de carte postale. On est bien dehors à l’ombre, on ne s’en lasse pas et on voudrait que le temps s’arrête. Par contre j’avoue que je n’aime pas les chaleurs lourdes où on n’a plus envie de bouger. Heureusement, dans notre coin de pays au bord du fleuve, si la température est plus humide, elle est tempérée par le vent toujours plus ou moins présent. Puis les jours raccourcissent, les oiseaux font déjà leurs bagages, et voici l’automne, le magnifique, incontestablement le plus beau, avec ses couleurs qu’aucun peintre ne peut rendre avec justesse. Ses journées sont d’une douceur qu’on ne retrouve pas en été. Magnanime, il nous offre un assortiment de fruits et de légumes, pour se faire pardonner de devoir partir si vite. Mais voilà! L’automne, c’est la fin d’une histoire et je n’aime pas les choses qui finissent. C’est pourquoi je préfère le printemps et sa beauté qu’on devine à peine au début et qui se révèle petit à petit. Chaque jour fait éclore une nouvelle feuille, une fleur, tandis que dans un arbre, chante un oiseau qui n’était pas là hier. Printemps, saison de renaissance… ma saison préférée!

Le lilas, l'une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Le lilas, l’une de mes fleurs préférées. Crédit photo: Bernard Germain.

Ma fleur préférée n’est toujours pas la rose, trop parfaite, sans doute. Les pissenlits, même s’ils ne sont pas jolis, méritent notre admiration. Ce sont des fleurs courageuses, on ne les aime pas; mais les tondeuses ont beau les écraser de tout leur poids, les pissenlits se relèvent chaque fois et suivent le cours de leur existence jusqu’à devenir ces petites boules duveteuses dont les enfants – et les grands-mères un peu folles, s’amusent à souffler les graines au vent. Les marguerites se laissent effeuiller sans protester, comme si leur beauté ne devait servir qu’à ça. Évidemment, j’aime toutes les fleurs du printemps, dont les premières, les braves crocus, jacinthes et tulipes. Mais ce ne sont pas là mes préférées. Vraiment, il m’est impossible de choisir entre les muguets odorants, qui me rappellent de si jolies chansons, et les lilas, ces délicates grappes mauves dont le parfum est celui de mes jeunes années. Car voyez-vous, quand on n’est plus au printemps de la vie, on ne cesse jamais d’aimer le printemps de l’année ainsi que les fleurs qu’il nous offre si généreusement!

© Madeleine Genest Bouillé