Si on parlait de l’église… 2e partie

Comme beaucoup de gens ayant atteint un âge vénérable, notre église a connu plusieurs « opérations », des ajouts, des retraits… toujours dans le but d’améliorer le décor et l’utilité de l’édifice. En consultant divers documents, dont celui qui a paru dans le journal communautaire Le Phare en 1978, on apprend qu’en 1893, un orgue a été installé au jubé; il s’agit de l’orgue actuel, un Warren, instrument réputé pour sa solidité et la clarté de son timbre. Cet orgue a été classé en 1965, tout comme l’église et son décor intérieur. En 1894, on procède à la bénédiction des stations du Chemin de la croix; il est à remarquer que le coût de ces tableaux a été payé par les familles, dont on peut encore voir les noms des donateurs sous chacun des tableaux. Et en 1899, on décida d’installer une fournaise… comme on dit souvent « plus ça change, plus c’est pareil »! Réchauffer l’église aura donc toujours été un problème! Enfin, en 1905, plusieurs travaux de rénovation sont exécutés : les dorures de l’intérieur de l’église sont rafraîchies par J.H.A. Marcoux, un artiste peintre. Le sculpteur F.P. Gauvin complète les ornements des médaillons des portes du chœur. Les six verrières sont mises en place et on construit des « bergères » qui prendront place au milieu de l’allée centrale; ces bergères seront enlevées lors des travaux des années 50. Pour terminer cette longue période de travaux, en 1906, le perron de pierre et le grand trottoir sont construits.

Les années 50 marqueront une période de travaux qui, soi-disant pour le mieux, ont quand même changé l’apparence de l’église, à l’intérieur et aussi à l’extérieur. Tout d’abord, on a enlevé les bancs carrés qu’on appelait familièrement les « boîtes à beurre », pour les remplacer par des bancs plus modernes et, il faut bien l’avouer, plus confortables… mais qui, selon certains experts, ne vont pas vraiment avec l’architecture du reste de l’édifice. Dans la même veine, on a enlevé les petits jubés, qui encadraient l’orgue de chaque côté; on accédait à ces jubés, qu’on appelait « le troisième ciel », par un étroit escalier le long du mur arrière de l’orgue. Pour ce qui est du « banc d’œuvre », qui était jadis adossé au mur, en avant de l’allée latérale du côté sud, on l’aurait modifié et teint de la même couleur que les autres bancs, pour ensuite le placer en avant de l’allée centrale, côté sud toujours.

Ancienne carte postale de l'église...

Ancienne carte postale de l’église…

Dans ce même élan de changement, l’autel principal a été amputé de l’étage du haut, qui était constitué de trois niches dont chacune logeait une statue. Quelqu’un a jugé que cet étage était de trop! On avait aussi repeint en gris les six statues qui étaient alors attribuées à L.T. Berlinguet; peut-être qu’on voulait leur donner l’aspect de la pierre, mais vraiment, elles ressemblaient à d’affreux fantômes! Quand on rappelle cette période de gros travaux à l’église, c’est sans contredit, la réfection des clochers, qui fut le plus gros changement. Évidemment, pour ceux qui n’ont pas connu l’aspect de l’église auparavant, il est difficile de comparer. Mais, en 1957, ces clochers ont beaucoup fait jaser! Surtout, que les gens du village ont pu suivre l’évolution des travaux, à commencer par la descente des cloches; on ne les avait jamais vues d’aussi près! Je me souviens quand j’allais au couvent; on s’arrêtait souvent pour regarder les travaux; certaines élèves, parmi les plus grandes, saluaient de leur plus beau sourire les travailleurs, sans aucun doute pour les encourager!…

On ne peut parler de l’église sans s’arrêter aux six statues qui ornent le haut du chœur. Dans une brochure intitulée Les Baillairgé à Deschambault, publiée par le Musée du Québec en 1999, on nous rappelle que, « originellement, le Christ et la Vierge étaient entièrement dorés, tandis que les quatre autres personnages étaient polychromes. Les six statues ont pour la plupart connu trois repeints complets successifs, correspondant à autant de campagnes de rafraîchissements de l’intérieur de l’église (1905, 1956 et 1980) ».

Justement, lors de la réfection de 1980, on a refait la peinture de l’intérieur de l’église, tout en gardant sensiblement les mêmes couleurs, sauf qu’on a enlevé la petite touche de   turquoise qui ornait les médaillons. Ce n’était pourtant qu’un petit détail, mais pour ceux qui ont connu « l’avant », l’après était moins beau. On a aussi repeint (encore!) les six statues, cette fois, dans les mêmes teintes que le reste de l’intérieur de l’église.

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(Source: Musée virtuel de Deschambault, CLDG).

Enfin, en 1999, après une restauration minutieuse qui a duré près de deux ans, nos six statues ont retrouvé leurs socles, de chaque côté du chœur, ainsi que leur auteur : Le Christ et la Vierge sont de Thomas Baillairgé et les autres de François Baillairgé. Vous voulez savoir qui elles représentent? On reconnaît facilement les deux statues dorées, lesquelles figurent le Christ et la Vierge. Identifions maintenant les autres : celui qui porte la tiare du pape, est Saint Grégoire le Grand; le Roi, avec sa couronne et son sceptre, Saint Louis, qui fut roi de France; le prêtre vêtu de sa chasuble, représente Saint Ignace de Loyola et l’autre prêtre, plus sobrement vêtu, avec sa croix, figure Saint François-Xavier.

Notre église est remarquable! Nous devons en être fiers… dans un avenir assez rapproché, elle aura à jouer plusieurs rôles, bien différents de ceux auxquels elle a été habituée. Qu’on le déplore ou qu’on l’approuve, il est à espérer que les rôles qu’on lui attribuera respecteront ce qu’elle a été pour les gens de Deschambault tout au long de ces 180 années.

© Madeleine Genest Bouillé, 19 février 2017

Vue actuelle de l'intérieur de l'église (photo: © Patrick Bouillé).

Vue actuelle de l’intérieur de l’église (photo: © Patrick Bouillé).

