La Bonne Chanson, une mine d’or!

J’ai grandi avec les cahiers de La Bonne Chanson de l’abbé Gadbois. On a dit que la publication de ces cahiers de chants avait pour but de contrer l’invasion massive de la chanson américaine qui devenait de plus en plus présente à la radio. Je ne pourrais pas dire si cette assertion est vraie ou non. Chose certaine, ces recueils de chants offraient un répertoire très varié, allant de la chanson patriotique aux chansons à répondre, en passant par les balades sentimentales, les airs d’opérette et les cantiques populaires, comme les Ave Maria et les chants de Noël.

La Bonne Chanson existait alors en France, diffusée surtout par le chanteur breton Théodore Botrel ­(1868-1925). Botrel a fait connaître ses chansons chez nous, lors de ces voyages au Québec en 1903 et en 1922. C’est sans doute ce qui fait qu’on retrouve plusieurs pièces de son répertoire dans les cahiers de l’abbé Charles-Émile Gadbois, qui a fondé La Bonne Chanson au Québec en 1937.

La Bonne Chanson, c’est 566 chansons pour toutes les occasions et pour chaque saison. J’ai évidemment mes préférences, lesquelles seraient longues à énumérer. Plusieurs de ces mélodies me rappellent mon enfance ou celle de mes enfants. Il m’est venu l’envie de faire une chronique sur ce thème de La Bonne Chanson. Ainsi, pour cette première fois, j’ai choisi deux chansons qui parlent d’hiver, une autre – justement de Botrel – qui raconte une légende de Noël, et une dernière, que tout le monde connaît et qu’on aime tant fredonner!

Ma première chanson d’hiver est une composition de Joseph Beaulieu, un Canadien-français, né en Ontario (1895-1965). On retrouve beaucoup de chants de cet auteur dans le répertoire de la Bonne Chanson. Celui que j’ai choisi a pour titre simplement Il neige. Mon fils aîné l’avait appris à l’école en première ou en deuxième année… je ne suis pas certaine qu’il s’en rappelle. Le voici :

Refrain :

« Il neige, il neige, de gros flocons blancs.
Il neige, il neige pour tous les enfants.

Couplets :

« La molle tenture blanchit les balcons
Les champs, les toitures, les arbres, les monts. »

 « L’hiver nous arrive, la neige le dit.
La joie est bien vive, chez tous les petits. »

 « La neige en silence, blanchit les côteaux
Allons! On s’élance, joyeux, en traîneau! »

Ma deuxième chanson d’hiver est une chanson qu’on entendait souvent dans ma jeunesse. Il est écrit « auteur inconnu »; par contre, une note au bas de la feuille dit que « cette chanson a été recueillie dans la Beauce, par l’honorable Omer Côté ». Pour en savoir plus long, je me suis renseignée sur cet honorable Monsieur et voici ce que j’ai appris : Omer Côté, né en 1905, a été député à l’Assemblée Législative de Québec de 1944 à 1956, où il a été de plus, secrétaire. Plusieurs parmi vous se rappelleront de L’hiver a chassé l’hirondelle :

Refrain :

« L’hiver a chassé l’hirondelle, l’hiver a chassé les beaux jours.
Mais de notre cœur, ô ma belle, l’hiver ne peut chasser l’amour. »

Couplets :

« Le dur hiver s’avance, adieu les belles nuits
D’amour et d’espérance, les beaux jours nous ont fuit.
Nous n’irons plus, mignonne, dans les sentiers fleuris
Car les feuilles frissonnent, dans nos rosiers jolis. »

« Adieu, tapis de mousse, petit ruisseau, adieu!
Votre plainte si douce, remonte vers les cieux.
Et vous, charmant bocage, où nous allions causer
Car votre gai feuillage, cachait nos doux baisers. »

J’en viens à la très belle légende de Noël de Théodore Botrel, qui a pour titre : La dernière bûche. Je vous la résume, car cette chanson est composée de six couplets de neuf lignes chacun. C’est ce qu’on appelle un « duo mimé ». Les deux personnages se nomment Jean le Gueux et Jean Misère. La chanson commence ainsi :

« Qui frappe à la chaumière du pauvre Jean Le Gueux : Pitié! C’est Jean Misère, plus que toi, malheureux. » Jean Le Gueux accueille cet homme pitoyable entre tous, et lui dit : « Il me reste une bûche, une dernière bûche, viens t’y chauffer un peu ». Dans le troisième couplet, on apprend que Jean Misère a les mains ensanglantées, que tous l’abandonnent, et toujours, Jean Le Gueux invite Jean Misère à se chauffer à sa dernière bûche… Au quatrième couplet, coup de théâtre! « Soudain la flamme est claire… Jean Le Gueux pousse un cri. Il a, dans Jean Misère, reconnut Jésus-Christ » Jean Misère poursuit en disant : « Vite, mets ta capuche, aujourd’hui c’est Noël! Pour te payer ta bûche, ta dernière bûche, viens te chauffer au ciel ! » J’ai appris cette chanson alors que j’étais très jeune et je me souviens combien j’étais impressionnée par les paroles de cette histoire ainsi que par la musique dont le tempo est Andantino religioso… j’en avais les larmes aux yeux; encore maintenant, la belle musique m’émeut facilement!

Pour terminer, vous aurez tous envie de fredonner cette mélodie, car il s’agit de Mon beau sapin, une très vieille chanson, dont le titre original, en allemand, est O tannenbaum. Il existe plusieurs versions; celle qu’on connaît date, dit-on, de 1824, mais une première version remonterait parait-il à 1550. Vous vous souvenez des couplets?   Alors chantez-les avec moi :

« Mon beau sapin, roi des forêts, que j’aime ta parure.
 Quand par l’hiver, bois et guérets, sont dépouillés de leurs attraits.
 Mon beau sapin, roi des forêts, tu gardes ta parure. »

« Toi que Noël planta chez nous, au saint anniversaire.
 Joli sapin, comme ils sont doux, et tes bonbons, et tes joujoux.
Toi que Noël planta chez-nous, par les mains de ma mère. »

« Mon beau sapin, tes verts sommets, et leur fidèle ombrage.
 De la foi qui ne ment jamais, de la constance et de la paix.
Mon beau sapin, tes verts sommets, m’offrent la douce image. »

Je vous rappelle en terminant que le mot d’ordre de La Bonne Chanson était : « Un foyer où l’on chante est un foyer heureux. » À la prochaine fois et, en attendant, chantez ce que vous voulez, sur tous les tons, mais chantez!

© Madeleine Genest Bouillé, 16 novembre 2017