La course qui n’a pas eu lieu…

Le lièvre et la tortue en sont un témoignage
Rien ne sert de courir, il faut partir à point.
À ceci je réplique : « Rien ne sert de partir…
Laisse courir le lièvre, il finira bien par revenir! »
Mais Sire Lièvre se retrouvera en ces pages
Avec un autre genre de personnage,
Pas plus pressé qu’il faut, calme et sage…

lievre

Un chasseur sachant chasser se retrouva un beau matin
Dans une belle forêt, de hêtres, d’érables et de pins.
Ce chasseur émérite savait comme tous ses pareils
Se hâter avec lenteur, savourant chaque merveille :
Quatre-temps, ail des bois, fougère et colchiques…
Respirant l’air pur et frais. Quel tonique!

Fusil en bandoulière, allant d’un pas léger, prudent,
Oreille aux aguets, œil vigilant, nez au vent…
Épiant les plus infimes bruits de la forêt,
Les supputant, devinant leurs secrets…
« Assurément ce bois est riche en gibier,
Je le sens! » Il faut avouer qu’il avait du nez!

Mais soudain, à cent pas de là, il se fait un remue-ménage
Un lièvre bondit, fait face et s’enfuit, quel dommage!
« D’où sort cet olibrius? » se demande notre chasseur.
« Que poursuit-il…de quoi aurait-il peur? »
Du coup, notre homme immobile, s’apprête et attend.
« Reviens coquin! Tu n’es pas loin pourtant. »

L’animal reparaît un instant, puis repart aussitôt.
« Serait-ce donc que tu veux faire la course?
Comme avec la tortue de la fable, pauvre sot!
J’ai pour toi mon beau, de quoi te donner la frousse.
Tu veux courir, grand bien te fasse.
Patient je suis, j’attendrai que tu te lasses. »

Le lièvre, beau joueur, à ces mots, réapparaît.
Mais sitôt dans l’autre sens repart d’un trait.
Le chasseur s’installe donc commodément.
Jouissant de ce fait de la beauté du moment.
Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures
Dit-on. Il en est de même des jeux, sauf erreur.

Le lièvre s’essouffle… À la fin quand il s’aperçoit
Dépité, qu’il est seul à courir en ces bois,
Il revient sur ses pas en trottinant, penaud.
« Tiens donc, tu n’es plus aussi faraud!
Dis-moi maintenant à quoi t’as servi ta vitesse?
Vivant toujours comme si tu avais le feu aux fesses? »

Épaulant son fusil, le chasseur reprit :
« Je regrette pour toi mon bel ami,
J’ai pour ma part passé excellente matinée,
Je te dis adieu, tu fus de bonne compagnie,
Tu termineras ta carrière en délicieux pâté. »
Et sur ce… Pan! Le coup partit!

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(Essai de fable d’après Le lièvre et la tortue de ce bon M. de La Fontaine.)

© Madeleine Genest Bouillé, 2008

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