Si on parlait de l’église…

Du fleuve ou de la route, on la voit de loin. Telle une forteresse sur le Cap Lauzon, l’église de Deschambault domine le décor environnant depuis 180 ans. À ce sujet, les premières lignes d’un vieux cantique me reviennent en mémoire : « Temple témoin des premiers vœux, et du bonheur de l’innocence, je te dois, image des cieux, les plus beaux jours de mon enfance… »

Qu’on la vénère comme témoin de la foi de nos ancêtres, qu’on l’aime parce que c’est le plus beau joyau de notre patrimoine local, ou qu’on l’admire en tant que monument d’une grande valeur architecturale, recelant plusieurs œuvres d’art, notre église ne peut laisser personne indifférent.

Dans le journal municipal Le Phare de novembre 1978, on avait publié l’histoire de « nos églises », le temple actuel étant le deuxième. Dans l’Histoire, on dit que la première église était orientée vers l’est, légèrement plus au sud que l’église actuelle. Il s’agissait d’une construction de style roman. À l’intérieur on y retrouvait le tableau « La Vision de Saint-Antoine », qu’on peut encore voir dans notre église. De l’histoire de cette première église, on retient surtout ce passage où l’on raconte qu’en 1759, une frégate anglaise qui remontait le fleuve, tira un boulet de canon qui transperça de part en part le mur de l’église, près de la toiture.

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Église Saint-Joseph, avec ses anciens clochers de bois.

En 1833, on élaborait des plans pour la construction d’une nouvelle église.  Il est noté que les matériaux de l’ancienne furent utilisés pour l’édification de la salle publique (Salle des Habitants).  Thomas Baillargé fut désigné pour tracer les plans de la future église.  Le 7 juillet 1835, l’évêque de Québec, Mgr. Joseph Signay, présidait à la bénédiction de la première pierre. Et le 24 décembre 1838, M. le curé François Morin bénissait la nouvelle église.

Ce qui frappe tout d’abord celui qui la voit pour la première fois, ce sont ses dimensions. Pourquoi une église aussi imposante pour un village, somme toute, plutôt petit? À ce propos, il est utile de rappeler que lors de la construction de l’église en 1837, les limites de Deschambault s’étendaient beaucoup plus loin, au nord et au nord-ouest, puisque les paroisses de Saint-Alban, Saint-Gilbert et Saint-Marc-des-Carrières n’étaient pas encore fondées. De plus, à cette époque, tous les paroissiens fréquentaient l’église et ce, malgré l’éloignement et les mauvais chemins, sous peine d’être traité de mécréant!

Mais, retournons admirer notre église… Ce qui retient l’attention en plus de l’imposante façade, c’est la double rangée de fenêtres. On dit que l’architecte Thomas Baillairgé a voulu ainsi accorder la même importance aux deux étages. À l’intérieur, on remarque en effet la structure des deux jubés latéraux. L’architecture intérieure toute de bois, a été exécutée de 1840 à 1850 par le sculpteur André Paquet, toujours d’après les plans de Baillairgé. Paquet a aussi été le maître d’œuvre de beaucoup d’autres ouvrages; entre autres, la chaire, une merveille de sculpture ornementale, et les trophées du sanctuaire – panneaux décorés de chaque côté du chœur –  qui sont remarquables.

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Église en 1957, avec les clochers actuels. À remarquer: le motif ornemental des portes du cimetière, et l’un des anges sculptés par Louis Jobin.

Durant la saison estivale, notre église est chaque année de plus en plus fréquentée par les touristes qui proviennent de tous les points du globe. Vraiment, il y a là de quoi être fiers… car bien avant les touristes, ce sont d’abord nous, les paroissiens de Deschambault, qui devons être les premiers admirateurs et les gardiens de notre patrimoine. N’est-ce pas?

À bientôt pour une autre page de l’histoire de notre église…

© Madeleine Genest Bouillé, 16 février 2017

(Pour plus d’information sur le patrimoine religieux de Deschambault, on peut consulter le Musée virtuel du 300e.)

« Y a une étoile pour vous »…

Nous avions jadis un curé que tout le monde aimait beaucoup. Il était proche de ses ouailles. Il trouvait toujours du temps pour écouter ceux et celles qui avaient des choses à lui dire. Ce n’était pas un homme qui « brassait la cage », pas un Jean-Baptiste… Simplement un pasteur, qui préférait nous parler d’un Dieu père, à l’écoute de ses enfants, plutôt que d’un Dieu inaccessible, trônant dans les hauteurs.

Qu’est-ce que notre ancien curé vient faire  ici aujourd’hui… Tout simplement parce que je viens d’entendre une chanson que ce cher curé aimait beaucoup. Vous vous souvenez sûrement d’Angèle Arsenault qui chantait : « Y a une étoile pour vous… y a une étoile pour chacun de vous ». Un des derniers Noëls avant que ce bon prêtre nous quitte, parce qu’il était très malade, cette chanson était alors à la mode. Irénée – c’était son prénom – aimait beaucoup les chansons d’Angèle Arsenault. Et tout particulièrement celle-ci. Il en avait fait le thème de son homélie de Noël. L’abbé Tessier n’était pas un grand orateur; il parlait tout simplement avec son cœur, mais tout le monde l’écoutait et disait ensuite : « Ses sermons, ils nous font du bien. »

nativite-1Comme le dit si bien Félix Leclerc dans La Grande Nuit (Andante) : « Les étoiles forcent les hommes à lever la tête vers le ciel. » Qu’y a- t-il de plus beau qu’une nuit étoilée? En hiver surtout, lorsque la neige éclaire de sa douce lueur bleutée la terre endormie. On se sent petit devant l’immensité du ciel, et en même temps, on ressent une grande paix… Mais je reviens à l’homélie de notre curé. Entre autres choses, il nous souhaitait que « cette étoile qui brille pour chacun et chacune de nous » nous apporte ce dont nous avons le plus besoin, ce que nous désirons le plus ardemment.

