Question de parlure – 2e partie

Question de parlure… c’est aussi question de vie! S’ils nous voyaient, nos grands-parents diraient qu’on est «gras dur» et «qu’on se plaint le ventre plein». Dans le temps, on se levait «à la barre du jour» et après un petit lavage « paroisse par paroisse », on allumait le feu et on faisait le thé. Ma mère, qui avait des superstitions pour tout, disait : «Laissez pas bouillir le thé, les cavaliers viendront pas!». Après un solide déjeuner, pendant que les filles faisaient la vaisselle, les petits gars rentraient le bois qui alimenterait le poêle durant la journée. Ensuite, même s’il faisait «un temps à pas mettre un chien dehors», les enfants, chaudement vêtus de «culottes à grand’manches, bougrine, capot, capine, crémone et mitasses, les pieds chaussés de claqués», partaient pour l’école, à pied comme de raison. Pour tout le monde, la journée était commencée. On travaillait d’une étoile à l’autre en se «mouvant les guetorses», façon de dire qu’on ne se traînait pas les pieds, l’important étant de faire chaque chose en son temps.

Les ménagères cuisinaient de manière à ne pas «jeter les choux gras». Gaspiller la nourriture, ça ne se faisait pas! Par exemple, les restes du rôti de bœuf du dimanche midi servis sous forme de ragoût, de hachis ou de pâté, agrémentés de légumes, surtout de patates et d’oignons, nourriraient la famille pour plusieurs repas. Ah! Les patates et les oignons! Qu’aurait-on fait sans eux! Le vendredi étant un jour maigre, c’est-à-dire, sans viande, le poisson était à l’honneur. On le remplaçait parfois par des crêpes, une omelette ou un «chiard blanc», fait de patates et d’oignons fricassés dans une sauce blanche. Une expression en usage disait que le vendredi, c’est le jour «où le ventre nous retire.»

On n’était pas riche, mais les mères avaient à cœur que leurs enfants ne soient pas «habillés comme la chienne à Jacques». Il demeure que les petits garçons qui grandissaient trop vite se retrouvaient bientôt avec «les culottes à mer haute». On leur demandait en riant : «Y a t-y de l’eau dans la cave chez vous?». Pour les robes des filles, habituellement cousues à la maison, on faisait un bord assez large pour rallonger le vêtement une ou deux fois. Quand on ne le pouvait plus, on posait un «rossignol», c’est-à-dire, une bande d’étoffe qu’on insérait entre la taille et le corsage. La robe était bonne pour une saison de plus. Et voilà! Personne ne se plaignait… on savait que ça n’aurait servi à rien de «chiquer la guenille», les parents avaient toujours raison!

À suivre…

© Madeleine Genest Bouillé 2015

2 réflexions sur “Question de parlure – 2e partie

  1. Que de mots… ou on retrouve notre grand-mère !!! et si bien tournés qui nous rendent impatient de la prochaine lecture. Bravo !! ma tante c’est vraiment extraordinaire que tu puisse mettre visages à des expressions…. J’espérait tellement qu’un jour arriverait sous ta plume …. Et voilà !!!!!!!!!! Encore !! Bravo !! Tu as le génie des mots…

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  2. Ma mère avait elle aussi ses superstitions. Entre autres, il ne fallait surtout pas ouvrir un parapluie dans la maison ou déposer un chapeau sur un lit; ce n’était pas chanceux!
    J’aime aussi beaucoup tes écrits ¨Questions de parlure¨, ça nous ramène loin en arrière.
    Bien d’accord avec Nataly, tu as le génie des mots!

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