« Il y a tant d’étoiles dans le ciel »… Et alors défilaient toutes ces étoiles, qu’il aurait voulu nous offrir en cadeau. D’abord l’étoile « Bonheur », puis l’étoile « Joie » et aussi l’étoile « Espoir »; celle-là, c’était sa préférée. Il l’offrait à toutes les personnes qui attendent quelque chose d’important: la santé, du travail, ou le retour d’un enfant prodigue – ça n’existe pas seulement dans l’évangile. Il y avait encore l’étoile « Douceur », l’étoile « Sérénité ». Celles-ci étaient dédiées en particulier aux personnes qui vivent une grande peine ou une maladie grave. Des étoiles qu’on voudrait toujours présentes pour ceux qui souffrent,  qu’aucun nuage ne vienne les cacher jamais.

Il terminait son homélie en disant que « L’étoile la plus importante est sans contredit l’étoile « Amour ». Aujourd’hui comme au temps de notre bon curé, c’est l’étoile dont nous avons tous besoin; d’ailleurs sans elle, il n’y aurait jamais eu Noël! Elle fait la paire avec l’étoile « Paix », dont la brillance est tout aussi essentielle à l’époque où nous vivons qu’elle l’était au temps où naquit Jésus, dans un pays opprimé, sous la domination des Romains. Notre curé nous a quittés au cours des années 80. S’il y avait à l’époque des conflits entre certaines contrées, les pays occidentaux vivaient en paix. Mais depuis le 11 septembre 2001, s’est installé un sentiment d’insécurité qui ne cesse de s’accroître, alors que se produisent des attentats meurtriers dans divers endroits, et que la guerre sévit actuellement dans le pays qui fut, selon ce que raconte l’Histoire, « le berceau de l’humanité ». Plus que jamais nous avons besoin que l’étoile « Paix » brille de tout son éclat pour les hommes, les femmes et les enfants qui veulent vivre paisiblement, dans le pays où ils sont nés.

nadalEn terminant, j’aimerais offrir à chacun et chacune de vous qui me lisez, une étoile qui vous guide et vous protège tout au long de cette année 2017!

© Madeleine Genest Bouillé, 15 décembre 2016

L’école en d’autres temps

« Les choses ont bien changé… Dans mon temps… »

Plus on avance en âge et plus souvent on se surprend à répéter cette phrase! Par un beau matin, il y a quelques jours, nous étions en auto à l’heure où, un peu partout sur le bord de la route, on voyait des écoliers en attente de l’autobus. En bons grands-parents, on fait la remarque : « Mais ils ont donc de gros sacs à dos! Et comme ça semble lourd! » Et on ajoute : « Ils vont avoir mal dans le dos, plus tard! » C’est vrai qu’ils en transportent des affaires dans ce sac! Pour avoir souvent gardé nos petits-enfants – ce n’est certes pas fini! –  j’ai appris qu’à l’école primaire, en plus des effets scolaires, il y a dans le sac d’école le contenant du dîner et les deux collations, chacune dans son emballage. À l’école secondaire, même  s’ils prennent leur repas à la cafétéria, les sacs sont quand même toujours aussi remplis.

img_20160908_0001Quand j’étais étudiante,  j’étais externe, c’est-à-dire que je me rendais à pied au couvent, où j’ai fait toutes mes études. C’était bien différent de ce que nos jeunes vivent maintenant. D’abord, si le sac d’école était très léger au cours des premières années, il s’est alourdi petit à petit à partir de la  6e année. Les cours commençaient à 8 heures 20  et la classe finissait à 11 heures moins 10. Je retournais dîner à la maison; à midi trente, j’écoutais le début de l’émission radiophonique Le Réveil rural, avec le thème musical dont je me souviens très bien : « C’est le réveil de la nature… tout va revivre au grand soleil… » Une très belle chanson! Mais je reviens à mes moutons, c’est-à-dire, au couvent : à 1 heure moins 10, la cloche sonnait et nous retournions chacune à nos classes, les cours se terminant à 4 heures moins 10. Les grandes de l’Académie – élèves de la 8e à la 12 année – avaient une période d’étude de 4 heures 20 à 5 heures 20.  Durant la demi-heure qui précédait l’étude, les pensionnaires descendaient au réfectoire (on appelait ainsi la salle à manger) pour prendre une collation qui consistait généralement en une tartine de mélasse… sans doute que ce modeste goûter devait être accompagné d’un breuvage. Pour  la plupart des externes, en hiver ou quand la température était moins clémente, nous descendions au vestiaire, pour jaser et déguster le petit « en-cas » qu’on avait apporté de la maison. Quand il faisait beau, on se promenait dans la rue de l’Église et on allait parfois acheter quelques friandises au petit magasin de Mademoiselle Corinne Paris – aujourd’hui la Boulangerie « Soleil levain ».

sainte-enfance_jean_webParlant de friandises, il faut que vous raconte une de mes mésaventures. À l’époque, il existait beaucoup d’œuvres de bienfaisance destinées aux pays qu’on disait « sous-développés » – et qu’on appelle maintenant « en voie de développement ». Dans la même veine, plusieurs congrégations envoyaient des religieux et religieuses pour enseigner et soigner les gens dans ces contrées démunies tout en faisant connaître les bienfaits du christianisme. Les missionnaires avaient besoin d’être soutenus financièrement non seulement par leur communauté, mais aussi par les gens de leur pays, leur village natal. La religieuse qui était titulaire de l’Académie avait justement une sœur qui était missionnaire au Japon. Nous étions donc fortement incitées à contribuer aux œuvres missionnaires, surtout à la « Sainte-Enfance ».  Pour chaque pièce de 10 ou 25 sous, nous recevions une petite carte portant la photo d’un enfant de race noire ou asiatique. On disait qu’on « achetait » un petit noir ou une petite chinoise. On leur donnait un prénom… et c’était à qui aurait le plus d’enfants chinois ou africains!

acfa0Ma famille n’étant pas des plus fortunées, je ne donnais pas beaucoup de sous pour la « Sainte-Enfance », et on me le rappelait un peu trop souvent à mon goût. Surtout que, quand enfin j’avais un petit pécule, il était bien tentant d’utiliser ces quelques sous pour acheter une friandise chez Mademoiselle Corinne. Eh oui! Vous me voyez venir… Un beau jour de mai, il faisait beau, on approchait de la fin de l’année scolaire. J’avais reçu un beau 10 cents, pour je ne sais quel service rendu; on m’avait fortement conseillée de le donner pour la Sainte-Enfance. Mais voilà! Mes amies allaient toutes au petit magasin avant l’étude, j’y suis allée et… je n’ai pas résisté à l’envie de me payer une délicieuse Caramilk. Tout se savait dans cette sainte institution! J’aurais dû m’en douter… ma faute a été dénoncée à notre professeur. J’ai été réprimandée en pleine classe; j’ai reçu une punition, je ne sais plus laquelle, et bien entendu, mon nom a été effacé du tableau d’honneur! Jusqu’à la fin de l’année, fuyant la tentation, je ne suis plus retournée chez Mademoiselle Corinne… mais je n’ai pas non plus acheté ni petit chinois, ni petit noir!

© Madeleine Genest Bouillé, 10 septembre 2016

Une page d’histoire

Dans les années 50 – 60, fin mai, début juin, les associations paroissiales terminaient leur année d’activités. Il y aurait beaucoup à dire sur ce chapitre, les associations bénévoles étant florissantes à l’époque! J’ai donc choisi de vous parler cette fois des Cercles Lacordaire et Sainte Jeanne d’Arc. Ce mouvement d’Action Catholique célébrait chaque année l’anniversaire de sa fondation dans notre paroisse à la fin de mai.

IMG_20160529_0001Mais, commençons par le commencement… qu’est-ce que c’était que cette association  qui faisait campagne pour l’abstinence totale de boissons alcooliques ? On connaissait depuis déjà longtemps la Société de Tempérance, dont la grande croix noire se retrouvait dans la plupart des foyers québécois. Dans la foulée des nombreux mouvements d’Action catholique préconisés par le clergé, qui était omniprésent dans la vie sociale aussi bien que religieuse, un Dominicain, le Père Joseph Jacquemet, fonda en 1911 à Fall River, Massachusetts, le Mouvement Lacordaire. Cette organisation visait à contrer l’abus des boissons « enivrantes » qui était devenu un vrai fléau dans les familles à revenu modeste, surtout depuis la fin de la Prohibition. Au Québec, le premier cercle a été fondé en 1915 à Saint-Ours. En 1939, 3 000 membres Lacordaire étaient répartis dans 48 cercles… En 1955, on comptait 138 000 membres, hommes et femmes, celles-ci militant sous le nom de Cercle Sainte Jeanne d’Arc. Je n’ai pas la date exacte de la fondation du mouvement à Deschambault, mais je crois que c’était vers la fin des années 40. On pouvait faire partie du Cercle Lacordaire dès l’âge de seize ans. Eh oui! Les jeunes qui n’avaient pas encore « senti le bouchon » étaient sollicités! Pour la même raison qu’aujourd’hui, on leur dit : « Ne commencez donc pas à fumer si vous ne voulez pas avoir le trouble d’arrêter! » Pour nous, les jeunes – je suis entrée chez les Jeanne d’Arc à 17 ans –, une réunion du Cercle Lacordaire, c’était une sortie et une occasion de rencontres; plusieurs couples de Deschambault s’y sont d’ailleurs connus et fréquentés. Lors des réunions, il y avait toujours une partie récréative avec, parfois, présentation d’amateurs, musiciens, chanteurs. Et pour la soirée d’anniversaire, on montait une pièce de théâtre. Ces réjouissances ne se terminaient jamais sans un abondant buffet froid…. sans alcool, il va sans dire!

L’anniversaire du Cercle Lacordaire, c’était tout une fête! En plus des dignitaires locaux, on invitait ceux des paroisses voisines ainsi que les présidents régional et provincial du mouvement. À ce propos, je tiens à rappeler ici une tragédie qui a secoué tout le Québec à cette époque. Le Pape Pie XII avait décrété 1950, Année Sainte. À cette occasion, plusieurs pèlerinages à Rome étaient organisés. Au Québec, un groupe de pèlerins, s’étaient envolés vers  la Ville Sainte, dans un avion Curtiss-Reid, appelé « Le Pèlerin Canadien ». Le 13 novembre, au retour vers Montréal, une tempête hivernale faisant rage, l’avion s’est écrasé sur le mont Obiou, dans les Alpes Françaises. Environ 58 personnes sont décédées dans cet accident qui n’a laissé aucun survivant. Pourquoi « environ »? C’est que, officiellement, sept places étaient restées libres dans l’appareil. On n’a jamais su si ces places avaient finalement été occupées. Dans la liste des personnalités qui faisaient partie du voyage, en plus de plusieurs prêtres et religieux, on peut lire le nom du Président national du Mouvement Lacordaire, M. Roger Ellyson. Plusieurs membres Lacordaire faisaient partie des pèlerins de l’Obiou, dont deux personnes de notre région, M. Arthur Lavallée de St-Ubalde et Mlle Eva Guilbault de Grondines.

IMG_20151006_0001Je reviens à la fête anniversaire. Un franco-américain du nom de Victor Vekeman,  membre Lacordaire à Fall-River, avait écrit entre 1923 et 1950 un recueil de pièces de théâtre qui comportait des comédies et aussi des tragédies… évidemment causées par l’alcoolisme! On sait que Deschambault a une longue tradition de théâtre. Ainsi, il s’est donc formé parmi les membres Lacordaire et Jeanne d’Arc des débuts du mouvement,  un bon noyau de comédiens amateurs. Plusieurs pièces de Vekeman ont été jouées au cours de ces années et certaines ont été reprises dans les débuts de la troupe Les Fous du Roy. Mentionnons les comédies Heure de Folie, Une fille un peu bébête, Un oncle et une jolie fille. La première pièce que j’ai jouée en 1961 était justement un drame sur l’alcoolisme intitulé L’Absolution, de ce même auteur. Je jouais le rôle d’une femme d’ivrogne, vraiment « maganée ». On n’oublie jamais qu’on est mort sur scène!

Au début des années 70, le Mouvement Lacordaire avait perdu de sa popularité, conséquence normale de la Révolution tranquille… Mais justement cette époque verra naître d’autres formes de bénévolat qui sont encore très actives, telles la Biblio du Bord de l’eau, le Club de l’âge d’Or (devenu la Fadoq), la Société du Vieux Presbytère et la Corporation du Moulin de La Chevrotière qui ont fusionné pour devenir Culture et Patrimoine Deschambault-Grondines.  Les années 80 seront marquées par la création des Clubs Lions et Optimiste, des associations internationales de services qui viendront  prendre leur part dans la vie sociale de notre patelin.

On s’en reparle…

© Madeleine Genest Bouillé, 29 mai 2016

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Photo d’une « initiation » de quelques nouveaux membres Lacordaire à l’hiver 1961, à Deschambault (coll. privée Madeleine Genest).

Images de la vie d’autrefois: les années 30

IMG_20160415_0001Je regarde mes vieilles photos. Il y a vraiment de tout! Quelques-unes retiennent mon attention, en ce soir d’avril où j’aimerais avoir quelques dizaines d’années de moins… avec un dos en meilleur état! C’est sans doute ce qui me donne le goût d’aller faire un tour dans le temps passé, en partageant avec vous certaines de ces images qui me racontent les événements d’une autre époque. Voici tout d’abord une toute petite photo qui provient de la famille de mon mari. Cette grotte abritant une statue de Marie avait été érigée à l’endroit où est située la maison de notre neveu et voisin, Germain Bouillé. On ne connaît pas la date de la photo, ni celle de la construction de cette grotte, qui était entourée d’arbres. La jeune fille qui nous tourne le dos serait une des aînées de la famille, soit Marie-Marthe ou Marie-Claire. Peut-être était-ce un soir du mois de mai où l’on chantait « C’est le mois de Marie, c’est le mois le plus beau »…

IMG_20160415_0002Derrière cette photo, une « belle main d’écriture » a noté ceci : « Dimanche 18 mai 1930. Ruben Thibodeau, Corps de Cadets E. Plessis. Montréal ».  Ruben était l’unique garçon et le cadet d’une famille qui comptait quatre filles. La photo avait été donnée à Aurore Thibodeau-Laplante, dont il était le neveu. N’est-ce pas qu’il a l’air sérieux dans son uniforme de cadet! Des années plus tard, un été, j’avais peut-être 5 ou 6 ans, j’ai fait la connaissance de Ruben. Il était venu rendre visite à sa tante Aurore; c’était alors un monsieur très chic. Les cheveux noirs et luisants de brillantine, il était tout de blanc vêtu, de plus, il portait des souliers de deux couleurs, bruns et blancs. On disait de lui qu’il ressemblait à Rudolf Valentino. Mais moi, ce qui m’avait impressionnée, c’était sa voiture décapotable, noire et blanche. Je n’en avais jamais vu de semblable!

IMG_20160415_0003Encore une photo qui nous vient de Montréal! De la même écriture fine que la précédente, il est simplement écrit : « Juin 1931, Roch, 49 ans ». Roch Thibodeau était le frère d’Aurore. On disait de lui « qu’il avait réussi ». Pour preuve, la superbe voiture, l’élégance du costume et surtout, l’allure! Je ne me souviens pas quel métier il exerçait, mais je sais qu’il était marguillier dans sa paroisse. C’était donc un homme respectable!

IMG_20160415_0004Datée de 1934, cette photo  a sûrement été prise  au printemps. Après avoir « marché au catéchisme », les jeunes qui achevaient leur cours primaire, faisaient leur communion solennelle. Marie-Paule Laplante pose ainsi, fièrement dans sa belle robe de communiante, en face de la maison de ses parents. La communion solennelle qu’on appelait aussi Profession de foi, était un événement important; il marquait le passage de l’enfance à l’adolescence. Pour certains, c’était parfois la fin des études, surtout pour les jeunes qui avaient atteint l’âge de 14 ou 15 ans. On reconnaît la maison de M. Claude Gignac, qui appartenait alors à son grand-père, M. Ulric Gignac… un solide  monsieur qui a vécu plus de 100 ans.

Je vous reviens avec d’autres images de la vie d’autrefois, à Deschambault!

© Madeleine Genest Bouillé, 16 avril 2016

L’économie domestique, 2e partie

IMG_20160408_0003Dans le deuxième volume, on apprend d’abord que « la maison est l’abri et la protection de la famille. » On n’y va pas par quatre chemins : « L’individualisme, le communisme, la fascisme, le nazisme, le capitalisme mal compris et mal exercé sont les ennemis de la maison et de la famille. » Dans le premier chapitre, on nous met tout de suite sur la défensive : « La sécurité matérielle et économique exige des travaux de défense contre les multiples attaques qui sont d’abord, l’alcoolisme, la tuberculose, les maladies contagieuses, l’absence d’hygiène. Ensuite vient l’excès dans les amusements, les veillées trop nombreuses et trop prolongées, les sports qui s’attaquent aussi à la santé, les bavardages et les commérages. Un péril plus grand encore, peut-être, c’est la pression des réclames et des annonces… qui se traduit par la démangeaison d’acheter et de renouveler trop tôt certains articles. » On pointait déjà du doigt les ravages de la publicité abusive!

L’alternative à ces périls qui menacent la famille, c’est l’offensive pour promouvoir le bien. Je résume; c’est d’abord la morale et la religion : « Les parents feront la lutte à l’immoralité, en assurant  la bonne observance au jour du Seigneur… La famille fera une large part aux bonnes et simples vertus naturelles, telles la franchise, la sincérité et l’honneur. La vie intellectuelle mérite aussi une offensive. On donnera aux enfants l’avantage de fréquenter longtemps les écoles, le goût de la lecture; dans les programmes radiophoniques, on accordera la préférence aux causeries instructives. On surveillera les conversations pour en éliminer les propos risqués; les « illustrés » de certains journaux seront relégués à l’ombre ou jetés à la poubelle… »   

IMG_20160405_0005On en vient enfin à l’organisation matérielle de la famille. Un horaire journalier est proposé, qui ne laisse aucune place à l’improvisation : « 6h00 : lever des grandes personnes, toilette, prière et préparation du déjeuner.  6h30 : déjeuner des grandes personnes et lever des enfants. 7h00 : départ du père pour l’ouvrage. Les enfants déjeunent puis repassent leurs leçons. Les jeunes filles lavent la vaisselle du déjeuner. La mère lave les bébés et fait leur toilette. 7h30 : déjeuner des bébés suivi de leur « somme ». 8h00 : départ des enfants pour l’école et nettoyage quotidien des chambres par les jeunes filles, autre travail pour la mère. 9h00 à 10h30 : occupation hebdomadaire (voir le tableau suivant). 10h30 : préparation du dîner. Midi : dîner. 12h30 : lavage de la vaisselle, la mère couche les bébés. 1h00 : rangement de la vaisselle et de la salle à manger. 1h30 : toilette de l’après-midi.  2h00 : promenade des bébés, couture ou travail d’imprévu, les bébés sont confiés aux jeunes filles ou installés pour jouer à portée de la vue. 4h30 : retour des enfants de l’école. Goûter. Récréation au grand air. 5h00 : étude des enfants, la mère et les filles préparent le souper, le père revient du travail. 5h30 : souper des bébés et leur coucher. 6h00 : souper de la famille. 6h30 : lavage de la vaisselle, rangement de la cuisine et de la salle à manger, les enfants jouent. 7h30 : prière du soir en famille. Veillée dans la salle, les enfants font leurs devoirs, la mère et ses filles causent ou font quelque travail d’agrément. Le père lit son journal. Entre 9h00 et 10h00 : coucher de la famille. » Espérons que le père n’a pas été dérangé dans la lecture de son journal…

IMG_20160405_0003Le manuel décrivait ensuite l’horaire hebdomadaire de la maîtresse de maison. Cet horaire précis m’intriguait car il ne ressemblait en rien à ce que nous vivions chez nous, sauf le lavage du lundi… qui se prolongeait parfois le mardi!  « Lundi : lavage. Mardi : repassage. Mercredi : raccommodage et confection. Jeudi : Confection ou sortie pour emplettes et visites. Vendredi : ménage d’une partie de la maison : les chambres et le salon. Samedi : Ménage des autres pièces : salle, cuisine, chambre de bain, toilette, etc. » On ne parle évidemment pas du dimanche qui étant le jour du Seigneur, implique la messe, le dîner en famille; dans l’après-midi,  on reçoit ou on visite la parenté… et le soir on assiste aux Vêpres!

IMG_20160405_0007Un des derniers chapitres parle des RÈGLES DU SAVOIR-VIVRE. L’enseignement s’étend du « salut à la poignée de main, de la politesse au téléphone, et on en vient aux réceptions et relations de société. » On y parle des « soirées intimes », des « fêtes de famille », des « visites » et même de la « correspondance ». L’étiquette était très précise selon qu’on recevait des parents, des amis intimes ou d’autres personnes, et c’était la même chose pour les visites. Je vous livre un extrait du paragraphe « soirées intimes » : «Ces réunions révèlent plutôt un caractère d’intimité. Tout en causant on partage le temps agréablement entre les travaux à l’aiguille, les jeux d’esprit, le chant et la musique; des cartes et des tables sont à la disposition des amateurs de jeux. »

Au chapitre des Fêtes de famille, on souligne ceci : « Il est du devoir de la maîtresse de maison de maintenir et de respecter les liens de la plus douce fraternité, et de voiler tout ce qui contrarie l’affection entre les frères et les sœurs. Les principaux anniversaires, célébrés en commun, sont des évènements qui auréolent de joie le front parfois trop attristés de nos aïeuls. » Ensuite vient le délicat chapitre des « visites ». Des visites « du jour de l’An aux visites de condoléances, on passe par les visites de départ et de retour de voyage, visites aux malades, visites de retour de noces et visites de convenances ». Il y en a pour trois pages!

Nous arrivons enfin au chapitre de la correspondance. Au temps où le téléphone encore récent était utilisé surtout pour affaires et conversation urgentes, donc brèves, on écrivait beaucoup!  On écrivait aux membres de la famille absents, on écrivait aussi des « lettres de civilité » : lettres de remerciements, annonce d’un événement heureux ou malheureux, pour exprimer nos vœux de bonne année ou d’anniversaire, invitation, etc. Il y avait évidemment les lettres d’affaires, telles les lettres de demande d’emploi, pour lesquelles je me souviens qu’il existait des formules spéciales. Il me revient une anecdote; en 9e année, nous avions eu comme devoir d’écrire une lettre pour postuler un emploi. Une élève, un peu moins habile, avait débuté ainsi sa lettre : « Bien-aimé Monsieur… » La religieuse aurait pu lui faire ses remontrances en privé, mais non, elle avait lu le début de la lettre en pleine classe, en soulignant  la bévue. Toutes, nous avions éclaté de rire! Sauf l’élève en question qui était devenue rouge comme une tomate… et qui s’efforçait de sourire, gênée, ayant plutôt envie de pleurer.  Le genre de situation dont on se souvient et dont on n’est pas très fière…

IMG_20160405_0001Il y aurait encore beaucoup à dire sur les cours d’Économie Domestique. Quand nous finissions nos études, nous étions supposées avoir toutes les qualités nécessaires pour être des femmes accomplies, prêtes à occuper un emploi, d’enseignante, d’infirmière ou de secrétaire… évidemment, en attendant le « prince charmant », qui nous transformerait en épouse et mère de famille!

© Madeleine Genest Bouillé, 8 avril 2016

La Résurrection… une farce ou une histoire pour épater les enfants?

Il y a trois jours à l’église, en ce dimanche après Pâques, on a évidemment chanté des cantiques qui parlent de la Résurrection du Christ. Le dernier chant avait pour titre Nous croyons en toi le Ressuscité. Je suis donc revenue à la maison, ayant comme « ver d’oreille », ce cantique entraînant dont on a le goût de fredonner le refrain. Les paroles des couplets sont écrites comme une entrevue avec les différentes personnes ayant assisté aux apparitions du Christ après sa sortie du tombeau. G. Jalbert, qui m’est inconnu, est l’auteur des paroles et de la musique.

Pour moi, cet événement, le plus important dans toute l’histoire de Jésus, ce n’est pas une farce. Ce n’est pas non plus une histoire pour épater les enfants. J’aimerais être assez convaincante pour que vous, qui me lisez, soyez tentés de dire: « Et si c’était vrai… pourquoi pas? » Je suis une optimiste avec cependant des hauts et des bas. C’est sans doute ce qui explique que j’ai besoin de croire que la vie n’est pas juste un passage avec rien après. J’aime les beaux miracles. Et le plus beau parmi les beaux, n’est-ce pas justement la Résurrection?

Dans le premier couplet, on rencontre Marie, pas la mère de Jésus, l’autre, qu’on appelle plus souvent Marie-Madeleine. L’auteur l’interpelle ainsi: « Dis-nous, Marie, ce que tu as vu : le jardinier cet inconnu, entendant ton nom, tu l’as reconnu; c’était l’ami, c’était bien Jésus? » Il parle ensuite à Thomas; vous vous rappelez, celui qui ne croyait pas s’il n’avait pas touché du doigt… un sceptique, s’il en est! Il lui dit : « Dis-nous Thomas, ce que tu as vu, toi, l’incroyant. La plaie de son cœur, tu l’as bien touchée, tu l’as proclamé : Jésus, Seigneur ! » Un peu plus tard, rencontrant les gars d’Emmaüs, la mine abattue, il leur dit : « Dites, compagnons désespérés, il vous a rejoint, cet étranger.  Quand il a rompu le pain, vos cœurs brûlants vous ont révélé que c’était bien Jésus? » Et finalement, comme un bon reporter, notre homme s’adresse au leader du groupe, en lui rappelant ce mauvais souvenir : « Dis-nous, Simon, tu l’as entendu te demander : Toi, m’aimes-tu? –  Aujourd’hui tu le redis : tu sais bien, Jésus, que je veux t’aimer. Jusqu’à la mort, je te suivrai. »

 Il manque un bout à ce reportage. Le journaliste aurait pu conclure en disant ceci : « Selon les témoignages des personnes rencontrées, tout porte à croire que Jésus de  Nazareth, après avoir été condamné, torturé et crucifié, est vraiment ressuscité, comme il l’avait prédit. Si quelqu’un parmi vous avait des détails supplémentaires concernant cet individu, vous êtes priés de communiquer avec « L’Écho de Bethleem ». Cette histoire invraisemblable n’est certes pas terminée… »

© Madeleine Genest Bouillé, 6 avril 2016

Les cloches de Pâques

Dans mon enfance, la fête de Pâques et les Jours Saints qui la précédaient donnaient lieu  à plusieurs croyances et légendes, lesquelles, s’entremêlant dans notre imagination, nous ont laissé des souvenirs indélébiles.

Il y avait tout d’abord la branche de pommier ou de cerisier cueillie le dimanche de la Passion et qui, conservée dans l’eau, devait fleurir le jour de Pâques. Même si ça ne marchait pas toujours, ça valait le coup d’essayer. Et ainsi jusqu’au vendredi saint où l’on nous recommandait de garder autant que possible un silence religieux entre midi et trois heures, en souvenir de la Passion du Christ. Pour les plus petits, le fait d’être moins remuants pendant ces quelques heures, représentait déjà un tour de force! Je me souviens d’un certain vendredi saint, où avec mes frères plus jeunes et Florent, lequel pouvait passer de longs moments à regarder le ciel, nous étions devant la fenêtre de « la chambre à l’ouest », comme disait  maman. On nous avait dit que le vendredi saint, même s’il fait beau, le ciel s’assombrit quand approche l’heure de la crucifixion. Dans mon souvenir, il me semble que cette fois-là, nous sommes demeurés en attente du phénomène pendant plusieurs heures. Tellement, qu’il nous semblait voir toutes sortes de formes dans les nuages qui passaient… les plus fervents ont même vu une croix! Ne riez pas! Des enfants qui croient aux miracles, ça peut voir toutes sortes de choses!

poule-chocolat-640Parmi les coutumes religieuses, s’en glissaient d’autres beaucoup plus « terrestres ». Entre autres choses, il y avait la hâte de savoir si notre grande sœur avait confectionné nos paniers de Pâques… et si les cocos, les poules et les lapins étaient achetés. Et puis, la grande question : où pouvaient-ils bien être cachés? Là, on précisait chacun nos préférences; pour André, c’était les œufs à la crème Bordeaux, moi, j’aimais mieux la crème de fruits et noix. Il y aurait sûrement des œufs à la guimauve, ils coûtaient moins cher. D’un commun accord, on espérait qu’il y ait plusieurs cocos « Oh Henry ». De toute façon, quand on recevait nos paniers, nous comptions les cocos et les petits animaux en chocolat et souvent, on faisait des échanges. Quand nous avions épuisé le sujet, pour tromper notre attente si la température était douce, la tentation était forte d’aller dehors, faire des petits canaux pour que l’eau s’écoule… quitte à rentrer ensuite à la maison  trempés de la tête aux pieds! Mais ça aussi, ça faisait partie des plaisirs du printemps.

Ancienne carte postale de Pâques.

Ancienne carte postale de Pâques.

La plus belle légende de Pâques était sans contredit celle des cloches. On nous avait raconté que le jeudi saint, à l’heure où l’on chante le Gloria, les cloches partent pour Rome, pour ne revenir que le samedi durant la messe, encore au moment du Gloria. À l’époque, les offices de la Semaine Sainte avaient lieu en avant-midi, sauf le vendredi où  depuis très longtemps, la célébration est fixée à trois heures de l’après-midi. Pour en revenir à l’histoire des cloches voyageuses, ça se tenait, étant donné qu’entre le jeudi et le samedi, les cloches se taisent par respect pour la mort de Jésus. On ne les avait pas vues partir, on ne les verrait pas revenir; personne ne les voyait jamais. C’était un mystère comme tant d’autres choses inexpliquées. Quand même, les avons-nous guettées, ces fameuses cloches! On croyait même les entendre parfois. Comme on était heureux, le matin de Pâques, de les retrouver chacune à leur place dans le clocher. Elles sonnaient si joyeusement!

Pâques 1963, un nouveau chapeau!

Pâques 1963, un nouveau chapeau!

Un dimanche de Pâques parfait cela supposait qu’il faisait beau et assez chaud pour porter manteau et chapeau de printemps – pour les filles bien entendu. C’était aussi quand papa avait apporté un « coco de singe » (ainsi appelait-on la noix de coco). C’était surtout  quand on recevait nos paniers confectionnés patiemment par notre grande sœur Élyane, et où chacun avait ses friandises préférées. Moi, je me souviens aussi que parfois, Papa chantait la belle chanson Les Rameaux de Fauré.  C’était peut-être le soir, après souper ou à un autre moment, mais ce chant est demeuré dans ma mémoire avec son refrain  éclatant de la vraie joie pascale : « Hosanna! Gloire au Seigneur! Béni Celui qui vient sauver le monde! »

Joyeuses Pâques et bons cocos!

© Madeleine Genest Bouillé, 23 mars 2016

Clocher nord de l'église Saint-Joseph, avec la statue du saint patron, du réputé sculpteur Louis Jobin (crédit photo: Jacques Bouillé).

Clocher nord de l’église Saint-Joseph, avec la statue du saint patron, œuvre du réputé sculpteur Louis Jobin (crédit photo: Jacques Bouillé).

Histoire pour le temps du Carême

Mado 1951Voici une petite histoire que je n’ai jamais oubliée. J’étais en 5e année. De cela je suis sûre parce que je portais le ruban rose. Bon, vous allez vous demander quel rapport avec l’histoire? Les souvenirs sont rattachés à notre mémoire par toutes sortes de petits détails. Ainsi, du temps où le costume des filles qui étudiaient au couvent était la robe noire, nous avions au cou un ruban qui identifiait la classe dont nous faisions partie. Dans la classe de Mère Sainte-Flavie, les 1êre, 2e et 3e années, le ruban était rouge. En 4e et 5e, le ruban était rose. Les classes de 6e et 7e ainsi que l’Académie des grandes de 8e à 12e, portaient le ruban bleu des Enfants de Marie.

IMG_20160305_0003L’année 1950 avait été proclamée « Année Sainte » par le Pape Pie XII. Évidemment il y avait profusion d’images pieuses à l’effigie de ce Pape, qu’on disait « Pape de la Paix ». Jusqu’en 1953, ou même 54, j’ai reçu plusieurs de ces images avec l’inscription « Annus Sanctus 1950 ». Les religieuses n’étaient pas avares de récompenses et d’encouragement, des images, on en recevait! Images du Sacré-Cœur, de Marie, avec ou sans son enfant Jésus, des anges gardiens et tous les saints du ciel… J’en ai une belle collection! C’était surtout en français que j’en récoltais le plus. Détail qui a son importance, il y avait plusieurs formats d’images, les plus grandes étant environ de 4 pouces par 6 pouces.

IMG_20160305_0002Un jour, je venais justement de recevoir une image du Pape, une « grand format », cette fois. La cloche avait sonné, nous descendions l’escalier qui menait au vestiaire. Il fallait se dépêcher, on allait à la prière du Carême. Je portais mon image comme un trophée… à neuf ans, on n’a besoin de peu de chose pour être heureux! Je déposai l’image sur mon sac d’école, le temps d’endosser manteau, bonnet et bottes. Je n’étais pas la plus rapide… Quelques compagnes, qui n’étaient pas vraiment des amies, se moquaient de moi en disant : « C’est rien qu’une image, on en a des centaines!… des bien plus belles à part ça. Mets-là dans ton sac, grouille-toi, on attend après toi ». Je rétorquai : « Moi aussi, j’en ai en masse, des images. » Mais elles continuaient; les enfants sont parfois méchants… mais sans mauvaise intention, ils font ça juste « pour voir ». De fil en aiguille, espérant me débarrasser de mes tortionnaires, et aussi pour démontrer que j’étais plus indépendante que j’en avais l’air, je déchirai l’image en question, disant que je n’y tenais pas du tout, ce qui était faux bien entendu! Je gardais précieusement mes images dans une boite. Je les ai encore! Devant ce geste, dont je n’étais pas très fière je dois dire, les deux fillettes, l’air scandalisé, s’empressèrent de dire : « Qu’est-ce que t’as fait là? On va le dire à Mère. C’est péché de déchirer une image ». J’étais consternée, vous pensez bien! Je suis donc allée avec les autres assister à la prière du Carême à l’église; j’avais le cœur gros… je ne voulais surtout pas pleurer. Je croyais vraiment avoir fait quelque chose d’impardonnable. Cette sombre journée est toujours restée dans un recoin de ma mémoire, un petit coin où je ne vais pas souvent.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l'album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Année scolaire1948-1949 au couvent de Deschambault (photo tirée de l’album souvenir du centenaire du couvent en 1961.

Comme je m’y attendais, l’histoire a fait le tour du couvent. Mon professeur m’avait envoyée au bureau de Mère Supérieure, laquelle m’avait demandé pourquoi j’avais commis cette faute; comme je ne savais pas quoi répondre, elle me fit un sermon dont j’ai retenu surtout que j’étais irrespectueuse. En plein Carême, faire une chose aussi odieuse, je devrais m’en confesser, etc., etc. Je ne savais pas quoi inventer pour me défendre, j’avais beau dire que c’était la faute à celle-ci et celle-là, rien n’y faisait. Je ne retenais qu’une chose; on ne déchire pas une image pieuse! Cette année-là, je n’en reçu aucune autre jusqu’à la fin de l’année. Et pourtant, je continuais à avoir de bonnes notes en Français, en Histoire et en Géographie…

La religieuse qui nous enseignait connaissait assez bien ses élèves; elle avait sans doute deviné que ce geste de défi dont je n’étais pas coutumière était le résultat de ce qu’on appellerait aujourd’hui de l’intimidation! Heureusement, l’enfance a ceci de bien que le temps atténue les mauvais souvenirs. On ne les oublie pas, mais ils ne font plus mal!

Pâques peut venir… ma confession est faite!

© Madeleine Genest Bouillé, 9 mars 2016